Pour les articles homonymes, voirDrieu etla Rochelle.
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| Nom de naissance | Pierre Eugène Drieu la Rochelle |
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| Père | Emmanuel Drieu La Rochelle(d) |
| Mère | Eugénie Drieu La Rochelle(d) |
| Fratrie | Jean Drieu La Rochelle(d) |
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| Genre artistique | roman, essai, journal |
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Pierre Drieu la Rochelle, né le dans le10e arrondissement de Paris[1] et mort parsuicide le dans le17e arrondissement de Paris, est unécrivain français.
Ancien combattant de laGrande Guerre, il est romancier, essayiste et journaliste,dandy etséducteur, d'abordeuropéiste avant la lettre[2], il se convertit aufascisme en 1934 et s'engage en faveur dunazisme et de laCollaboration durant la Seconde Guerre mondiale, participant aux relations entre le pouvoir allemand et les milieux de l'édition littéraire dont il fait partie à la NRF.
Son œuvre littéraire a pour thèmes principaux la décadence d'une certaine bourgeoisie, l'expérience de la séduction et l'engagement dans le siècle, tout en alternant l'illusion lyrique avec une lucidité désespérée, portée aux comportements suicidaires.Le Feu follet (1931),La Comédie de Charleroi (1934) et surtoutGilles (1939) sont généralement considérés comme ses œuvres majeures.
Il finit sa vie pendant les mois qui accompagnent la Libération de la France : il se cache un temps pour échapper aux poursuites judiciaires pour collaboration, et tente de se suicider sans succès, avant de réussir à se donner la mort à Paris en mars 1945.

Pierre Eugène Drieu la Rochelle naît le dans le10e arrondissement de Paris.
Son père, Emmanuel Drieu la Rochelle (1863-1934), avocat, est issu d'une vieille famille normande. Son grand-père Jacques Drieu la Rochelle fut pharmacien dans la rue Saint-Thomas àBarfleur de 1848 à 1862[3]. Ils doivent leur nom à Pierre Drieu (1771-1845), menuisier, qui s'engagea en 1791 dans le deuxième bataillon de laManche et quitta l'armée en 1814 avec le grade de lieutenant d'infanterie. Ayant reçu à l'armée le surnom de« La Rochelle », il transmit à ses enfants et à sa descendance le patronyme« Drieu la Rochelle »[4].
Sa mère, Eugénie-Marie Lefèvre (1871-1925), est la fille d'un architecte. Installée dans lacité Malesherbes, la famille est déchirée par les problèmes conjugaux et les questions financières. Le futur écrivain est aussi leneveu[Comment ?] de l'artiste et poèteMaurice Dumont.
Le père est retourné chez sa vieille maîtresse après avoir dilapidé la dot de sa femme. Le grand-père maternel, Eugène Lefèvre (1839-1915) est alors le seul refuge affectif de l'enfant[5].
Nourri par la lecture deStendhal et deBarrès, il a très tôt le goût de l'écriture. Il entre à l'École libre des sciences politiques pour se destiner à la diplomatie. Il achève ses études en 1910, au sein de la section administrative, sans être diplômé[6].Contre toute attente, il échoue à l'examen de sortie et songe à se suicider.[réf. nécessaire]
Enfant, il a beaucoup de mal à comprendre lesdreyfusards et antidreyfusards. L'antisémitisme virulent de sa grand-mère Lefèvre, née Sophie Binet (1847-1913), cependant, le fait douter. Il a douze ans lorsque éclate le scandale desfiches du général André, le conservatisme de sa famille s'exprime alors très ouvertement[7].
Il est mobilisé dès le début de laPremière Guerre mondiale et vit son expérience au front sur le modenietzschéen (il a emportéAinsi parlait Zarathoustra). Blessé à trois reprises, il s'inspirera de cette expérience pour ses premiers textes :Interrogation,Fond de cantine et, en 1934, le recueil de nouvellesLa Comédie de Charleroi.
Dans le contexte de son succès auprès des femmes, Drieu éprouve pourtant un mal-être associé à l'impuissance à trouver du plaisir. Il épouse, en octobre 1917, la sœur d'un condisciple d'origine juive, Colette Jéramec (1896-1970), dont il divorce en octobre 1921. Dans ses carnets d’étudiant, il écrivait :« Deux êtres que je passerai ma vie à découvrir : la femme et le Juif »[8].
