Pour les articles homonymes, voirHérode Philippe etHérode.
Cet article traite de Philippe,tétrarque de laBatanée, laTrachonitide et l’Auranitide et dePanias, premier mari deSalomé. Pour un hypothétique Hérode Philippe, mari d'Hérodiade, voirHérode Boëthos.
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Philippe le Tétrarque, ouHérode Philippe II[1], ou simplementPhilippe, est le fils d'Hérode le Grand et deCléopâtre de Jérusalem.
Il règne avec le titre detétrarque, de4 av. J.-C. à34 ap. J.-C. sur les districts du nord (Transjordanie). SelonFlavius Josèphe, il était tétrarque deBatanée, deGaulanitide, deTrachonitide, de l'Auranitide et des parties du domaine deZénodore dans la région dePanias.
La capitale de ces territoires est appeléeCésarée de Philippe, chezFlavius Josèphe comme dans lesÉvangiles, pour ne pas la confondre avecCésarée maritime. Elle est aussi appeléePanéas ouBanéas chez les auteurs antiques, un nom que la ville actuelle porte toujours.
Il épouse sa nièceSalomé, fille d'Hérodiade etHérode fils d'Hérode. Il est parfois confondu avec le Hérode, fils d'Hérode, et mari d'Hérodiade, que l'évangile selon Marc et l'évangile selon Matthieu appellent Philippe.
Philippe le Tétrarque est le fils d'Hérode le Grand avec sa cinquième femmeCléopâtre de Jérusalem[2]. Le fait que sa mère soit née àJérusalem ne veut pas dire qu'elle était juive. Elle paraît plutôt issue d'une famillephénicienne ouituréenne hellénisée, comme l'indiquerait son nom[2],[3].Flavius Josèphe indique qu'il a été élevé àRome, comme plusieurs autres fils d'Hérode[4]. Philippe aurait donc hérité de territoires en lien avec les origines de Cléopâtre[2].
À la mort d'Hérode Ier le Grand, le territoire de son royaume est partagé parAuguste entre trois des fils d'HérodeHérode Antipas,Hérode Archélaüs, Philippe, ainsi que sa sœurSalomé. Philippe obtient « laBatanée, avec laTrachonitide et l’Auranitide, une partie de ce qu’on appela le domaine deZénodore[5],[6] »[7]. Pour l'essentiel, Auguste a respecté le nouveau testament d'Hérode rédigé à peine cinq jours avant sa mort, après l'exécution d'Antipater, l'héritier qu'il avait désigné[8]. Contrairement à ce qu'il prescrivait, Archélaüs n'obtient toutefois pas le titre de roi[8].
Le domaine de Philippe a pour capitaleCésarée de Philippe, appelée ainsi chezFlavius Josèphe comme dans lesÉvangiles, pour ne pas la confondre avecCésarée maritime. Elle se situe au pied dumont Hermon, à la limite nord duGolan. Elle s'appelait Panéas ouBanéas. Philippe la renomme Césarée, pour en faire sa capitale[9]. Il refonde aussiBethsaïde, au nord dulac de Tibériade, sous le nom de Julias en l'honneur de la fille d'Auguste[9].
Les territoires sur lesquels Philippe a exercé son autorité sont peuplés de façon composite. LesJuifs y semblent minoritaires à part en quelques endroits[10] :
Pour Mary Smallwood, « les sujets de Philippe étaient en grande partie desgentils qui devaient l'accepter à cause de ses mérites »[10].
À la différence de son demi-frèreHérode Antipas, Philippe n'a pas hésité à faire frapper des monnaies avec des représentations faciales — buste d'Auguste et buste de Julie —, violant ainsi laTorah. PourChristian-Georges Schwentzel, cela pourrait refléter le fait que ses territoires sont des « régions mixtes où se côtoientJuifs,Nabatéens,Ituréens et citoyens des cités grecques »[12].
