Si ce bandeau n'est plus pertinent, retirez-le. Cliquez ici pour en savoir plus.
Certaines informations figurant dans cet article ou cette section devraient être mieux reliées aux sources mentionnées dans les sections « Bibliographie », « Sources » ou « Liens externes »().
Philippe II (engrec ancien :Φίλιππος /phílippos), né en, mort assassiné en, est unroi de Macédoine de la dynastie desArgéades qui règne entre et. Il est le père d'Alexandre le Grand. Promoteur de profondes réformes politiques et militaires qui ont permis l'émergence de la Macédoine, il soumet les cités grecques, dontAthènes etThèbes, et prépare l'expédition contre lesPerses qu'Alexandre dirige après sa mort.
Philippe succède à son frère aînéPerdiccas III en, d'abord en tant que régent de son neveuAmyntas IV qu'il évince rapidement du pouvoir en se faisant proclamer roi vers. Durant les premières années de son règne, il lutte victorieusement contre lesIllyriens, élimine des prétendants soutenus parAthènes et annexe les principautés de Haute-Macédoine. Il se lance ensuite dans une politique de conquête avec notamment la prise d'Amphipolis qui éloigne les Athéniens des côtes de la Macédoine. Vainqueur desPhocidiens durant la troisièmeguerre sacrée en, il devient magistrat suprême de laligue thessalienne et prend la place des Phocidiens à l'amphictyonie de Delphes. En-, il défait laligue chalcidienne, son dernier rival au nord de la Grèce. Ayant pour ambition de libérer les cités grecques d'Asie Mineure de la domination perse, Philippe consolide sa frontière septentrionale par la conquête de laThrace jusqu'auDanube.
Cette politique expansionniste suscite l'hostilité grandissante des Athéniens sous la conduite deDémosthène, rédacteur desPhilippiques dans lesquelles il exhorte ses compatriotes à lutter contre les Macédoniens. La quatrième guerre sacrée qui éclate en voit la victoire de Philippe à labataille de Chéronée sur une coalition réunissant les Athéniens et les Thébains. Il profite de cette victoire éclatante pour fonder laLigue de Corinthe afin de réaliser l'unité des Grecs face aux Perses. En, alors qu'il s'apprête à rejoindre le corps expéditionnaire installé en Asie Mineure, il est assassiné àAigai parPausanias d'Orestide, son propre garde du corps, dans des conditions non élucidées.
Sous le règne de Philippe, le royaume de Macédoine triple sa superficie et connaît une réforme de ses institutions, avec la création de quatre grandes régions administratives, et de sonarmée, avec la création de laphalange de porteurs desarisses. Le royaume connaît par ailleurs un formidable développement artistique comme en témoignent les tombes royales d'Aigai, dontcelle de Philippe. Il est considéré comme le fondateur de la puissance macédonienne qui perdure jusqu'au début duIIe siècle av. J.-C.
Philippe est l'un des trois fils du roiAmyntas III et d'Eurydice. Devenue veuve, cette dernière cherche à l'exclure du pouvoir[1]. Par son ancêtre légendaireCaranos, fondateur de la dynastieargéade, il prétend descendre d'Héraclès[2]. Cette tradition est notamment rapportée parIsocrate dans sonDiscours à Philippe, ou de façon postérieure parPlutarque dans laVie d'Alexandre.
À la mort de son père vers 370-369 av. J.-C., c'est son frère aînéAlexandre II qui est proclamé roi deMacédoine. Menacé par lesIllyriens, il finit par les vaincre grâce à l'aide desAthéniens. Mais il intervient ensuite dans un conflit enThessalie, ce qui provoque une réaction hostile desThébains, qui le contraint à abandonner l'alliance athénienne à leur profit. Cette alliance est scellée par l'envoi de plusieurs otages : en 369-368, alors est âgé de14 ans, Philippe est envoyé en otage à Thèbes sous la conduite dePélopidas[1]. Bien traité par son hôte, Pamménès, il y aurait appris l'art de la guerre en observantÉpaminondas[3], le vainqueur des batailles deLeuctres et deMantinée. Il y reste pendant trois années, ou jusqu'à la troisième année selon la traduction faite du termetrienno utilisé parJustin, soit jusqu'en 367, 366 ou 365. Il rentre en Macédoine après la mort de son frèreAlexandre II, assassiné sur l'ordre de leur beau-frère,Ptolémée.Perdiccas III succède à Alexandre II mais ne récupère complètement la couronne qu'après la mort de Ptolémée qu'il fait vraisemblablement assassiner en 366 ou 365.
