Elle se transmet principalement par piqûre depuce. Son réservoir d'origine est constitué de nombreuses espèces derongeurs sauvages, oucommensaux comme lerat.Endémique en certaines régions ou foyers, elle peut acquérir un caractèreépidémique, voirepandémique, avec un taux élevé delétalité.
La peste humaine peut prendre trois formes :peste bubonique,peste septicémique etpeste pneumonique. La transmission interhumaine peut être indirecte par puce (peste bubonique) ou directe par voie aérienne (peste pulmonaire).
Par analogie, d'autres maladies à forte morbidité pour d'autres espèces sont également nomméespeste, comme lapeste aviaire,celle du canard,celle du porc. Ce sont des maladies virales qui n'ont rien à voir avec la peste humaine.
Le termepeste apparaît enmoyen français auXVe siècle (vers 1460[1], ou en 1475[2]). Il dérive dulatinpestis signifiant d'abord « fléau » au sens propre (l'outil ou l'arme de guerre qui sert à battre ou à frapper) et aussi, au sens figuré, toutes les calamités, ruines et destructions, dont toute épidémie à forte mortalité[2] (pestilence ou « maladie contagieuse, épidémie »[3],[4]).
Enancien français, il existait déjà le termepester apparu auXIIe siècle, à partir dulatin vulgairepistare pris pourpinsare « piler, broyer ». L'ancien français pester a pour sens 1) broyer, pétrir 2) piétiner, fouler 3) battre. L'ancien françaispestel est le pilon, la massue, le haut du bras qui servent à frapper. De la même famille sont les termes d'ancien françaispestrir « pétrir » etpestrin « pétrin »[5].
L'ancien françaispestilance (pestilence) apparu en 1120, du latinpestilentia, signifie « maladie pestilentielle », fléau ou calamité, carnage ou défaite[5], ainsi que toute odeur infecte (en particulier celle d'un champ de bataille couvert de cadavres).
Les origines du terme latinpestis sont obscures ou incertaines[1]. Il n'existe pas d'équivalent engrec ancien. Plusieurs termes grecs recouvrent les sens déjà mentionnés commeepidemios « sur le peuple » (epi etdemos) ;nosos « maladie » ;phtoros « ruine, destruction » ;loimos « fléau ». Tous ces termes sont utilisés parThucydide pour désigner « lapeste d'Athènes » (le texte grec original n'a pas de titre)[6].
Le terme latinplaga (le coup et son résultat) a donné le françaisplaie et l'anglaisplague (peste). Dans laSeptante, traduction de laBible hébraïque en grec ancien, les juifs grecs d'Alexandrie utilisent le termeloimos pour chacune des10 plaies d'Égypte en français,the 10 plagues of Egypt en anglais[6].
Yersinia pestis, vue avec un grossissement de 200 en fluorescence. Cettebactérie portée par lespuces est responsable des différentes manifestations de la peste.
Ce germe est résistant, il reste virulent plusieurs jours dans un organisme en putréfaction[7]. Il est sensible à la chaleur et à la dessiccation (il ne résiste pas longtemps à la lumière solaire[8]), mais il résiste au froid.
Il possède plusieurs facteurs de virulence qui lui permettent de survivre chez l'humain en utilisant les nutriments des cellules hôtes et en empêchant laphagocytose et d'autres mécanismes de défense.
Trois variétés de souches (variétés ditesbiovars) sont notées à partir de leurs caractéristiques biochimiques :antica,medievalis, etorientalis (il existe d'autres biovars, mais strictement liés aux rongeurs). Les trois biovars liés aux humains auraient correspondu à chacune des trois pandémies historiques de peste (peste de Justinien,peste noire etpeste de Chine). Cette hypothèse, proposée en 1951, est considérée comme inexacte[9].
Des traces de protéines microbiennes peuvent être détectées même après plusieurs siècles, grâce à des tests dont les archéologues peuvent faire usage[10]. Le séquençage du génome deY. pestis a été réalisé en2001 par l'équipe de Julian Parkhill de l'Institut Sanger àCambridge et par B. Wren[11]. Ils ont détecté 4 012 gènes codant desprotéines[12].
Ces techniques biomoléculaires ont permis de rattacher la peste noire àorientalis, et la peste de Justinien à un biovar disparu ou non retrouvé[9].
La classification biochimique des souches tend à être remplacée par une classificationphylogénétique desY. pestis en cinq grands embranchements numérotés de 0 à 4. La diversité génétique deY. pestis est relativement limitée, du fait de son origine récente, mais avec des phases d'explosion du taux de mutations coïncidant avec des épidémies historiques[9].
Y. pestis semble être une évolution deYersinia pseudotuberculosis[13], la divergence ayant pu avoir lieu il y a environ 10 000 à 20 000 ans[9].
La peste est d'abord unezoonose affectant surtout les rongeurs. Si l'unanimité est faite sur le modèle général rongeurs-puces-humains, de nombreux problèmes de détail (espèces exactes en cause, modalités et mécanismes…) restent controversés et en cours de discussion.
La peste aurait le paradoxe d'être conservée par des espèces qu'elle détruit. Lesrongeurs sensibles (qui meurent de peste en moins d'une semaine) compensent cette mortalité par un renouvellement de génération particulièrement élevé[14] : les rats se reproduisent à l'âge de quatre mois, les rates ont environ quatre portées par an, chaque portée étant de six petits en moyenne[15].
La peste se répartit en foyers naturels d'endémies animales ouenzooties, plus ou moins permanentes, avec des alternances d'épidémies animales ouépizooties et des phases muettes, principalement en Asie, Afrique et Amérique de l'Ouest[16].
