Le parti se recomposa ensuite à l'étranger et s'impliqua de façon importante dans la lutte contre le régime fasciste, surtout durant laguerre civile de 1943-45. Le, il prit le nom de Parti communiste italien. Après lachute du fascisme, le PCI joua un rôle majeur dans lanaissance de la République italienne et la rédaction de laConstitution. En1947, son adhésion auKominform provoqua son exclusion du gouvernement et son passage à l'opposition, de laquelle il ne sortit que brièvement à la fin desannées 1970.
De1945 à1991, le PCI fut le deuxième parti politique du pays, derrière laDémocratie chrétienne. Après être passé tout près d'une participation gouvernementale à la fin desannées 1970, il déclina lentement jusqu'à sa dissolution en1991, au milieu de lachute du bloc de l'Est. Le PCI fut, en termes de résultats électoraux, le premier parti communiste du monde occidental.
Comme indiqué dans son nom, le nouveau parti fonctionne essentiellement en tant qu'organe italien du Komintern[10] : il adopte un programme et une stratégie identiques, et les directives deMoscou dominent les choix internes. Selon les instructions de Lénine, le PCd'I s'oppose aussi bien aux partis considérés comme bourgeois qu'auPSI, accusé d'avoir « trahi la classe ouvrière » en soutenant laguerre. Cependant, il conserve encore une certaine autonomie au niveau structurel : les dirigeants sont pratiquement tous issus du PSI et ralliés librement à l'Internationale communiste. Jusqu'au milieu desannées 1920, le parti anime dans l'Internationale le courant de laGauche communiste italienne. Cela se traduit dans une organisation différente de celle des bolcheviks : en effet, le parti est organisé de façon territoriale, et non pas constitué autour de soviets[11]. Les débuts du PCd'I sont assez positifs : plusieurs organisations se lient à lui[12], il remporte 15 sièges de député auxélections de 1921, et, à la fin de l'année 1921, il revendique 43 000 militants[13].
Le programme officiel du Parti communiste d'Italie est alors composé des dix points suivants :
Dans l'actuel régime capitaliste se développe un contraste toujours plus important entre les forces productives et les rapports de production, donnant naissance à l'antithèse des intérêts et à la lutte des classes entre le prolétariat et la bourgeoisie dominante.
Les actuels rapports de production sont protégés par le pouvoir de l'État bourgeois, qui créé sur le système représentatif de la démocratie, constitue l'organe pour la défense des intérêts de la classe capitaliste.
Le prolétariat ne peut briser, ni modifier le système des rapports capitalistes de production d'où dérive son exploitation, sans l'abattement violent du pouvoir bourgeois.
L'organe indispensable de la lutte révolutionnaire du prolétariat est le parti politique de classe. Le Parti Communiste, en réunissant en soi la partie la plus avancée et consciente du prolétariat, unit les forces des masses travailleuses, il a le rôle de diffuser dans les masses la conscience révolutionnaire et de diriger dans le déroulement de la lutte le prolétariat.
La guerre mondiale, causée par les incurables contradictions du système capitaliste qui produisirent l'impérialisme moderne, a ouvert la crise de désintégration du capitalisme dans laquelle la lutte de classe ne peut que se résoudre en un conflit armé entre les masses travailleuses et le pouvoir des États bourgeois.
Après la destruction du pouvoir bourgeois, le prolétariat ne peut s'organiser en classe dominante qu'avec la destruction de l'appareil social bourgeois et avec l'instauration de sa propre dictature, c'est-à-dire en basant la représentation élective de l'État sur la seule classe productive et en excluant de tout droit politique la classe bourgeoise.
La forme de représentation politique de l'État prolétarien est le système des conseils de travailleurs, ouvriers et paysans, présents dans la révolution russe, commencement de la révolution prolétarienne et première réalisation stable de la dictature prolétarienne.
La nécessaire défense de l'État prolétarien contre toutes les tentatives contre-révolutionnaires peut être garantie seulement en enlevant à la bourgeoisie et aux partis adversaires à la dictature prolétarienne tous moyens d'agitation et de propagande politique, et avec les organisations armées du prolétariat pour repousser les attaques internes et externes.