D'abord attiré par le pacifisme, il se mêle auxsurréalistes dans les années 1920 après que son épouse Colette lui a présentéLouis Aragon, au printemps 1917. Celui-ci n'est pas insensible à son charme, malgré des opinons politiques qui divergeront. Les deux hommes entretiennent une forte amitié puis se brouillent, en 1925, pour une femme. Drieu a inspiré à Aragon le personnage d'Aurélien[9], qui incarne le mal du siècle de la génération d'après-guerre (Aragon souhaite réfléchir, à travers ce personnage, à la trajectoire d'une partie de cette génération vers le fascisme). Son admiration pour Aragon tient Drieu à l'écart de toute tentation d'adhésion à l'Action française. SelonDominique Desanti, ce n'est que beaucoup plus tard que Drieu sera tenté par les théories nationalistes[10]. Il est, comme le ditMaurizio Serra dansLes Frères séparés : Drieu la Rochelle, Aragon, Malraux face à l'Histoire, un« égaré »[note 1].
L'épisode de son adhésion au mouvementDada, en compagnie deLouis Aragon, est très mal connu du grand public[11]. Il assiste aux réunions chaque fois que ses conquêtes féminines lui en laissent l'occasion. Lors du« procès deMaurice Barrès », le vendredi, il est présent dans la salle des Sociétés savantes louée par les Dadas,rue Serpente. Une sorte de procès de Barrès est organisé avecAndré Breton, déguisé en président du tribunal, tandis qu'Aragon joue l'avocat etGeorges Ribemont-Dessaignes le procureur. Très vite, la pagaille éclate dans la salle oùTristan Tzara chante en roumain, le futuristeGiuseppe Ungaretti proteste en vain. LorsqueAndré Breton lui demande s'il est allé voir Barrès, Drieu répond que oui. Pourtant, il refuse la condamnation demandée par Breton. Après les premières réponses évasives de Drieu, un jeu de questions-réponses s'instaure entre Drieu et Breton. Celui qui régnait déjà sur les dadas surréalistes lui dédicacera son livre,Clair de terre, avec cette phrase :« À Pierre Drieu la Rochelle. Mais où est Pierre Drieu la Rochelle ? »[12]. En,Maurice Martin du Gard brosse un portrait de Drieu qui sait faire« une grâce de sa muflerie »,« dont la tendresse sérieuse est gênante » et qui a une« allure de somnambule extralucide ». Martin du Gard est fasciné par ce garçon qu'il emmène dans les bars et les boîtes de nuit.
Drieu assiste aussi aux réunions du groupeLittérature, une revue à laquelle il collabore. Il est encore authéâtre de l'Œuvre lorsque Breton apparaît sur scène en homme-sandwich sur lequel est écrit leManifeste DaDa et des vers dePicabia. Toutes ces pantalonnades à but littéraire laissent Drieu amer. Il écrit dans son journal que le statut d'écrivain qu'on lui prête est une imposture puisqu'il n'a publié aucun livre[12].

Ses deux mariages se terminent en divorces. Le mariage d'intérêt, contracté en 1917 avec Colette Jéramec, prend fin en 1921 (il la fera libérer ainsi que ses deux fils ducamp de Drancy en 1943[13]). Sa seconde union, en 1927, avec la fille d'un banquier polonais ruiné, Olesia Sienkiewicz (1904-2002), se solde par une séparation dès 1929 et un second divorce en 1933.
Dès 1925, Drieu mène une vie mondaine soutenue : il fréquente les salons et les dîners de la NRF avec sa maîtresse, la comtesse Isabel Dato[note 2], multipliant les conquêtes féminines. En, il rencontre chez la comtesse la femme de lettres argentine,Victoria Ocampo, avec laquelle il a une courte liaison. Ils entretiendront par la suite une longue correspondance en dépit de leurs divergences idéologiques[14].