Philippe doit affronter une situation difficile puisque la survie duroyaume de Macédoine est directement menacée par les Illyriens[3]. En outre, lesPéoniens et lesOdryses deThrace, profitant de l'anéantissement de l'armée macédonienne, envahissent les régions orientales de la Macédoine. Enfin, les Athéniens soutiennent le prétendantArgaios II, qui a déjà tenté de prendre le pouvoir au cours du règne de Perdiccas III, et débarquent àMéthone enPiérie. Usant de diplomatie, Philippe repousse la menace des Péoniens et desThraces en leur promettant de payer un tribut. Puis, il défait les 3 000hoplites athéniens qui ont rejoint l'armée d'Argaios, lequel est exécuté après la bataille[4]. Philippe doit néanmoins se résoudre à épouserAudata, la fille deBardylis, le roi des Illyriens. Il conclut également un traité de paix avec Athènes, à qui il restitueAmphipolis qu'il a conquise. Puis à l'été 358, il se retourne contre les Péoniens et les Illyriens, forçant ces derniers à évacuer laLyncestide et à conclure la paix, après avoir remporté une grande victoire dans la vallée de l’Érigon, Bardylis trouvant la mort dans les combats. La frontière avec l'Illyrie est alors repoussée au-delà dulac Lychnidos.
Peu de temps après cette victoire, Philippe renforce l'alliance avec lesÉpirotes en épousantOlympias, la fille deNéoptolème et future mère d'Alexandre le Grand. C'est probablement à la suite de ce mariage que l'Assemblée des Macédoniens le reconnaît comme roi en 357, alors qu'Amyntas IV est écarté du pouvoir[4].
Philippe hérite en d'un royaume affaibli, du fait principalement de l'absence d'unité entre ses principales composantes : le cœur historique du royaume, les territoires situés le long de l'Axios conquis par Alexandre Ier et les principautés de Haute-Macédoine (Élimée,Lyncestide,Orestide,Tymphée, etc.). La fragilité du royaume s’explique aussi par les querelles dynastiques et par la volonté de certaines des cités de s'affranchir du pouvoir central. Pendant les vingt-quatre ans de son règne, Philippe assoit la puissance de la Macédoine grâce à un pouvoir central renforcé, soutenu par unearmée qu'il a profondément réformée[5].
Lorsqu'il arrive au pouvoir, l'armée est anéantie à la suite des affrontements avec lesIllyriens. Il entreprend alors de vastes réformes militaires. Inspiré par le modèleThèbes forgé parÉpaminondas, il commence par professionnaliser l'armée. La formation d'une armée permanente s’inspire dubataillon sacré thébain, seule unité véritablement professionnelle de l’armée civique thébaine qui a démontré sa supériorité lors de labataille de Leuctres en face auxSpartiates. Les réformes concernant l’infanterie se situent dans la composition de l'équipement mais également dans les tactiques de combats utilisées. Le soldat macédonien se voit doter d'un armement défensif plus léger que l'hoplite. Ces changements se traduisent par un abandon de la cuirasse en bronze (dorénavant réservée aux officiers) au profit d’unlinothorax (cuirasse en lin). Le bouclier rétrécit, passant de 90 cm de diamètre à 60 cm permettant de rendre les formations plus compactes. On constate également un abandon ducasque corinthien pour un modèle plus léger basé sur lecasque phrygien, seules subsistent les jambières (cnémides). Pour ce qui est de l’armement offensif, véritable enjeu de la réforme, les phalanges macédoniennes se voient dotées d’unesarisse, une lance dont la longueur varie à l'époque entre 4,50 m et 5,50 m[6]. La phalange macédonienne, par la légèreté de son équipement en comparaison des phalanges hoplitiques (dont la panoplie pèse 35 kg) peut se déplacer plus rapidement et avec plus de fluidité, ce qui apportait un avantage tactique décisif lors des affrontements. D’aprèsPolybe[A 1], la phalange macédonienne se forme sur16 rangs contre 8 pour les phalanges hoplitiques, sur les16 rangs seuls les5 premiers abaissent leurs sarisses. Enfin Philippe II s’inspire encore des Thébains en reprenant l'ordre oblique mise au point par Épaminondas[7]. Les effectifs de l’infanterie de l’armée de Philippe augmentent grandement au cours de son règne, passant de 10 000 hommes en 359 à presque 30 000 lors de labataille de Chéronée en.
Lacavalerie connaît elle aussi un profond remaniement. Philippe augmente les effectifs desCompagnons (ouhétaires), des cavaliers lourds généralement issus de l'aristocratie, qui passent de 300 en 359 à près de 3 000 en 338. Il apporte par ailleurs quelques nouveautés dans l'armement offensif, notamment une lance mesurant 4 m environ, lexyston, qui améliore la puissance de choc[8]. Il introduit enfin dans les tétrarchies (une unité de 60 cavaliers) la formation en pointe ou en coin qui présente l'avantage de garder une cohésion d'ensemble lors des manœuvres.
