Considéré comme l'un des grands acteurs ducinéma français, Philippe Noiret joue dans des films attirant en salles un total de plus de 116 millions de spectateurs, ce qui fait de lui l'un des acteurs ayant enregistré le plus d'entrées en France[1],[2].
Philippe Noiret est issu d'une famille de la petitebourgeoisie provinciale. Son père, Pierre Georges Noiret, descendant d'une vieille souchepicarde, est vendeur de faux-cols dans une grande maison deconfection, les Établissements Sigrand[3]. Il est passionné delittérature, detextes d'auteurs et depoésie. Sa mère, Lucy Clémence Ghislaine Heirman, d'originebelge, est femme au foyer. Dans son enfance, Philippe reçoit une éducation catholique[3].
À l'imitation de camarades d'ascendance aristocratique avec lesquels il étudie, il obtient pour présent de ses parents, qui vendent leurs alliances pour la lui payer, unechevalièrearmoriée.
De plus en plus sollicité par lecinéma à partir desannées 1960, il abandonne le théâtre pendant trente ans, jusqu'à son retour en 1997 dansLes Côtelettes, deBertrand Blier, où il joue le rôle« d'un pauvre mec degauche qui se retrouve en train de glisser àdroite »[9]. La pièce est jugée sévèrement par la critique, mais est un succès public.
Formé authéâtre, Philippe Noiret n'envisage pas à ses débuts de faire une carrière au cinéma[note 1]. Il fait une première figuration dans le filmOlivia (1951) : on peut l'apercevoir très brièvement en arrière-plan dans la scène du salon de thé[10].
Sa première véritable expérience cinématographique a lieu en 1955, dans la première réalisation d'Agnès Varda,La Pointe courte. À la dernière minute, il prend la place deGeorges Wilson, tombé malade. Il est alors très marqué de se voir pour la première fois à l’écran (marchant de dos), ressentant un certain malaise du fait de son physique, malaise qu'il surmontera lorsqu'il tournera avecJean Gabin[11].
Le second film charnière de la carrière de Philippe Noiret estLa Vieille Fille premier film deJean-Pierre Blanc, tourné en 1971. Il y donne la réplique àAnnie Girardot. C'est un grand succès qui lui permet de s'implanter définitivement dans le paysage cinématographique français, en confortant sa popularité auprès du public. Il enchaîne avecLa Mandarine d'Edouard Molinaro, toujours avec Annie Girardot. Toujours en 1971, il tourneLa Guerre de Murphy (Murphy's War), film de guerre britannique réalisé parPeter Yates avecPeter O'Toole dans lequel il interprète un ingénieur français travaillant pour une compagnie pétrolière dans les derniers jours de laSeconde Guerre mondiale auVenezuela.
Il tourne beaucoup, donnant leur chance à de jeunes réalisateurs (Edmond Freess,Henri Graziani,Marco Pico,Bertrand Tavernier) et les productions plus commerciales (L'Attentat,Le Serpent). Sa rencontre avec Tavernier, qu'il a aidé à monterL'Horloger de Saint-Paul est particulièrement importante, au point qu'il devient son comédien fétiche et tournera sept autres films avec lui :Que la fête commence (1975),Le Juge et l'Assassin (1976),Coup de torchon (1981),La Vie et rien d'autre (1989) etLa Fille de d'Artagnan (1994), films dans lesquels il endosse les premiers rôles ; et il effectue quelques participations amicales, d'une part dansUne semaine de vacances (1981) où il reprend son personnage deL'Horloger de Saint-Paul (le temps d'une scène, ce dernier évoque les événements relatés dans le film précédent et présente un personnage plus apaisé ayant tiré des leçons de la vie) et, d'autre part, dansAutour de minuit (1986). De plus,La Mort en direct (1980) aurait pu porter à neuf le nombre de leur collaboration, puisque Philippe Noiret devait interpréter le rôle du mari deRomy Schneider. Cependant, absent des plateaux de cinéma pour cause de santé, il est remplacé parMax von Sydow.
