Le mot « paysan » est attesté sous la formepaïsant en en 1140, il représente l'altération probable de*païsenc (forme non attestée)[3],[4]. C'est un dérivé du motpaïs « terroir, région, pays » auquel est ajouté le suffixe-enc d'origine germanique-ing[3] (cf.cormoran, etc.).Païs d'abord « région, contrée », quant à lui, représente l'évolution phonétique régulière dulatin médiévalpagensis qui a pris à l'époque son sens de « pays »[3], ou plus précisément d'une forme bas latinepage[n]sis (VIe siècle,Grégoire de Tours) désignant l'« habitant d’unpagus », puis « territoire de la cité, canton », enfin « pays natal »[5]. Une forme féminine depaïsant a existé jusqu'auXVIe siècle :païsante,païsande[5], ensuite remplacée par le motpaysanne[4].
La substitution de suffixe-ant à-enc est peut être due au fait quepaïsens en était lecas sujet enancien français,païsenc en était lecas régime, par la suite graphiépaïsans /païsant d'après le type fréquent-anz / -ant (commegranz /grant « grand »)[3],[4].
Dans ledomaine d'oc, le terme désignant l'habitant du « pays »,pagès enancien provençal, est directement issu du latinpagensis[3]. Un dérivé latin depagus :paganus signifiant « dupagus, de la campagne, de village», dont l'emploi substantivé signifie « habitant dupagus, paysan, villageois » a donné les mots françaispaïen etpaganisme[6] (création savante).
Il est attesté dès l'origine au double sens de « celui qui habite la campagne et cultive la terre » (1140) et de « celui qui habite le pays, autochtone » (1155)[4] ou encore « celui du canton, du village »[7]. Le motpaysan comporte également deux aspects : l'un positif lorsqu'il réfère au lien avec un terroir, l'autre négatif lorsqu'il est rabaissant pour une personne[8]. EnFrance, à la fin duXIXe et au début du XXe siècle, ce terme est souvent remplacé par celui d’agriculteur ou l'expressionexploitant agricole[7] ; d'autres termes sont proches, commecultivateur,éleveur oufermier[2],[9]. Le terme a parfois eu des connotations péjoratives, mais il est de nouveau valorisé[9].
Un « paysan » ou une « paysanne » est une personne vivant à la campagne et qui mène untravail agricole qui lui permet de vivre (culture, élevage…)[7].
Si l'on considère qu'un paysan est une personne attachée à un pays sur lequel elle organise par son travail sa subsistance[7], on peut alors constater que l'histoire des paysans a pu commencer avant le néolithique proprement dit (caractérisé par ladomestication des espèces) dès que l'homme se sédentarise. Cette phase, que l'on ne sait pas très bien nommer, est appelée selon les auteurs proto-agriculture,cueillette intensive (Intensive gathering(en)),agriculture pré-domestique ou encoreRévolution à spectre étendu (Broad spectrum revolution(en)) selonKent Flannery[10]. Ces chasseurs-cueilleurs sédentarisés ou en cours de sédentarisation se rencontrent ainsi auZarzien et auNatoufien lors de la phase pré-néolithique du Proche-Orient ou lors de lapériode Jomon auJapon. À ces époques au Proche-Orient, les cueilleurs collectent des espèces de plus en plus diverses (céréales, légumineuses, fruits secs, figues); ils savent les conserver et moudre les grains. On peut alors parler de cueilleurs-paysans[11].
Depuis la préhistoire le paysan sédentaire a cependant souvent été opposé auchasseur-cueilleur nomade ou à l'éleveur nomade[12]. Depuis le début des grandes civilisations, il faut aussi distinguer les paysans sans terres et sans droits de leurs propriétaires ou patrons dont certains sont aussi de petits paysans mais d'autres de grands seigneurslatifundiaires avec tous les intermédiaires possibles.
Dans l'Antiquité tardive, leslatifundia étaient cultivés par des esclaves. Lentement, notamment pendant lapériode carolingienne, mais même sous lesMérovingiens, les esclaves sont affranchis par leurs maîtres, et ne sont donc plus esclaves. Ils continuent néanmoins à travailler pour leur seigneur. En effet, les anciens esclaves sont chasés par le seigneur affranchisseur sur unmanse, et deviennent tenanciers. Ils occupent donc une terre (le manse) qui leur appartient enpropriété utile, mais le seigneur garde lapropriété éminente, et ils la cultivent librement. On trouve sur ces manses une petite maison, des cabanes excavées dans lesquels les tenanciers peuvent faire de l'artisanat, ainsi que souvent un jardin, comme àVieux, dans leCalvados. En échange, ils doivent descorvées, c'est-à-dire des jours de travail sur la réserve, sur la terre appartenant enpropriété directe au seigneur. Ils doivent aussi des redevances en nature, en céréales (froment,seigle,orge,avoine) et en bétail (porcs,volailles, etc.).
