Aucinéma, unplan-séquence est unplan qui consiste en une prise de vues unique se déroulant en plusieurs endroits d'un même lieu ou successivement en plusieurs lieux reliés l'un à l'autre. Cette dimension d'ubiquité fait que le plan-séquence comprend forcément de nombreux mouvements de caméra,panoramiques ettravellings (sinon, il s'agit d'un plan long situé dans un même décor, voir ci-dessous).
Son utilisation la plus fréquente consiste à suivre un personnage pendant le temps de son déplacement au travers d'un décor ou plusieurs décors.« Le refus de morceler l'événement, d'analyser dans le temps l'aire dramatique est une opération positive dont l'effet est supérieur à celui qu'aurait pu produire le découpage classique.../... [Il] suppose le respect de la continuité de l'espace dramatique et naturellement de sa durée. »[1] Le plan-séquence peut être introduit tel quel dans le film, sans être morcelé par lemontage et sans être mélangé avec d'autres plans ; il reste techniquement un plan unique, d'où son nom. Cependant, un plan-séquence peut aussi devenir unmaster shot ; il est alors, au montage, entrecoupé d'autres plans dits de coupe, de grosseur différente, ou morcelé en plusieurs tronçonsmontés « cut ».
« Le plan-séquence est souvent confondu avec le plan long, un plan qui contient une scène complète dans un cadrage fixe[2], » comme dans le film deChantal Akerman,Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles, dans lequel la réalisatrice utilise ce genre de plans pour confiner encore plus le personnage principal dans son univers mental clos et répétitif.
Un plan-séquence peut durer de quelques dizaines de secondes à plusieurs minutes, voire plusieurs heures comme dans le filmBirdman, la limite technique (avant l'ère numérique) étant celle de la durée d'une bobine de 300 mètres au format 35 mm, soit moins de 12 minutes. Aujourd'hui, les différents supports numériques offrent cependant beaucoup plus de possibilités puisque certaines caméras peuvent tourner plus de deux heures sans arrêt[3].« L’utilisation dramatique du plan-séquence est magistralement illustrée dès 1930 dansM le maudit, deFritz Lang, où l’on voit les activités interlopes auxquelles se livrent les membres de la pègre au siège de leur amicale ou syndicat. La caméra, étonnamment véloce pour l'époque et curieuse, aligne l’un derrière l’autre deux plans-séquences, l’un d’une minute quarante et l’autre de quarante secondes[4]. »
PourLa Corde (1948),Alfred Hitchcock décide de donner l'impression que le film dure le temps de l'action — c'est pourquoi le décor est ouvert sur une « découverte » du ciel dont le passage du jour au soir et à la nuit va marquer l'écoulement du temps — et envisage de tourner le film en un seul plan-séquence, mais il sait que cela est impossible à l'époque, lesmagasins des caméras disponibles ne pouvant pas contenir plus de 1 000 pieds (approximativement 300 mètres) de pellicule 35 mm. De ce fait, le film doit être morcelé en plusieurs segments de10 minutes au plus. Pour masquer le passage d'un segment à un autre, chaque plan tourné prend fin sur un objet, par exemple, un travelling avant sur le dos d'un personnage. Le plan suivant repart dans un même travelling sur le même dos, leraccord est permis par le fond neutre. Ce peut être aussi le passage de la caméra derrière un obstacle du décor (colonne, cloison). La totalité du film ne consiste donc pas en un plan-séquence, mais en une suite de onze plans différents qui s'enchaînent en produisant peu ou prou l'impression d'être un seul plan.
Le plan-séquence est souvent difficile à maîtriser, notamment à cause desmouvements de caméra qui accompagnent ce type de plan, car il faut surveiller de près lechamp de la caméra et ses variations (moments précis où les acteurs entrent et sortent du champ, nécessité de ne pas voir les accessoires du tournage tels lesmicros etprojecteur). D'où l'obligation de le répéter plus que toute autreprise de vues, pour que tous les intervenants (acteurs et techniciens) s'accordent dans leur jeu. L'apparition dusteadicam dans les années 1970 a facilité l'enregistrement des plans-séquences, l'opérateur steadicam pouvant contrôler et modifier plus facilement le déplacement de la caméra. En revanche, pour le plan-séquence de plus de 12 minutes qui ouvre le film deBrian de PalmaSnake Eyes,« on peut estimer à sept ou huit le nombre de plans composant ce fameux et faux plan-séquence. Il faut y regarder de plus près et voir plusieurs fois cette séquence photogramme par photogramme pour en apercevoir les coutures. Mais l’illusion est parfaite, c’est du vrai cinéma ![5] »
À cause de sa difficulté et en conséquence de son manque de productivité, le plan-séquence était rarement utilisé à latélévision. Une des rares exceptions fut l'épisodeTriangle de lasérieX-Files (saison 6, épisode 3), réalisé (et écrit) par le créateur de la sérieChris Carter : les 44 minutes de l'épisode sont filmées en 4 plans-séquences de 11 minutes chacun enchaîné. Carter cite d'ailleursLa Corde comme référence. Autre exemple : l'épisodeWho goes there (saison 1, épisode 4) de la sérieTrue Detective, dont le final est un plan-séquence de 6 minutes. Depuis la généralisation des tournages caméra à l'épaule (ou au steadicam), le plan-séquence est désormais utilisé abondamment en télévision, non pas en tant qu'effet de style, mais pour gagner du temps de tournage en bénéficiant d'une mise en place plus rapide (et parfois très improvisée) du jeu des comédiens. En 2025, chaque épisode de la sérieAdolescence est constitué d'un seul et unique plan-séquence[6].
Le plan-séquence a également été beaucoup utilisé dans l'univers duvidéo-clip. L'intérêt (et le défi) est alors de pouvoir tourner l'intégralité du clip en un seul plan.
Citons par exemple les clips réalisés parMichel Gondry, notamment pourKylie Minogue (Come Into my World),Lucas (Lucas With the Lid Off),Massive Attack (Protection etUnfinished Sympathy) ou encoreCibo Matto (Sugar Water). De même, le clipWannabe desSpice Girls en 1996,Feist (1 2 3 4), ouFresh desDaft Punk.Paul Thomas Anderson utilise aussi le plan-séquence pour le clipTry interprété parMichael Penn. Les clips du groupeOK Go sont tournés en plan-séquence. Le clip deBruno Mars,The Lazy Song, est aussi un plan-séquence.
Plus récemment on peut aussi citer15h02 Regarde comme il fait beau dehors, ainsi queInachevés, desCasseurs Flowters ou bienMe Gusta du groupeDTF. Bien entendu, leseffets spéciaux numériques viennent au secours de l'imagination des réalisateurs en permettant de relier en douceur des plans séparés.
Le plan-séquence est également utilisé dans laK-pop, comme le clip deGrowl du groupeEXO ou celui de1, 2, 3! du chanteurSeungri.
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