LeParti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR), officiellement leParti ouvrier social-démocrate russe (enrusse :Российская социал-демократическая рабочая партия, РСДРП ;romanisé :Rossiyskaya sotsial-demokraticheskaya rabochaya partiya,RSDRP), également traduitParti social-démocrate des Travailleurs de Russie, et nommé plus simplementParti social-démocrate de Russie[b], est un ancienparti politiquerusse fondé en 1898 àMinsk. De tendancesocialiste etmarxisterévolutionnaire, il s'inscrit dans le contexte de l'Internationale ouvrière et avait pour objectif de renverser lerégime tsariste afin d'instaurer unÉtat socialiste.
Rapidement confronté à la répression et à la clandestinité, le POSDR connaît des tensions internes qui aboutissent, lors de son IIᵉ congrès en 1903, à une scission en deux courants :
Lesmencheviks, menés parJulius Martov, favorables à une organisation plus large et moins centralisée, avec un fonctionnement interne plusdémocratique, proche des partis socialisteseuropéens.
Après larévolution d'octobre 1917, la faction bolchevique prend le pouvoir et devient, en 1918, le Parti communiste russe (bolcheviks) - PCR(b), qui évoluera ensuite enParti communiste de l'Union soviétique (PCUS). La scission de 1903 est un tournant majeur de l'histoire politique russe et mondiale.
Apparu timidement à la fin duXVIIIe siècle dans l'Empire russe[2], le mouvement contestataire russe a connu sa première heure de gloire lors de l'insurrection décabriste en. L'impitoyable répression policière qui a suivi a étouffé toute contestation politique pendant le règne deNicolasIer. Toute remise en cause du système, même légère, était sanctionnée par la condamnation ou l'exil (Fiodor Dostoïevski et leCercle de Petrachevski,Alexandre Herzen,Nikolaï Ogarev, etc.). La Russie ne connaît pratiquement aucun soubresaut de larévolution de 1848, qui secoue pourtant toute l'Europe centrale. Cette rigidité du système a conduit la contestation à se radicaliser et à s'élargir. Divers groupements de lutte contre le régime tsariste apparaissent plus ou moins durablement :Cercle Tchaïkovski,Terre et Liberté,Volonté du Peuple (Narodnaïa Volia),Partage Noir, etc. L'influence du socialisme occidental est importante, (en particulierCharles Fourier), mais le mouvement espère trouver une voie spécifiquement russe vers la révolution : le « populisme ». L'espoir réside dans une forme de réconciliation générale entre l'intelligentsia et la grande masse de la population (la paysannerie, c'est-à-dire le « peuple »). La première voie tentée est l'acculturation (lutte contre l'analphabétisme en particulier). Devant l'échec de cette tentative (1874), une partie des organisations se tourne vers ce que les futurs sociaux-démocrates russes appelleront le« terrorisme individuel ». L'organisationNarodnaïa Volia se réclame ainsi ouvertement « terroriste » et parvient à assassiner l'empereurAlexandre II de Russie le lors d'un attentat à la bombe. Ce coup d'éclat marque la fin de l'organisation, décimée par la répression politique qui suit[3]. Mais le terrorisme politique devient endémique jusqu'à laPremière Guerre mondiale dans l'Empire russe…
Karl Marx etFriedrich Engels se sont intéressés au mouvement révolutionnaire russe dès sa naissance, en particulier à l’analyse des populistes russes qui préconisaient le passage direct à un socialisme s'appuyant sur les communautés paysannes (mir,obchtchina). En1883, la première cellule marxiste de Russie,Libération du Travail, est formée par d'anciens populistes :Gueorgui Plekhanov,Pavel Axelrod,Vera Zassoulitch, etc.
L'influence de lapensée marxiste est assez tardive en Russie, mais elle marque profondément la réflexion politique.
« En 1872, la traduction du premier tome duCapital de Marx a été achevée par deux émigrésGerman Lopatine etNikolaï Danielson[4]. La censure tsariste estimant que ce texte “scientifique” et bien trop dense sera peu lu en Russie autorise sa diffusion, laquelle constitue ainsi tant la première traduction duCapital que la première publication de l'ouvrage de Marx à l'étranger. Or, contrairement aux attentes des censeurs,Le Capital va connaître un grand succès en Russie (les 3 000 exemplaires sont écoulés en une année), et engendrer des discussions passionnées dans les milieux radicaux russes, ainsi que des polémiques acharnées sur les “destinées du capitalisme en Russie”, selon le titre de l'ouvrage publié en1882 parVorontsov(ru), économiste de tendance populiste. »
— Korine Amacher, La Russie 1598-1917 : Révoltes et mouvements révolutionnaires[5].