Il existe une peste tellurique, où la bactérie peut se conserver par le froid et se multiplier dans le sol. C'est particulièrement le cas dans les terriers de rongeurs après uneépizootie de peste. Lorsqu'une région se repeuple de rongeurs, ils réoccupent lesterriers vides et contractent à nouveau la maladie par inhalation ou ingestion lors du fouissement. Ce phénomène pourrait expliquer le caractère cyclique de la peste, après disparition apparente[9].
Souslik jauneSpermophilus fulvus, région de laMer Caspienne, un des réservoirs probables d'origine de laPeste noire médiévale.
Leréservoir primaire de la peste est représenté par de très nombreux rongeurs sauvages, constituant un réservoir naturel permanent de la maladie. La nature exacte du réservoir animal principal diffère selon les régions du monde[17].
Les rongeurs sauvages hibernants, comme la marmotte, pourraient aussi expliquer la permanence de la maladie d'une année à l'autre. Ceux qui ont contracté la peste ne présentent pas de maladie durant l'hibernation, puis l'infection se réactive brutalement au réveil, entraînant la mort de l'animal[15].
La bactérie est alors transmise de rongeur à rongeur par piqûre de puce, les différentes espèces de rongeurs étant plus ou moins sensibles ou résistantes. Il y aurait des hôtes primaires principaux, plutôt résistants (infection inapparente) où la bactérie circule en permanence, et des hôtes secondaires sensibles qui amplifient et disséminent la maladie, en particulier les rongeurs péri-domestiques.
La mort de rongeurs sensibles déclenche un lâcher de puces qui peuvent infecter des hôtes vertébrés de voisinage[9], leslagomorphes (lapin,lièvre) et les carnivores (chien, chat…). Ces derniers peuvent aussi infecter les humains lors d'un contact (si peau lésée) ou d'une morsure par un animal infecté.
Différences entre leRattus rattus et leRattus norvegicus.
La peste des rongeurscommensaux des humains est la principale source d'origine de la peste humaine ou peste urbaine.
En Europe, les deux espèces responsables des épidémies historiques de peste humaine sont lerat noir (Rattus rattus) et lerat gris ou surmulot (Rattus norvegicus).
Le rat noir (R. rattus) est originaire d'Asie du Sud-Est. Il s'établit au Proche-Orient dans l'Antiquité et parvient en Méditerranée orientale et en Europe du sud à l'époque romaine[18]. Le rat noir est un animal sédentaire, qui ne se déplace pas activement sur de longues distances. Il vit à proximité de l'homme (on n'en trouve pas à plus de200 m d'une habitation). Adapté aux activités humaines, il vit surtout dans les greniers et à bord des navires. Il peut être transporté parmi les marchandises (sacs de grains, ballots de tissus…)[15]. Sensible à la peste, il sort de son trou pour mourir, et les chroniques orientales signalent souvent la mort de rats précédant la peste humaine.
PuceXenopsylla cheopis après repas sanguin, avec blocage proventriculaire.
Les vecteurs de la peste sont desectoparasites. Celle des rongeurs et des humains s'effectue par piqûre de puce, près de 80 espèces depuces sont impliquées dans cette transmission[19]. En principe, il existe une grande spécificité des puces, chaque espèce de puce étant spécialisée pour son hôte, mais des exceptions sont possibles, notamment quand la puce ne trouve pas son hôte habituel[20].
Lesvecteurs principaux aboutissant à la peste humaine sont la puce du rat :Xenopsylla cheopis, dans les pays chauds comme l’Inde, ouNosopsyllus fasciatus en Europe. Lorsqu'un humain est touché par une puce du rat (par exemple en manipulant un rat mort), il contracte la maladie.Pulex irritans (puce de l'homme) prend alors le relais pour la transmission interhumaine. Une puce infectée le reste toute sa vie. Elle transmet la bactérie par piqûre, et accessoirement par ses déjections qui se retrouvent sur la peau humaine ou dans la poussière des habitations[20].
Les deux sexes de puces sonthématophages. En se multipliant dans « l'estomac » de la puce, ouproventricule, les bactéries bloquent la digestion. La puce affamée doit à nouveau se nourrir, ce blocage proventriculaire régurgite des bactéries vers le nouvel hôte piqué. Le schéma généralement admis est que seules les puces bloquées sont des vecteurs efficaces, les partiellement bloquées étant les plus dangereuses du fait d'une survie prolongée (une puce totalement bloquée finit par en mourir)[21].
Le modèle deMarcel Baltazard (1908-1971) faisait de la puce humainePulex irritans, un vecteur essentiel de la peste humaine, pouvant expliquer des épidémies de pestes « sans rats ».
Ce schéma est critiqué sur des arguments physiologiques (pas de blocage proventriculaire de la puce humaine) et épidémiologiques, entre autres parFrédérique Audoin-Rouzeau. La peste humaine serait alors sous la responsabilité exclusive des rongeurs sauvages, des rats et de leurs puces spécifiques[21],[22].
Sur des données expérimentales, Baltazard avait aussi montré que lepou de corps humainPediculus humanus humanus pouvait être, à l'occasion, un vecteur de peste. Cette transmission, se faisant par piqûre ou lésion de grattage (transmission par les fèces de pou), est de nouveau envisagée comme probable[21],[23].
Ces différentes hypothèses sont liées à la difficulté d'expliquer (par un modèle unique et simple) le déroulement de toutes les épidémies de peste, animales ou humaines, historiques ou contemporaines.
Après la morsure de la puce infectée, le germe se multiplie au point d'inoculation laissant une vésico-pustule puis gagne lesystème lymphatique et colonise le ou les ganglions satellites du point d'inoculation (le bubon). Une ou plusieursadénites localisées et suppurées apparaissent. L'évolution de la dissémination par voie hématogène permet au germe d'atteindre l'ensemble des organes et lespoumons où il développera une localisation pulmonaire secondaire. Le bacille se multiplie dans lesmacrophages et libère une toxine qui les détruit.
