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| Nationalité | rwandaise(jusqu'en) |
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| Condamné pour |
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Pascal Simbikangwa, né Safari Senyamuhara[1] dans lesecteur de Karago (district de Nyabihu,Province de l'Ouest) auRwanda le[2],[1], est un ancien fonctionnaire duService central de renseignement (SCR) rwandais avec le grade de capitaine obtenu dans l'armée[3]. Il est la première personne à avoir été poursuivie en France pour des crimes commis lors dugénocide des Tutsi au Rwanda. Il a été condamné, définitivement, à 25 ans de prison pourgénocide et complicité decrime contre l'humanité et est détenu aucentre pénitentiaire de Fresnes.
Il est le troisième d'une fratrie de neuf enfants d'une mère tutsi et d'un père hutu[4].
Capitaine au sein de la garde présidentielle, il est décrit comme membre de l'akazu, organisation rassemblant les soutiens du président[5]. Un accident le laissant en fauteuil roulant en 1986[6],[7], il se réoriente vers la police politique[8]. Au moment de l'attentat du 6 avril 1994 au Rwanda, il est responsable du renseignement intérieur. Après le génocide, il fuit le pays.
Recherché parInterpol pour « crimes contre l'humanité,génocide, crime organisé », il se cache clandestinement àMayotte en 2005 après avoir séjourné auxComores. Utilisant son nom de naissance Safari Senyamuhara, il dépose une demande d'asile politique, qui lui est refusé par l'OFPRA le[9]. Il est ensuite arrêté le pour trafic de faux papiers[10] et placé endétention provisoire, détention prolongée successivement qu'il ne quitte plus jusqu'à sa condamnation. Son extradition au Rwanda en vertu du mandat d'arrêt international est refusée par leTribunal supérieur d'appel deMamoudzou le en raison de la peine encourue au Rwanda, vingt ans d'isolement carcéral, incompatible avec le droit français[11]. Il est cependant maintenu en détention en raison de l'affaire de trafic de faux papiers[11]. Le refus de sa demande d'asile est confirmé le.
À la suite de laRésolution 995 du Conseil de sécurité des Nations unies, lesNations unies s'étaient doté d'un tribunal internationalad-hoc, leTPIR, qui peut se saisir des cas de crimes commis dans le cadre du génocide de 1994. Les Nations-Unies laissaient cependant la liberté aux États de juger les génocidaires, en raison d'une surcharge prévisible de la juridiction internationale spécialement créée[12]. La France a adapté sa législation à la résolution par la loino 96-432 du[13]. La France se dotait dès lors de lacompétence universelle pour ces crimes et pouvait procéder au jugement des suspects qu'elle aurait arrêtés[14].
Après une plainte déposée par leCollectif des parties civiles pour le Rwanda en, une information judiciaire concernant des faits de génocide est ouverte le en France. Pascal Simbikangwa est mis en examen le « pour génocide et complicité et conspiration de génocide, crime organisé ». Le, laCour de cassation décide, conformément à sa jurisprudence, de regrouper les dossiers concernant le Rwanda, et confie l'instruction auTribunal de grande instance de Paris. Le, Pascal Simbikangwa est transféré aucentre pénitentiaire de Saint-Denis sur l'île deLa Réunion[15], puis à laMaison d'arrêt de Fresnes le.
D'autres affaires étaient instruites en parallèle où les suspects avaient été arrêtés bien auparavant. Mais en 2012, le Tribunal de grande instance de Paris reçoit plus de moyens et en 2013, après quatre ans de détention provisoire, le maximum autorisé en France, Pascal Simbikangwa devait être jugé ou libéré[16].
Enmars 2013, à la suite d'une enquête de l'OCLCH, il est renvoyé devant laCour d'appel de Paris pour « complicité de génocide et crime contre l'humanité ». Le procès se tient enmars 2014. L'accusation est menée conjointement par Bruno Sturlese (avocat général près la Cour d'appel de Paris) et Aurélia Devos (vice-procureur près le Tribunal de grande instance de Paris et chef de section du pôle « Crimes contre l'humanité, crimes et délits de guerre »), et la défense par Alexandra Bourgeot et Fabrice Epstein. Un interprète traduit les propos des témoins s'exprimant enkinyarwanda. En cours de procès, les faits sont requalifiés de complicité de génocide à auteur et instigateur de ce génocide[17]. L'accusation demande une condamnation à perpétuité. La défense demande son acquittement, soulignant l'absence de victimes directes présentes au procès et l'absence de preuves matérielles directes[17].
Le, au terme de six semaines de procès, les jurés de lacour d'assises de Paris ont déclaré Pascal Simbikangwa coupable de génocide et de complicité de crime contre l'humanité. Pascal Simbikangwa est condamné à 25 ans de prison[18]. Selon l'arrêt, les témoignages « révèlent l'efficacité d'une organisation collective reposant nécessairement sur un plan concerté »[19] auquel Pascal Simbikangwa a participé, pour ensuite donner des ordres et distribuer des fusils aux miliciens présents aux barrières deKigali[6].
