Avec ledétroit de Malacca, il est l'un des détroits maritimes les plus fréquentés du Monde par la marine marchande, avec un trafic d'environ 400 navires par jour qui transitent entre Manche et mer du Nord, étant la principale voie d'accès vers les ports durange nord-européen depuis l’Atlantique, mais il est aussi l'un des plus traversés par le transport maritime de passagers entre l'Europe continentale (Calais) et la Grande-Bretagne (Douvres). Environ 25 % du trafic mondial de marine marchande et de passagers emprunte ce détroit selon leCROSS.
Les conditions de navigation y cumulent plusieurs facteurs de dangerosité ; vents (196 bulletins météorologiques spéciaux signalant des vents supérieurs à 7 Beaufort ont été émis par Météo France en 2007),courants forts et régime des marées plus vif en raison du goulot que crée le détroit. Ces trois facteurs influent sur la manœuvrabilité des navires en avarie ou en action de pêche ou ceux que letirant d'eau expose au courant ou au vent. De plus, de nombreux bancs de sable sont susceptibles de se déplacer. C'est pourquoi les flux de grands navires doivent s'insérer dans undispositif de séparation du trafic (DST) qui organise le trafic longitudinal du détroit sur plus de 120 milles de long[1], avec unevoie montante côté français et unevoie descendante côté anglais. Des bancs naturels de sable servent de séparateurs. Des zones de moins de 12 mètres de profondeur sont localement signalées sur lescartes marines (banc de Bassurelle dans la voie N-E) afin que les navires à grand tirant d’eau (jusqu'à 22,60 m) les évitent. LaFrance et leRoyaume-Uni ont décidé par une déclaration publique du d'ouvrir la circulation du détroit à la navigation internationale.
Le détroit est surtout connu comme la principale des deux voies maritimes d'accès aux grands ports du Nord de l'Europe commeRotterdam,Amsterdam,Anvers ouHambourg, lesquels génèrent un important et constant flux de marchandises vers l’intérieur du continent. Enfin, le trafic transmanche de passagers entre le port français deCalais et le port britannique deDouvres est un des plus intenses en Europe et dans le monde.
Durant lePliocène, lesforaminifères (connus par leursfossiles) sont les mêmes des deux côtés du détroit. « Une ré-analyse du littoralmessinien (Diestien desNoires Mottes), de la série desMonts de Flandres, prolongement de la flexure de Landrethun, et de la formation de la Slack, ainsi que la découverte d'une nouvelle formation (formation deWimille, interne auBoulonnais), tous scellés par un cuirassement, témoignent d'une ouverture du Pas-de-Calais lors de la crise tectonique duMessinien, en relation avec l'évolution de la Manche orientale et de son réseau de paléovallées »[7].
Plage de Calais à marée basse en 2016.L'Europe pendant les dernièresglaciations.Falaises de Douvres en 2004.
Depuis la dernièreglaciation, la mer a remonté de plus de 100 m de hauteur dans cette région. Lors de la dernièredéglaciation le détroit a été rouvert il y a 9 000 ans environ, alors que la déglaciation finnoscandinave s'achevait mais que l'Amérique du Nord était encore en grande partie recouverte de glace[8].
À la suite d'une série d'avancées et reculs successifs de la mer ou d'anciens fleuves respectivement aux interglaciaires et périodes glaciaires, la sédimentologie de cette zone est très complexe. L'étude desanomalies de Bouguer[9] ainsi que la cartographie des fonds, des forages et des étudessismiques visent à mieux comprendre comment ont évolué les faciès sédimentaires de ces fonds marins périodiquement inondés puis exondés et érodés.
Perpendiculairement au courant, lesridens rocheux sont également unhabitat écologique rare qui abrite de nombreuses espèces inféodées à ce milieu. En raison de l'effet « goulot d'étranglement » du détroit, les courants y sont rapides (parmi les plus rapides au monde), laturbidité moyenne y est élevée (variant selon les conditions de marée et de vent, la teneur de l'eau en micro- et nanoplancton et les apports des fleuves, via les trois principaux « estuaires picards »)[13], et lessurcotes de haute ou basse mer peuvent être importantes.
Selon les dernières évaluations, le flux total dematières en suspension est dans le détroit d'environ 20×106 t par an dans le sens Manche vers Mer du Nord[14].
Phoques sur la plage deBerck en 2017.Routes des oiseaux migrateurs entre l'Europe et l'Afrique. Chasse illégale forte (rouge), moyenne (brun), faible (vert), sans statistiques (gris), 2013.
