Laphilologie, du grec ancienφιλολογία /philología, « amour des mots, des lettres, de la littérature », consiste en l'étude d'unelangue et de salittérature à partir dedocumentsécrits. C'est une combinaison decritique littéraire,historique etlinguistique. Elle vise à rétablir le contenu original de textes connus par plusieurssources, c’est-à-dire à sélectionner le texte le plus authentique possible, à partir de manuscrits, d'éditions imprimées ou d'autres sources disponibles :fragments (citations par d’autres auteurs), graffiti anciens… Ainsi, le philologue compare les versions conservées de ces textes, ou rétablit le meilleur texte en corrigeant les sources existantes.
PourNietzsche, un signe distinctif duthéologien est son inaptitude à la philologie :« J'entends ici le motphilologie dans un sens très général : savoir déchiffrer des faits sans les fausser par des interprétations »[4]. C'est que Nietzsche a à cœur de mettre fin à uneherméneutique favorable à lamétaphysique qu'il dénonce[5]. Pourtant philologue de formation, le sens de la philologie qu'il propose est fort éloigné de celui annoncé plus haut : celle-ci, au vu de son œuvre, peut être assimilée dans sa méthode à une herméneutique psychologique[6] ou, plus justement et selon les mots de Nietzsche, à une généalogie[note 2] visant à rétablir « le seul et unique monde ».
Le terme est souvent utilisé commesynonyme quelque peu vieilli degrammaire comparée. C'est à tort, car cette dernière discipline compare des langues différentes mais n'en établit pas les textes, alors que chaque langue a sa philologie.
Ferdinand de Saussure (1915) y voit une étape intermédiaire entre la « grammaire » et la « grammaire comparée » dans la « science des faits de langue » (ou « linguistique ») :
« La science qui s'est constituée autour des faits de langue est passée par trois phases avant de connaître quel est son véritable objet. (…/…) la grammaire (…/…) vise uniquement à donner des règles pour distinguer les formes correctes des formes incorrectes. Ensuite parut la philologie (…/…) qui veut avant tout fixer, interpréter, commenter les textes ; cette première étude l'amène à s'occuper aussi de l'histoire littéraire, des mœurs, des institutions, etc. Partout elle use de sa méthode propre, qui est lacritique. Si elle s'occupe de questions linguistiques, c'est surtout pour comparer des textes de différentes époques, déterminer la langue particulière à chaque auteur, déchiffrer et expliquer des inscriptions rédigées dans une langue archaïque ou obscure. Mais la critique philologique est en défaut sur un point : elle s'attache trop servilement à la langue écrite et oublie la langue vivante. La troisième époque commença lorsque l'on découvrit que l'on pouvait comparer les langues entre elles. Ce fut l'origine de la philologie comparative ou grammaire comparée[8]. »
En 2020, François Vincent achève une œuvre longue et détaillée de philologie sur les manuscrits saussuriens et commente la série des trois cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure, enfin distingués complètement les uns des autres[9].
Laphilologie cognitive est une branche moderne de la philologie qui vise à étudier les textes en tant que produits des processus mentaux humains[10].
↑Cette notion de von Wolff a été rapportée par le philologue et archéologue françaisSalomon Reinach dans sonManuel de philologie classique, Paris 1884.
↑Cf.La Naissance de la tragédie où est définie ce que l'on pourrait nommer une « logique de la généalogie » même si la formulation aurait certainement fait horreur à notre auteur. Dans cette œuvre, Nietzsche entend précisément partir du présent pour remonter à l'âge hellénistique afin de déceler les pulsions à l'origine de l'art wagnérien.
Pascale Hummel,Philologus auctor : le philologue et son œuvre, Bern, Berlin et Bruxelles, P. Lang, 2003 (bibliogr. de 39 p.)(ISBN3-906770-80-X).
Pascale Hummel,Histoire de l'histoire de la philologie : étude d'un genre épistémologique et bibliographique, Genève, Droz, 2000(ISBN2-600-00454-8)lire en ligne surGoogle Livres.
(en)Sheldon Pollock,Future Philology? The Fate of a Soft Science in a Hard World, dansCritical Inquiry, 35 (2009), pp. 931-961.
Étienne Servais,Défense de la philologie, Bruxelles, 1965,La Renaissance du livre 1965, Coll.La Lettre et l'Esprit.
Ancien manuel
Salomon Reinach,Manuel de philologie classique, Paris, Hachette, 1880 ; nouv. éd., 1883-1884, 2 vol.[vol. 1] ;[vol. 2] :Appendice en ligne ; éd. mise à jour de 1907[lire en ligne].