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Piano bastringue

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Marteaux de piano sur lesquels ont été collées des bandes de métal pour leur donner une sonorité de bastringue

Lepiano bastringue, appelé aussipiano désaccordé, est unpiano dont la sonorité originelle — soit à cause de l'usure de l'instrument, soit intentionnellement — s'est trouvée modifiée de telle sorte qu'elle procure une sensation auditive notablement distincte de celle que donne un piano conventionnel bien accordé en bon état d'entretien. Cette sonorité particulière définit un style appelé aussi « piano bastringue ». Elle est très souvent recherchée dans leragtime et la musiquecharleston, mais a été appliquée aussi à bien d'autres genres de musique populaire[1].

Les racines

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Le (ou la)bastringue était à l'origine le nom d'une danse populaire tenue pour vulgaire. Parmétonymie, le terme (au masculin) en est venu dès la fin duXVIIIe siècle à désigner à Paris lesguinguettes où étaient pratiquées de telles danses. Ces établissements se sont dotés plus tard de pianos qui étaient soumis à dure épreuve, intensivement utilisés et peu entretenus. Les échappements et étouffoirs devenaient à la longue d'un fonctionnement approximatif tandis que les feutres des marteaux s'usaient et durcissaient, d'où un son plus perçant et résonant.

De plus, ces instruments utilitaires étaient rarement et mal réaccordés. En conséquence, les deux ou trois cordes de chaquechœur s'écartaient inévitablement de l'unisson, donnant aux notes aigües unbattement caractéristique mais aussi une présence particulière (l'accordéon musette recourt à un principe analogue).

Sur des pianos dans un tel état, lesaccords d'au moins trois notes plaquées de la main droite sonnent faux, voire de façon décidément désagréable. En revanche, une ligne mélodique faite de notes séparées se signale par sa capacité à se faire entendre. C'est la raison pour laquelle le piano bastringue a contribué, au début duXXe siècle aux États-Unis, au développement de genres musicaux caractérisés par l'usage systématique denotes piquées :boogie-woogie,ragtime, stylecharleston etc., genres auxquels il est resté étroitement connoté.

Différents types de bastringue

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On a très tôt cherché à reproduire les timbres de pianos usés et peu entretenus, soit en les désaccordant délibérément, soit en durcissant l'attaque des marteaux, soit encore en combinant les deux procédés, l'un n'excluant pas l'autre.

Piano désaccordé

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En introduisant un léger écart (de l'ordre de 2 à 5Hz) dans les hauteurs de note de chaque chœur, on obtient le son typiquement 1925 des enregistrements de charleston, de l'accompagnement des films muets au cinéma, de l'ambiance musicale des mauvais lieux d'autrefois, ou encore, appliquée à des airs ragtime oucountry, l'atmosphère évocatrice dessaloons de l'Ouest américain et deshonky-tonks du Sud (qui étaient l'équivalent des « bastringues » au sens qu'avait ce mot en France auXIXe siècle).

L'effet peut être dosé à volonté. Un exemple assez extrême de piano intentionnellement désaccordé s'entend dans l'accompagnement de la chansonBilbao-Song (en français (la Chanson de Bilbao) deBertolt Brecht etKurt Weil), dans la version enregistrée en 1955 parLotte Lenya.

Dans les années 1950 et 1960, les musiques afro-cubaines ont fréquemment fait usage de pianos légèrement désaccordés.

« Piano à punaises »

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Un moyen simple pour donner à un piano conventionnel des attaques métalliques et percussives est de planter des punaises dans les marteaux. Cela est déconseillé comme risquant de contribuer à désagréger le feutre fixé sur ces derniers, sans compter qu'une punaise qui se détache accidentellement risque d'endommager les délicats mécanismes les actionnant. Un autre moyen consiste à coller une bande de métal sur le marteau, mais c'est une modification définitive. Une solution pratiquée depuis au moins la fin duXIXe siècle est de tendre entre les marteaux et les cordes une tringle garnie de bandes de textile sur lesquelles sont fixées en regard des cordes des petites pièces en métal. Ce système (souvent appelé « mandoline », car le son qui en résulte évoque un peu cet instrument dans lestrémolos aigus) a l'avantage d'être amovible, mais n'est applicable qu'aux pianos droits.

À noter qu'en anglaistack piano signifie précisément « piano à punaises », tandis que l'expression plus génériquehonky-tonk piano recouvre le champ sémantique de « piano bastringue ».

