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Laplèbe (dulatinplebs,plebis) est une partie du peuple (populus)romain, c'est-à-dire lescitoyens romains, distincts desesclaves. La plèbe — lesplébéiens — se définit par opposition auxpatriciens.
Dans le langage courant moderne, laplèbe désigne lepeuple par opposition auxélites depouvoir.
Tout au long de la période romaine, la plèbe a revêtu une connotation négative. Elle réunissait ceuxqui non gentes habent, qui n'appartenaient pas au monde desgentes, autrement dit qui se distinguaient des membres dupatriciat. Les origines de la plèbe font, encore aujourd'hui, l'objet de nombreux débats. Certains historiens considèrent que les plébéiens descendent de familles installées àRome après les patriciens, ou encore qu'ils appartiendraient à des peuples vaincus transplantés partiellement dans l'Urbs. La plèbe est donc composée de la multitude des citoyens, mais cela n'exclut pas la formation d'une élite, à laquelle s'apparentent de riches notables.
Selon la tradition rapportée par Tite-Live, la plèbe naît de la sécession de 494 av. J.-C., lorsqu’une partie du corps civique quitte la ville de Rome, alors que la convocation par lesconsuls était imminente pour faire face à une guerre étrangère, et refuse de revenir malgré les sommations des patriciens. Il est donc question d'un refus, celui de certains individus - qui composent la majorité de l'armée - de participer au devoir le plus élémentaire ducitoyen romain, à savoir la défense de la Ville.
Cette sécession est probablement liée à une crise économique, l’historien romainTite-Live invoquant l’esclavage pour dettes de nombreux citoyens pauvres. C’est d’ailleurs une situation similaire qui a provoqué les réformes deSolon en Grèce. On peut aussi évoquer une déception politique. En effet, depuis l’établissement de la République, l’exemple de la démocratie athénienne (réforme deClisthène) était connu, et avait suscité des espoirs déçus par la mise en place d'une république oligarchique, lésant les droits politiques d’une partie du peuple (au sens dupopulus romanus, c’est-à-dire de l’ensemble des citoyens).
Après s’être donné des institutions et avoir prêté serment, la nouvelle entité politique réintègre lacité. Cetterévolution permanente légalisée, selon l’expression deTheodor Mommsen parvient à équilibrer les institutions oligarchiques de Rome, au cours d’un siècle de luttes, entre la pression quotidienne de l’intercessio tribunicienne et la menace de la sécession, de la grève de la guerre et de la défense de la cité, lorsque la plèbe se retire sur l’Aventin.
Affichage de la loi des XII tables (planche 36 desFigures de l'histoire de la république romaine accompagnées d'un précis historique deClaude-Nicolas Malapeau, vers 1799).
La plèbe est née de la lutte contre l’arbitraire de la constitution non écrite de509 avant Jésus-Christ. Elle cherche notamment à limiter l’« imperium » consulaire. À partir de462 avant Jésus-Christ, la plèbe réclame la mise par écrit d’une loi, connue de tous, fixant l’étendue de ces pouvoirs. Les revendications énergiques deC. Terentilus Arsa,tribun de la plèbe, combinées aux sécessions, ont raison de la résistance dupatriciat, avec l’établissement du collège desdécemvirs.
La tâche de codification va bien au-delà de la fixation par écrit des pouvoirs du consul. Elle établit une loi égale pour tous, dans tous les domaines de la vie ; elle permet à tous de bénéficier duius matrimonii, qui règle mariages, successions et tutelles.
Enfin, elle établit en apparence une concorde entre plèbe et patriciat : d'une part, ce dernier garde le monopole sur leconsulat et, d'autre part, obtient, l’interdiction duconubium, c'est-à-dire un intermariage entre plébéiens et patriciens. Plus implicitement, ce sont les alliances matrimoniales entre l'élite plébéienne, lesgentiles de haut rang, voire certains patriciens, que cette mesure, des plus conservatrices, cherchait à paralyser. Si ces alliances venaient à voir le jour, l'intégrité même de l'organisation gentilice, autrement dit du patriciat, serait menacée. Nous comprenons donc bien les intérêts que suscitait le contrôle des mariages à cette époque.
