Ce dernier l'envoya enPalestine vers415, pour seconderJérôme dans son combat contre lepélagianisme. Orose participa ausynode deJérusalem () et publia contre cettehérésie l’Apologeticus de arbitrii libertate. La mission fut toutefois un échec, puisque les évêques orientaux ne condamnèrent pasPélage[3].
De retour à Hippone, il rapportait avec lui un volumineux courrier pour les évêques d'Afrique et de Numidie, ainsi qu'un fragment des reliques duprotomartyr Étienne[4], que Lucien de Kaphar Gamala avait découvertes à Jérusalem pendant la tenue du concile de Diospolis. Il rédige alors uneHistoire contre les païens (Historiae contra paganos), car, en 414,Augustin d'Hippone lui avait demandé un dossier historique pour compléter les livres I-V de laCité de Dieu.
Il est probablement mort vers418, alors qu'il retournait dans la péninsule ibérique. On sait qu'il aborda auxBaléares et, la saison étant déjà bien tardive pour naviguer, il avait sans doute le projet de gagnerTarragone par mer, puis de finir son voyage jusqu'àBracara Augusta par voie de terre. Il séjourna quelque temps àMinorque à la fin de417, ne put passer enHispania comme il l'espérait, et décida de revenir enAfrique ; avant d'embarquer, il confia à l'évêque Sévère les reliques d'Étienne qui se révélèrent miraculeuses. À partir de là, les traces d'Orose se perdent ; on n'a plus aucun témoignage de son existence, et il est probable qu'il disparut dans un naufrage au cours de la traversée.
En 414,Augustin d'Hippone demande à Orose de composer un recueil des malheurs du temps. En effet, dans laCité de Dieu, l'évêque d'Hippone cherchait à prouver que lesac de Rome parAlaricIer en410 n'était pas la conséquence de l'abandon de la religion antique par les autorités impériales. Il fallait donc prouver que les hommes n'étaient pas plus heureux avant l'époque chrétienne.
Mais Orose, s'il conserve lepraeceptum augustinianum, c'est-à-dire l'idée de raconter les malheurs du monde depuis son origine (il commence à Adam) jusqu'à son époque (le livre s'achève en416), va détourner le projet augustinien en lui donnant trois axes méthodologiques originaux :
Il intègre l'histoire des peuples orientaux ;
Il associe, conformément au postulat d'Eusèbe de Césarée, l'histoire de l'Empire romain et celle du christianisme. En effet, comme le mal serait la conséquence du péché des hommes, plus le christianisme progresse moins l'homme subit les malheurs de l'histoire ;
Il situe lesinvasions barbares dans le cadre d'une eschatologie millénariste fondée sur des parallèles chronologiques entreBabylone,Rome,Carthage et laMacédoine. D'après sonexégèse du livre de Daniel, il reste deux siècles avant la fin du monde.
Pour lui ces deux siècles seront des temps chrétiens (lestempora christiana sont une expression d'Augustin d'Hippone) basés sur la concorde dans le cadre d'une christianisation universelle, notamment des Germains.
Bien que destinataire de la dédicace,Augustin d'Hippone ne pouvait approuver l'œuvre d'Orose pour plusieurs raisons :
Orose confond la cité terrestre et la cité céleste ;
Il affirme l'existence d'une action providentielle dans l'histoire politique ;
Il associe l'histoire de l'Empire Romain à celle du Christianisme ;
Il spécule sur la fin du monde.
C'est pourquoi, en425 dans le livre XVIII de laCité de Dieu, il réfute les idées historiques d'Orose. Néanmoins, il ne le nomme jamais, ce qui suggère un accord entre les deux hommes.
Orose a composé la première histoire universelle chrétienne, depuis la création du monde jusqu'à son temps,ab orbe condito usque ad dies nostros. La présence de cette histoire dans toutes les bibliothèques médiévales un peu importantes atteste l'immense succès, en même temps que la durée de l'influence d'un auteur qui a été aussi la source de savants compilateurs, deCassiodore àPaul Diacre en passant parAlfred le Grand,Isidore de Séville etBède le Vénérable.Ibn Khaldoun se servira de l'histoire d'Orose à son tour pour la rédaction de la partie consacrée à l'histoire antique de son fameuxLivre des Exemples, l'appelant Heroshioush.
L'association de l'idée d'une providence liée à la monarchie impériale connut un grand succès au Moyen Âge. Cette influence se retrouve notamment dans laChronique d'Otton de Freising ou leDe monarchia deDante Alighieri.
Par ailleurs, comme on a souvent considéré Orose comme un disciple d'Augustin, lesHistoires d'Orose ont souvent été un filtre qui a déformé les idées d'Augustin. C'est pourquoiHervé Inglebert (voir bibliographie) a écrit que « l’“augustinisme politique” n'est pas augustinien mais orosien. »
Pauli OrosiiHistoriarum adversum paganos libri VII accedit eiusdem liber apologeticus recensuit et commentario critico instruxit Carolus Zangemeister, Vienne, Gerold (Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum, 5), 1882.
Orose,Histoires contre les païens (418), éd. et trad. M.-P. Arnaud-Lindet, Les Belles Lettres, Paris, 1991-1992, 3 t.
Hervé Inglebert,Les Romains chrétiens face à l'histoire de Rome, Institut des Études augustiniennes, Paris, 1996.
Hervé Inglebert, « Orose »,Dictionnaire de l'Antiquité, dir. Jean Leclant, Presses Universitaires de France, Paris, 2005,pp. 1583-1584. (Source importante de cet article).
↑On a proposé plusieurs dates pour sa fuite de Braga, qui vont de 409 à 414 apr. J.-Chr. Les deux hypothèses les plus généralement reçues sont l'année 410, proposée en 1951 par G. Fainck (Paul Orose et sa conception de l'histoire, th. présentée à l'université d'Aix-en-Provence), et surtout 414 : Orose lui-même fait le récit de son arrivée en Afrique dans sonCommonitorium, publié cette année-là.
↑Joseph Hellegouarc'h, traduction de l'Abrégé d'histoire romaine d'Eutrope, Les Belles-Lettres, coll. « CUF Latin », 1999, LXXXV-274 pages,(ISBN978-2-251-01414-2), p. XVI