Au moment du jugement de Pascal Simbikangwa, le Tribunal de Grande Instance de Paris procédait à l'instruction de 27 autres dossiers concernant le génocide au Rwanda[19], et il s'agissait du premier procès de son pôle « Crimes contre l'humanité »[12]. Le, moins d'une semaine après leverdict du procès de Pascal Simbikangwa, le médecin Charles Twagira était arrêté en France, suspecté d'avoir participé au génocide alors qu'il dirigeait l'hôpital deKibuye[20].
Le fait de recourir à unjury populaire, ici composé de six citoyens et de trois magistrats professionnels[21] pour le jugement de Pascal Simbikangwa fait ce de procès une première, aucune juridiction pénale internationale n'ayant eu recours à des citoyens pour juger des accusations de génocide ou de crime contre l'humanité[22].
Le procès de Pascal Simbikangwa est le quatrième en France pour complicité de crimes contre l'humanité (les précédents étant ceux deKlaus Barbie,Paul Touvier etMaurice Papon) et le premier procès en France dans le cadre du génocide des Tutsi au Rwanda[23]. En raison de son intérêt historique, le procès de Pascal Simbikangwa est filmé[24] pour le compte desArchives audiovisuelles de la Justice, dont il s'agit du sixième enregistrement vidéo[25].
Le refus des autorités françaises d'extrader les suspects de génocide au Rwanda, tranché par la Cour de cassation en raison du principe de non-rétroactivité, est un motif de mécontentement des autorités rwandaises, qui accusent la France de laisser les génocidaires dans l'impunité[26]. Le régime rwandais avait donc salué la tenue du procès de Pascal Simbikangwa[27], mais lesrelations entre la France et le Rwanda se tendent à nouveau quelques semaines plus tard, à l'occasion de la commémoration des 20 ans du génocide. Dans un entretien dans les jours précédant les cérémonies, le présidentPaul Kagame critiquait le rôle de la France en 1994[28]. À la suite de ces déclarations,Christiane Taubira annulait sa visite pour les commémorations. En retour les autorités rwandaises annulaient l'accréditation pour ces cérémonies de l'ambassadeur de France[29]. Sollicité pour s'exprimer sur les relations avec la France au début des commémorations, le, le président Kagame réagissait au procès de Pascal Simbikangwa en critiquant la lenteur de la justice française, réitérant son accusation de complaisance des autorités françaises vis-à-vis des génocidaires rwandais[30] :
« Il faudrait que je sois satisfait, simplement parce qu'un premier procès, celui de Pascal Simbikangwa, a eu lieu cette année ? Et qu'il a été condamné à vingt-cinq ans de prison ? Une seule personne en vingt ans ! La France comme la Belgique ont joué un rôle néfaste dans l'histoire de mon pays, ont contribué à l'émergence d'une idéologie génocidaire. Quand, en France, la justice est si lente, nous ne pouvons pas imaginer que c'est neutre. Dans nos relations avec ces deux pays, notre grille de lecture est forcément liée aux compromissions du passé. »
Bruno Sturlese, qui avait représenté le parquet au procès, était sollicité le même jour dans une autre entrevue[12] :
« Il est donc hors de question que la France reste un sanctuaire pour les génocidaires, à partir du moment où on a refusé d'extrader au Rwanda ce Rwandais qui était accusé de crimes contre l'humanité. »
Alain Jakubowicz, président de laLICRA qui étaitpartie civile au procès, dresse un bilan de ce procès en quatre points[31] : « [l]a mise en œuvre pratique [de la compétence universelle] pour les crimes les plus graves vient conforter son existence théorique en droit français » ; « la nécessité renforcée d'un traitement spécifique des affaires de crimes contre l'humanité [sous la direction d'un pôle] de magistrats, d'enquêteurs, et d'experts spécialisés, doté de moyens spécifiques et conséquents » ; « la victoire ou plutôt une victoire sur l'impunité » et enfin « la nécessité d'un tel procès pour contribuer à la mémoire du génocide des tutsis ».
Alexandra Bourgeot, avocate de l'accusé, fait cependant remarquer la faiblesse de la rémunération reçue au titre de l'aide juridictionnelle française, 1 000 euros pour plusieurs années de procédure, ce qui selon elle « pose clairement un problème d'égalité des armes avec l'accusation »[32].
Le, les conseils de Pascal Simbikangwa font appel de la condamnation[7].
Le procès en appel commence le devant la cour d'Assises réunie au Tribunal de grande instance de Bobigny. Le président de la cour d'assises est Régis de Jorna ; l'avocat général est Rémi Crosson du Cormier[33]. Lors du premier procès, Pascal Simbikangwa avait affirmé n'avoir rien vu ; dans ce second procès, il admet avoir vu un mort. Rachel Lindon, avocate de laLicra, le critique : « Comment oser dire que l'on a rien vu, rien entendu, alors qu'il y a eu 67 000 morts dans les rues de Kigali qui était un charnier à ciel ouvert ? J'ai le sentiment d'un crachat au visage des victimes »[34]. L'avocat de la défense Fabrice Epstein plaide l'acquittement, expliquant que Pascal Simbikangwa, premier accusé du génocide à être jugé en France, avait le sentiment d'être un accusé politique[8].
Le, Pascal Simbikangwa est condamné en appel à 25 ans de prison, peine identique à celle reçue lors du premier procès.
Le, la Cour de cassation rejette le pourvoi de Pascal Simbikangwa[35]. Sa condamnation devient donc définitive[36].
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