Au milieu des années 1930, il devient l'amant de Christiane Renault, l'épouse de l'industrielLouis Renault et évoquera cette liaison de manière romancée dansBéloukia. Mais cette soif de séduction cache un problème sexuel et psychologique dont on a peu parlé[15] et sur lequelPierre Assouline donne quelques pistes de réflexion à la lecture deNotes pour un roman sur la sexualité édité parJulien Hervier :« L’homme que l’on disait couvert de femmes était hanté par l'impuissance, le contact charnel, la souillure féminine, les dangers des débordements sensuels, les caresses, la fellation et une homosexualité difficilement refoulée. Agité de tourments du même ordre,Cesare Pavese se donna la mort lui aussi, mais non sans laisser, lui, un chef-d’œuvre intituléLe Métier de vivre »[16]. Parmi ses conquêtes se trouvent aussi Constance Wash, surnommée Connie (la Dora deGilles), Marcelle Jeanniot, alors maîtresse deLéon-Paul Fargue, Suzanne de Vibraye, l'Italienne Cora Caetani, Emma Besnard (la Rosita duJournal d'un homme trompé), la décoratrice Élizabeth Eyre de Lanux,Suzanne Tézenas qui eut aussi une liaison avecNicolas de Staël[17],[18]. Il est attiré plus particulièrement par les femmes argentées et oisives et n'a jamais eu, de même que son ami Aragon avant sa rencontre avecElsa Triolet en 1928, scrupule à se laisser entretenir[19].
Entre 1929 et 1931, toujours en compagnie d'une de ses maîtresses, Drieu continue d'assister auxdîners de la NRF, tantôt chez Paulhan, tantôt chez Arland, et y côtoie l'élite du monde littéraire, notammentAndré Malraux,Jean Guéhenno,François Mauriac,Georges Bernanos et bien d'autres.
Pour se connaître et se décrire, Drieu confie àMauriac son projet d'un livre intituléHistoire de mon corps. Le projet n'aboutit pas, mais l'aspect autobiographique se retrouve dansÉtat civil, en 1921. Il se fait connaître, en 1922, par un essai remarqué sur l'affaiblissement de la France après la Grande Guerre,Mesure de la France. Sans se départir complètement d'un nationalisme classique, il y apparaît comme occidentaliste etphilosémite[20] :« Je te vois tirant et mourant derrière le tas de briques ; jeune Juif, comme tu donnes bien ton sang à notre patrie »[21].
En 1924, il est, avec notamment Montherlant et Soupault, pressenti pour le prix Goncourt pour le recueil de nouvellesPlainte contre inconnu[22].
En 1925, il publie son premier roman,L'Homme couvert de femmes, en grande partie autobiographique. Sur le plan politique, il esquisse l'année suivante, dansLa Revue hebdomadaire, un programme pour uneJeune Droite qui se veut au-dessus des partis, républicaine et démocratique « car les hommes ne doivent pas compter sur un homme pour se tirer d'affaire, […] il faut que l'élite en France se sauve d'elle-même ». Elle se veut aussi anti-militariste,déiste etanticléricale, unie et ennemie de l'intolérance. Ce programme et le motdroite ne choquent pas son amiAndré Malraux[23].
Malraux et Drieu se retrouvent souvent chez leur ami commun,Daniel Halévy, auquel Drieu a consacré, en 1923, une critique élogieuse pour son livre surVauban[note 3]. Malraux a déjà publié dans laNRFLa Tentation de l'Occident qui semble répondre auJeune européen et à l'ensemble des textes publiés sous le titreGenève ou Moscou que Drieu publie en 1927 dans lesCahiers verts (Grasset), dirigés depuis 1921 par Daniel Halévy. Malraux et Drieu ont une profonde communauté de vues, même si des divergences politiques restent sous-jacentes. Ce n'est qu'à partir de 1934 que pour Drieul'esprit de Genève est perdu. Il croira alors que le socialisme européen ne peut arriver que par le fascisme[24]. Cependant, il mettra un certain temps à abandonner l'idée de regrouper les Jeunes Gauches, organe qu'il a conçu avecGaston Bergery et qui ne débouche sur rien de concret.
Malgré les avances de membres de l'Action française qui invitent Drieu à les rejoindre, le jeune écrivain reste en retrait, d'autant qu'Aragon le prévient :« Tu sais que je tiens les gens de l'Action française pour des crapules »[25]. Drieu est dans une position contradictoire, intenable, entre l'Action française, lesocialisme de Léon Blum et le conservatisme moderniste deJoseph Caillaux[26].