Tout au long de sa carrière, Philippe Noiret a fait preuve d’éclectisme dans ses choix, lui permettant de s’imposer aussi bien dans lacomédie que dans ledrame ou lesfilms noirs. Sa femme,Monique Chaumette, a été une précieuse conseillère[11]. De même, n'ayant pas le physique de jeune premier, il interprète des personnages de « Monsieur Tout-le-Monde », tout en jouant avec son image. Il est sollicité pour des rôles de personnages odieux comme il en avait déjà joué dansLa Porteuse de pain (1963), pour des films avec une dimension engagée (commeTrois Frères en 1980, interprétant un juge menacé de mort par lesBrigades rouges ouLes Lunettes d'or en 1987, avec le rôle d'un homosexuel à l'époque fasciste). On lui refuse le rôle dePorthos au cinéma, car« le metteur en scène ne l'a pas trouvé assez grand et a pensé qu'il n'avait pas l'humour du personnage »[12]. Ou encore, il n'hésite pas à accepter des rôles controversés. Ce fut le cas avecLa Grande Bouffe deMarco Ferreri aux côtés deMarcello Mastroianni,Michel Piccoli,Ugo Tognazzi et son épouseMonique Chaumette. Ce film, qui relate l'histoire d'un groupe d'amis quinquagénaires, désabusés de la vie, ayant décidé de se suicider collectivement dans une dernièreorgie en se gavant de nourriture et de sexe, provoque un scandale auFestival de Cannes 1973[13].
Le, il obtient son premierCésar du meilleur acteur pour son rôle dansLe Vieux Fusil deRobert Enrico, à l'occasion de la1re édition de la cérémonie. Il prend le rôle d’un médecin qui venge la mort de sa femme et sa fille, sauvagement assassinées par des soldatsSS, à la fin de l'Occupation allemande. C'est un film s'inspirant duMassacre d'Oradour-sur-Glane enHaute-Vienne par la2e division SS Das Reich commandé par le commandantAdolf Diekmann. Le film remporte un énorme succès[14], et avec ce personnage fou de douleur face à la mort de sa femme, qui est interprétée par Romy Schneider, il impose l'image d'homme séduisant. Le face-à-face avec Romy Schneider, marquée par la vie, et malgré des débuts délicats, se révèle finalement une belle rencontre humaine entre les deux acteurs et donnera lieu à de grands moments de cinéma (notamment lors de la séquence tournée à La Closerie des Lilas qui relate la rencontre entre Julien Dandieu et celle qui deviendra l'épouse adorée du personnage. Il lui déclare de but en blanc qu'il l'aime et qu'il désire l'épouser après l'avoir regardée en silence)[11]. Il retrouve par la suite des personnages charmants, notamment face àCatherine Deneuve,Sabine Azéma,Charlotte Rampling (Un taxi mauve),Simone Signoret,Fiona Gélin ouOrnella Muti. Du fait de cette image qu'il impose désormais, il devient le premier homme à faire la couverture du magazine fémininElle en 1978[15].
Cependant, la fin desannées 1970 est marquée par quelques difficultés connues par l'industrie cinématographique et des projets ne voient pas le jour. Philippe Noiret s'engageant sur certains de ces projets et attendant leur aboutissement, il tourne alors moins de films. Ou bien certains films sont entrepris, mais ne sont pas menés à terme, commeCoup de foudre deRobert Enrico (1977) avecCatherine Deneuve, qui est arrêté au bout d’une semaine de tournage. Puis il reste un an sans tourner, étant malade.
Les années 1980 : une figure incontournable du cinéma français
En 1984, il tourne le premier volet de la trilogie à grand succèsLes Ripoux de Claude Zidi, un tandem tonitruant de flics formé avecThierry Lhermitte, où il initie celui-ci, jeune policier novice sorti de l’école, aux petites combines à l'amiable avec les truands. Il retrouvera son personnage de René Boisrond en 1990 dansRipoux contre ripoux, puisRipoux 3 en 2003.Régine,Line Renaud etGrace de Capitani endossent le costume de leurs compagnesprostituées.
