Dans laRome antique,pontifex maximus (grand pontife) est le titre donné au grand prêtre à la tête ducollège des pontifes. C'est la charge la plus élevée en prestige et en obligations au sein de lareligion publique romaine, et celui-ci a pour résidence laRegia, palais des anciens rois de Rome.
Lespontifes sont chargés de l'entretien du pont sacré(pont Sublicius) et de surveiller la bonne observance des pratiques religieuses au sein des différents collèges de prêtres de la cité. Ils s'occupent aussi des temples ne disposant pas de collège propre.
Le recrutement des pontifes se fait par cooptation et la charge de pontife ainsi que celle de grand pontife est exercée à vie. Cette fonction a varié selon les époques. Dans la plupart des cas, le grand pontife n'a d'autre insigne qu'unsimpulum ; cependant, quelquefois unesecuris pontificalis aliassacena ou unesecespita s'y ajoute, c'est-à-dire les instruments pour le sacrifice rituel.
D'aprèsDenys d'Halicarnasse[1], les pontifes étaient ainsi nommés en raison d'une de leurs fonctions : la réparation du pont de bois. D'aprèsVarron[2], les pontifes étaient ainsi nommés parce qu'ils avaient construit lepons sublicius enjambant leTibre et sur lequel étaient célébrés des sacrifices solennels. L'étymologie est contredite parTite-Live : d'une part, la charge de faire fabriquer et réparer les ponts ne figure pas dans la liste des fonctions pontificales[3] ; d'autre part, les prêtres institués et dénommés pontifes parNuma[3] existaient avant le pont Sublicius qui n'aurait été construit que sousAncus Marcius[4]. D'autres étymologies ont été proposées. D'aprèsQuintus Scævola, rapporté par Varron[2], pontife dériverait deposse (pouvoir) etfacere (faire).
S'il ne s'agit pas nécessairement de l'entretien du pont sacré, étymologiquement, le terme signifie pour autant « celui qui fait les ponts » (pons -facere). Cela peut effectivement se rapporter à l'entretien des ponts — le Tibre étant un fleuve sacré dans la Rome antique, il fallait une autorité particulière pour en modifier le cours — cependant, ce pont est aussi métaphoriquement « ce qui relie », ce qui amène nécessairement au terme dereligio (d'où religion enfrançais). Lepontifex pourrait donc être aussi, de manière symbolique, celui qui établit le lien (religio) entre les hommes et les dieux[5].
Néanmoins, le motpons signifiait à l'origine « voie » et pontifex signifierait ainsi « faiseur de routes et de ponts »[6], « faiseur de chemin », « celui qui fait le passage », c'est-à-dire celui qui exécute les tâches matérielles du sacrifice[7].
Il établit le calendrier des jours fastes (jours ouvrables) et néfastes (jours fériés), consacre les édifices, garde les livres sacrés, il intervient dans les rituels et les cultes privés, il préside certaines cérémonies comme lesArgées, nomme les autres prêtres :flamines etvestales. Il présidait aussi au culte national desdieux capitolins. En outre, ils tiennent les archives de Rome : ils consignent les faits notables dans les Grandes Annales (annales maximi), ainsi que divers événements comme les cultes, les précédents en matière de droit. Les Grandes Annales sont tenues secrètes pendant longtemps jusqu'à ce que le grand pontifeMucius Scævola les rende publiques vers-130.
À la fin de la République romaine, en63 av. J.-C., sur proposition dutribun de la plèbeTitus Labienus, la charge de grand pontife devient élective, par vote descomices tributes.Jules César devint ainsi grand pontife de -63 à-44[8]. À ce titre, il réforma le calendrier qu'on nommacalendrier julien. Après sa mort, c'est letriumvirLépide qui récupère la charge, de -44 à-12. À sa mort, c'est Octave, devenu entre-tempsAuguste, qui s'en empare afin de compléter par la dimension religieuse l'ensemble des pouvoirs qu'il avait jusque-là accumulés après la victoire contreMarc Antoine (imperium consulaire,puissance tribunicienne conférantintercessio et sacro-sainteté, etc.).
En14, à la mort d'Auguste, lesempereurs suivants sont élevés au titre de grand pontife. Ce titre est abrégé P. M. ou Pont. Max. entre autres dans leur titulature et sur les pièces de monnaie et il sera porté y compris par les premiers empereurschrétiens. Cette dignité leur octroie donc, en plus de larges pouvoirs civils, militaires, et juridiques, le contrôle de la vie religieuse officielle. AuIer siècle, lacollation du souverain pontificat est encore un acte distinct et postérieur à celle des autres prérogatives impériales. Cette particularité disparaît ensuite et l'empereur reçoit en bloc, dès son avènement, l'ensemble de ses pouvoirs.
De toutes les grandes dignités attachées à la fonction impériale, le souverain pontificat est la dernière qui soit restée indivisible. En161,Marc Aurèle etLucius Verus revêtent sur un pied d'égalité le pouvoir impérial ; exception est faite pour le souverain pontificat, dont seul Marc Aurèle porte le titre et assume la charge.Septime Sévère fait de même avec ses deux fils,Caracalla etGéta.
C'est seulement en238, à l'avènement deBalbin etMaxime Pupien, que la prérogative religieuse depontifex maximus est également attribuée aux deux collègues. Cela devient la règle pour les derniers siècles de l'Empire.
Sous l'Empire, comme souverain pontife l'empereur intervient dans le recrutement des prêtres, avec droit de présentation pour les collèges élus par le peuple (augures,pontifes,Quindecemviri sacris faciundis,fétiaux). Il nomme aussi directement toute une série de prêtres et préside au recrutement desvestales. Lui revient la surveillance des cultes étrangers, la consultation deslivres sibyllins et l'organisation desjeux séculaires.
ConstantinIer (qui favorisa les chrétiens) et ses successeurs, même baptisés, prirent eux aussi le titre depontifex maximus.
Durant l'hiver382-383, l'empereurGratien, parmi de nombreuses mesures contre les religions anciennes, abandonna ce titre, tandis que son frèreValentinien II ne le porta pas[9]. Le titre n'est alors plus porté pendant des siècles, jusqu'à ce que lepapeThéodoreIer le reprenne en642.
Aujourd'hui, letitre depontifex maximus est réservé aupape, également appelésouverain pontife (summus pontifex) oupontife romain (pontifex romanus). Le règne d'un pape est appelépontificat et l'ancien domaine papal était connu sous le nom d'États pontificaux.
Jacqueline Champeaux, « Ponts, passages, religion à Rome » dansLes Ponts au Moyen Âge sous la direction de Danièle James-Raoul et Claude Thomasset, PUPS, 2006,(ISBN2-84050-373-5), p. 261-276.
FrançoiseVan Haeperen, « Des pontifes païens aux pontifes chrétiens. Transformations d'un titre : entre pouvoirs et représentations »,Revue belge de philologie et d'histoire,t. 81,,p. 137-159(lire en ligne).
Françoise Van Haeperen,Le collège pontifical (3e s. a.C.-4e s. p.C.). Contribution à l'étude de la religion publique romaine, Bruxelles/Rome, Institut historique belge, 2002.