Il y a 10 000 ans, laGrande-Bretagne était reliée au continent et ce détroit n'était qu'une vallée, traversée par les animaux y compris desmammouths commecelui de l'Aa découvert en 1908 : il arrive qu'on en trouve des dents, remontées par les chaluts.
Mouettes sur le marché aux poissons deFolkestone, 2009.
Cecouloirbiogéographique reste néanmoins une voie demigration aviaire majeure ; d'importancepaneuropéenne pour la zonepaléarctique nord-occidentale. Ces migrations peuvent être gênées par certaines installations littorales et portuaires et en particulier par lapollution lumineuse. C'est aussi une zone volontiers empruntée par certains oiseaux pour circuler entre France et Angleterre.
Natura 2000 liste deuxsites d'intérêt communautaire nommés « Bancs des Flandres », dont les surfaces se recoupent à peu près ; l'un comprend 112 919 ha protégés selon la directiveHabitats, faune, flore[21], l'autre 117 167 ha protégés selon la directiveOiseaux[22].
1 023 hectares d'environnement côtier partagés entre les communes deAudinghen,Audresselles,Tardinghen etWissant ont été classéssite d'intérêt communautaire sous le nom de « Falaises du Cran aux Œufs et du Cap Gris-Nez, Dunes du Chatelet, Marais de Tardinghen et Dunes de Wissant »[23].
Plus de 70 épaves sous-marines ont été identifiées, avec de nombreusesmunitions immergées ou perdues en mer, qui réapparaissent ou que les pêcheurs peuvent récupérer dans leurs filets. En 2007, le CROSS Gris-Nez a dû superviser la gestion de 62 découvertes d'engins dangereux (opérations NEDEX)[25].
De façon plus pacifique, la traversée du détroit constitue également un défi relevé par de nombreux sportifs, en particulier à la nage :traversée de la Manche à la nage, mais aussi de nombreuses autres façons (le, une femme traverse le détroit en hydrocycle[26]), comme laplanche à voile…
Joindre la France à l'Angleterre par les airs, par un pont ou par un tunnel…
Ce fut un projet plusieurs fois conçu, tenté et finalement conclu parEurotunnel. Ainsi Louis Barron évoquait en1899 cet« Admirable projet, plusieurs fois conçu en 1750, en 1802, en 1838, essayé en 1868, démontré possible et retardé, hélas! par d'invincibles préventions, mais que tôt ou tard les peuples, désabusés, abjurant les haines séculaires, sauront réaliser pour leur bien commun. On verra peut-être alors surgir du milieu, du détroit sur le banc de sable de Varne, exhaussé par les ingénieurs, une ville internationale, merveilleusement agencée pour servir de refuge aux innombrables vaisseaux qui sillonnent incessamment le passage océanique le plus fréquenté du monde! »[27].
1909 : le,Louis Blériot est le premier homme réussissant à traverser la Manche aux commandes d'un avion. Le hameau d'où il est parti est rebaptisé en son honneurBlériot-Plage.
1888 : le, selon le journalLe Moniteur, des ingénieurs des grandes usines du Creusot dessinent les plans et préparent les devis du pont sur la Manche proposé par l'amiral Cloué (ancien ministre de la marine). Ce pont devait reposer sur d’énormes pilastres maçonnés de 50 mètres de haut pour que les plus grands navires puissent passer dessous. Le pont lui-même aurait été en fer et préparé au Creusot. Il partirait ducran aux Œufs, au sud ducap Gris-Nez pour conduire àFolkestone ; ce tracé n'est pas le plus court, mais il touche les fonds les moins profonds. Selon le journal, le ministre des travaux publics français a favorablement accueilli l'idée d'un pont entre la France et l'Angleterre[réf. souhaitée].
Le détroit (ouchannel en anglais) devient l'un des symboles de l’entente cordiale conclue entre la France et le Royaume-Uni, notamment concrétisée par la réalisation dutunnel sous la Manche ouvert à la circulation le. Ce tunnel a considérablement allégé le trafic transversal des ferrys tout en permettant d'augmenter les flux transmanche de passagers et de touristes.
