Secrétaire particulier deBenoît XIV en1753, prêtre en1758,cardinal en1773, il est élupape le. Il est déposé le 15 février1798 après la proclamation de laRépublique romaine et l'invasion deRome par les troupes françaises qui le font prisonnier et lui font quitterRome le. Emprisonné àValence en juillet1799, il y meurt peu après.
Giannangelo Braschi est issu d'une famille noble de Romagne. Il est l'aîné des huit enfants du Comte Marco Aurelio Tommaso Braschi (1684-1759) et de Anna Teresa Bandi (1690-1730).
En 1753, à la mort du cardinal Tommaso Ruffo, Braschi devient secrétaire particulier du papeBenoîtXIV. Il estordonné prêtre en 1758.
En 1766, sous le pontificat deClémentXIII (1758-1769), il obtient la charge de trésorier de laChambre apostolique, qui le rend maître de l'administration financière des États pontificaux.
l'abolition par laConstituante des vœux monastiques perpétuels sanctionnés par la loi civile (loi du) et la suppression des ordres réguliers hors ceux ayant pour activité l'éducation et les œuvres decharité, conduisant à la mise à l'écart de 100 000 religieux (moines, chanoines, etc.), soit les deux tiers duclergé de l'époque en France ;
ainsi que la situation deschisme qu'elle entraîna entre les prêtres et les évêques « constitutionnels » et les prêtres et les évêques restés fidèles à l'Église, « réfractaires ».
PieVI fait savoir le au roi de FranceLouisXVI qu'il s'oppose au projet de constitution civile du clergé. Il écrit aussi dans ce sens auxarchevêques de Bordeaux et deVienne le.
Le,PieVI envoie sonbrefQuod Aliquantum aucardinal de La Rochefoucauld. Il y analyse le contenu de la Constitution civile du clergé pour le condamner. Toutefois. il précise : « Nous n'avons pas encore jusqu'ici lancé les foudres de l'Église contre les auteurs de cette malheureuse constitution du clergé »[8]. Les menaces d'excommunication et d'anathème ne sont qu'implicites. Dans salettre apostoliqueCaritas du,PieVI critique sévèrement les nouvelles élections d'évêques, et leur bénédiction parl'évêque d'Autun. Il déclare schismatiques les propos suivants du nouvelévêque de Quimper : « Cette constitution n'altère en rien le dogme ; qu'elle réforme seulement la discipline, et la rappelle à la pureté des premiers siècles »[9]. Ses actes sacerdotaux sont déclarés irréguliers ; il est menacé d'anathème. ToutefoisPieVI réaffirme une position prudente vis-à-vis de l'Assemblée Nationale : « Nous avons déclaré Nous être abstenu jusqu'ici de déclarer retranchés de l'Église les auteurs de cette fatale constitution ».
La réaction dePieVI par rapport à la constitution civile du clergé n'est, aujourd'hui encore, pas simple à interpréter ; tardive par rapport aux événements, elle aurait laissé lesprêtres et les évêques dans l'embarras sur la conduite à tenir par rapport au serment de fidélité à la Nation, à la loi, au roi, créant un malaise dans les provinces françaises durant les six premiers mois de l'année1791, et laissant s'y développer un véritableschisme. Cette question fait l'objet de discussions de la part des historiens des religions. La présence à Rome du cardinal de Bernis, chargé d'affaires auprès du Saint-Siège, explique l'hostilité de Pie VI à l'égard de la Révolution ; Bernis s'interposant systématiquement dans les échanges avec le ministère français des Affaires étrangères et réservant ses faveurs au comte d'Artois et aux émigrés.
En 1793, après la proclamation de la République en France, une commission décide de supprimer le calendrier grégorien, et de le remplacer par uncalendrier républicain avec des semaines de dix jours, sansdimanche. Les campagnes françaises ne reçoivent plus lesagendas traditionnels.
En, à la suite des tensions provoquées par les grands changements politiques en France, et les manifestations de ces changements par la communauté française en Italie, des habitants de Rome prennent d'assaut le ghetto juif qu'ils pillent, lepalais Mancini, siège de l'Académie de France à Rome, et assassinent le diplomateNicolas-Jean Hugou de Bassville. Cet assassinat provoque le départ de la communauté française des états pontificaux.
À la nouvelle de l'assassinat du généralDuphot, leDirectoire ordonne le l'occupation deRome.Gaspard Monge part le pour Rome. La Révolution éclate dans la ville le. La « République romaine » est proclamée par le peuple réuni au Campo Vaccino (ancien forum).
Le papePieVI est contraint par la république française de renoncer à son pouvoir temporel et de se contenter de son pouvoir spirituel. Déposé le lors de la proclamation de la République romaine, il est en fait prisonnier. Octogénaire et très malade, il demande la grâce de pouvoir mourir à Rome. Le général français a la délicatesse de lui répondre : « Mourir, cela peut se faire partout ».PieVI quitte Rome dans la nuit du au.