Les réformes militaires opérées par Philippe ont des retombées politiques majeures avec l'élargissement d'une forme d'aristocratie, plus directement dépendante de Philippe. L'augmentation des effectifs desCompagnons à cheval (hétaires) lui permet de réduire les ambitions des vieilles familles aristocratiques. Pour se prémunir contre la menace que pourrait représenter ce corps élargi, il permet au peuple de participer à la vie militaire et politique du royaume : il met en place une assemblée du peuple, qui se réunit au moins deux fois par an et offre ainsi un contrepoids aux Compagnons qui auraient la tentation d'outrepasser leur rôle[réf. nécessaire]. Cette évolution des organes politiques centraux s'appuie sur des réformes à l'échelon locale, nécessaires pour créer un État homogène. Il concentre son action sur un territoire susceptible d'atteindre cette homogénéité et maintient à l'état de colonies les possessions macédoniennes qui dépassent ces frontières.Justin décrit la méthode retenue pour créer cette homogénéité : il utilise les déplacements de population qui se retrouvent ainsi mélangées, aucune n'étant attachée à une terre ; les différentes populations peuplant les cités du royaume bénéficient des mêmes droits civiques[réf. nécessaire].
Il est probable que la création des quatre districts oumérides deMacédoine soit l'œuvre de Philippe[10]. Chaque district (Haute-Macédoine,Bottiée, Amphaxitide et vallée duStrymon) fonctionne sur le même modèle que le royaume avec un chef et une assemblée. La création des Mérides vise à renforcer le contrôle par le pouvoir central d'un royaume qui s'est considérablement agrandi.
Au début de son règne, Philippe s'assure la mainmise sur les mines duPangée qui lui permettent d'émettre de nombreuses émissions monétaires en argent sur l'étalon thraco-macédonien. Les monnayages d'or (sur l'étalonattique) semblent plus rares et il est probable que la plupart des « philippes » d'or aient été frappés après son règne[11]. Philippe bénéficie également des richesses obtenues par les conquêtes, alors qu'auparavant les rentrées d'argent sont limitées aux droits de douane et à l'exploitation des terres royales. Philippe dote la capitale,Pella, d'un port, et, reprenant à son compte la politique d'Archélaos, il développe les routes et fortifie les villes[11]. Les cités grecques conquises conservent une certaine d'autonomie, comme ça sera plus tard le cas avec les souverains de l'époque hellénistique[11].
Enfin, Philippe fonde sur le modèleachéménide le corps des pages royaux (basilikoi paides) afin d'assister le roi. Ils sont recrutés à l'âge de 14 ans parmi l'aristocratie et sont formés jusqu'à l'âge de 18 ans. Outre l'apprentissage militaire, ils reçoivent un enseignement philosophique dispensé parCallisthène. Ils veillent sur le roi et le servent à table, ils s'occupent de ses chevaux et l'accompagnent à la chasse. La plupart des pages, qui de par leur présence auprès du roi garantissent la loyauté de leurs parents, sont destinés à devenir des Compagnons ou pour les plus méritants dessômatophylaques (gardes du corps)[12].
Philippe cherche à donner à laMacédoine une ouverture vers lamer Égée, ce qui le fait entrer en opposition avecAthènes[11]. Au printemps, nouvellement proclamé roi, il entreprend le siège d'Amphipolis contrairement aux engagements pris avec les Athéniens qui ne sont alors pas en mesure de s'opposer aux Macédoniens. Il s'empare de la cité et proclame son indépendance. Il s'engage plus encore contre les Athéniens en s'alliant avec laLigue chalcidienne et en lui restituantPotidée en 356. En 355, il avance ses pions en Thrace, profitant de la défaite desPéoniens et desIllyriens deux auparavant : il prendAbdère,Maronée puis, malgré l'intervention athénienne,Méthone[4], où il perd un œil au combat.
Après avoir assuré sa domination sur laThrace, Philippe tourne ses ambitions vers laGrèce proprement dite. Les historiens s'interrogent sur le fait de savoir s'il entend déjà à cette époque marquer son hégémonie en Grèce ou s'il cherche seulement à s'immiscer dans les affaires deThessalie, déchirée par des querelles politiques depuis la mort du tyranAlexandre de Phères[11]. Déjà en-, Philippe est intervenu en Thessalie à l'appel desAleuades deLarissa mais il a finalement renoncé, appelé par des affaires plus urgentes en Thrace[11].