Piano mécanique

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Avant la Seconde Guerre mondiale, lespianos mécaniques actionnés en y introduisant des pièces de monnaie tenaient dans les lieux publics la place que prendront plus tard lesjuke-boxes. Pratiquement tous ces pianos automatiques étaient dotés d'un système mandoline (ou de marteaux en bois dur), sonnaient donc à la façon bastringue, et on les appelait de ce mot. Une évocation de cette époque est la chansonMets deux thunes dans l'bastringue, écrite (vers 1955) parJean Constantin et notamment reprise parCatherine Sauvage.

Utilisations

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Le rythme le plus joué en sonorité bastringue est assurément lecharleston, au piano solo ou accompagné d'un ensemble dans le styleannées 1920 (les « années folles »), c'est-à-dire dans la variante ragtime dujazz Nouvelle-Orléans, ainsi que leboogie-woogie. Plus généralement, ce son convient aux musiques de danse que produisaient autrefois les pianos mécaniques, tout autantvalses quepolkas,foxtrots, voireswing.

Il symbolise aussi les bars saloons des cow-boys américains et s'intègre aussi à la musique blue-grass dans un style fantaisiste western, accompagnant le banjo, l'harmonica, le violon voire la guitare folk à 12 cordes. Du piano bastringue sonorise l'un des restaurants de la Main Street deDisneyland Paris.

Avant l'arrivée dessynthétiseurs, les musiciens rock ont souvent fait usage de pianos à punaises afin de varier le son des claviers. Le groupeB. Bumble and the Stingers s'en est fait une spécialité dès 1961 avec ses principaux hitsBumble Boogie puisNut Rocker, mais ce son a fleuri surtout à partir de 1966 avec lesBeach Boys (la partie centrale deGood Vibrations), lesDoors (People Are Strange), lesKinks (Animal Farm), lesBeatles (Ob-La-Di, Ob-La-Da,Rocky Raccoon), etc.

Cet effet a même été utilisé en musique classique. En 1962, dansGlenn Gould on Bach,Glenn Gould a interprété plusieurs compositions deJean Sébastien Bach sur un piano modifié qu'il a appeléharpsipiano (deharpsichord, « clavecin ») : la vibration du métal contre le métal lors des attaques de notes donnant effectivement une sonorité évoquant celle d'un clavecin, avec en plus la puissance sonore et les possibilités d'expression d'un piano.

Principaux artistes

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Chacun de ces artistes enregistra de nombreux microsillons reparus ensuite sur CD, notamment au cours des années 1950 à 1970 :

  • Winifred Atwell, jouant notamment des polkas, valses et boogie-woogies
  • Russ Conway, connu pour le titreRoulette, s'accompagnant aussi bien souvent d'un grand orchestre
  • François Vermeille, connu sur le pseudonyme d'Onésime Grosbois et son « piano d'occasion » avec un accompagnement de cuivres champêtres
  • Michel Legrand joua aussi vers 1955 sur un piano volontairement très désaccordé
  • La prolifique pianiste anglaiseMrs Mills employait un type atténué de piano à punaises, où le feutre des marteaux était durci par imprégnation de vernis
  • Popoff et ses Bootleggers (secondé par le banjo)
  • Emil Stern
  • Tommy Larson
  • Andy Loore, sur un accompagnement légèrement modernisé (années 1970)
  • Knuckles O'Toole et son « Honky Tonk Ragtime Piano »
  • Crazy Otto ou Fritz Schulz-Reichel

Indicatifs et génériques

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  • La chansonTitine, dans le filmLes Temps modernes, ainsi qu'un passage sonorisé deUne vie de chien, furent repris par Charlie Chaplin, joués par un piano bastringue, puis sur disque à partir de l'orchestre Maurice Villard.

Parmi les principaux charlestons et airs typiquement joués au piano bastringue, reprenant quelques succès de variétés :

  • Charleston
  • Comic Strip (Serge Gainsbourg)
  • Le Danseur de charleston (Philippe Clay)
  • Dinah
  • Elle s'était fait couper les cheveux, succès charleston des années 1920
  • Hello Dolly
  • Margie
  • Le Sheik
  • Barcelone de Boris Vian

Voir aussi

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Notes et références

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  1. (en) DominiqueParet et SergeSibony,Musical Techniques : Frequencies and Harmony,John Wiley & Sons,, 304 p.(ISBN 978-1-119-38867-8,lire en ligne),p. 264
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