D'autres paysans sontalleutiers, c'est-à-dire qu'ils sont propriétaires directs de leur terre, l'alleu ou franc-alleu, et ne dépendent d'aucun seigneur. Auhaut Moyen Âge, une bonne partie d'entre eux, souvent forcés, donnent leur terre à un seigneur, et celui-ci les chasent sur leur propre terre en retour. Ils doivent alors des corvées et des redevances. L'interêt pour eux est de se placer sous lemund, la protection seigneuriale, et d'obtenir une certaine sécurité économique notamment l'accès aux investissements seigneuraux (fourbanal, …) qui est néanmoins obligatoire et payant. Le seigneur a pour devoir moral d'assurer la bonne survie de ses paysans.
Le vocabulaire employé dans les textes est assez peu précis, et il faut prendre des précautions. On trouve les termesmancipia etserui (qui a donné serf et qui signifie esclave en latin classique[13]). Comme le montre Nicolas Carrier, le même mot peut désigner plusieurs réalités en fonction de la région et de l'époque, et deux mots différents à la même époque peuvent désigner la même réalité.
Les paysans vivent dans des maisons entorchis (mélange de terre et de paille) ou en pierre; le plus souvent couvertes dechaume (paille). Ils n’ont souvent qu’une seule pièce, mal éclairée par de petites fenêtres sans vitres et fermées par des volets. Le sol est enterre battue, le mobilier est simple : lit garni d’une paillasse, quelques meubles.
L'activité de paysan est très difficile, leurs travaux sont effectués du lever du soleil jusqu’au coucher. Ils doivent faire de nombreux travaux et corvées pour leur seigneur. Leur vie est rythmée en fonction des saisons et des mois. Il y a le mois de la taille des vignes, du labour, du fauchage de l'herbe, des semailles, des vendanges… Pour travailler la terre, ils utilisaient l'araire : charrue dépourvue de roues qui scarifie la terre sans la retourner. Ensuite est arrivée lacharrue, elle comporte trois pièces principales : lecoutre (couteau qui coupe verticalement la terre), lesoc (coupe horizontalement en profondeur) et leversoir (retourne la terre coupée sur le côté).
Culture de la vigne et fabrication du vin, enluminures d'un psautier, vers 1180.
Octobre, extrait duBrevarium Grimani, fol. 11v (Flamand), vers 1510.Paysans allemands avec l'enseigne de laBundschuh cernant un chevalier (gravure de 1539)
En Allemagne, au début duXVIe siècle, laguerre des Paysans est un soulèvement paysan qui a lieu dans plusieurs régions[2]. Leurs revendications sont consignées dans le manifeste desDouze Articles (). Ces revendications sont fort proches de celles des paysans français à la veille de la Révolution. Tous les soulèvements paysans de l'époque finissent par être écrasés par les Nobles[7] avec le soutien des Princes et des Églises et donnent lieu à des répressions féroces[17].
Durant le développement de l'agriculture et la modernisation des moyens de production (mécanisation, spécialisation des tâches etc.), l'activité paysanne est présentée comme archaïque et devant être modernisée, sous peine de disparaître. Apparaît alors une dissociation entre l'identité de paysan et celle d'agriculteur[18].
En 2005, les pays dits« en cours d'industrialisation » ont souvent une agriculture qui est pratiquée majoritairement de façon dite« paysanne », tandis que les pays dits« industrialisés » ont une agriculture à caractère industriel et des territoires aux activités diverses[18]. Des scientifiques, tels Bill Reimer et David R. Dávila-Villers, décrivent trois types de mondes ruraux, concernant tous les pays : celui des« entrepreneurs », celui des« agriculteurs familiaux » et de la« paysannerie », étant l'activité considérée à la base de l'économie rurale traditionnelle, et celui des« paysans » qui peinent à vivre de leurs activités et qui sont souvent oubliés des stratégies de développement concernant les personnes les pluspauvres[18].
Cette même année 2005, il y a 2,5 milliards de paysans parmi les 6,4 milliards d'humains dans le monde, soit 39 % d'entre eux[19]. Parmi les paysans, environ 1,3 milliard sont des« actifs agricoles »[19]. Parmi l'intégralité des humains, environ 1,2 milliard d'entre eux vivent avec moins de 1 dollar par jour, seuil sous lequel il est considéré qu'une personne est en situation de« pauvreté extrême », et les trois-quarts de celles-ci vivent en zone rurale[19]. Le chercheur Yves Dupont souligne qu'il y a aussi 500 millions de paysans sans terre et de très nombreuses personnes issues des mondes ruraux sont amenées à migrer[19].