La troisièmeguerre sacrée qui débute en 356 offre à Philippe une occasion de se tourner vers la Grèce[11]. Il est en effet appelé par lesThébains et laLigue thessalienne afin de combattre lesPhocidiens, accusés de sacrilège et qui se sont emparés du sanctuaire deDelphes[11]. Les Phocidiens reçoivent le soutien d'Athènes et deSparte qui cherchent à réduire l'influence de Thèbes.Onomarchos, nouveau stratège des Phocidiens, refonde son armée avec l'aide des trésors delphiques et forme une puissante armée de mercenaires. Il se tourne vers la Thessalie, tentant de la désorganiser en soutenant les tyrans dePhères et deCrannon contre les Larissiens[13]. Ceux-ci appellent alors Philippe à l'aide, provoquant l'intervention des Macédoniens dans la région en. Philippe est battu à deux reprises par les Phocidiens et doit battre en retraite, bien décidé cependant à revenir. En 353-352, il assiège à nouveau Phères tandis qu'Onomarchos marche contre lui à la tête de 20 000 hommes. Les Phocidiens sont finalement battus à labataille du Champ de Crocus, avant que les Athéniens n'aient pu débarquer. Philippe fait crucifier le cadavre du stratège vaincu et aurait fait jeter à la mer plus de 3 000 prisonniers phocidiens, châtiment réservé aux sacrilèges[14]. Dans la foulée, il s'empare de Phères, qui dispose d'une certaine puissance maritime, et se fait élire à la tête de la Ligue thessalienne. Il en profite pour intégrer à sonarmée la réputée cavalerie thessalienne[15]. Alors qu'il poursuit les Phocidiens, il parvient dans le défilé desThermopyles, ce qui provoque une vive inquiétude en Grèce. Une coalition réunissant les Athéniens, lesSpartiates et lesAchéens entreprend un vigoureux effort militaire pour empêcher Philippe d'avancer plus loin et celui-ci préfère se retirer[13]. Malgré cet échec, Philippe a marqué les cités grecques par sa puissance.
À partir de 352, Philippe reprend la politique d'expansion de son royaume vers le nord-est et se tourne vers laThrace, divisée en trois royaumes depuis la mort deCotys, roi desOdryses. À l'appel de l'un des rois, il assiège la forteresse d'Héraion Teichos, au bord de laPropontide. Ce mouvement menace directement les intérêts athéniens, à la fois à cause de leursclérouquies deChersonèse, mais aussi à cause de leur approvisionnement en blé. Athènes vote d'abord l'envoi d'un contingent massif, mais la nouvelle exagérée d'une maladie de Philippe les dissuade de l'envoyer effectivement, à tort : Philippe prend Héraion Teichos et livre la forteresse à la cité dePérinthe, qui a également fait appel à lui[13].
Alors que les cités grecques ont tenu Philippe jusque-là pour quantité négligeable, elles le craignent désormais. C'est à ce moment queDémosthène compose la première de sesPhilippiques, dans laquelle il présente Philippe comme un ennemi d'Athènes et considère ses soutiens (telsDémade etEubule) comme des ennemis de ladémocratie[16].
Après sa victoire durant la troisièmeguerre sacrée Philippe consolide ses positions dans le nord de lamer Égée : en, il dirige une expédition contre lesIllyriens et assure de bonnes relations avec l'Épire en ramenant auprès de luiAlexandre le Molosse, futur héritier du trône[16]. Il s'attire les bonnes grâces du roi perseArtaxerxès III en organisant le retour d'Artabaze et deMemnon de Rhodes qui se sont réfugiés à la cour dePella. À cette époque Philippe dote la Macédoine d'une importante flotte de guerre, ce qui lui permet de menacer les navires athéniens[16].
À partir de, Philippe passe à l'offensive contre la puissanteLigue chalcidienne dominée parOlynthe. La Ligue chalcidienne s'est opposée à lui en recueillant deux demi-frères coupables d'une tentative d'usurpation. Elle refuse l'ultimatum lancé par Philippe et demande l'aide d'Athènes[16]. À l'été 349,Démosthène prononce la première de sesOlynthiennes afin d'encourager les Athéniens à soutenir militairement la Ligue chalcidienne. Philippe pousse l'Eubée à se révolter contre Athènes avec pour objectif d'empêcher les Athéniens d'aider Olynthe. Il s'empare facilement de laChalcidique en malgré l'envoi d'un corps expéditionnaire par Athènes. Olynthe etStagire (la cité natale d'Aristote) sont entièrement rasées et leurs habitants vendus comme esclaves ; la Chalcidique est annexée au royaume de Macédoine[17].
