Pour les articles homonymes, voirRobin.
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Paul Robin, né le àToulon et mort le àParis, est unpédagoguelibertairefrançais, connu en particulier pour avoir développé l'éducation intégrale à l'orphelinat de Cempuis. Il disait : « La science officielle de l'éducation ne trouve rien de mieux à faire des jeunes adolescents que de les enfermer : les privilégiés aucollège, les vulgaires à l'atelier, lesparias en prison »[1].
Il fut également membre de laPremière Internationale, proche deBakounine, militantnéomalthusien au sein de laLigue de la régénération humaine[2], etfranc-maçon, membre de laGrande Loge symbolique écossaise[3].
Louis Charles Jean Paul Robin, né le 3 avril 1837, àToulon dans une famillebourgeoise,catholique etpatriote. Il est le fils de Jean Placide Robin, commis principal des subsistances de la Marine, et de Pauline Rose Blanche Martin[4].
Élève de l'École normale supérieure de Paris, il passe ses licences de sciences mathématiques et de sciences physiques ; il devientdarwiniste etathée. Il est brièvement professeur delycée (1861-1865), mais entre en conflit avec son administration sur des questions d'éducation populaire, pour laquelle il conçoit un vif intérêt.
En 1865, il part en Belgique où il noue des contacts avec des militants de l'Association internationale des travailleurs (AIT), concourt à la création de la section belge de l'AIT et est expulsé pour avoir participé au mouvement de soutien à une grève. Il se retire en Suisse, puis en France (où il est emprisonné en), et finalement en Angleterre. À Londres, où il fréquente les militants de l'Internationale, il est un temps membre du Conseil général de l'Internationale, mais rompt rapidement avec les « autoritaires » etMarx pour prendre le parti deBakounine, dont il partage les idéeslibertaires. Durant son exil volontaire, il vit des leçons qu'il donne.
En1879, il revient en France comme inspecteur de l'enseignement au primaire nommé parFerdinand Buisson, directeur de l'enseignement primaire auprès du ministreJules Ferry. Robin avait collaboré auparavant auDictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson. Grâce àFerdinand Buisson[5], qui lui apporte un soutien constant, Paul Robin est placé à la tête, de1880 à1894, de l'orphelinat Prévost, àCempuis (Oise). Dans cet établissement qui dépend duConseil général de la Seine, il met en pratique, auprès d'un nombre important d'enfants, les théories sur l'éducation intégrale qu'il a formulées dès1869-1870. Cette éducation, qui veut donner aux enfants des classes défavorisées le moyen d'accéder à l'éducation, se caractérise, outre son athéisme et son internationalisme, par le souci de développer harmonieusement l'individu dans sa globalité, tant sur le plan physique qu'intellectuel ou moral. Un autre aspect très novateur de l'œuvre que Robin accomplit à Cempuis est la « coéducation des sexes », qui éduque filles et garçons côte à côte, comme dans lesfamilles naturelles[6].
Les méthodes éducatives de Paul Robin, trop révolutionnaires pour leur temps, lui vaudront d'être chassé deCempuis en1894, à la suite d'une campagne de presse très virulente menée contre lui par le journalLa Libre Parole.Octave Mirbeau prend alors sa défense et dénonce la collusion liberticide entre Cartouche (les politiciensrépublicains corrompus) et Loyola (l'Église catholique rétrograde)[7].
En1896, Paul Robin fonde laLigue pour la régénération humaine dont le siège était de 1902 à 1908 auno 27 de larue de la Duée. À sa tête, il introduit en France les principesnéo-malthusiens qu'il a découverts en Angleterre et milite inlassablement pour diffuser les moyens ducontrôle des naissances dans laclasse ouvrière. Il voit en effet dans « la prudence parentale » un moyen d'émancipation des plus pauvres et particulièrement des femmes. Il développe également certains aspectseugénistes, théorie qui était répandue à l'époque dans les milieux médicaux. Il publie de très nombreuses brochures de propagande néo-malthusienne[8].
Sentant ses forces et ses facultés décliner, Paul Robin met fin volontairement à ses jours en1912;positiviste jusqu'au bout, il étudie sur lui-même les progrès de l'effet du poison. Par ailleurs membre de laSociété d'autopsie mutuelle, il souhaitait qu'après son décès son corps fût utilisé commeengrais ; il est finalement incinéré aucimetière du Père-Lachaise.
Robin est connu comme le pédagogue qui a développé les principes de l’éducation intégrale ; il a mis ces théories en pratique à l'orphelinat de Cempuis de 1880 à 1894.
Pour Robin, l'éducation ne se limite pas à l'apprentissage d'un métier : « Tout enfant adroit de devenir en même temps un travailleur des bras et un travailleur de la tête ». Il faut d'abord une école commune et intégrale et, ensuite seulement, une spécialisation en fonction du projet professionnel de chacun.
Il ne faut pas confondre l'éducation intégrale que propose Paul Robin avec celle desFrères des écoles chrétiennes dans le premier cas il s'agit d'uneéducation libertaire dans le second uneéducation chrétienne qui s'ancre dans l'évangile dans les écrits deNicolas Barré. Paul Robin demeure profondémentanticlérical par souci de laïciserl'enseignement scolaire.[9]
Robin fréquenta les milieuxsocialistes. Il rencontraMarx,Bakounine et fit partie de l'Association internationale des travailleurs (AIT). Toutefois, ses liens intellectuels et son amitié personnelle avec Bakounine provoquèrent son expulsion de l'AIT par Marx dès 1871. Toute sa vie, Robin resta fidèle à son amitié pour Bakounine et professa une réelle sympathie pour les idéesanarchistes.Anti-autoritariste, il était véritablement internationaliste et croyait à l'amitié entre les peuples. À Cempuis, il faisait chanter aux enfantsLa Marseillaise de la Paix. On prit prétexte de son « antipatriotisme » pour le révoquer en1894 de son poste de directeur de l'orphelinat de Cempuis, prétendant qu'il y avait danger à le laisser « répandre des idées subversives au point de vue social et négatives au point de vue de la défense du pays »[réf. nécessaire].
