Lapeinture murale est une peinture monumentale dont lesupport est unmur intérieur ou extérieur, unevoûte ou unplafond[1], par opposition à lapeinture de chevalet qui est transportable. Cette peinture est en relation avec l'architecture[2]. L'artiste-peintre qui se spécialise dans cet art est appelé « peintre muraliste ».
Lafresque est une technique historique importante de peinture murale dans laquelle l'artiste applique la couleur très rapidement sur un enduit de chaux encore frais, technique ditea fresco en italien[3]. La peinture murale classique est réaliséea secco (sur un enduit sec). Parmétonymie, le langage courant désigne par « fresque » la peinture murale en général et tout ouvrage de grandes dimensions. Lapeinture à l'huile, qui domine la peinture classique, peut s'appliquer sur des murs spécialement préparés.
La peinture sur des murs, tant intérieurs qu'extérieurs, semble avoir existé dès qu'il y a eu des murs ; certains la font remonter à l'art pariétalpréhistorique (Béguin).
Les hommes ont toujours cherché à peindre sur les murs, que ce soit pour des raisons religieuses, esthétiques ou mercantiles[4].
Dans l'ensemble, et d'autant plus qu'elles sont monumentales, les peintures murales sont à peu près inamovibles. Il y a lieu de distinguer les peintures décoratives de celles qui font intégralement partie de l'architecture de l'édifice (Stephanaggi 1997), comme les ouvertures en trompe-l'œil ou laquadratura des plafonds.
La peinture murale a sonesthétique propre, qui la différencie de la peinture de chevalet. D'une part, laperspective peut être contrainte par la position de la peinture dans l'architecture, comme dans le cas des plafonds, ou du mur d'une pièce dans laquelle on ne peut reculer assez pour voir la peinture d'un coup d'œil. Certains choisissent de nier le mur, et d'organiser, à sa surface, un espace imaginaire ; d'autres préservent son évidence[5].
Les techniques anciennes se divisent entre celles sur enduit humide, fresque et fresque à la chaux, et celles sur enduit sec, à la chaux, à ladétrempe et à l'huile (Stephanaggi 1997). La peinture moderne utilise aussi les liants résine et notamment les aérosols.
Jusqu'à une époque récente, l'histoire de la peinture murale est surtout celle de la peinture murale intérieure. Les peintures extérieures, soumises aux intempéries, ne se conservent pas sans des soins d'entretien pratiquement constants.
Il ne reste que des traces des peintures murales grecques antiques, connues par la littérature. Des peintures murales romaines ont subsisté àPompéi etHerculanum. Certaines ont été détachées et conservées aujourd'hui dans des musées, commePain et figues, aujourd'hui auMusée archéologique national de Naples qui provient d'Herculanum[7].
La peinture murale classique ne se distingue des autres peintures que par son support. Qu'elle soit peinte à fresque ou à l'huile, elle est réalisée à l'initiative des autorités qui gouvernent les murs ou les plafonds, municipales, ecclésiastiques, étatiques ou privées.
La peinture murale témoigne des préoccupations de chaque époque, art public ou privé, laïque ou religieux[8], populaire ou élitiste, jouant un rôle social, voire politique.
AuMoyen Âge,« […] une église… n'était jamais considérée comme achevée tant que la pierre, matériau terrestre, n'avait pas été masquée par un revêtement peint digne de la « Maison de Dieu »[9] ». À cette époque, les églises étaient recouvertes intérieurement et extérieurement de peintures murales, au contraire du principe des pierres apparentes mis en pratique depuis laRenaissance. AuXIXe siècle,Ludovic Vitet le fait remarquer, etProsper Mérimée défend l'idée de leur conservation et la met en œuvre dans l'église abbatiale de Saint-Savin[10].