Jusque-là, que ce soit par l'intermédiaire d'Olynthe ou de l'Eubée, l'affrontement entre Athènes et la Macédoine a surtout eu lieu par alliés interposés. En,Eubule, dirigeant athénien pro-macédonien, envoie àPella une ambassade (composée entre autres dePhilocrate, d'Eschine et de Démosthène) afin de négocier une trêve, sachant que Philippe cherche à avoir les mains libres pour intervenir dans la guerre sacrée qui oppose encoreBéotiens etPhocidiens[18]. Ce traité, dit « paix de Philocrate », est largement favorable à Philippe qui a profité de la lenteur des négociations pour renforcer ses positions en Thrace et battre les Phocidiens : Athènes reconnaît la domination macédonienne en Chalcidique et abandonne l'alliance avec les Phocidiens ; les Macédoniens récupèrent la place des Phocidiens à l'amphictyonie de Delphes ; en échange Philippe propose une alliance aux Athéniens et s'engage à ne pas s'attaquer à laChersonèse de Thrace[19]. Le rhéteur athénienIsocrate accueille favorablement cette paix en écrivant son discours politique,Philippe, dans lequel il s'adresse directement au roi de Macédoine, l'invitant à réaliser l'union des cités grecques et à faire la guerre auxPerses, concrétisant ainsi l'idéalpanhellénique. Eubule et Isocrate incarnent donc l'existence d'un courant pro-macédonien actif au sein de l'élite athénienne.
Malgré la conclusion d'untraité de paix, les heurts sont nombreux entre Philippe et les Athéniens de à, chacun des protagonistes cherchant à consolider ses positions. La vie politique à Athènes est alors marquée par l'opposition entreDémosthène etEschine, tandis quePhilocrate, accusé de trahison, est condamné à mort par contumace[17]. Les Athéniens profitent de cette période pour reconstituer leurs forces militaires et envoyer desclérouques enChersonèse de Thrace[17]. De son côté, Philippe renforce ses positions aux frontières de son royaume : en, il lance une expédition contre lesDardaniens puis contre lesIllyriens. En, il intervient enThessalie pour en chasser les derniers tyrans et se fait déclarerarchonte à vie de laLigue thessalienne[17]. Dans le même temps, il intervient enÉpire au profit de son beau-frèreAlexandre le Molosse qu'il place sur le trône. Cette campagne inquièteLeucade etAmbracie qui appellent à l'aideCorinthe, leur métropole, qui elle-même demande l'aide à Athènes. Cette dernière envoie un corps expéditionnaire à Ambracie et Philippe préfère se retirer dugolfe Ambracique. Cette campagne en Épire provoque un retournement d'alliance dont Démosthène est à l'origine : Corinthe et ses colonies, laLigue achéenne,Argos, l'Arcadie et laMessénie rejoignent le parti athénien[17].
Sa proposition de négociation étant rejetée par les Athéniens, Philippe se tourne alors en contre la région desDétroits, vitale pour l'approvisionnement en blé d'Athènes. Il est probable que Philippe cherche aussi à se prémunir contre les Perses qui viennent de reprendre pied enTroade après l'éviction d'Hermias, tyran d'Atarnée rallié à Philippe[20]. Philippe décide d'envahir laThrace et annexe leroyaume des Odryses, tout en traitant avec lesGètes et avec les cités grecques duPont-Euxin. Cette menace envers les clérouquies athéniennes de Chersonèse entraine la réaction des Athéniens qui dépêchent en Thrace le stratège Diopeithès qui se livre à la piraterie pour payer ses mercenaires et s'attaque àCardia, alliée de Philippe[20]. En mai, Démosthène prononce sa troisièmePhilippique pour convaincre les Athéniens de la nécessité d'entrer en guerre contre lui au nom de la « liberté des Grecs ». Dès lors, l'affrontement direct entre la Macédoine et Athènes paraît inévitable.
En mars un congrès réunissant Athènes et ses alliés prépare la guerre contre Philippe. La paix est officiellement rompue à l'été 340 quand Philippe conduit une flotte dans les Détroits et commence le siège dePérinthe qui reçoit des renforts des Perses et deByzance ; cette dernière est donc elle aussi attaquée. Philippe envoie à Athènes une lettre qui dénonce les actes de Diopeithès, entérinant la rupture de lapaix de Philocrate[21].
En, une guerre éclate entre les Macédoniens et lesScythes qui se sont installés sur les terres au sud duDanube à la fin duVe siècle av. J.-C. et dont le roiAteas a formé un État rudimentaire en unifiant les tribus scythes. Sous le long règne d'Ateas, les cités grecques des rives occidentales de laMer Noire tombent sous la domination des Scythes. Les Scythes contrôlent alors une grande partie de la rive droite du Danube comme l'attestent ses campagnes contre lesTriballes et lesGètes et ses menaces contreByzance. Ateas se rapproche un temps de Philippe durant une campagne contre la cité grecque d'Histria enThrace ; mais étant parvenu à vaincre seul les Histriens, il repousse cette alliance et une guerre éclate. En, l'armée de Philippe défait les Scythes le long du Danube. Ateas trouve la mort à l'âge de 90 ans et son armée est mise en déroute. Les Macédoniens capturent le camp des Scythes et mettent la main sur 20 000 femmes et enfants et plus de 2 000 chevaux. La défaite des Scythes semblent avoir entraîné la perte de territoires des deux côtés du Danube[22],[23].