En mars1898, lors d'un congrès clandestin réuni àMinsk, pour unifier les diverses organisations révolutionnaires (en l'absence deVladimir Oulianov (futur« Lénine »), alors en exil à Chouchenskoïé, en Sibérie ; le Congrès réunit moins de 15 délégués[6], venant de trois organisations: le groupe de laRabotchaia Gazeta deKiev, les Unions de Lutte pour la libération de la classe ouvrière deSaint-Pétersbourg, deMoscou et d'Ekaterinoslav et l'Union générale des travailleurs juifs (leBund, créé en1897). L'unique délégué ouvrier présent au Congrès était un militant duBund. Ce congrès procéda à l'élection d'un Comité Central composé par trois personnes :Boris Eidelman (de laRabotchaia Gazeta),Arkadi Kremer (duBund) etStepan Radchenko (de l'Union de lutte de Saint-Pétersbourg).Pierre Struve était l'un des participants.
Le Congrès adopta un manifeste (dont la rédaction finale fut confiée à Pierre Struve) et fixa des règles de fonctionnement du Parti même si, sur le plan formel, il n'adopta ni programme, ni statuts. Le jeune parti fut durement frappé par la répression tsariste. Peu après sa fondation, desarrestations de masse frappèrent 500 militants et sympathisants. Sept des neuf délégués au Congrès furent emprisonnés. À partir desannées 1930, l'historiographie officielle soviétique s'est attachée à minimiser l'importance de ce premier Congrès, le seul pourtant à avoir été organisé sur le territoire de l'Empire russe.
Dans ses décisions et dans sonManifeste, le congrès proclamait la création du Parti ouvrier social-démocrate de Russie.
C'est dans cet acte formel, destiné à jouer un grand rôle au point de vue de la propagande révolutionnaire, que réside l'importance duIer congrès du P.O.S.D.R. »
— Collectif, Histoire du Parti communiste (bolchévik) de l'U.R.S.S., 1938[7].
Peu de temps après le congrès de Minsk, les neuf membres du Comité Central sont arrêtés. Le POSDR est créé en opposition aunarodnichestvo (народничество), le populisme russe, la tactique des révolutionnaires qui rejoindront ultérieurement leParti socialiste-révolutionnaire (SR,эсеры). Le programme du POSDR se base sur lemarxisme. Selon son analyse, en dépit de la prédominance de la petite production agricole en Russie, le vrai potentiel révolutionnaire résiderait dans leprolétariat industriel.
Avant le second congrès en1903, un jeune intellectuel nomméVladimir Ilitch Oulianov (Владимир Ильич Ульянов) rejoint le parti. En1901, de l'étranger où ils étaient venus rejoindre les anciens immigrés du groupe Libération du Travail, Vladimir Oulianov etJulius Martov commencent la publication de l'Iskra (L'Étincelle). Ils voulaient grâce à cette publication bâtir un grand parti centralisant, si nécessaire de façon volontariste, les différents groupes socialistes et cercles ouvriers existant en Russie. En février1902, Oulianov publie, sous le pseudonyme de« Lénine » (Ленин), l'ouvrageQue faire ?, qui expose sa conception organisationnelle du parti et polémique contre le courant "économiste". En effet, à l'intérieur du POSDR une opposition se développait entre deux tendances : « iskristes » et « économistes ». Le termeéconomistes désignait les sociaux-démocrates russes qui luttaient plus pour l'amélioration des conditions de vie immédiate des ouvriers que pour la révolution (position logique par rapport à laDeuxième Internationale).
« Ce qui préoccupait surtout Lénine à cette époque, c'était la question des « économistes ». Il comprenait mieux que tout autre que l'« économisme » était le noyau central de la politique de conciliation, de l'opportunisme ; que la victoire de l'« économisme » dans le mouvement ouvrier signifiait la ruine du mouvement révolutionnaire du prolétariat, la défaite du marxisme.
Et Lénine attaqua les « économistes » dès leur apparition.
Les « économistes » prétendaient que les ouvriers devaient mener uniquement la lutte économique ; quant à la lutte politique, il fallait en laisser le soin à la bourgeoisie libérale, que les ouvriers devaient soutenir. Lenine considérait cette propagande des « économistes » comme un reniement du marxisme, une négation de la nécessité, pour la classe ouvrière, d'avoir un parti politique indépendant, une tentative de transformer la classe ouvrière en un appendice politique de la bourgeoisie. […]
Ce fut principalement le journal illégalIskra, fondé par Lénine, qui mena la lutte contre l'« économisme », pour la création d'un parti politique prolétarien indépendant. »
— Collectif, Histoire du Parti communiste (bolchévik) de l'U.R.S.S.[8]
Le, le second congrès réunit àBruxelles, puis àLondres émigrés et intellectuels vivant à l'étranger, pour tenter de constituer une force politique unifiée. LeBund, groupe nationaliste juif, ne participe que partiellement aux travaux du congrès. Ne pouvant obtenir une ligne autonome au sein du parti, leurs délégués quittent le Congrès.
Le parti se scinde ensuite en deux factions le17 novembre: lesbolcheviks (большевик ; debolchinstvo, « majorité »), dirigés parLénine et regroupés autour de l'Iskra, et lesmencheviks (меньшевик ; demenchinstvo, « minorité »), dirigés parMartov. Le terme demajorité provient du résultat d'un vote effectué au congrès au sujet de questions d'organisation et de stratégie, bien que le parti bolchevik soit resté en minorité politique jusqu'au.