En 1986, il tourneMasques de Claude Chabrol, critique de latélévision et du monde bourgeois. Il prend les traits d’un animateur de télévision qui derrière sa bonhomie cache une figure exécrable, n'hésitant pas à séquestrer et tuer pour arriver à ses fins. En 1987 il est le narrateur dans le court métrage d'animationL'homme qui plantait des arbres deFrédéric Back. En 1988, il tourneCinema Paradiso deGiuseppe Tornatore qui le rend internationalement célèbre, notamment du fait de son accueil extrêmement chaleureux auFestival de Cannes 1989, ou encoreLa Vie et rien d'autre de Bertrand Tavernier pour lequel il reçoit son secondCésar du meilleur acteur en 1990.
Moins sollicité par lecinéma dans lesannées 2000, il revient sur les planches, avant un ultime succès sur grand écran avecPère et Fils deMichel Boujenah en 2003. Sur le ton de l'humour, il joue le personnage d’un père de famille s’inventant une maladie grave afin de partir en voyage avec ses trois enfants en vue de les réconcilier.
C'est également Michel Boujenah qui lui offre son dernier rôle. Philippe Noiret a participé deux jours au début du tournage deTrois Amis. Se sachant gravement malade, il a souhaité que Michel Boujenah inscrive au générique du début :« Avec Philippe Noiret, qui passait par là »[17].
En 1962, Philippe Noiret épouse lacomédienneMonique Chaumette, rencontrée auThéâtre national populaire. Ils ont une fille, Frédérique Noiret (née le[11]) qui est assistante de direction de tournage de cinéma etscénariste. Il est le grand-père deDeborah Grall, également comédienne et n'a pas connu son arrière-petite-fille, Lou, née en 2013.
Il possédait une maison àMontréal dans l'Aude à vingt kilomètres à l'ouest deCarcassonne[18], où il se ressourçait régulièrement, lorsqu'il ne travaillait pas, et où il cultivait sa passion de l'élevage dechevaux. C'est dans les environs de sa propriété que l'ultime scène du filmLa Vie et rien d'autre deBertrand Tavernier a été tournée, scène dans laquelle son personnage se promène à travers la campagne.
Dans les années 1980, il a arrêté toute consommation d'alcool à la suite d'une hospitalisation pour de graves douleurs au ventre, mais a continué de fumer deux cigares par jour[11].
Philippe Noiret meurt dans l'après-midi du (vers 18 heures) à son domicileparisien, à l'âge de 76 ans, des suites d'uncancer généralisé[19]. Son amiJean Rochefort dit de lui :« Un grand seigneur nous a quittés. »
Parmi les hommages officiels, celui duprésident de la RépubliqueJacques Chirac :« Avec lui, c'est un géant qui nous quitte, il restera l'un de nos plus grandsacteurs » et celui duministre de la CultureRenaud Donnedieu de Vabres :« Philippe Noiret était une immense figure du septième art mais aussi l'un des acteurs les plus aimés et les plus respectés des Français. […] Nous garderons le souvenir de son élégance, dans tous les sens du terme, de sa voix incomparable et reconnaissable entre toutes. »
À la fin des années 1960, il acquiert une maison àMareil-Marly, avec un jardin contigu à celui deJean Rochefort, son grand ami.
Il fréquente très souvent, avec son épouse, la ville duTouquet-Paris-Plage, réputée pour ses installations équestres, où il s'adonne à sa passion, le cheval. En hommage, la municipalité a donné son nom à une voie proche du centre équestre,allée Philippe-Noiret[21].
↑« Je ne pensais pas du tout faire ducinéma. Toute notre génération, je pense que tous... j'entendsJean Rochefort,Jean-Pierre Marielle,Jean-Paul Belmondo, tout ça... on a eu envie d'êtrecomédiens à travers le cinéma, curieusement. Mais aucun d'entre nous, nous ne pensions faire du cinéma. Aucun. Pour nous, êtreacteur, c'était être dans une troupe ou ailleurs, et puis, jouer tous les soirs. Et si on gagnait notre vie comme ça, c'était très bien. Et alors, le cinéma est venu, plus ou moins tôt, plus ou moins tard selon les uns les autres, nous demander ». Philippe Noiret, entretien avecBernard Rapp, documentaireLes Feux de la rampe, dePhilippe Azoulay, 2001.