Les hostilités entreMacédoniens etAthéniens démarrent par l'attaque dans lesDétroits d'un convoi de commerce sous protection athénienne. Philippe échoue à prendreByzance, bien aidée par des renforts provenant de ses alliés ; il préfère abandonner le siège et conclut la paix avecPérinthe et Byzance au cours de l'hiver[24].
À son retour en Macédoine, Philippe parvient à exploiter habilement le conflit qui aboutit à une quatrièmeguerre sacrée. En, l'amphictyonie de Delphes, à l'initiative d'Eschine, décide d'entrer en guerre contre une cité deLocride,Amphissa, accusée d'avoir cultivé une terre sacrée[24]. Philippe y voit l'occasion de pousser son influence en Grèce. Il se fait accorder le commandement de l'expédition et progresse enPhocide, où il s'empare d'Élatée. LesBéotiens, qui sont censés être alliés des Macédoniens, s'inquiètent de l'expansion macédonienne dans la région et décident de rejoindre l'alliance athénienne (en compagnie notamment de Byzance,Abydos,Chios etRhodes) après qu'une ambassade a été conduite parDémosthène àThèbes[24]. Athènes envoie en Phocide 10 000 mercenaires commandés parCharès tandis que les propositions de paix de Philippe sont rejetées au printemps 338.
Philippe passe alors à l'offensive : il s'empare d'Amphissa, détruit le corps de mercenaires de Charès et pénètre en Béotie, ravageant la région. De nouvelles propositions de paix sont envoyées aux Athéniens mais ceux-ci refusent sur avis de Démosthène. En août 338, l'armée macédonienne (dont la cavalerie est commandée parAlexandre le Grand) défait sévèrement les troupes grecques coalisées à labataille de Chéronée : lebataillon sacré thébain est massacré, les Athéniens perdent 1 000 hommes et 2 000 prisonniers[24].
Après sa victoire à labataille de Chéronée, Philippe impose ses conditions aux vaincus.Athènes est contrainte de signer la paix dite « deDémade » (alors prisonnier des Macédoniens) : Philippe renonce à occuper l'Attique ; les prisonniers athéniens sont libérés sans rançon, Athènes peut conserver certaines de sesclérouquies ; la citoyenneté athénienne est accordée à Philippe et à son filsAlexandre ; Athènes peut conserver sa flotte car il est probable que Philippe songe à l'utiliser contre lesPerses.Thèbes est plus sévèrement punie : la cité est occupée par une garnison macédonienne, un gouvernement oligarchique est installé, laLigue de Béotie est dissoute[25]. Philippe montre une certaine mansuétude à l'égard d'Amphissa dont il s'est emparée pendant la quatrièmeguerre sacrée et fait réduire l'amende à payer par lesPhocidiens. Puis il se rend dans lePéloponnèse où il est accueilli favorablement par lesAchéensCorinthiens qui signent des traités de paix. Il ne rencontre de résistance qu'àSparte ; mais profitant de la campagne d'Archidamos III àTarente, il marche sur laLaconie et ampute Sparte de régions frontalières[26]. Il retourne ensuite en Macédoine en laissant des garnisons à Corinthe,Chalcis etAmbracie, points de défense stratégiques[25].
Philippe entend réorganiser à son avantage le monde grec et assoir l'hégémonie macédonienne. Au printemps, il réunit sous sa présidence des représentants des cités grecques au congrès deCorinthe[27]. Les États réunis concluent une paix commune et font serment de ne jamais nuire à Philippe qui est désignéhègémon de laLigue de Corinthe. Les cités doivent respecter l'autonomie et les institutions de chacune d'entre elles. L'organe chargé de veiller au respect de ces dispositions est le « conseil des Hellènes » qui devient dès lors l'organe principal d'une alliance hellénique sous direction macédonienne dont le but clairement établi est de lutter contre l'Empire perse[27]. Sparte, laCrète et les cités deGrande-Grèce, restées neutres, n'y adhérent pas. Ayant mis fin aux différends qui opposent les cités entre elles, Philippe aurait déclaré :« J'ai fait le bornage de la terre de Pélops »[Note 2].