En zone endémique, touteadénite suppurée doit faire évoquer un bubon pesteux[24]. La peste s'exprime sous trois formes cliniques principales différentes, pouvant parfois se succéder dans le temps :
Bubons à l'aine d'une personne atteinte de lapeste bubonique.
Forme la plus fréquente, lapeste bubonique fait suite à la piqûre de la puce. La peste peut se déclarer d'abord chez les rongeurs qui meurent en grand nombre. Les puces perdant leur hôte recherchent d'autres sources de sang, et contaminent humains et animaux domestiques par piqûre. Après une incubation de moins d’une semaine, apparaît brutalement un état septique avecfièvre élevée sansdissociation de pouls,frissons,vertiges, sensation de malaise.
Des signes dedéshydratation et de défaillance neurologique vont accélérer l'évolution de la maladie vers une mort en moins de sept jours en l'absence de traitement efficace. On estime entre 20 et 40 % le nombre de malades qui vont guérir spontanément après un temps de convalescence assez long.
Cette forme constitue 10 à 20 % des pestes[13]. Lapeste septicémique est la plupart du temps une complication de la peste bubonique, due à une multiplication très importante des bacilles dans la circulation sanguine. Cette variété de peste apparaît quand les défenses des ganglions lymphatiques et les autres types de défense sont dépassés (peste septicémique secondaire). Le bubon peut être absent, le germe se multipliant immédiatement dans le sang (peste septicémique primaire). Il s'agit d’une forme mortelle sans traitement, mais non contagieuse.
Forme plus rare que la peste bubonique, c'est la forme la plus dangereuse car extrêmement contagieuse. Lapeste pneumonique ou pulmonaire survient lorsque le bacille pénètre directement dans l'organisme par les poumons (peste pulmonaire primaire), ou par complication pulmonaire d'une peste septicémique (peste pulmonaire secondaire). Les humains sont contaminés, et contaminent, par les crachats (expectorations purulentes) et les projections microscopiques (toux, postillons) contenant le germe.
Lapeste pharyngée survient après consommation d'aliments contaminés parYersinia pestis. Elle se présente comme unepharyngite avecamygdalite, une fièvre élevée, unetoux sèche, et unelymphadénite (inflammation des ganglions du cou)[19].
Chez l'enfant, on peut observer unemyélémie ou passage dans le sang d'éléments précurseurs provenant de lamoelle osseuse[24].
Dans les formes graves, la thrombopénie peut s'accompagner de troubles de la coagulation consistant en unecoagulation intravasculaire disséminée. Des altérations des fonctions hépatiques et rénales sont fréquemment constatées[16].
Les principaux prélèvements se font à partir d'un bubon (prélèvement par aspiration à l'aiguille), du sang, des crachats ou de l'aspiration bronchique. L'examen direct au microscope après colorations peut permettre d'identifier parfois des bacilles de coloration bipolaire caractéristique[25].
La mise en culture nécessite un délai de48 h, elle est nécessaire pour isoler et identifier la bactérie. Dans lapeste pulmonaire, le diagnostic est confirmé par la culture des crachats ou de l’aspiration bronchique. Leshémocultures (mise en culture du sang du patient) sont l'examen-clef d'une forme septicémique. L'identification deY. pestis se fait par la mise en évidence de bactériesgram-négatives de forme ovoïde, et de l'étude de leurs caractères biochimiques à28 °C[19].
L'inoculation à lasouris entraîne la mort de l'animal en 2 à5 jours[16].
Des techniques de biologie moléculaire parPCR permettent de porter un diagnostic en quelques heures, mais elles ne sont pas disponibles partout, notamment pas dans les pays où la peste est endémique, et le plus souvent réservées aux laboratoires de référence et de recherches[19].
Par ailleurs, la recherche de la bactérie peut se faire lors d'autopsies, cadavres de malades suspects ou de rongeurs, par prélèvement d'organe (ganglions, foie, poumons, rate…)[19], le germe étant particulièrement résistant dans les corps en putréfaction.
Les tests aux anticorps fluorescents ouELISA sont trop tardifs (sérologie positive 6 à10 jours après le début de l'infection). Ils restent d'intérêt épidémiologique (diagnostic rétrospectif de confirmation)[24],[19].
Depuis 2003, un test sur bandelette de diagnostic rapide (en 15 minutes) a été mis au point. Il s'effectue directement sur les échantillons biologiques pour détecter l'antigène capsulaire F1 duYersinia pestis. Très utile en pays d'endémie, il ne permet pas d'affirmer à lui seul le diagnostic, tant que la bactérie n'a pas été isolée d'au moins un patient dans la zone considérée (résultat croisé avec d'autres yersinia commeY. pseudotuberculosis). Il donne alors des résultats avec une excellentesensibilité et spécificité[24],[19].
Sans traitement moderne, la peste bubonique évoluait vers le décès parsepticémie dans 60 % des cas, les formes septicémiques et pulmonaires étant presque toujours mortelles[16].
Un traitement réel contre la peste n’a été disponible qu’après la découverte du bacille parAlexandre Yersin en 1894. Il s'agissait de lasérothérapie par sérum antipesteux de Yersin (1896), un sérum obtenu par immunisation du cheval. Un autre traitement historique a été laphagothérapie, dans les années1920-1930.
La voie d’administration peut être orale ouparentérale, et l’antibiothérapie doit être prescrite au stade précoce (8 à 24 heures après le début de la peste pulmonaire) pour obtenir un maximum d’efficacité. Il a été décrit de rares souches résistantes à plusieurs de ces antibiotiques[28]. Cette situation reste, pour l’instant, exceptionnelle.