LesAïnous, censés descendre des populations Jomon, avaient en gros conservé leur mode de vie néolithique à la fin duXIXe siècle (reconstitution d'intérieur).
Durant l'époque moderne, de nombreux paysans des régions tropicales durent travailler dans des plantations dirigées par des étrangers. Ici pour la récolte du caoutchouc auxPhilippines, très probablement pendant la période américaine
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Le mot paysan a été étudié par des théoriciens des structures sociales, aussi bien en sociologie, en anthropologie, qu'en géographie. La notion, en tant que telle renvoie à un collectif.Karl Marx théorise le mot paysan à partir de la notion declasse sociale.Ferdinand Tönnies envisage le paysan comme étant partie d'unvillage, d'unecommunauté.Émile Durkheim oppose le rural où s'exprime une« solidarité mécanique », faite de valeurs communes où les individus ne sont pas différenciés, en opposition avec la« solidarité organique » en ville, faite de différenciation et d'autonomie.Maurice Halbwachs, quant à lui, définit le paysan par son appartenance à un« groupe domestique rural », qui lie la vie domestique et la vie professionnelle.Robert Redfield, distingue les« primitifs » des paysans, à la suite de son étude de communautés rurale du Mexique, selon lui les paysans forment une« part society », intégrée, de façon plus large dans la société, qui fixe des règles, sans pour autant leur faire perdre leur autonomie, il y a une dépendance. Le travail anthropologie et folkloriste,Jean-Michel Guilcher ouAnatole le Braz, par exemple, a également conduit à chercher les détails de la paysannerie, qui se mêle à des études régionalistes. Plus récemment, ce sont lesgéographes qui étudient le terme[20].
L'étude du mot« paysan », est un thème central dans les études de géographie, dans le sens d'expliquer le lien entre le groupe social et son milieu. On peut citer plusieurs auteurs ayant travaillé sur ce sujet :Paul Vidal de la Blache,Jean Brunhes,Albert Demangeon. L'étude de monographies sur des portions de territoire, contribuent à définir le mot paysan dans sa diversité, pour en rechercher non pas le fondement, mais les adaptations locales[20].
Un statut protégé par la communauté internationale
Un paysan prépare son champ pour les semis, auMalawi, en 2009.
En 2018, l'Organisation des Nations unies (ONU) déclare que si les paysans sont à la base de l'alimentation des humains, ils rencontrent souvent des problèmes quant à leurs droits, par exemple à cause de politiques ou de relations économiques qui sont en leur défaveur[21]. De plus, leur activité est soumise au climat et à l'évolution du milieu local, ce qui va les fragiliser davantage avec les destructions environnementales dues aux hommes et les changements que va provoquer leréchauffement climatique en cours[21],[19]. Parmi les paysans et autres personnes vivant en zone rurale, il y a souvent desinégalités hommes-femmes, ces dernières étant souvent discriminées en ce qui concerne notamment le droit à la terre, son accès, son utilisation et son contrôle, en plus de recevoir des rémunérations moindres que leurs homologues masculins, autant de facteurs qui les rendent vulnérables[21].
Avant leXIXe siècle et dès l'Antiquité, les ouvrages concernant les paysans sont soit des traités d'agriculture, soit des ouvrages poétiques présentant la vie des paysans sous un jour idyllique. Le plus célèbre est sans doute lesBucoliques deVirgile (datant de -37). Même des écrivains connaissant très bien la vie des paysans commeRestif de la Bretonne (1734-1806) n'échappent pas à ce travers (La Vie de mon père)[23]. Cette situation ne change que vers 1850.
Léon Tolstoï :Une paysanne russe (1902) — récit dicté vers 1882 par Anissia Skvortsova à Tatiana Kouzminskaia (la belle sœur de l'écrivain) et publié en 1902 par Tolstoï[réf. nécessaire]. On trouve aussi de très intéressantes descriptions de la paysannerie russe et discussions sur la politique agricole russe dansAnna Karénine (1877).
↑a etbBertrand Hervieu et François Purseigle, « La question paysanne, une question sociologique (chapitre 1) »,Sociologie des mondes agricoles,,p. 11 - 56(lire en ligne)
Michel Bezbakh, « Du hors-champ plein les champs : dix (bons) films sur le monde paysan »,Télérama,(lire en ligne)
Cathy Lafon, « DesRaisins de la colère àPetit paysan : quand le cinéma s’engage pour les agriculteurs »,Sud-Ouest (France),(lire en ligne, consulté le)
Raphaël Nieuwjaer, « Panorama du cinéma paysan »,Études - Revue de culture contemporaine,(lire en ligne, consulté le)
Vsevolod Sourganov, « Le paysan dans le roman soviétique » (Politique et littérature),Le Monde diplomatique,(lire en ligne)