Il est conduit àSienne puis à lachartreuse de Galluzzo deFlorence (en) où il reste jusqu'au. LaDeuxième Coalition se traduisant par l'avancée des troupes autrichiennes venant deVénétie, et des troupes napolitaines qui ont repris Rome et détruit la République romaine, les Français envoient le pape en France, tandis que leurs troupes reculent sur tous les fronts, dans ces débuts de laseconde campagne d'Italie. Le Pape passe parBologne,Parme,Turin. On lui fait traverser les Alpes sur une civière. C'est ensuiteBriançon,Grenoble et enfinValence, chef-lieu du département de laDrôme. Il n'ira pas plus loin.
Malgré les bouleversements que connaissait alors la France, le pape octogénaire reçut de nombreuses marques de respect et de compassion de la part du peuple, tout au long de sa route, entre Briançon et Valence. Le poètePaul Claudel le surnommera le « père commun des fidèles ».
L'attitude dePieVI vis-à-vis de lacommunauté juive de Rome est notoirement hostile et répressive, dès l’édit du[10]. « Les thèmesantijudaïques sont à la mode, par antimodernisme, et par souci de reconstruire une Église forte.PieVI resserre donc les règles dughetto, il encourage lesbaptêmes, impose de nouveau lesermon dusamedi avant d’aller à lasynagogue. On poursuit des livres sur lejudaïsme, on laisse circuler des opuscules sur les « meurtres rituels ». Dans les procès politiques, de 1792 à 1797, on retrouve un certain nombre de juifs accusés d’être philo-français. En 1793, le ghetto sera assiégé par la population lors (d')émeutes[11]. Le fait le plus notoire est la publication en 1794 d’un livre de Rovira Bonnet (…)[12], recueil de textes desconciles ou des papes sur la conversion des juifs. Il y est question en plus des forces qui essayent de renverser la société, dont l’Assemblée Nationale de France qui a libéralisé la situation des juifs et renversé l’Église catholique : il est donc normal de réagir et de les persécuter.PieVI calma les esprits lors des révoltes, mais l’état d’esprit antijudaïque fut bien entretenu officiellement »[4].
Prisonnier duDirectoire, il meurt àValence, épuisé, le (12 fructidor de l'anVII) à l'âge de81 ans. Son acte de décès figure dans le registre d'état civil de la ville deValence, où il est nommé « Jean Ange BraschyPieVI pontife de Rome[13] ». C'est en son honneur qu'un pâtissier de la ville eut l'idée de confectionner le fameux biscuitSuisse de Valence.
PieVI est d'abord enseveli civilement au cimetière Sainte-Catherine de Valence[14]. LesÉtats pontificaux sont rétablis à la fin de l'année 1799, avec l'entrée des troupes napolitaines dans Rome et la chute de l’éphémèrerépublique romaine. Leconclave qui assure l'élection du successeur dePieVI se tient àVenise, sous la domination de l'Autriche depuis letraité de Campo-Formio de 1797. En,PieVII devient le nouveau pape.Napoléon Bonaparte, désormaisPremier consul de la République française, engage une offensive en Italie au et sa victoire àMarengo marque la fin du front italien de la seconde coalition, qui se disloque complètement en 1801. La République française normalise ses relations diplomatiques avec lesÉtats pontificaux reconstitués, et signe leconcordat de avec l'Église catholique. Ces évolutions permettent le retour du corps dePieVI à Rome, le, où il reçoit des funérailles conduites par son successeur le, dans la basiliqueSaint-Pierre de Rome.
Mais, sur réclamation des habitants deValence, le cœur et les entrailles dePieVI retournent et reposent dans lacathédrale Saint-Apollinaire de Valence, après une cérémonie solennelle en ce lieu le. On peut lire l'inscription suivante (rédigée enlatin) sur ce monument de Valence : « Les entrailles saintes dePieVI sont rendues aux Français ; Rome possède son corps ; son nom retentit en tous lieux ; il est mort à Valence le »[15]. Depuis 1949, sa dépouille romaine repose dans lanécropole papale de la basilique Saint-Pierre, dans un sarcophage antique.
Moins de dix ans avant la mort du Saint-Père,Madame Vigée Le Brun, la célèbre portraitiste de la reine de FranceMarie-Antoinette, qui avait elle-même fui laRévolution en se réfugiant àRome, rapporte cette anecdote : « L'abbé Maury, qui n'était pas encore cardinal, vint chez moi pour me dire que le Pape voulait que je fisse son portrait ; je le désirais infiniment ; mais il fallait que je fusse voilée pour peindre le Saint-Père, et la crainte de ne pouvoir ainsi rien faire dont je fusse contente m'obligea à décliner cet honneur. J'en eus bien du regret, carPieVI était encore un des plus beaux hommes qu'on pût jamais voir. »
En presque vingt-cinq ans de pontificat, « PieVI eut le temps de faire graver son nom sur bien des monuments de Rome », dans les actuelsmusées du Vatican ou lemusée Pio-Clementino[4]. Il fait mener desfouilles dans la ville et entasser des antiquités dans les galeries situées entre le palais apostolique et le Belvédère. Il fait également dresser l’inventaire du musée, paru en 1792.