L'incision du bubon et son drainage ne sont plus guère recommandés.
Lutte contre la peste et letyphus par l'élimination desrats dedécharges (ici probablement durant laSeconde Guerre mondiale). L'image montre un homme avec unpulvérisateur et de nombreux rats morts sur la surface des déchets. Il est sans doute en train de pulvériser un gaz toxique (chloropicrine ?) dans les « terriers » de rongeurs[29].
La peste est une maladie à potentiel épidémique qui justifie un diagnostic précoce et exige une déclaration aux autorités sanitaires nationales et internationales.
déclarer très rapidement aux autorités sanitaires la suspicion d'un cas de peste ;
lancer une enquête épidémiologique pour identifier la source et les personnes exposées ;
hospitaliser tout malade symptomatique dans une structure médicalisée, particulièrement ceux qui sont atteints de formes respiratoires ;
limiter les déplacements pour éviter l'extension de l'épidémie ;
administrer une antibioprophylaxie par cyclines, rifampicine ou streptomycine aux sujets en contact.
La désinsectisation et la lutte contre lesréservoirs animaux (dératisation obligatoire des navires) sont déterminantes dans la prévention d’une épidémie. Dans les parcs naturels aux États-Unis, des panneaux préviennent les promeneurs d'éviter tout contact avec les rongeurs[16].
En situation épidémique de peste bubonique, il faut commencer par éliminer les puces des habitations parinsecticides, et non pas les rats, car alors les puces de rat chercheraient d'autres hôtes de proximité comme les humains. Dans un deuxième temps, les rats sont éloignés des habitations en éliminant sources de nourriture, gîtes potentiels[19], ou contrôlés parrodenticides[9].
Il existe unvaccin (entier inactivé) dit KWC (Killed Whole-Cell) d'origineaustralienne (le KWC américain n'est plus produit depuis1999). Ce vaccin est uniquement utilisé pour protéger les personnes à très haut risque, comme les militaires en opération dans des zones endémiques de peste, ou celles qui travaillent sur la peste (microbiologistes et chercheurs sur la bactérie, les puces ou les rats infectés). Ses inconvénients sont sa faible durée de protection (de l'ordre de6 mois), ce qui peut nécessiter des injections de rappel, avec un risque d'effets secondaires plus important. De plus, il ne protège pas de la peste pulmonaire primaire[30]. Il n'est pas disponible au public.
De nouveaux essais de vaccins sont en cours depuis2005 auCanada[31]. Le but est de trouver un vaccin efficace contre toutes les formes de pestes, y compris la forme pulmonaire[8].
Waldemar Haffkine met au point le premier vaccin le[32]. Appelé aussilymphe d’Haffkine, ce vaccin était composé de germes tués[33].
En1921, un vaccin aqueux est mis au point par l'Institut Pasteur. Des vaccins vivants atténués ont été utilisés enUnion soviétique et dans lescolonies françaises.
En1932, Girard et Robic mettent au point un vaccin vivant atténué dit EV (pour Evesque, nom du patient d'où a été isolée la souche du vaccin). En France, avec le sérum antipesteux, il restera le seul traitement possible contre la peste jusqu'au traitement de la maladie par lessulfamides puis par lesantibiotiques (seuls ces derniers étant véritablement efficaces). Ce vaccin n'est plus fabriqué : très douloureux, il n'a pas démontré son efficacité[16].
Les deux plus grandes épidémies de peste depuis les années 1990, sont celle de l'Inde en 1994 (874 cas et 54 décès) et celle de Madagascar en 2017 (597 cas et 55 décès)[34].
De2010 à2015, 3 248 cas de peste humaine ayant causé 584 décès ont été répertoriés à travers le monde. Cela correspond à une baisse sensible, probablement liée à une évolution naturelle cyclique, comme il en a déjà été observé dans le passé[17].
Peste humaine : nombre de cas et de décès notifiés dans le monde, période 1987-2009.
La survenue d'une épidémie de peste est considérée par l’OMS comme une situation d'urgence sanitaire[35]. La peste est une maladie de la pauvreté enAfrique, enAmérique du Sud et en Inde. Ailleurs, dans les autres régions endémiques (Asie centrale,Ouest des États-Unis), c'est une maladie sporadique liée aux activités professionnelles ou touristiques de pleine nature.
L'Asie centrale reste le plus vaste foyer naturel de la maladie (considéré comme le berceau historique de la peste). Toutefois la population à risque se limite aux éleveurs et chasseurs des steppes et des montagnes. Quelques cas sporadiques sont signalés auKirghizistan, enRussie, enMongolie et enChine.
EnAmérique du Sud, des cas surviennent régulièrement auPérou (Nord-Ouest du pays), liés à l'activité agricole, beaucoup plus rarement enBolivie.
Dans l'Ouest desÉtats-Unis, la peste circule parmi les rongeurs sauvages[36]. Elle est responsable de quelques cas chaque année[36]. La contamination peut se faire par l'intermédiaire d'animaux domestiques malades, chiens ou chats[36]. En 2015, un cas de peste est déclaré auparc national de Yosemite enCalifornie[37]. Du au, lescentres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) américains rapportent 11 cas d’infection par le bacille de la peste, dont 3 décès[38]. Au total, pour la seule année 2015, les États-Unis notifient 16 cas de peste, dont 4 décès. Un cas a pu être contaminé par un autre, ce qui en fait le premier cas possible de transmission interhumaine aux États-Unis depuis1924[17].