Le pays semble avoir été apaisé après l'installation desJuifs « Babyloniens » deBatanée. Le« caractère modéré et pacifique » de Philippe semble avoir maintenu la paix et l'harmonie dans ses territoires et il n'y a aucun indice qu'il ait eu à faire face à une recrudescence de désordres internes ou de violences[10].
« Il passait toute l'année dans les terres qui lui appartenaient. Dans ses voyages il n'avait pour compagnons que quelques hommes choisis. Le trône sur lequel il siégeait pour rendre la justice le suivait dans ses déplacements; s'il rencontrait quelqu'un dans la nécessité de lui demander secours, il faisait sur le champ dresser son trône là ou il se trouvait et, s'asseyant dessus, donnait audience, châtiait les coupables et acquittait ceux qui étaient accusés injustement. Il mourut à Julias (Bethsaïde) et, après des obsèques somptueuses, fut enseveli dans la sépulture qu'il s'était fait construire à l'avance. Comme il était mort sans enfants, Tibère hérita de ses possessions et les annexa à la province de Syrie, mais en ordonnant que les impôts levés dans sa tétrarchie y fussent affectés[13]. »
Philippe meurt àJulas en34, il se fait enterrer dans un somptueux tombeau. La date de la mort de Philippe le tétrarque est assez bien établie. Outre la mention de Flavius Josèphe qui la situe en34, une monnaie frappée par Philippe en33 (la37e année de son règne), montre qu'il n'est pas mort avant cette date[14].
Il n'a pas d'héritier[15]. « Il s'était marié à sa jeune nièceSalomé fille d'Hérode, fils d'Hérode le Grand et de Mariamne II »[15]. SelonChristian-Georges Schwentzel, son épouse était peut-être trop jeune pour avoir d'enfant. D'après lui, Salomé ne devait guère être âgée de plus de onze ou douze ans, à la mort de son premier époux[15]. Toutefois pourÉtienne Trocmé, Salomé pourrait avoir vingt ans au moment de l'exécution deJean le Baptiste[16].

Sa mort en34 ouvre une crise de succession, qui déclenchera une guerre (été ou automne36) entre son frèreHérode Antipas etArétas IV, le roi desNabatéens (cap.Pétra)[17].Jean le Baptiste sera une des victimes de la guerre d'influence que se livrent alors les différents prétendants au pouvoir sur ces territoires. En effet, celui-ci semble fermement opposé à ce que ces territoires reviennent àHérode Antipas et dispose clairement d'un poids politique dans tout ou partie de latétrarchie de Philippe. Il avait d'ailleurs commencé à rassembler ses partisans. Ainsi, selonFlavius Josèphe:
Comme toujours, cette opposition était assise sur des arguments religieux, particulièrement efficaces pour rassembler lesJuifs à cette époque dans cette région. LesÉvangiles retiennent un de ces arguments qui rendaient les gens « très exaltés en l'entendant parler ». Il disait àHérode Antipas : « Il ne t'est pas permis d'avoir la femme de ton frère ». En effet, pour mieux asseoir sa prétention à la succession de son frère, Antipas voulait épouserHérodiade, descendante desHasmonéens, mais aussi la femme d'Hérode fils deHérode Ier le Grand et de Mariamne II et par conséquent demi-frère, encore en vie, d'Antipas.
Philippe le Tétrarque est donc le premier mari de cetteSalomé qui, selon les Évangiles, séduitHérode Antipas endansant, et demande comme récompense la tête de Jean Baptiste pour faire plaisir à sa mèreHérodiade[18],[19]. Cet épisode, que les Évangiles placent avant la Passion, est inconnu deFlavius Josèphe.
SelonFlavius Josèphe, dans l'affrontement qui l'oppose àArétas IV, l'armée d'Hérode Antipas est « taillée en pièces à cause de la trahison de transfuges qui, tout en appartenant à la tétrarchie de Philippe, étaient au service d'Hérode (Antipas) ». Cette trahison est intervenue « en juste vengeance de Jean surnommé Baptiste (Jean Baptiste) »[20] qui venait d'être exécuté parHérode Antipas.