On appelle « art urbain » les peintures murales contemporaines réalisées en extérieur, pour agglomérer aux productions artistiques reconnues par les institutions ou lemarché de l'art celles issues de volontés individuelles, sans vouloir distinguer legraffiti politique, narcissique ou obscène de réalisations monumentales dans les mêmes lieux. Appropriation de l'espace public, l'art urbain a fait l'objet de règlements depuis des temps reculés ; il est ainsi interdit de graver son nom sur les parois d'un monument, lesenseignes et le collage d'affiches sont soumis à des autorisations. AuXIXe siècle, l'essor de la publicité entraîne l'emploi d'artistes pour peindre des images de réclames sur les murs aveugles. La romancièreIrène Frain note au sujet des murs peints que« leur poésie quotidienne piège et captive durablement le regard du citadin[13] ». Lapublicité murale entraîne le paiement d'une taxe, qui finira, auXXe siècle par en libérer les murs. En France, les affichages de la familleDauphin fondés en 1921 parEugène A. Dauphin, popularisent le mur peint. À la Libération, son filsJacques Dauphin placarde les affiches de laLibération de Paris dans la capitale française. En 1947, en raison de la conduite d'Eugène Dauphin (alias le « Colonel Duc » dans laRésistance), ce dernier obtient la concession des murs et des terrains en friche de la ville de Paris[14]. De nombreuses réalisations Dauphin sont ainsi créées en collaboration avec des artistes tout au long duXXe siècle[15].
À partir des années 1970, des artistes peignent sur ces surfaces libres en Europe et en Amérique. Invoquant la volonté de sortir des musées et des lieux privés pour s'adresser à l'homme de la rue, ces artistes cultivent des thèmes et des styles populaires, souvent liées à des revendications sociales[12]. Les autorités le traitent comme graffiti quand il n'est pas autorisé, et pour cette raison, les peintres sont anonymes ou s'abritent sous unpseudonyme. En 1967,Bill Walker(en) entreprend à Chicago le monumentalWall of Respect qui provoque une flambée de réalisations murales[13].
Les municipalités ou les propriétaires immobiliers promeuvent et financent des ouvrages de peinture murale, le plus souvent sur des murs aveugles, dans le but d'améliorer le paysage urbain[16].
Le Mur de Berlin, construit à l'époque de laguerre froide, en 1961, pour séparerBerlin-Est deBerlin-Ouest, a été le support de nombreuses peintures, qui contestaient notamment sa présence. Après sa destruction en 1989, la majeure partie du mur a disparu, mais des fragments ont été conservés par des particuliers (lesMauerspecht(de), « casseurs de mur »), par l'Étatallemand et par d'autres pays (Parlement européen àBruxelles ; forEt Langley de laCIA auxÉtats-Unis ; Centre de commerce mondial, àMontréal).
Le reste le plus connu du Mur est situé le long de laSprée, entre la gare de l'Est et lepont de l'Oberbaum. Ce n'était pas une partie du mur externe, mais de ce que l'on a appelé le mur de l'arrière-pays, qui séparait la zone frontalière de la RDA avec Berlin-Est. En 1990, il a été transformé par des artistes internationaux en « East Side Gallery » et classé monument historique. Il n'y avait pas de mur extérieur à cet endroit, car la frontière était située sur la rive opposée de la Sprée.
Un autre fragment du mur (réel) se trouve le long de la Niederkirchnerstraße, dans le district centre, à proximité de la chambre des députés de Berlin. Il a aussi été classé monument historique en 1990.
Un style particulier de peinture murale,Lüftlmalerei, propre à la Bavière surtout, consiste en une décoration parfois en trompe-l'œil de façades.
Installé en Allemagne de l'Est de 1968 jusqu'à sa mort, le peintre républicain espagnol exiléJosep Arnau y importe les techniques dumuralisme mexicain, réalisant notamment trois grandes œuvres monumentales àHalle, dans le quartier de Halle-Neustadt[18].
L'artisteBanksy réalise, sans autorisation, des pochoirs, des peintures qui expriment ses opinions sur les murs des villes britanniques et d'Amérique du Nord.
De jeunes artistes développent cette pratique à partir desannées 1960-1970, notamment àLos Angeles ou à New York.Jean-Michel Basquiat a peint et dessiné des graffitis dans cette dernière ville dans les années 1980.
ÀPhiladelphie, 3 000 fresques ornent les murs des bâtiments. Dans les années 1990, afin d'endiguer la prolifération des graffitis, le conseil municipal décida de céder quelques murs aux tagueurs. Plusieurs façades devinrent aussitôt des terrains d'expression pour les graffeurs et les peintres, encouragés par le Mural Arts Program (MAP). Les fresques représentent des paysages, des personnalités de la culture populaire, dans un style s'apparentant à l'hyperréalisme et à Diego Rivera. La plus grande de ces fresques s'intituleCommon Thread : réalisée par Meg Saligman, elle est peinte sur un bâtiment de huit étages[24].Legacy de John Sarantis, a coûté quelque 250 000 dollars. Il existe un circuit touristique pour admirer ces fresques.