La tendance à la baisse se retrouve en 2018, l’incidence mondiale de la peste humaine est la plus basse depuis 30 ans. Seuls cinq pays ont rapporté des cas humains en 2018. La République Démocratique du Congo (133 cas dont 5 décès) et Madagascar (104 cas et 34 décès) sont les pays qui rapportent le plus de cas en 2018. Les trois autres pays sont le Pérou (4 cas, 1 décès), la Bolivie (1 cas décédé), et les États-Unis (1 cas, zéro décès)[34].
En 2019, un cas de peste a été signalé en Ouganda, l'enquête retrouvant trois décès suspects dans la même famille. Le, deux décès par peste septicémique sont survenus enMongolie dans la province deBayan-Ölgii[34].
Lorsque la peste humaine est sporadique, survenant dans des régions isolées, elle est repérée en général sous la forme bubonique : Pérou (depuis 2014), États-Unis (depuis 2016), Chine, Bolivie, Mongolie,Kirghizistan etfédération de Russie (depuis 2013).
La survenue de formes septicémiques et pulmonaires dépend en partie de la qualité de la prise en charge des patients. Un retard au diagnostic et au traitement augmente le risque de complications, notamment de la forme pulmonaire hautement contagieuse, ce fut le cas à Madagascar fin 2017, où la peste est survenue en milieu urbain avec un système de santé déjà dégradé.
Selon l'OMS, la peste connaît de grands cycles pluriannuels, difficiles à expliquer. Malgré le relatif silence épidémiologique actuel, les autorités sanitaires doivent rester vigilantes pour ne pas être déstabilisées par la survenue soudaine de cas humains. La peste reste une maladie épidémique particulièrement redoutable, notamment dans sa forme pulmonaire en milieu urbain[34].
Dans l'Antiquité, le terme de « peste », ou ses équivalents, ne désigne pas nécessairement la maladie aujourd'hui nomméepeste, ni même une autre maladie spécifique. Il pouvait s'appliquer à un évènement catastrophique, frappant une cité entière, constituant en lui-même un concept culturel allant bien au-delà du concept de maladie. La peste, c'est ce contre quoi la religion et la médecine sont impuissantes, ce par quoi la Cité est mortelle sans défense possible[39]. Au cours du temps, le terme peste désigne toute maladie mortelle, en grand nombre, en même temps, en un même lieu.
Yersinia pestis serait issu deYersinia pseudotuberculosis, la divergence datant de moins de 20 000 ans.Y. pseudotuberculosis est une bactérie à transmission féco-orale (infection intestinale modérée), elle aurait acquis des éléments génétiques modifiant son mode de transmission (voie sanguine, et vecteur puce)[40]. Une étude de 2015 révèle que la peste était déjà endémique enEurasie, il y a 5 000 ans, dès l’âge du bronze, mais avec un bacille moins pathogène (souche de peste non transmise par la puce, munie encore de ses flagelles bien reconnus par lesystème immunitaire[41]). En, une équipe de recherche annonce la découverte, dans le corps d'une jeune femme de20 ans déterrée à Gökhem dans l'ouest de laSuède, d'une ancienne souche de peste vieille de 4 900 ans. Celle-ci constitue la souche la plus ancienne de la peste jamais trouvée. La souche de Gökhem porte les marques génétiques de lapeste pneumonique[42],[43]. Des études récentes ont montré que l'ADN de la peste peut être détecté dans la pulpe des dents des premiers squelettes de l'âge du bronze en Europe. Jusqu'à 8 % des squelettes étudiés hébergent ce qui était probablement la bactérie qui a causé leur mort[44].
L'hypothèse majoritaire place l'origine de la peste dans son foyer d'Asie centrale. Une étude a montré que la maladie sévissait déjà dans le voisinage de laChine, où l'ancêtre commun des bacilles actuels serait à rechercher il y a plus de 2 600 ans[45].
Une hypothèse minoritaire, avançant que la peste était présente dans l’Égypte pharaonique[46], place l'origine de la peste dans son foyer africain (Angola).
« … on compta, un dimanche, dans une basilique de Saint-Pierre[49], trois cents corps morts. La mort était subite ; il naissait dans l’aine ou dans l’aisselle une plaie semblable à lamorsure d’un serpent ; et ce venin agissait tellement sur les hommes qu’ils rendaient l’esprit le lendemain ou le troisième jour ; et la force du venin leur ôtait entièrement le sens. »
« Or donques la peste est une fièvre continue, aiguë et maligne, provenante d'une certaine corruption de l'air extérieur en un corps prédisposé : laquelle étant prise par contagion se rend par même moyen communicable & contagieuse : résidente aux trois parties nobles ; accompagnée de très mauvais & très dangereux accidents, & tendante de tout son pouvoir, à faire mourir l'homme, voire tout le genre humain. »
Selon les auteurs anciens, les épidémies de peste peuvent s'annoncer par des signes précurseurs : comètes, éclipses, tremblements de terre, orages violents, vol inhabituel des oiseaux, nuages en forme de cercueil, épidémies bénignes, réveil douloureux des cicatrices buboniques d'anciens pestiférés guéris…
Les pestes historiques présentent quelques différences avec la peste moderne : plus grande fréquence des morts subites ou formes foudroyantes (en quelques heures), surtout lorsque l'épidémie commence, et la grande importance des vomissements[50].
Dans l'Antiquité, des sacrifices étaient faits pour calmer unDieu offensé. Lechristianisme reprend cette conception, et appelle à la clémence divine par les prières, les confessions et les pénitences. Les saints les plus invoqués sontsaint Roch[52] etsaint Sébastien (voirSaints antipesteux) ; des messes sont dites, des offrandes sont faites (cierges gigantesques, cordons de cire faisant le tour des remparts) ; des processions ou pèlerinages sont organisés (transport de saintes reliques, ou procession desflagellants).