Le peuple voit dans la défaite des armées d’Antipas contre Arétas IV un châtiment divin sanctionnant le meurtre du Baptiste[17].
De nombreux auteurs rapportant laTradition chrétienne ou influencés par elle, indiquent que le premier mari d'Hérodiade serait Philippe, letétrarque detrachonitide mort en34, sujet de cet article. Cette affirmation semble soutenue par les mentions desévangiles selon Marc etMatthieu qui indiquent qu'Hérodiade est « la femme de Philippe »[21]. Toutefois lorsqu'on étudieFlavius Josèphe, il est clair que celui qui se marie avec Hérodiade est un fils qu'Hérode le Grand a eu avec Mariamne (II), la fille duGrand prêtre, c'est-à-dire la fille de Simon Boëthos[18]. Cet « Hérode, fils d'Hérode », qui n'est jamais appelé Hérode Philippe chez Flavius Josèphe, a été complètement déshérité par Hérode le Grand, peu de temps avant de mourir[22],[23],[24],[18]. ChezFlavius Josèphe, le fils d'Hérode le Grand qui devient tétrarque deBatanée et deTrachonitide et qui se prénomme en effet Philippe, a pour mère la cinquième épouse d'Hérode:Cléopâtre de Jérusalem et pas Mariamne II. Il a pour épouseSalomé, la fille d'Hérodiade et non pas sa mère[18],[19]. De ce mariage aucun enfant ne naîtra, ce qui est cohérent avec la mention de Flavius Josèphe selon laquelle Philippe le Tétrarque est « mort sans enfant ». Pour Nikkos Kokkinos « l'obstination de nombreux théologiens, à se référer à Hérode II comme « Hérode Philippe » est sans valeur »[21].
Toutefois, contrairement à ce qui est parfois écrit, lesévangiles ne contiennent pas cette confusion, celle-ci pourrait-être intervenue lors d'interprétations ultérieures. En effet, l'évangile selon Luc qui est le seul qui parle dutétrarque Philippe, dit que Philippe, le frère d'Antipas — et pas Hérode Philippe — était « tétrarque d'Iturée et deTrachonitide ». Il appelle « Hérode », le « tétrarque deGalilée », c'est-à-direHérode Antipas. Il ne comporte pas la mention selon laquelle Hérodiade est « la femme de Philippe », alors que lesévangiles selon Marc etselon Matthieu qui contiennent cette mention, ne contiennent aucune référence au tétrarque Philippe.
Il n'existe aucune preuve contemporaine que Philippe leTétrarque ait utilisé le nom « Hérode Philippe » comme un titre dynastique, comme cela s'est produit avec ses frèresHérode Antipas etHérode Archélaos. Toutefois son nom de naissance étaitPhilippe ben Hérode. Nikkos Kokkinos affirme même : « Aucun illusoire Hérode Philippe n'a jamais existé »[25]. L'étude du monnayage de Philippe confirme qu'il n'a pas utilisé le nom d'Hérode. L'usage de celui-ci pouvait être un privilège accordé — peut-être successivement — par l'empereur àHérode Archélaos, puis à partir de sa destitution en5/6 àHérode Antipas. Ce nom pouvait faire fonction de titre dynastique, une maigre consolation pour ne pas avoir été reconnu comme « roi » par l'empereur[26].
LeCambridge Ancient History[27] Vol.10 dit que Philippe le tétrarque, « contrairement à ses frères, n'a pas utilisé Hérode comme un nom dynastique » et se réfère toujours à lui comme Philippe, ou Philippe le tétrarque. Le précédentCambridge Ancient History[28] avait déjà indiqué que les demi-frères de Philippe,Archélaos etAntipas avaient « vraisemblablement » adopté le nom d'Hérode, comme référence dynastique àHérode le Grand et probablement comme revendication implicite de son titre de roi.