Le coupable d’une atteinte aux tribuns de la plèbe ou aux édiles de la plèbe (atteinte physique ou atteinte à leur autorité) est désormais consacré à Jupiter, et le produit de la vente de ses biens confisqués va àCérès, Liber et Libera. Un homme consacré à Jupiter n’est plus défendu par la cité des hommes, mais parJupiter, auquel il appartient. Mais cette consécration ne le rend pas intouchable : on considère que si le dieu s’estime lésé de la mort ou des blessures de l’homme qui lui a été consacré, il punira le responsable de ses pouvoirs divins mieux que la justice des hommes. En pratique, cela équivalait à une autorisation de mise à mort, avec l’impunité pour les responsables. Enfin, en associant latriade capitoline à la triade plébéienne, les patriciens reconnaissent d’un point de vue religieux l’égalité plèbe-patriciat.
Désormais, lesplébiscites, s’ils sont ratifiésa posteriori par unsenatus-consulte, obtiennent valeur de loi liant l’ensemble du peuple romain (alors qu’auparavant, seule la plèbe s’engageait à respecter lesplébiscites). Lessenatus-consulte ratifiant unplébiscite sont désormais archivés par lesédiles de la plèbe. La plèbe utilise ensuite de façon intensive ce poids supplémentaire donné à ses décisions pour réformer la cité.
Enfin, toutes les décisions de tous les magistrats, et notamment des consuls sont soumises à laprovocatio ad populum, c’est-à-dire à un appel au peuple, réunis encomices centuriates. Les peines de mort et les fortes amendes sont concernées. Cette innovation apporte trois conséquences importantes :
lesconsuls deviennent véritablement collégiaux, avec égalité de pouvoirs tout au long de l’année, ce qui est une première limite à leurs pouvoirs ;
L’imperium consulaire est ainsi sérieusement entamé, avec en parallèle la reconnaissance du contre-pouvoir des tribuns, qui est cependant limité :
l’intercessio tribunicienne ne s’exerce que contre l’imperium domi : en dehors de la ville, elle n’existe plus, et la seule limite aux pouvoirs du consul est une éventuelleintercessio de son collègue ;
L’essentiel est cependant acquis, avec la supériorité du tribun sur le consul, qui vient s’ajouter à la mise par écrit des lois, l’élection des consuls, etc.
La dernière conquête importante de la plèbe fut l’accès auconsulat, par le compromis licinio-sextien, en367 av. J.-C.
Dès sa constitution, la plèbe décide de construire un temple à un trio de dieux, symétrique de latriade capitoline. Ce fait est à lui seul révélateur de l’ampleur de la crise, et du désir de s’installer pour longtemps dans une opposition aupatriciat romain.
Les trois divinités honorées sontCérès,Liber etLibera. Le temple est construit hors dupomœrium, au pied de l’Aventin. Il fut dédié en493 av. J.-C. parSpurius Cassius. Comme les temples du Capitole, ils abritent des divinités protectrices, le trésor de la plèbe et ses archives. Lesédiles de la plèbe y étaient attachés.
Les représentants sont lestribuns de la plèbe. Cette institution est d’abord élue par la plèbe réunie dans un cadre analogue auxcomices curiates, puis par une nouvelle assemblée, lesconcilia plebis. Ils étaient toujours choisis parmi la plèbe, pour éviter qu’unpatricien ne s’oppose systématiquement parintercessio à l’action du reste de ses collègues. Pour plus de détails, voir l’article consacré auxtribuns de la plèbe.
La seconde institution propre à la plèbe apparaît un peu plus tard, en494 avant J.-C. avec la création desconcilia plebis (ou concile de la plèbe). À la différence descomices, qui sont des assemblées légales du peuple romain, convoqués par un magistrat, qui assemblent les citoyens, lesconcilia plebis sont des rassemblements, des réunions volontaires, hors du cadre juridique civique. Jusqu’alors, les tribuns de la plèbe étaient élus par les plébéiens, réunis dans un cadre analogue à celui descomices curiates (mais qui n’étaient pas lescomices curiates, puisque les tribuns de la plèbe n’avaient pas le pouvoir de les convoquer)[1].