La peste est le fait d'êtres surnaturels : certains déclarent avoir vu legénie de la peste sous la forme d'une flamme bleue, que l'on voit flotter dans les rues et aller d'une maison à l'autre, dans d'autres lieux on voit unfantôme, une vieille femme, ou lediable lui-même. D'autres pensent que la peste peut se transmettre par le regard des pestiférés. Divers procédés magiques sont utilisés pour repousser les esprits malfaisants : enterrement debout, danses nues, exorcismes, inscriptions, croix fléchée, talisman, amulettes, pierres précieuses, protection par le chiffre quatre[53].
La peste est répandue volontairement par des groupes malveillants, contre lesquels on exerce représailles ou persécutions. En Russie, on accuse lesTatars et ce jusqu'auXVIIe siècle, enEurope centrale lesBohémiens. Tout groupe nomade (voyageurs, pèlerins) peut être soupçonné[54]. En Europe occidentale, auXIVe siècle, lesJuifs et leslépreux sont accusés d'empoisonner les puits et les fontaines.
La théorie médicale dominante de la peste est la corruption de l'air par des effluves souterrains (vapeurs pestilentielles), le sous-sol étant le lieu de la décomposition et de la corruption. Ces vapeurs infectes (miasmes) réalisent autant d'ascensions venimeuses qui retombent sur les hommes d'une région donnée. Le venin passe à travers les pores de peau pour corrompre les humeurs. Il peut se transmettre par les hommes d'un pays à l'autre. La peste est une pourriture des humeurs.
Contre le venin, on utilise desantidotes et contre-poisons :alexipharmaques, dont lesbézoards, lathériaque, composée de multiples plantes, a été utilisée. Sa teneur enopium devait diminuer légèrement la diarrhée et les douleurs. On utilise aussi des antidotes animaux (chair, sang… d'animaux venimeux, comme lavipère). On pensait en effet qu'il devait exister un principe de protection dans la vipère, puisque la vipère vit avec son propre venin. La lutte contre les humeurs corrompues passe par leur évacuation : saignée, purge, incision des bubons à maturité, avec des querelles d'écoles sur l'utilisation et la combinaison de ces moyens.
La lutte contre lesmiasmes de l'air passe par de grands bûchers, des plantes aromatiques, des parfums, la fumée detabac… Le masque à bec de canard imaginé parCharles Delorme, médecin deLouisXIII, contenait des plantes aromatiques, notamment de lagirofle et duromarin, aux propriétés désinfectantes mais permettaient surtout de supporter l'odeur de la mort. En fait cette puanteur était considérée comme la cause du mal et sa manifestation tangible. Une éponge, placée devant la bouche et imprégnée de « vinaigre des quatre voleurs » (vinaigre blanc,absinthe,genièvre,marjolaine,sauge, clou de girofle, romarin etcamphre) était censée protéger de la contagion.
Le traitement dit« électuaire des trois adverbes »[55] : « cito, longe, tarde », (pars) vite, (va) loin, (reviens) tard – traitement pas toujours facile à mettre en œuvre, et susceptible de propager plus encore la maladie[56].
La peste était présente dès la hauteAntiquité, et à l'âge du bronze. Elle s'est probablement manifestée avec l'urbanisation, mais ce qui est décrit sous le terme de peste ne peut être identifié avec suffisamment de certitude (descriptions historiques imprécises, manque de données depaléopathologie).
La peste est évoquée dans l'Ancien Testament comme un fléau envoyé par Dieu auxHébreux. Le roiDavid est châtié par Dieu et doit faire le choix entre subir sept années de famine, trois mois de guerre, ou trois jours de peste ; il choisit la peste (LivreII Samuel 24). La peste desPhilistins est au contraire envoyée pour défendre David (livre I Samuel 5), celle-ci a été considérée comme une première mention de peste bubonique, d'autres l'attribuent plutôt à unedysenterie ou à labilharziose.
LesGrecs ont également subi de telles maladies. Ils attribuaient traditionnellement la peste à la vengeance d’Apollon comme cela est décrit dans l’Iliade. C’est avec un regard plus rationnel queThucydide évoque une épidémie infectieuse survenue lors du conflit entreSparte etAthènes, vers-430, et appelée traditionnellement « peste d'Athènes ». De nombreuses hypothèses ont été avancées pour identifier cette épidémie, notamment larougeole, lavariole, lagrippe[57], letyphus ou encore lafièvre typhoïde. C'est cette dernière maladie qui aurait été identifiée par une rechercheADN sur la pulpe dentaire de cadavres retrouvés dans une sépulture de masse contemporaine de l'épidémie[58],[59]. Cette identification a toutefois été contestée[60].
Dans le troisième livre de son ouvrageGéographie achevé sous le règne de l'EmpereurAuguste, l'historien grecStrabon accusait déjà lesmûes (terme grec ambigu pouvant aussi bien désigner lesrats que lessouris) de propager la peste et notait que les habitants de laCantabrie (au nord de l'actuelleEspagne) payaient des chasseurs de rats (muothēroûntes) pour endiguer les épidémies[61],[62].
Carte de propagation de la peste noire.Lacolonne de la Peste de Timișoara (Roumanie), offerte par Johann Anton Deschan von Hansen par gratitude pour avoir survécu à la peste de 1738-1739.
En1347, des navires infectés abordent en Europe et déclenchent uneépidémie dont mourra un quart de la population occidentale en quelques années. Les recherches archéologiques récentes ont confirmé qu'il s'agissait d'une épidémie due au bacilleYersinia pestis[63].