En 1924, Drieu est encore très lié aux surréalistes. ÀGuéthary, où il a loué une maison, séjournent ensemble ou successivement :Philippe Soupault,Paul Éluard, Aragon,Jacques Rigaut, André Breton,Roger Vitrac,René Crevel,Robert Desnos,Max Ernst. Drieu les accueille volontiers bien qu'il ne partage pas leurs opinions[27].
Avant le tournant de 1934, il cultive encore des idées républicaines et progressistes. En 1931, il se moque vigoureusement des théories racistes[28]. La même année, il expose une appréciation positive d'André Gide,« plus discrètement, plus profondément, plus raisonnablement français que nos francophiles de France »,« un philosophe au sens socratique du mot, ou un honnête homme »[29]. En,Bernard Lecache le salue parmi les personnalités qui, aux côtés de laLICA, mènent le combat contre l’antisémitisme et lefascisme[30],[31].
En 1933, ses amis, André Malraux surtout, tentent d'intéresser Pierre Drieu la Rochelle au combat contreAdolf Hitler qui vient de prendre le pouvoir. Drieu, déjà impressionné par les démonstrations de force hitlériennes, se désintéresse de la mobilisation antifasciste et glisse progressivement vers la fascination pour les formes autoritaires de pouvoir[32].
Après un voyage en Argentine, le, où il est accueilli chaleureusement parJorge Luis Borges, Drieu mesure l'importance de sa réputation littéraire, notamment celle duFeu follet[33]. Tandis qu'en France la critique est mesurée, à Buenos Aires les articles abondent. Avec son amiEmmanuel Berl etGaston Bergery, il a l'idée d'un parti qui unirait les Jeunes Gauches, plus toniques que les socialistes, moins inféodés que les communistes. Drieu mettra longtemps à abandonner tous ces groupes.
Il participe à des rassemblements duMouvement pour l'antifascisme, rassemblement ditAmsterdam-Pleyel, auquel assistent également des membres de l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires dont Aragon et Malraux sont des membres assidus[34]. Ceux du groupe de Drieu et deBertrand de Jouvenel cherchent à construire une mythologie complexe et irréaliste (noblesse, chevalerie, amour courtois…)[35]. Il développera plus tard ces idées dansNotes pour comprendre le siècle - conversations avecEmmanuel Berl,Bertrand de Jouvenel,Gaston Bergery,Emmanuel d'Astier de La Vigerie (1941).

Une succession de scandales contribue à rendre l'atmosphère politique française étouffante : l'affaireMarthe Hanau, la banquière des années folles (1928), suivie de l'affaire Stavisky alimentent un climat de défiance vis à vis de la classe politique et du parlementarisme[36]. Drieu se tourne alors vers les mouvements d'anciens combattants et se déclare à la fois « socialiste » et « fasciste », voyant dans ce syncrétisme idéologique (couramment appelénational-socialisme en Allemagne) une solution à ses propres contradictions et un remède à la décadence occidentale. Il est profondément marqué par lesmanifestations d'extrême-droite du 6 février 1934, auxquelles il participe, émerveillé et fasciné, et dans lesquelles il voit les prémices d'une révolution fasciste à encourager : il considère alors que le fascisme est devenu non seulement inévitable, mais que le fascisme est la solution principale aux problèmes du présent[37] ; il écrit ainsi, un mois plus tard, dans La Grande Revue :« désormais, le fascisme est inévitable, à moins de se réfugier dans de vagues espoirs de lointaine Révolution ».
Dans les semaines qui suivent les manifestations du 6 février, il va àBerlin sous dominationnazie avec son amiBertrand de Jouvenel, lequel est très engagé en faveur de l'amitié franco-allemande. Il souhaite une « renaissance nationale et sociale »[38]. Drieu est invité par le cercle du Sohlberg et l'homme qui l'accueille,Otto Abetz, qui admire ses écrits, lui demande une conférence. À la suite de son voyage à Berlin, Drieu cherche à faire admettre le fascisme à ses amis de gauche, mais est violemment rejeté.