Lescomices centuriates élisent les magistrats et votent la loi tandis que les conseillers de la Plèbe élisent les tribuns de la plèbe et votent l’équivalent de la loi lorsqu'elle concerne les plébéiens, on appelle ces lois : PLEBISCITA (les plébiscites : décisions de la plèbe).
Cette organisation ne dure pas : peu à peu une nouvelle assemblée populaire encore appelée « comice » apparaît et lescomices tributes vont être mis en place. Dans ces comices tributes les citoyens sont rangés en tribus. Ici, le terme « tribu » n'est pas employé dans le sens de peuples différenciés, il s’agit de découpages du territoire de Rome. Ainsi les citoyens romains sont classés selon leur quartier/leur lieu de résidence, et, grâce à cela, on peut trouver au sein d’une même tribu à la fois des plébéiens et des patriciens[2].
Le choix s’est porté sur le cadre des tribus pour plusieurs raisons :
depuisServius Tullius, la citoyenneté romaine se détermine par l’appartenance à une tribu ;
dans ce cadre-là, pas d’avantage donné aux riches ou aux seniors ;
les pressions issues du cadre patriarcal de lagens et qui étaient facilitées par lescomices curiates disparaissent.
Ainsi, tous les citoyens qui se reconnaissent dans la plèbe, qui reconnaissent l’autorité du tribun de la plèbe, et qui ont prêté serment, sont égaux entre eux.
Cette nouvelle institution, les comices tributes, va faire disparaître par la suite lesConcilia Plebis. En effet, À partir de 287, lalex hortensia précise que dorénavant les comices tributes votent toutes les lois, les concilia plebis n'ont plus lieu d'être. De même, après cela plus aucune loi n’est votée par lescomices centuriates (cependant l'institution résiste pour l'obligation militaire).
Ils furent créés en même temps que les tribuns de la plèbe. Tout comme eux, ils sont inviolables.
Ils sont chargés d’entretenir le temple de la triade plébéienne et d’en assurer le culte. En cas de disette, ils sont chargés de la surveillance des marchés et des distributions de blé.
La plèbe est un mouvement d’opposition au patriciat et aux institutions oligarchiques de la cité qui le favorisent. Elle accueille tous ceux qui adhèrent à ses idéaux, et se rapproche ainsi d’un parti, ou d’un syndicat. Elle n’exclut personne : n’en font pas partie ceux qui ne veulent pas en faire partie comme des patriciens ou des clients.
Ainsi, certains patriciens font partie de la plèbe, puisqu’on est de la plèbe par choix (exemple :Spurius Cassius, consul en502 av. J.-C.,493 av. J.-C.,486 av. J.-C.). Marcus Claudius Pulcher, d’une famille patricienne, se fit adopter par un plébéien et changea son nom -nomen - enClodius - pour marquer sa préférence plébéienne. On distingue au sein de la plèbe différentes couches sociales.
La partie la plus riche des plébéiens, vivant comme certainspatriciens, parce qu’ils étaient juste en dessous ducens requis ou qu’ils effectuaient des professions incompatibles avec ladignitas nobiliaire.[pas clair]Certains de leurs ascendants ou descendants, possédant le cens, poursuivront lecursus honorum.
lesnegotiatores sont des marchands en gros.
lesargentarii sont des financiers. Cette profession nécessite des fonds très supérieurs au cens minimum mais est incompatible avec un homme de bien[3]. Certains l’étaient par choix.
Tous ces hommes agissent en groupe social cohérent, ils harmonisent leurs intérêts dans le cadre deconventus. Ils sont proches de l’ordre équestre qui occupe les postes de lamagistrature romaine, partagent les coutumes sociales (clientélisme,évergétisme) et les intérêts culturels de ceux-ci.
Elle est formée par une large couche d’artisans (artes) dont on a pu dénombrer, sur les pierres tombales, plus de 160 spécialisations contre une centaine en France duMoyen Âge.