À partir duXVIe siècle, l'Europe découvre les mesures d’isolement (exemple :mur de la peste dans leComtat Venaissin) et séparation des malades dans les hôpitaux, avecdésinfection etfumigation des maisons, isolement des malades, désinfection du courrier et des monnaies, création d’hôpitaux hors les murs,incinération des morts. À cette époque, les théâtreslondoniens sont automatiquement fermés pour limiter la contagion, lorsque le nombre de morts de la peste dans la capitale dépasse quarante par semaine. Les fermetures durent plusieurs mois, parfois plus d'une année[64]. La mise en place de patente maritime, de billet de santé ou passeport sanitaire, de quarantaine systématique des navires suspects s’avère efficace pour éviter de nouvelles épidémies, chaque relâchement de l’attention rappelant sans tarder les conséquences possibles.
Dans lemonde musulman, l'Empire ottoman adopte en1841 ces mesures européennes issues de trois siècles d'expérience, pour les appliquer sévèrement sur tout le territoire. Les Turcs éliminent en un an la peste dubassin méditerranéen, même dans les régions où les rats et les puces restent abondants. Il subsiste des cas sporadiques dont les foyers sont rapidement étouffés.
Cette dernière pandémie donne lieu à l'ensemble des découvertes modernes sur la peste.Yersin découvre le bacille responsable de la peste (1894) et un sérum anti-pesteux (1896). Lasérothérapie sera mise au point en1908 parCalmette, Yersin etBorrel. En1912, Édouard Dujardin-Beaumetz démontre le rôle des marmottes comme réservoir sauvage. En 1898,Simond démontre le rôle de la puce, mais sa découverte sera accueillie avec scepticisme et sarcasmes pendant une dizaine d'années. En1963,Baltazard montre l'existence d'une peste tellurique.
En1346, lesTatars assiègent le port de la coloniegénoise deCaffa enCrimée. Leur chef, lekhan Djanibek, décida de catapulter des cadavres pestilentiels sur les habitants de la ville, qui furent décimés par la maladie. Il est probablement, sans le savoir, l'un des premiers utilisateurs d'unearme biologique. Le départ précipité de nombreux Génois vers l'Europe contribua à la naissance de lapeste noire[72].
La peste a été utilisée comme arme par l’armée impériale japonaise lors de l’invasion de la Chine, notamment dans la région deChangde. Ces armes furent utilisées après des essais menés par des unités de recherche bactériologiques comme l'unité 731 pratiquant des expérimentations sur des humains[73].
Depuis le Moyen Âge, le rôle de la peste dans l'histoire des sociétés humaines apparait comme très important. Outre ses conséquences directes (démographiques, économiques, politiques et militaires), la peste influence la culture, les arts et la littérature, la pensée religieuse et philosophique[74].
Elle met à l'épreuve les rapports sociaux, suscitant la peur, l'angoisse, révoltes et violences ; ou au contraire la solidarité et l'entraide. La peste est le ressort d'origine de la coopération sanitaire internationale. Elle marque de son empreinte de nombreuses activités humaines de la vie quotidienne[74].
Les mystères entourant l'épidémie, la mort et l'influence des récits antiques et bibliques sur les croyances populaires ont largement inspiré les auteurs et artistes jusqu'à laRenaissance. À partir des textes bibliques,Nicolas Poussin représente dansLa Peste d’Ashdod (1630) lesPhilistins frappés par la peste en transformant l'anecdote en mythe. Le châtiment deDavid (retraçant le choix du roi entre la guerre, la famine et la peste dans LivreII, Samuel), est figuré dans la peinture classique duXVIIe siècle.Sébastien Bourdon réalise une gravure intituléePeste de David.Castiglione graveLes Trois Jours de peste[75].
Les « danses macabres » constituaient des représentations d’épisodes de peste, notamment celle de l'église deLübeck (1460), aujourd'hui disparue.
Les peintures murales de l'égliseromane Saint-Martin deJenzat sont de très rares représentations médiévales de malades présentant les stigmates de la peste bubonique oupeste noire[76]. Il existe également de nombreuses représentations de saints anti-pesteux, comme celles desaint Roch, à vocationapotropaïque.
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Boccace, dans son recueil de cent nouvellesLe Décaméron (1349-1353), décrit l'impact de la peste noire sur la vie sociale à Florence entre 1349 et 1353.
Jean de La Fontaine, dans la première fable du livre VII situé dans le deuxième recueil de sesFables (1678), intituléeLes Animaux malades de la peste, décrit une société animale touchée par la peste et qui voit en cette maladie le châtiment de ses péchés.
Daniel Defoe, dans sonJournal de l'année de la peste (1722), donne la parole à un narrateur, H. F., qui expose sous forme de compte rendu le visage de Londres durant l'épidémie depeste de 1665, qui a fait plus de 100 000 victimes.
Alexandre Dumas consacre le chapitre 16 de la quatrième partie duComte de Moret (1865) à une description saisissante de la peste deLyon en 1629-1630.
Albert Camus, dans son romanLa Peste (1947), décrit la vie quotidienne àOran durant une épidémie fictive de peste vers 1940. Dans sa pièceL'État de siège (1948), la peste est l'antagoniste qui prend le contrôle d'une ville en Andalousie.
Bernard Werber, dans le roman d'anticipationDemain les chats (2016), imagine aussi une peste qui s'installe à Paris à la faveur d'une dévastation générale causée par une guerre civile.
La peste est à l'origine de l'hygiène urbaine (cimetières transférés à la périphérie des agglomérations, nettoyage des villes facilité par le pavage des rues, enlèvement régulier des ordures...)[78]. C'est pour lutter contre la peste que les habitations traditionnelles des villes et villages proches de la Méditerranée sont blanches car badigeonnées à lachaux[74].