LaLigue de Corinthe, fondée en, institue une alliance militaire (symmachie) contre l'Empire perse, l'« ennemi commun » des Grecs[26]. Le prétexte fourni par Philippe est de venger la profanation des sanctuaires grecs lors de la deuxièmeguerre médique et de « libérer » les cités grecques d'Ionie et deLydie[28]. Philippe suit donc les recommandations faites parIsocrate qui fait du roi deMacédoine le champion dupanhellénisme et le chef de la guerre contre les Perses[A 2]. Dans son œuvrePhilippe, Isocrate propose des solutions afin de faire face à la désorganisation du territoire macédonien. Pour ce faire Philippe II doit rassembler les « peuples errants » qui sont pour la plupart des mercenaires, pour constituer des communautés qui formeront par la suite des cités[A 3]. Ce regroupement de population est inspiré du modèle grec. Les institutions macédoniennes identifiées par l'examen de textes paléographiques démontrent d'ailleurs bien cette influence grecque[29]. Tout cela justifie aux yeux d'Isocrate une « expédition contre les Barbares »[A 4]. Enfin, Philippe aurait peut-être cherché à constituer un empire macédonien enAnatolie jusqu’aux rives de l’Halys[30].
Profitant du désordre qui fait suite à l'assassinat d'Artaxerxès IV[26], Philippe fait appel au début de l'année à ses deux généraux de confiance,Parménion etAttale, pour diriger un corps expéditionnaire. À la tête de 10 000 hommes et aidé par les cités d'Éphèse etCyzique, Parménion remporte plusieurs victoires, comme àMagnésie du Méandre. Il s'empare de Grynéion, près dePergame, pour ensuite se diriger versPitané oùMemnon de Rhodes, alors à Cyzique pour réprimer la cité, revient pour en assurer la défense. Mais le siège de Pitané échoue, malgré l’arrivée de renforts, et il doit se replier enTroade, puis àAbydos. Cette première campagne n’est pas couronnée de succès, et rares sont les cités grecques qui se déclarent en faveur des Macédoniens.
En, Philippe épouseCléopâtre grâce à l'entremise d'un de ses principaux conseillers et oncle de la jeune femme,Attale. Père de deux garçons (Arridhée, qui souffre d'une déficience mentale, etAlexandre), Philippe souhaite probablement voir naître un autre fils pour sécuriser sa succession. Attale affirme publiquement que les enfants de Philippe et de Cléopâtre seront les seuls légitimes. Alexandre et sa mèreOlympias, qui se sont indignés de ce mariage, sont temporairement exilés, respectivement enIllyrie et enÉpire.
À l'été, Philippe organise àAigai, l'ancienne capitale desArgéades, des fêtes somptueuses en l'honneur de son prochain départ en Asie et du mariage de sa filleCléopâtre avec le roi d'Épire,Alexandre le Molosse, frère d'Olympias. Au moment où il arrive dans le théâtre d'Aigai, tout vêtu de blanc, et après avoir écarté ses gardes pour montrer sa confiance envers les représentants des cités grecques, il est mortellement poignardé dans le dos[26]. L'assassin est un jeune garde du corps (sômatophylaque),Pausanias d'Orestide, qui éprouve une rancune envers le roi après avoir subi un viol impliquant Attale[31].
Certains auteurs antiques avancent que le meurtre de Philippe est une machination impliquant Olympias, et peut-être Alexandre ; mais d'autres auteurs[A 5] penchent pour un mobile personnel[32]. Peu d'historiens contemporains[33] considèrent qu'Alexandre est impliqué dans le meurtre de son père alors que toute la conduite de Philippe montre qu'il entend en faire son successeur[34]. Une autre hypothèse met en causeDarius III, le nouveau roi perse.Arrien mentionne ainsi une lettre d'Alexandre adressée à Darius après labataille d'Issos qui le blâme pour le meurtre de son père[A 6],[Note 3].
Après l'assassinat de Philippe, l'Assemblée des Macédoniens proclame, avec le concours d'Antipater, Alexandre nouveau roi des Macédoniens[35]. La mort de Philippe ne change rien aux plans d'invasion : Parménion fait allégeance à Alexandre qui rejoint le corps expéditionnaire en, marquant le début de la conquête de l'Empire perse.
Philippe a posé les bases de la puissance duroyaume de Macédoine, qu'il a unifié et agrandi, tout en imposant l'hégémonie macédonienne sur laGrèce continentale. Il triple la surface de son royaume en annexant la Haute-Macédoine (dont laLyncestide et l'Orestide), les territoires situés à l'est de l'Axios (dont laThrace) et laChalcidique[36]. Il entreprend de profondes réformes administratives en mêlant les institutions traditionnelles macédoniennes et celles de laLigue chalcidienne : la Macédoine est divisée en quatre districts régionaux (oumérides) autour de communautés civiques (cités ouethné)[36]. L'équipement et la tactique de l'armée macédonienne connaissent par ailleurs des améliorations décisives qui servent la domination militaire mais aussi de levier social pour les couches « moyennes »[36]. Les arts connaissent enfin un formidable essor comme en témoignent lestombes royales d'Aigai (actuelleVergina). Il montre aussi son attachement à la « sagesse grecque » en accueillantAristote à la cour dePella. Finalement, il a forgé l'outil politique et militaire qui permet àAlexandre le Grand de conquérir l'immenseEmpire perse.