En, il publie l'essai « Socialisme fasciste » et déclare se placer dans la lignée des premiers socialistes françaisSaint-Simon,Proudhon etCharles Fourier. Ces textes s'échelonnent de 1933 à 1934 et le conduisent à adhérer en 1936 auParti populaire français (PPF), parti d'extrême-droite fondé parJacques Doriot, et à devenir, jusqu'à sa rupture avec le PPF au début de 1939, éditorialiste de la publication du mouvement,L'Émancipation nationale. Parallèlement, il écrit ses deux romans les plus importants :Rêveuse bourgeoisie etGilles. Dans ce dernier, il revient notamment sur la journée du 6 février 1934 qui agit sur lui comme une épiphanie fasciste. Il est membre du comité de direction de l'Association du Foyer de l’Abbaye de Royaumont. Mais, au moment où les totalitarismes s'affermissent, Drieu imagine quepeu à peu, l'État totalitaire se disloque[39]. Il ne voit plus aucune différence entremussolinisme, hitlérisme et stalinisme. SelonDominique Desanti :« tout le Drieu de la défaite et de l'Occupation se trouve inclus dansSocialisme fasciste ».
Dès 1934, Drieu sait qu'il n'y a pas de salut pour ceux de son espèce :
« Nous autres, les conciliateurs, les faiseurs de nœuds, il y a des balles pour nous aussi, et tant d'injures que c'en est une plénitude[40]. »
Julien Benda, auteur deLa Trahison des clercs, applaudit la noblesse d'âme de Drieu, contredisant ainsi les idées qu'il expose dans son livre[41].
De 1925 à,Jean Paulhan dirigeLa Nouvelle Revue française (NRF), principale revue littéraire d'Europe, où il signe un certain nombre d'articles sous le pseudonyme de Jean Guérin[42]. Mais en 1940, les éditions Gallimard sont mises sous scellés, des livres mis à l'index. On y trouve trop de Juifs, trop de communistes, trop de francs-maçons selon les autorités allemandes[43].Otto Abetz, ambassadeur d'Allemagne ami de Pierre Drieu la Rochelle, propose à Jean Paulhan de continuer à diriger la revue. Paulhan refuse vu le nombre d'écrivains écartés. Cependant, il accepte de collaborer avec Drieu, qui sera directeur à sa place.

Drieu voit dans laNRF un pis-aller : il prend la direction de la revue avec un contrat confortable et l'assurance de l'appui de Paulhan. Le dandy aux idées « nationales-socialistes » dresse la liste des écrivains prisonniers - dontSartre fait partie - et obtient leur libération. Paulhan éprouve une vive sympathie pour Drieu[44] qu'il décrit àGaston Gallimard comme « un garçon plutôt timide, très droit, très franc ».« Il était déjà antisémite avant la guerre. Il n'y aura plus aucun juif dans la revue »[45].
En attendant, les deux hommes peinent à former un comité d'écrivains :Louis Aragon refuse de participer,Paul Claudel demande que soit d'abord évincé« ce putois deMontherlant »… Et, pour couronner le tout, Paulhan, dénoncé à laGestapo, doit s'enfuir avec l'aide de Drieu. Toutefois, sa réflexion sur le « fascisme » de Drieu est assez nuancée. Il lui écrit :
« J'en conclus que s'il se révélait, du jour au lendemain, une France, – jusqu'ici secrète par force – mais spartiate, mais « militaire », mais disciplinée, vous cesseriez aussitôt d'être collaborationniste. Puisque vous ne le restez que faute de cette France-là. Si cette France se prépare, à vrai dire, je n'en sais trop rien. Amicalement »
En octobre 1941, Drieu la Rochelle participe au voyage en Allemagne d'une délégation d'écrivains français répondant à l'invitation deJoseph Goebbels[46]. Y participent également d'autres figures littéraires collaborationnistes :Robert Brasillach,Abel Bonnard,Ramon Fernandez,Marcel Jouhandeau,Jacques Chardonne, ralliés comme lui à la collaboration avec l'occupant nazi. Une photographie célèbre a fixé quelques-uns d'entre eux à leur retour à Paris.