L'industrie desparfums, comme l'eau de Cologne, s'est développée pour combattre la peste. La peste est aussi responsable de la diffusion dutabagisme, lafumigation du tabac en pipe étant au départ un moyen de défense contre les miasmes de la peste[74],[78].
La peste influence le développement de labijouterie, en particulier celui despierres précieuses, utilisées commeamulettes de protection. La peste est à l'origine dusolitaire et de labague de fiançailles : c'est pour protéger sa fiancée de la peste que le jeune homme offrait une bague à sa fiancée qu'elle mettait à l'annulaire de la main gauche[74] (la main du cœur et du bouclier).
Autrefois, trois mots résumaient les précautions à prendre contre la peste :« cito, longe, tarde » (« vite, loin et longtemps »), sous-entendant que dès l’apparition des premiers signes de la maladie dans un lieu, il fallait partir vite, aller loin et y rester longtemps.
Le motpeste est devenu au fil du temps un qualificatif pour toute épidémie infectieuse, surtout dans l’Antiquité et auMoyen Âge. Il est entré dans le langage populaire pour désigner une chose ou une personne pernicieuse, malicieuse, mauvaise ou espiègle, puis dans des expressions telle que« fuir quelque chose comme la peste », marquant la volonté d'éviter quelqu'un ou une chose de manière absolue. À partir du qualificatif de ceux qui ont « eu » ou qui « donnent » la peste, le motpeste a ainsi pu former la base de nom usuel de personnes — par exemple dans lalangue bretonne —, de verbes — par exemple c'est à la base du verbe « taquiner » ennéerlandais ou bien « pester » enfrançais.
Le motempester signifie aujourd'hui dégager une mauvaise odeur, mais son origine est directement liée à lathéorie miasmatique, où la puanteur pouvait être, en elle-même, un agent de la peste. En1880, avec la découverte des microbes, les experts peuvent affirmer « tout ce qui pue ne tue pas, et tout ce qui tue ne pue pas »[79].
Michel Foucault généralise ensuite cette idée de peste : de la conception de la lèpre qui excluait les lépreux en masse, le pouvoir préfère à présent, dit Foucault, quadriller, afin d'appliquer sa puissance normative sur les individus. Le but, selon Foucault, n’est plus de purifier la population, mais de produire une population saine[82].
↑(en) G. Morelliet al., « Yersinia pestisgenome sequencing identifies patterns of global phylogenetic diversity »,Nature Genetics, 31 octobre 2010,DOI10.1038/ng.705.
↑Cf. Grégoire de Tours,Histoire des Francs - Livre quatrième :« de la mort de Théodebert Ier à celle de Sigebert Ier, roi d’Austrasie (547 – 575) » (lire en ligne).
↑Rhazès : La pilule aux trois adverbes » : « Les trois petits mots chassent la peste - Vite, loin et longtemps, où que l’on soit. - Partir vite, aller loin et droit devant, Quant au retour, le remettre à plus tard ». En fait, cette formule remonte àGalien.
↑Traditionnellement attribuée àHippocrate, cette formule se retrouve souvent abrégée en CLT et inscrite sur les portes de maison.
↑Hypothèses rappelées dansNorbert Gualde,Un microbe n’explique pas une épidémie, Le Plessis-Robinson, 1999,p. 33.
↑M.J. Papagrigorakis, C. Yapijakis, P.N. Synodinos, E. Baziotopoulou-Valavani, « DNA examination of ancient dental pulp incriminates typhoid fever as a probable cause of the Plague of Athens »,International Journal of Infectious Diseases, 10-3, mai 2006,p. 206-214.
↑M. J. Papagrigorakis, C. Yapijakis, P. N. Synodinos, E. Baziotopoulou-Valavani, « Insufficient phylogenetic analysis may not exclude candidacy of typhoid fever as a probable cause of the Plague of Athens (reply to Shapiro et al.) »,International Journal of Infectious Diseases 10-4, 2006,p. 335-336.
↑Beth Shapiro, Andrew Rambaut and M. Thomas P. Gilbert, « No proof that typhoid caused the Plague of Athens (a reply to Papagrigorakis et al.) »,International Journal of Infectious Diseases 10-4, 2006,p. 334-335,(ISSN1201-9712).
↑Martin Butler, « The condition of the theatres in 1642 » dansThe Cambridge History of British Theatre, vol. 1,Cambridge University Press, 2004,p. 440.
↑Lucchetti Enzo, Manfredini Matteo, De Iasio Sergio, « La peste de 1630 dans la ville et dans le territoire de Parme (Italie) »,Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris,vol. 10,nos 3-4,,p. 411-424.(lire en ligne, consulté le).
↑J. Brossollet, « Un pasteurien oublié : Edouard Dujardin-Beaumetz »,La Revue du Praticien,no 45,,p. 671-673.
↑B. Mafart, « Epidémiologie et prise en charge des épidémies de peste en Méditerranée au cours de la Seconde Guerre Mondiale »,Bulletin de la Société de Pathologie Exotique,,p. 306-310(lire en ligne).
↑Christine Coustau et Olivier Hertel,La Malédiction du cloporte et autres histoires de parasites, Points Science, Tallandier éditions (2008).cf. pages 77-78 en édition de poche (2010).
Frédéric Borel,Étude d'hygiène internationale. Choléra et peste dans le pèlerinage musulman (1860-1903), Masson et Cie éditeurs, Paris, 1904(lire en ligne)
Peintures murales de l'égliseromane Saint-Martin deJenzat, uniques représentations médiévales de malades présentant les stigmates de la peste bubonique oupeste noire (Yves Morvan, « La peste noire à Jenzat »,Bulletin historique et scientifique de l'Auvergne, Clermont-Ferrand,vol. 92,no 682,p. 89-102, 1984).