Schématiquement, les bolcheviks rassemblent autour de Lénine un courant en apparence homogène, alors que les mencheviks regroupent différentes tendances : sociaux-démocrates traditionnels, tendance plus à gauche de Julius Martov et tendance « gauchiste » deLéon Trotski. La scission est surtout due aux divergences en matière d'organisation. À la conception léniniste d'un parti de cadres, formé de révolutionnaires professionnels, s'oppose la conception d'un parti de masse, où l'adhésion au parti est ouverte plus largement. Malgré toutes les tentatives de réunification, les deux parties demeurent inconciliables.
Tout comme plus tard enfévrier 1917, larévolution russe de 1905 surprend toutes les composantes du « mouvement ouvrier » russe, à commencer par celles du POSDR. Fidèles à leurs conceptions, les menchéviks voient dans les évènements de 1905 et l'apparition des soviets le moyen de construire enfin le large et véritable parti social-démocrate, les comités ouvriers étant appelés dans l'avenir à se transformer en syndicats. Les bolchéviks eux tentent de plaquer sur la situation la tactique léniniste développée dansQue faire ?. Il s'agit pour eux de« convaincre ces organisations (lessoviets) d'accepter le programme du parti social-démocrate comme étant le seul conforme aux vrais intérêts du prolétariat ». Après l'acceptation de ce programme, elles doivent évidemment déterminer leur attitude envers le parti social-démocrate, reconnaître sa direction et finalement se fondre dans ce parti. Cette position sera nuancée après l'arrivée deLénine qui tout en se méfiant de cet organe spontanément apparu, ne répugnait pas à l'idée d'y travailler.
Les sociaux-démocrates boycottent les élections de la premièreDouma d'État de l'Empire russe (avril-), mais sont représentés à la deuxième Douma (février-). Ils détiennent avec lessocialistes-révolutionnaires 83 sièges. La deuxième Douma est dissoute sous prétexte d'une conspiration subversive de l'armée.
Sous de nouvelles lois électorales, la présence des sociaux-démocrates à la troisième Douma (1907) est réduite à 19. Leur chef de file estNicolas Tcheidze (Nicolas Tchkhéidzé), brillant orateur. À la quatrième Douma (1912), les sociaux-démocrates sont définitivement divisés. Les mencheviks ont cinq membres et les bolcheviks sept, dontRoman Malinovski, qui s'avérera être un agent de l'Okhrana.
Lors de larévolution de Février 1917, les mencheviks sont majoritaires, avec l'appui des sociaux-révolutionnaires. Ils élisentNicolas Tchkhéidzé à la tête du Comité exécutif du Soviet de Petrograd, qui refuse à plusieurs reprises de participer augouvernement provisoire successeur du régime tsariste, notamment au poste de ministre du Travail.Irakli Tsereteli accepte de rejoindre le gouvernement d'Alexandre Kerenski aux Postes et Télégraphes, puis à l'Intérieur.
Lors de larévolution d'Octobre, les bolcheviks s'emparent du pouvoir politique :Léon Trotski remplace Nicolas Tchkhéidzé.Lénine devient président du Conseil des commissaires du peuple (ouSovnarkom).
En novembre-décembre 1917, les élections de l'Assemblée constituante russe ne sont pas favorables aux bolcheviks où ils obtiennent environ 25 % des voix : l'assemblée est dissoute par le pouvoir révolutionnaire lors de sa première réunion le 5 et 6 janvier 1918 et ses membres non bolcheviks sont arrêtés puis emprisonnés.
En, le parti bolchevik russe prend le nom de Parti communiste de Russie (bolchévik). La faction menchevik est exclue dessoviets en 1918 puis interdite après larévolte de Kronstadt en1921. En, le parti devient le Parti communiste (bolchevik) d'Union soviétique puis leParti communiste de l'Union soviétique en.
↑Il n'existe pas de date définitive de dissolution du POSDR. En1903, le parti se divise en deux factions, les bolcheviks et les mencheviks, qui forment des partis distincts en1912. Toutefois, des organisations communes ont continué d'exister jusqu'en1917.
↑Si l'on suit latraduction littérale de « Российская социал-демократическая рабочая партия », le nom du parti finit par « russe » et non « de Russie » ; donc, officiellement, son nom peut également être traduit par « Parti social-démocrate des Travailleurs russe », et nommé plus simplement « Parti social-démocrate russe ».
↑Alexandre Oulianov, le frère aîné de Vladimir Oulianov, le futurLénine, fut un membre actif deNoradnaïa Volia. À la suite d'une tentative d'attentat contre l'empereurAlexandre III, le jeune homme passa en jugement. Il fut condamné à mort et exécuté en mai1887.
↑Dominique Colas, « La dictature démocratique et la démocratie populaire. Oxymore et pléonasme dans les usages de démocratie chez quelques marxistes »,Mots,(lire en ligne)
Collectif,Histoire du Parti communiste /bolchévik/ de l'U.R.S.S : Précis rédigé par une commission du Comité central du P.C.(b) de l'U.R.S.S, Moscou, Éditions en langues étrangères, (1reéd. 1938), 408 p.