L’assèchement desmarais pontins, qu'il fait entreprendre, avec le concours d’ingénieurs desPays-Bas, engloutit des sommes considérables (au total, 1 600 000 écus romains en 1798), et vaut au pape le surnom de « il secatore », sous-entendant qu’il assèche les marais comme les fortunes romaines par le biais de lourds impôts[4].
↑PieVI dans sa lette apostolique « Caritas » du, § Hérésie, schisme, sacrilège.
↑A. Milano, « L’editto sopra gli Ebrei diPioVI e le mene ricattatorie di un letterato », inRassegna mensile di Israel 19 (1953),p. 118-126.
↑E. Sereni, « L’assedio del ghetto di Roma nel 1793 nelle memorie di un contemporaneo », inRassegna mensile di Israel 10 (1935),p. 100-125.
↑Rovira Bonnet,L’armata de’ forti, ovvero Memorie spettanti ag’infedeli Ebrei che siano, Rome, P. Giunchi, 1794, 700 p..
↑Extrait du registre d'état civil de la ville deValence (Drôme) :Aujourd'hui douze fructidor an sept de la république française, à l'heure de trois après-midi, par-devant moi Jean-Louis Chauveau, administrateur municipal de la commune de Valence, élu pour rédiger les actes destinés à constater les naissances, mariages et décès des citoyens, est comparuM. Joseph Spina, archevêque de Corinthe, lequel, accompagné deM. Jean Puis Ramera, prêtre, âgé de quarante ans environs, et deM. Jérôme Fantiny, aussi prêtre, et deM. Caracciola, dont le prénom est Innico, prélat âgé aussi d'environ quarante ans, et ledit Fantiny âgé de soixante-quatre ans, tous les quatre demeurant à Valence, dans la maison dépendante de la citadelle, et attachés au décédé ci-après, m'a déclaré que Jean Ange Braschy,PieVI, pontife de Rome, est décédé cejourd'hui, à une heure vingt-cinq minutes du matin, dans ladite maison, âgé de quatre-vingt-un ans huit mois et deux jours. D'après cette déclaration, certifiée véritable par le déclarant et les témoins, je me suis de suite transporté en ladite maison d'habitation, accompagné des membres composant l'administration centrale et le commissaire du directoire exécutif près d'elle, ainsi que de deux membres de l'administration municipale ; y étant, nous dits officier public et administrateurs ci-dessus avons fait appeler les citoyens Duvaure,officier de santé, et Vidal père, officier de santé en chef de l'hospice militaire de cette commune, lesquels, après avoir fait l'examen du corps dudit Braschy,PieVI, nous ont confirmé son décès. De tout quoi j'ai rédigé acte, en présence du commandant de la place et du juge de paix de ce canton, que j'ai signé avec eux, les membres desdites autorités constituées, lesdits officiers de santé, le déclarant et les témoins ; le citoyen Doux, secrétaire de la commune, écrivant. Valence, en la maison commune, les jours, mois et an que dessus. Signé : Spina, archevêque de Corinthe : Innico Riego Caracciola ; Daly, administrateur du département ; Abate Ramera ; Deydier, administrateur du département ; Gaillard, président municipal ; Boveron, administrateur du département ; Algoud, administrateur du département ; Brosset, commissaire du directoire près l'administration centrale ; Gastoud, secrétaire général ; Regnard, commissaire du directoire exécutif près la commune ; Mermilliod, commandant de la place de Valence ; Colombiez aîné, juge de paix ; Vidal, major ; Duvaure ; Chauveau, officier public ; Doux, secrétaire. Archives départementales de la Drôme].
Général George De Merck, Gouverneur de la Citadelle de Valence,La captivité et la mort de Pie VI, De l'Imprimerie de J. F. Dove, Londres, 1814.
Jean-François de Bourgoing,Mémoires historiques et philosophiques sur la vie de Pie VI et son Pontificat jusqu'à sa retraite en Toscane, éditions Busson libraire imprimeur, 20 rue Hautefeuille, Paris 1799 (an VII). 2.vol.
Gérard Pelletier,Rome et la Révolution française. La théologie et la politique du Saint-Siège devant la Révolution française (1789-1799), Collection de l'École française de Rome,no 319,2004.
Serge Stolf,Un pape dans la tourmente :PieVI, de Rome à Valence, Paris, Delatour, 2017.