Les boutiquiers (tabernarii) constituent la part la plus active de la plèbe. Ils sontcitoyens,affranchis oupérégrins. Ils peuvent posséder des esclaves pour les aider dans leurs travaux, être propriétaire de leur échoppe ou la louer. Ils sont très rapidement soumis aux aléas politiques et crises monétaires. Ils font partie de la population pouvant créer les troubles qui secouent régulièrementRome. D’autant qu’ils forment descollegia sous la direction d’unmagister pour défendre leurs intérêts ponctuels (taxe, amélioration du ravitaillement surtout en période dedisette[4], baisse des taux d’intérêt). Ces regroupements n’ont jamais débouché sur des revendications politiques ; cependant, leur rôle politique n’est pas tout à fait neutre dans les votes et lescollegia n’hésitent pas à faire campagne. Lescollegia ont pourtant été interdits à plusieurs reprises. Lescollegia avaient aussi un rôle social (pour lesrites funéraires par exemple) et reproduisaient dans leurs institutions la hiérarchie générique de la société. Leur siège s’appelle lesscholae. On trouve par exemple[5] :
On distingue lesorifices, ceux qui travaillent et lesagences, ceux qui n’ont rien. Ils sont les petits artisans, les journaliers, voire des employés non payés. Ils doivent cependant connaître un métier car les esclaves sont, le plus souvent, utilisés pour des tâches ne nécessitant pas de connaissances. La puissance publique veille à leur assurer du travail dans les grands chantiers urbains, quelquefois au détriment de la mécanisation[6]. Lorsqu’ils n’ont pas de travail, ils échappent à l’indigence par le biais des distributions publiques et des largesses privées (fermentaciones etsportule). On estime leur nombre à 320 000 à la fin de laRépublique. Les données archéologiques et témoignages sont très rares, on les connaît donc mal.
C’est la plèbe des bas-fonds et elle est mieux connue que lesproletarii car elle a beaucoup plus intrigué et inquiété les hautes classes. Certains indigents sont prêts à n’importe quelle basse action pour quelques pièces ; civiquement incontrôlables, ils peuvent devenir dangereux en cas de trouble. Ils vivent pour l’essentiel des distributions publiques. Cette partie de la plèbe est invitée par les officiels romains à quitter Rome pour les colonies, mais sans succès.
Le monde rural représente 90 % de la population totale. Selon certains auteurs, il était peuplé pour plus de la moitié, d’esclaves. La plupart des travailleurs agricoles libres ne possèdent pas la terre qu’ils exploitent ou seulement sur quelquesjugères, non suffisants pour vivre. Dans de nombreux endroits, les conditions s’apparentent aux travaux forcés, à une vie errante, un endettement chronique, incompatible avec la vie de famille. Aussi, le brigandage était important, les campagnes n’étaient pas sûres et de nombreux témoignages montrent que l’on pouvait y laisser la vie ou la liberté. Les chefs de village, se comportant comme chefs des clans ancestraux, faisaient appliquer leurs lois par la vendetta. La situation n’a que peu évolué sur toute la période romaine.
Martin Breaugh,L'expérience plébéienne. Une histoire discontinue de la liberté politique, Paris, Éditions Payot-Rivages, 2007.
Janine Cels-Saint-Hilaire,L'enjeu des « sécessions de la plèbe » et le jeu des familles, Mélanges de l'École française de Rome, 1990, 102-2,p. 723-765.Lire en ligne.
André Magdelain,La plèbe et la noblesse dans la Rome archaïque, Publications de l'École française de Rome,Jus imperium auctoritas. Études de droit romain, 1990,p. 471-495.Lire en ligne.
Jean-Claude Richard,Les origines de la plèbe romaine. Essai sur la formation du dualisme patricio-plébéien, Rome, École française de Rome,, 653 p.(lire en ligne).
Catherine Virlouvet,La plèbe frumentaire dans les témoignages épigraphiques : essai d'histoire sociale et administrative du peuple de Rome antique, École française de Rome, 2009.