À partir desannées 1990, le détroit devient une voie importante demigration illégale, tandis que les gouvernements des deux rives renforcent les mesures decontrôle frontalier : des dizaines de milliers de migrants venus des Balkans, d'Afrique et du Moyen-Orient transitent par leCentre de Sangatte, actif de 1999 à 2002, puis, de façon informelle, par la « jungle de Calais », détruite en 2016, en cherchant une opportunité pour passer au Royaume-Uni[29]. Depuis la fin de 2018, les tentatives de franchissement illicite en bateau se multiplient : plus de 9 500 en 2020 soit quatre fois plus qu'en 2019. La traversée est risquée en raison du fort trafic maritime, des courants et de la température de l'eau : 4 migrants y ont laissé la vie en 2019, 6 sont morts et 3 disparus en 2020[30]. À partir dejanvier 2021, leBrexit s'accompagne d'un renforcement des contrôles ; plusieurs milliers de migrants en attente restent bloqués sur la rive française, leur statut administratif étant incertain[31]. Environ 15 400 migrants tentent de traverser la Manche entre le et le dont 3 500 sont« récupérés en difficulté » et ramenés sur les côtes françaises[32].
Les départements français du Pas-de-Calais et du Nord, laprovince de Flandre-Occidentale en Belgique et le comté de Kent font partie de l'Initiative des détroits d'Europe (European Straits Initiative), lancée en 2009 et regroupant descollectivités locales riveraines de huit détroits européens, de la mer Baltique à la mer Méditerranée[33],[34]. Ce réseau n'a qu'un rôle de recommandation et n'a pas accès aux données économiques ou militaires concernant le trafic des détroits[35].
Lacirculation maritime dans le pas de Calais est une des plus importantes du monde avec jusqu'à 800 navires par jour dont 250 dangereux ou transportant des matières dangereuses (« navires à déclaration obligatoire »). Le risque de collision entre deux navires est en théorie maximal lors des tempêtes ou grandes marées et dans les zones de croisement du DST ainsi que dans les « eaux resserrées ». En 2006,« 59 navires de commerce ont signalé au CROSS des avaries ou événements restreignant leurs capacités normales de navigation[36] ». Ce chiffre est stable et concerne le plus souvent des « avaries bénignes sur le moteur principal et les systèmes associés », mais le risque d'un accident grave et/ou très polluant est permanent.
Les navires circulent de plus à des vitesses très différentes (4 à 26 nœuds) dans une même voie de circulation, tout en se croisant. Le CROSS a suggéré que l'Organisation maritime internationale puisse proposer la création d'« un couloir dédié au trafic traversier des navires à passagers sur l'axe au 300°/120° (cap Blanc-Nez – Douvres)[1] ».
LeCROSS Gris-Nez et son partenaire anglais veillent au respect des règles de navigation, mais s'ils peuvent s'appuyer sur le systèmeVessel Monitoring System(en) (VMS) de localisation des navires de pêche de plus de 15 mètres, ce dernier ne fonctionne qu'avec un décalage de 90 minutes[36] et de nombreux petits bateaux ne sont pas identifiables à distance ; dans cette zone les navires montant et descendant doivent s'insérer le plus harmonieusement possible dans les « rails » dudispositif de séparation du trafic (DST). Ce problème est en passe d'être résolu par la généralisation de l'emport desystème d'identification automatique sur les navires. Le CROSS et le MRCC Douvres échangent des personnels dans le cadre de leur coopération. Ils diffusent des renseignements utiles à la sécurité maritime et fournissent si nécessaire une aide ponctuelle à la navigation et dans le cadre duMémorandum d’entente de Paris (MOU)[37]. Le CROSS doit signaler aux autorités compétentes les navires dont le comportement laisse supposer une non-conformités aux normes de sécurité en vigueur (19 signalements en 2006[36], et 41 en 2007, année durant laquelle des constats pour 31 infractions aux règles de navigation ont été suivies de poursuites[1].). Le CROSS peut être assisté dusémaphore de Boulogne-sur-Mer ou demander une assistance nautique ou aérienne.
Ce trafic nord-sud déjà intense croise celui des plaisanciers, des pêcheurs et surtout desferrys et vedettes rapides assurant la traversée entre la France et l'Angleterre et notamment entreCalais etDouvres (les deux premiers ports mondiaux quant au trafic de passagers)[36].
Un autre problème signalé par les CROSS dont celui du Gris-Nez est la mauvaise compréhension de l’anglais maritime par les plaisanciers et patrons-pêcheurs français.« Est-il encore acceptable que deux navigants ne puissent pas se comprendre sur des termes maritimes usuels simples ? » s'interrogeait le CROSS en 2006[36].
Les accidents
Ils sont rares dans le détroit qui est l'un des plus surveillés au monde, mais le risque reste élevé.