La vision de Philippe chez les auteurs de son temps est très contrastée.Démosthène s'oppose violemment à lui à travers lesPhilippiques en le décrivant comme un barbare et un ivrogne qui cherche à soumettre la Grèce. Cette image de propagande est jusqu'auXIXe siècle prise pour une réalité et présente laGrèce du nord comme un pays sans culture digne de ce nom[37]. Mais lesorateursEschine etIsocrate font de lui un « vrai Grec » soucieux de mettre fin aux querelles entre les cités et un admirateur sincère d'Athènes, à l'égard de laquelle il montre en effet une grande mansuétude. Enfin, le philosophepéripatéticienThéophraste le considère comme le plus grand des rois de Macédoine, non seulement par sa fortune, mais encore par sa sagesse et sa modération.
Aux yeux des modernes, Philippe apparait comme un brillant chef de guerre et un diplomate avisé dont le génie a durablement transformé la Grèce. Grand stratège inspiré par la tactique nouvelle établie par lesThébains, réformateur d'unearmée macédonienne devenue quasi invincible, il montre également un grand courage physique en combattant à la tête de ses hommes comme en témoignent ses nombreuses blessures (il a perdu un œil durant le siège deMéthone)[26]. Il sait également faire preuve de ruse et de diplomatie en utilisant des agents acquis à sa cause et en se servant des faiblesses intrinsèques des cités. Il promeut la « liberté des Grecs » au gré de ses intérêts et garantit notamment lerégime démocratique àAthènes après sa victoire àChéronée. Il parvient à se faire appeler à l'aide par les Grecs eux-mêmes pour régler leur différends, comme lors desguerres sacrées, et se pose en défenseur de lareligion grecque en appelant à venger la destruction des sanctuaires par les Perses[26]. Pour autant l'historien moderne reste confronté à des sources partiales[38], alors que sa mort prématurée empêche de comprendre ses véritables desseins en Asie[39].
Les historiens et archéologues estiment que le corps de Philippe a été placé dans la nécropole royale deVergina, site correspondant à celui de l'antiqueAigai, première capitale duroyaume de Macédoine, la tombe exacte faisant encore l'objet de discussions entre spécialistes[40]. La nécropole contient onze tombes. LatombeII a longtemps été considérée comme étant celle de Philippe, après analyse des ossements. Une équipe de chercheurs espagnols a cependant conclu à la suite d'une nouvelle étude que la tombe de Philippe est latombeI. Elle se base surtout sur les lésions osseuses du genou gauche caractéristique d'une blessure reçue par Philippe trois ans avant sa mort et qui l'a laissé estropié.
Labisexualité[41] de Philippe — untrait répandu dans la Grèce antique — est attestée par des sources antiques et mentionnée par des historiens. Il est célèbre dès l'Antiquité pour ses amours avec les hommes et les femmes : une plaisanterie d'époque est qu'il prend une nouvelle épouse après chaque guerre[42], tout en entretenant des liaisons avec des jeunes hommes, dont le frère d'Olympias, son épouse, ainsi quePausanias[43], son futur meurtrier[42]. Parmi les historiens antiques,Théopompe détaille l'appétit sexuel jugé important de Philippe pour les deux sexes[44].
Roipolygame, comme telle est la coutume enMacédoine, Philippe aurait eu pas moins de sept épouses, d'après un fragment de son biographeSatyros de Callatis préservé parAthénée[A 7]. Il s'agit dans l'ordre chronologique de :
↑Bernard Eck, « Philippe de Macédoine a-t-il jeté à la mer trois mille prisonniers de l’armée phocidienne ? : Remarques sur l’historiographie de la bataille du Champ de Crocus (353) »,Erga Logoi,no 5,,p. 7-27.
« A group of historians participating in the sixth International Symposium on Ancient Macedonia, held this year in Thessaloniki, Greece, say that King Philip II of Macedonia, father of Alexander the Great, was bisexual, Deutsche Presse-Agentur reports »
« Philip of Macedon was infamous even in antiquity for his amours with both sexes, and it was a common joke that he took a new wife after each new war. Reputedly, he also had affairs with boys ranging from Olympias' own brother to Pausanias, who would prove to be his death. »
« Theopompus goes on to detail Philip’s various character flaws and ruthlessness, such as his excessive drinking, a voracious sexual appetite for women, men, and boys [...] »