Grenoble : de nombreuses fresques murales sont créées dans l'agglomération grenobloise à l'occasion duGrenoble Street Art Fest, manifestation organisée chaque année depuis 2015.
Lyon : de nombreuses fresques, pour la plupart en trompe l'œil, entre autresLafresque des Lyonnais sur les bords de la Saône,Le mur des Canuts etla fresque Lumière réalisées par laCité de la création. À voir aussi, au quartier des États-Unis, les fresques dédiées àTony Garnier, grand architecte lyonnais et de nombreuses autres fresques murales, comme la seule peinture abstraite de cet ensemble, réalisé par Guillaume Bottazzi en 2006.
Toulouse : de nombreuses peintures murales et graffitis célèbres enrichissent les murs de Toulouse depuis les années 1990.Mademoiselle Kat,Miss Van etFafi sont graffeuses dans la ville rose.
Paris : Les bâtiments publics et églises sont souvent décorés de peintures murales de techniques variées:Petit Palais, Sorbonne, Théâtre des Champs-Élysées, église Saint-Sulpice, Opéra, Hôtel de Ville, etc. De nombreux trompe-l'œil etpochoirs ornent les murs de la capitale. La période demai 1968 a vu l'éclosion de multiples graffitis contestataires et de peintures sur les murs, notamment, de Paris et de laSorbonne. Le quartier de La Défense, parmi ses70 œuvres monumentales, expose trois peintures monumentales réalisées par Guillaume Bottazzi[25],Jean Dewasne[26] etCatherine Feff[27].
ÀKourou, au Centre Spatial Européen, deux peintures murales ont été réalisées par le peintre muraliste belge Claude Rahir en 1985, à l'occasion du lancement de lasonde Giotto par une fusée Ariane 1 en vue de l'exploration de lacomète de Halley :Le lancement de Giotto, 12 × 4 mètres etLa comète de Halley, 15 × 7 m. Le nom deGiotto rend hommage au peintre italien qui semble avoir représenté la comète de Halley sur sonAdoration des mages, peinte en 1303-1304.
EnIrlande du Nord, les peintures murales (murals) font partie du paysage des villes et des villages. Chaque communauté a sa spécificité bien que l’on retrouve des thèmes communs. Lespeintures murales Nord-Irlandaises font l'objet de visites guidées menées par d'anciens militants, àBelfast etLondonderry[28].
Fresques loyalistes
La première fresque loyaliste a été peinte àBelfast autour de 1908. L’exécution des fresques loyalistes faisait partie des festivités du, jour de la commémoration de laBataille de la Boyne, occasion pour la population protestante de réaffirmer sa loyauté à la couronne d’Angleterre et sa suprématie sur la population de confession catholique.
Le nombre demurals loyalistes a décliné dans les années 1970 pour reprendre dans la deuxième moitié des années 1980, notamment autour de thèmes militaristes nécessaires à la propagande des groupes paramilitaires loyalistes.
Cependant, d’autres thèmes sont abordés depuis la fin des années 1990 : historiques, culturels ou encore liés à l’actualité politique.
Fresques républicaines
Les premières fresques républicaines apparaissent dans un contexte de lutte et de censure.
À partir de la fin des années 1970, au moment de la lutte des prisonniers pour un statut politique, les républicains ont commencé à peindre des slogans sur les murs comme moyen de soutien et de propagande.
De manière générale, même si dans un premier temps, les fresques en l’honneur des membres de la PIRA (Armée républicaine irlandaise provisoire) et des prisonniers ont continué à apparaître, dans la deuxième partie des années 1980 et les années 1990, les thèmes utilisés dans lesmurals républicains ont été les suivants : l’histoire, la culture, les solidarités internationales, les réactions aux sujets d’actualité.
Il existe en permanence environ trois centsmurals en Irlande du Nord. L'étendue et sa diversité de cette pratique de « propagande murale » n’ont pas d’équivalent en Europe.
De nombreuses peintures ont été effectuées sur l'île deSardaigne à partir de la deuxième moitié duXXe siècle. On trouve ces fresques murales sur les murs des villes ou sur des rochers avec des couleurspastels et assez tristes, des visages profonds où l'on peut remarquer un peuplesarde fortement touché par l'histoire. Le message qu'elles transmettent est souvent de nature politique, mais peut être également historique oucitoyen.