À partir de 1943, cette situation perdurant, la revue s'arrête et Drieu démissionne. Revenu de ses illusions qu'il expose dansL'Homme à cheval — une fable sur les rapports entre l'artiste et le pouvoir — puis dansLes Chiens de paille – où il se représente sous les traits d'un ancien anarchiste nommé Constant –, il tourne ses préoccupations vers l'histoire des religions, en particulier les spiritualités orientales. Il adhère pourtant de nouveau au PPF, parti d'extrême droitecollaborationniste, tout en confiant à son journal secret son admiration pour lestalinisme qu'il compare au catholicisme. Dans ce même journal, il n'évoque pas certains aspects de sa vie privée comme le fait qu'il soit devenu, à la demande deJosette Clotis — compagne d'André Malraux — le parrain d'un de leurs deux enfants.[réf. nécessaire]
À laLibération, il refuse l'exil ou les cachettes que certains amis qu'il a gardés dans les cercles surréalistes, dont André Malraux, lui proposent. Il tente de se suicider le avec duluminal. Son ex-épouse Olesia (qui garda le nom de Drieu la Rochelle longtemps après leur divorce), alors ambulancière, prévenue par la femme de ménage retournée dans l'appartement chercher son sac, emmène Drieu à l'hôpital Necker où il subit des lavages d'estomac[47]. Il en veut à celles qui lui ont sauvé la vie et s'ouvre les veines quatre jours après sa première tentative de suicide[47]. Lorsque tout est arrangé pour qu'il parte en ambulance enSuisse[48] où il avait passé quelques semaines en automne 1943, Drieu refuse. Colette Jéramec le cache alors chez des amis médecins tandis que laLibération de Paris fait rage. Mrs Murphy, que Drieu avait fait libérer d'un camp d'internement, l'invite ensuite àOrgeval[47] où il s'installe. Là, sa dernière compagne qu'il nommaitla sylphide lui apporte des cigarettes à vélo. Plus tard, elle a avoué :« Je ne pouvais plus l'aider à vivre. Il était décidé. Je ne pouvais que l'aider à mourir »[49].
Drieu se remet à écrire pendant un temps, tandis que Colette le rassure. Malraux etAragon (que Drieu avait protégé durant l'Occupation en demandant au lieutenant Heller, responsable de la censure française pour laPropagandastaffel, que rien ne soit entrepris contre lui) lui ont promis qu'il n'a rien à craindre[50]. Il rédige notamment sonJournal et lesMémoires de Dirk Raspe. Mais, après un bref moment de joie à Noël loin de Paris, la tentation de la mort le reprend. Au printemps suivant, il revient pour s'installerno 23,rue Saint-Ferdinand[51]. Le, alors que des journaux annoncent unmandat d'amener contre lui, il dit à Gabrielle, sa cuisinière« Maintenant, je ne peux plus me sortir d'ici »[52]. Le lendemain,, lorsque Gabrielle revient, elle le trouve mort, assis sur une chaise près du lavabo de la cuisine : il avait ouvert le gaz et avalé trois tubes degardénal. Il a aussi laissé un écriteau :« Gabrielle, laissez-moi dormir cette fois »[52].
Drieu a été l'ami de beaucoup d'intellectuels et d'écrivains, parmi lesquelsJacques Lacan, qu'il a hébergé, etAndré Malraux, lui-même fils et petit-fils de suicidé. Lacan disait :« Le suicide est une maladie mortelle et nul ne peut être sûr, s'il en est atteint, d'en guérir. Pas de remède miracle […]. Quant à Drieu, la psychanalyse demeurait pour lui un jeu dans l'attirail du romancier »[53].
Pierre Drieu la Rochelle est enterré dans l'ancien cimetière deNeuilly-sur-Seine (division 6)[54].


Ses œuvres ont été éditées dans labibliothèque de la Pléiade en. Malgré sa réputation sulfureuse qui a suscité dans la presse des articles outrés (« Un collabo au Panthéon »[58], titre un article deMarianne, tandis que d'autres sont plus nuancés[59]),Philippe Sollers se demande s'il faut craindre une réhabilitation de Drieu la Rochelle avec cette édition :« Faut-il craindre, avec cette Pléiade, on ne sait quelle réhabilitation qui favoriserait le fascisme en France ? Des imbéciles automatiques ne manqueront pas de le dire, mais, à s’en tenir là, on est dans Pavlov, et on sait bien que le silence et la censure ne font qu’aggraver les fantasmes »[60].
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