832 navires à grandtirant d’eau (tirant d’eau de plus de 16 mètres) et de 322 convois de remorquage ont nécessité en 2006 un suivi plus particulier en raison de leurs faibles capacités de manœuvre[36]. Ils étaient 1 088 (navires à grand tirant d’eau) et 302 (convois de remorquage) en 2007.
La loi[40] demande aux pétroliers de plus de 600 tonnes de port en lourd naviguant dans lazone maritime particulièrement vulnérable des eaux d’Europe occidentale de se déclarer ; ils étaient 1 829 en 2008.
et seulement 487 navires à passagers dans le sens longitudinal.
En 2007 et 2008, 22 à 23 % des navires transitant dans le DST sont des navires destinés à exclusivement transporter des matières dangereuses (pétrole,produits chimiques,méthane et autres substances inflammables, explosives ou toxiques…). Et en 2008, selon le CROSS, plus de 36 % des navires empruntant le DST étaient âgés de plus de 15 ans.
Trafic transversal (« trans-manche »)
Les navires de passagers ettransbordeurs ont en 2006, selon le Cross Gris-Nez effectué à eux seuls 18 001 rotations pour l'année 2007 et 19 095 pour l'année 2008 (plus de 90 navires par jour en mer).
Il est effectué par les services de l'État, sous l'égide du CROSS Gris-Nez qui participe depuis à des opérations franco-britannique de contrôle des pêches (la première a duré 2 jours avec 8 navires de 4 pays contrôlés ; tous ont fait l'objet d’unPV d’infraction). En 2007, 266 inspections physiques ont été menées en 2007 (pour un total de 733 ayant mis en évidence 624 infractions dans les 3 régions couvertes par le CROSS)
Elles sont souvent le fait d'avaries (pertes d'huiles par l'arbre d'hélice par exemple) ou derejets illicites d'hydrocarbures. Dans ce dernier cas, le CROSS est chargé de la recherche des preuves, sous l’autorité du procureur de la République compétent et du préfet maritime. En 2007, sur 27 observations aériennes (220 heures de vol) ou satellitaires, seules 3 ont pu être attribuées à un responsable. Sur demande du juge dutribunal correctionnel spécialisé duHavre (pour la zone Manche), le CROSS peut dérouter un navire pour inspection et enquête. Des exercices POLMAR (Lutte anti-pollution en mer) sont pratiqués périodiquement (ex. : au large de Boulogne-sur-Mer).
↑Brigitte Van Vliet-Lanoë, Jean-Louis Mansy, Jean-Pierre Henriet, Michel Laurent, Jean-Pierre Vidier, « Une inversion tectonique cénozoïque par étapes : le Pas-de-Calais »,Bull. Soc. géol. Fr.,t. 175,no 2,,p. 175-195.
↑Vliet-Lanoë, B. V., Mansy, J. L., Margerel, J. P., Vidier, J. P., Lamarche, J., & Everaerts, M. (1998).Le Pas de Calais, un détroit cénozoïque à ouvertures multiples. Comptes Rendus de l'Académie des Sciences-SeriesIIA-Earth and Planetary Science, 326(10), 729-736 (résumé).
↑Auffret, J.-P., Alduc, D., Larsonneur & Smith, A.J., 1980.Cartographie du réseau des paléovallées et de l'épaisseur des formations superficielles meubles de la Manche orientale, Ann. Inst. Océano., 56 :p. 21-35.
↑CRO : acronyme deCompte rendu obligatoire pour la Résolution MSC 85(70) de l'OMI).
↑« Déclarations WETREP » (Western European Tanker Report), en application de la résolution MSC190 (79) du relative au système de comptes-rendus des pétroliers.
Colbeaux J.P., Dupuis C., Robaskzynski F., Auffret J.P., Haesaerts P., & Somme J., 1980 -Le détroit du Pas de Calais : un élément dans la tectonique de blocs de l’Europe nord-occidentale. Bulletin d’Information des Géologues du Bassin de Paris, 17, 41-54.
Müller, Y. (2004).Mieux connaître les peuplements benthiques associés aux substrats durs au large du littoral Nord-Pas-de-Calais. Commission régionale de biologie Région Nord-Pas-de-Calais : France. 92 p.
Vliet-Lanoë, B. V., Mansy, J. L., Margerel, J. P., Vidier, J. P., Lamarche, J., & Everaerts, M. (1998).Le Pas de Calais, un détroit cénozoïque à ouvertures multiples. Comptes Rendus de l'Académie des Sciences-SeriesIIA-Earth and Planetary Science, 326(10), 729-736 (résumé).