Les premières apparurent àSan Sperate, au sud, puis le phénomène essaima et se développa particulièrement àOrgosolo, dans les montagnes du centre. Ce village compte à lui seul 400murales, dont bon nombre ont été réalisés, souvent dans un style inspiré parPicasso, parFrancesco Del Casino et ses élèves. Les peintures portent sur la vie du village ou sur des thèmes politiques : luttes d'ouvriers et debergers, contestation contre lenucléaire ou les occupations militaires (de l'OTAN, desÉtats-Unis). Le mouvement se poursuit aujourd'hui grâce à des artistessardes,allemands,français.
Dans la région duFrioul-Vénétie Julienne, les peintures murales sont appeléesmurales. Le village deBordano est connu notamment pour ses représentations depapillons.
Kingston, University of The West Indies : 2 murales (325m2 et 74m2), l'une sur le bâtiment administratif, l'autre sur le bâtiment des Mass communications, réalisées par peintre belgeClaude Rahir en 1976, avec l'aide de deux étudiants, Doreen Kong et Boos Ramsay.
La peinture murale est une véritable institution auMexique[citation nécessaire]. Partout dans le pays, aussi bien dans les villes que les petits villages isolés, le visiteur remarquera la qualité et la variété des œuvres réalisées qui tournent autour de trois axes principaux : la religion, la politique... et lapublicité.
Même les plus grandes marques, commeCoca-Cola, y ont recours[réf. nécessaire] Souvent, l'artiste signe sa réalisation et indique son numéro de téléphone pour trouver de futurs clients. Peindre les murs plutôt que d'utiliser des affiches en papier s'explique simplement par le fait que le papier coûte cher[citation nécessaire] au Mexique et que la peinture résiste bien mieux aux intempéries[citation nécessaire].
Les deux muralistes mexicains les plus connus sontDiego Rivera, qui réalisa à partir des années 1920 des peintures portant sur des thèmes politiques - Palais présidentiel de Mexico - et visant à créer un « style mexicain » combinant l'artmexicainindigène avec les influences modernes venues d'Europe, etDavid Alfaro Siqueiros, qui évoque des thèmes plus engagés et réalisa de nombreuses œuvres« édifiantes » pour le gouvernement - École Nationale Préparatoire de Mexico, École d'Agriculture de Chapingo[32] - ou pour des institutions comme le« Portrait de la bourgeoisie » peint en 1939 pour la Maison des syndicats de Mexico.
ÀPrague, en face du palais Bucquoy, siège de l'ambassade de France, le « murJohn Lennon » abrite depuis les années 1980 le portrait du célèbre chanteur, régulièrement effacé par laSécurité d'État, tout aussi régulièrement repeint et graffité par de jeunes contestataires, il devient l'un des symboles de ladissidence politique et de la rébellion artistique contre lanormalisation en Tchécoslovaquie. Il a survécu à la chute du Mur de Berlin et à laRévolution de Velours et est désormais « entretenu » par les touristes qui ne manquent pas d'y laisser une marque de leur passage. On est passé duPolitique auPostmodernisme…
LeSikkim est un État indien situé entre le Népal et le Bhoutan. Il compte de nombreux monastères bouddhistes très souvent ornés de peintures murales peintes traditionnellement aux pigments mélangés à la colle animale sur enduit de terre crue, et plus récemment peintes à l'acrylique directement sur enduit de béton ou sur toile de coton marouflée.
À la suite du tremblement de terre de 2011, de nombreuses peintures murales ont été endommagées et beaucoup ont disparu dans l'ensemble du Sikkim, comme les peintures murales du monastère deRinghim(en) (Nord Sikkim).
GenevièveReille Taillefert,Conservation-restauration des peintures murales de l'Antiquité à nos jours, Paris, éd. Eyrolles,, 382 p.(ISBN978-2-212-12269-5,lire en ligne)
MarcelStephanaggi,Les techniques de la peinture murale, Champs-sur-Marne (France),(lire en ligne)
Essais
RubanuPietrina,Murales politici della Sardegna, Cagliari, Massari Editore,
Alain Miossec,Murals d'Irlande du Nord : Quel avenir après cent années de pratiques communautaires ?, Rennes, TIR, 2011.
Collectif,La peinture murale antique : méthodes et apports d'une approche technique, actes du colloque AIRPA, Louvain-la-Neuve,, Librairie archéologique, 2021,251 p.
↑SégolèneBergeon-Langle et PierreCurie,Peinture et dessin, Vocabulaire typologique et technique, Paris, Éditions du patrimoine,, 1249 p.(ISBN978-2-7577-0065-5),p. 672.