Selon Nikkos Kokkinos :
C'est un exemple de la grande difficulté que rencontrent les historiens pour établir quelles sont les relations de différents titulaires du même nom dans la même région ou dans la même famille — en particulier dans la dynastie hérodienne — mais la même difficulté se présente pour bon nombre d'autres dynasties, en particulier lorsque peu de sources existent.
LaGuerre des Juifs en langue slavonne (Vieux-slave) diffère beaucoup de celle desmanuscrits grecs existants. Le slavon est la langueliturgique desSlavesorthodoxes, cette version est connue par plusieurs manuscrits datant duXVe siècle jusqu'auXVIIIe siècle. Il ne s'agit pas d'une traduction du texte grec, car ce « Josèphe slavon » est amputé de nombreuses narrations, mais contient aussi vingt-deux passages qui sont absents de la version grecque[30]. S'il y a eu débat sur l'antiquité de la source originale, il paraît désormais douteux que cette version slavonne remonte à l'Antiquité[31] et la plupart des chercheurs estiment que les additions slavones datent duMoyen Âge : « l'ouvrage a été adapté par son traducteurmédiéval afin de combler ce qui devait passer pour des lacunes aux yeux du lecteur chrétien ; (...) les huit principaux ajouts slavons concernentJean Baptiste,Jésus et les origines duchristianisme »[30]. Cette traduction-adaptation date probablement duXIIe siècle[32].
Concernant Philippe, cette version contient ce passage qui est probablement un ajout fait à partir d'une source chrétienne inconnue. Il est toutefois intéressant pour voir quel était l'état destraditions chrétiennes au sujet de Philippe à l'époque de la composition de cette version, ainsi que celles concernantJean le Baptiste qui dans ce texte est clairement l'homme anonyme« représenté [...] marchant vêtu de poils de bêtes et purifiant le peuple dans les eaux duJourdain »[33] :
« Philippe, étant dans sa province, vit en songe un aigle qui lui arrachait les deux yeux. Il rassembla tous ses sages. Comme tous expliquaient le songe différemment, cet homme que nous avons représenté plus haut marchant vêtu de poils de bêtes et purifiant le peuple dans les eaux duJourdain vint le trouver subitement, sans être appelé, et dit : « Entends la parole du Seigneur. Ce songe que tu as vu, l’aigle, c’est ton amour du lucre, car cet oiseau est violent et rapace ; et ce péché te ravira tes yeux, qui sont ta province et ta femme. » Il parla ainsi, et avant le soir Philippe trépassa. Puis sa province fut donnée àAgrippa. Et sa femmeHérodiade fut épousée parHérode (Antipas), son frère. À cause d’elle, tous les docteurs de la Loi avaient horreur de lui, mais ils n’osaient pas l’accuser en face. Seul cet homme qu’ils appelaient sauvage vint le trouver avec fureur et dit : « Puisque tu as épousé la femme de ton frère qui méprisait la Loi, de même que ton frère est mort d’une mort impitoyable, ainsi tu seras frappé par la faux céleste. Car la divine providence ne le souffrira pas en silence, mais elle te fera périr de chagrins cuisants en d’autres contrées, parce que ce n’est pas une progéniture que tu veux procurer à ton frère, c’est un désir charnel que tu satisfais et tu commets un adultère, puisqu’il y a quatre enfants de lui. » Hérode, à ces mots, entra dans une grande colère, et ordonna de le battre et de le chasser. Mais lui ne cessa pas. Partout où il trouvait Hérode, il l’accusait, jusqu’à ce qu’il en eût assez, et il lui fit trancher la tête[34]. »
Le texte reprend la confusion qui fait d'Hérodiade la femme de Philippe le Tétrarque, alors qu'il était marié àSalomé. On ignore si l'indication qui parle de quatre enfants s'applique à l'autre Philippe — qui s’appellerait alors Hérode Philippe, comme il existaitHérode Antipas ouHérode Archélaos —, car Flavius Josèphe ne donne aucune indication de ce type sur celui qu'il appelleHérode.