Sur le plan pédagogique, l'éducation intégrale est pour Robin un engagement politique. Il faut réorganiser le travail. En utilisant le progrès technique, on peut augmenter le temps de loisir de chacun.L'ouvrier, grâce au savoir et à l'accès à laculture désintéressée, pourra transformer son état. Sa condition deviendra intégralement humaine. C'est donc ainsi qu'il entend changer la société et l'éducation est un moyen pour hâter la révolution.
Son œuvre pédagogique témoigne d'un véritable engagementféministe, même si les milieux féministes ont tardé à le reconnaître comme un des leurs. L'éducation intégrale s'adresse aux garçons et aux filles sur un pied d'égalité, leur dispense le même enseignement et les éduque ensemble. Les filles ne sont plus instruites dans l'optique de leur future fonction sociale, à la différence de ce que préconisaient des prédécesseurs de Robin, commeRousseau[10].
Robin est aussi engagé dans l'actionféministe. Lenéo-malthusianisme est une arme au service de l'émancipation des femmes, auxquelles Robin souhaite voir reconnaître le statut dechefs de famille. Il fait des conférences, distribue des tracts pour faire connaître « les moyens efficaces et non douloureux [que fournit lascience] pour ne mettre d'enfants au monde que quand elles le veulent ». Il crée une « ligue anti-esclavagiste pour l'affranchissement des filles », un syndicat deprostituées et une agence pourunion libre, entre autres.
Il a aussi introduit en France la penséenéo-malthusienne venue de Grande-Bretagne, où il a séjourné quelques années. Cette théorie est issue dumalthusianisme qui met en rapport l'augmentation rapide de la population mondiale à la fin duXVIIIe siècle, avec l'accroissement insuffisant des ressources. Toutefois, pour Robin, elle ne doit pas se confondre avec une morale austère anti-nataliste, obstacle au plaisir et à l'amour, comme le vieux malthusianisme. Robin prône l'utilisation des moyens decontraception modernes et des innovations pédagogiques visant à mieux élever les enfants. L'objectif du néo-malthusianisme est unevéritable régénération humaine par le contrôle des naissances et les pédagogies innovantes, notamment libertaires. Ses arguments « eugénistes» sont pour lui un moyen d'intéresser le milieumédical de son temps, lui-même eugéniste, à ses théories néo-malthusiennes.
Il s'inscrit dans une ligné de la pédagogieanarcho syndicaliste qui irrigue lapédagogie alternative deProudhon àMichel Foucault[11]et qui place la notion de solidarité avec legroupe-classe au centre dans une optique de régérneration sociale dont le but est de transformer la société par lesenfants s'appuyant sur les travaux de lafédération suisse jurassienne deJames Guillaume[12],[13].Cette technique de solidarité entre élève dans le but d'une dynamique de groupe est d'opérer une meilleure gouvernance de l'école en favorisant l'empathie et la cooperation[14],[15]. L'influence de Paul Robin sur la solidarité avec le groupe classe dans ledroit français de l'éducation est consacré par la Loi L 111-1 ducode de l'éducation du d'après la dernière modification en vigueur[16].
La santé ducorps est une condition primordiale pour celle de l'esprit. ÀCempuis, l'éducation physique représente un tiers du temps d'activité. On y pratique lanatation (dans la piscine que les élèves ont eux-mêmes construites), lagymnastique, laboxe sans combat, lacanne, le saut, le grimper, lacourse, le lancer, l'équitation... Ces exercices sont pratiqués dans le but de développer la force et l'adresse sans jamais faire de compétition ni desportélitiste. Desrandonnées sont aussi organisées, ainsi que desexcursions et des séjours d'été au bord de la mer.
« Laissez l'enfant faire lui-même ses découvertes, attendez ses questions, répondez-y sobrement pour que son esprit continue ses propres efforts, gardez-vous par-dessus tout de lui imposer des idées toutes faites, banales, transmises par la routine irréfléchie et abrutissante » : pour Robin la seule manière d'apprendre est scientifique et il veut développer unesprit rationnel chez l'enfant, loin des « fantômes » de « l'imposture religieuse ». L'observation, la « leçon de choses » est au centre de la pédagogie, tout comme le plaisir d'apprendre. On étudie aussi, à Cempuis, de nombreuses matières artistiques pour la communication de la pensée comme lechant, ledessin, lamusique, lethéâtre... Ouvrant la voie au pédagogueCélestin Freinet, Robin utilise les techniques les plus modernes de l'époque avec pour objectif de former les élèves à l'heure du siècle où ils doivent vivre.
À Cempuis, une part importante de l'éducation est basée sur lasolidarité du groupe et le sens des responsabilités : pas de récompenses individuelles, mais collectives[1] ; les grands élèves aident les plus jeunes ; chaque enfant a uneresponsabilité matérielle qui sert la communauté... La communauté éducative se mue en « famille cempuisienne », qui continue à entourer les orphelins après leur sortie de l'établissement. De plus, l'enfant doit développer sonesprit critique, ne pas tout accepter de ses « maîtres », rejeter les « idées fausses ». La seule sanction pratiquée est l'isolement pour que le « fautif » puisse réfléchir à sa conduite[17]. L'éducation « sansDieu » et « sansPatrie » donnée à Cempuis, et tant reprochée à Paul Robin, s'inscrit très étroitement dans cette ligne.
Lesquare Paul-Robin porte son nom à Paris, dans le18e arrondissement[18].
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