Seul l'État prolétarien pourra prendre toutes les mesures nécessaires à l'intervention dans les rapports de l'économie sociale qui permettrons le remplacement du système capitaliste par la gestion collective de la production et de la distribution.
Par effet de cette transformation économique et des transformations résultantes dans toutes les activités de la vie sociale, la division de la société en classe s'éliminant, la nécessité de l'État politique s'éliminera aussi, l'engrenage de celui-ci se réduira progressivement à celui de la rationnelle administration des activités humaines.
Dans les premières années de la vie du PCd'I, son chef officiel estAmadeo Bordiga (courant de gauche). Les courants minoritaires sont dirigés parAngelo Tasca (droite) etAntonio Gramsci (centre).
Face à la monté dufascisme et à la violence deschemises noires (les locaux des partis, syndicats et journaux de gauche sont régulièrement attaqués et des dizaines de militants tués) le PCd'I crée au printemps 1921 son Ufficio I (bureau du travail illégal), une organisation clandestine présente dans toute l'Italie. Ses membres reçoivent une formation militaire sommaire et stockent des armes, souvent capturés au lendemain des révolutionsen Hongrie eten Allemagne. Les militants communistes s'engagent aussi dans lesArditi del Popolo (AdP), une organisation antifasciste non partisane visant à repousser les expéditions punitives fascistes[14]. En, le gouvernement exclu les membres du parti des forces armées, mais pas les fascistes[14]. Le Parti communiste est alors également impliqué dans la lutte contre lamafia[15].
Cependant, à partir de1923, le nouveaurégime fasciste deBenito Mussolini commence à persécuter les partis politiques, et en particulier le PCd'I. Une vaste offensive policière est lancée contre ce dernier en, conduisant à plus d'un millier d'arrestations dont celles de plusieurs dirigeants, parmi lesquelsAmadeo Bordiga[16]. Après l'enlèvement puis l'assassinat deGiacomo Matteotti par les chemises noires, assumés par Mussolini le, les députés communistes prennent part à lasécession de l'Aventin. À partir de la même année, leslois fascistissimes entraînent l'arrestation ou la fuite de plusieurs membres[17]. Le, tous les partis politiques à l'exception duParti national fasciste sont dissous par décret[18] : le PCd'I entre totalement en clandestinité. À partir de cette date, il s'engage dans une lutte contre le fascisme, à la fois de l'intérieur (malgré de grandes difficultés) et de l'extérieur (depuis laFrance et l'URSS surtout). En parallèle, le Komintern profite de ces difficultés pour mieux contrôler le parti en remplaçant les membres arrêtés par descommunistes moins indépendants.Antonio Gramsci, dont les thèses dites centristes à l'intérieur du parti sont mieux acceptées par l'Internationale que celles dites de gauche de Bordiga, devient ainsi secrétaire national en1924. Cette transformation est définitive après le Congrès deLyon en1926, où la motion centriste remporte 90 % des voix, grâce également à l'absence de nombreux militants détenus ou retenus par le régime.
La résistance au régime mussolinien à travers l’action clandestine est essentiellement le fait de militants du Parti communiste. Ces derniers étant mieux préparés à l’activité clandestine que les militants des autres partis par la structure de leur organisation et du fait d’avoir été victimes de la répression systématique des autorités. Tout au long de la dictature, le PCI a été capable de maintenir sur pied et à alimenter un réseau clandestin, à diffuser des brochures et des journaux de propagande, à infiltrer les syndicats et les organisations de jeunesse fascistes. Plus des trois quarts des condamnés politiques entre 1926 et 1943 sont des communistes[19].
En1927, Gramsci, arrêté et condamné à vingt ans d'incarcération, est remplacé à la tête du parti parCamilla Ravera d'abord, et parPalmiro Togliatti, exilé àMoscou, ensuite. Cependant, le PCI continue de traverser de graves crises internes. En effet, de plus en plus inféodé au Komintern, sa lutteantifasciste est donc mise en difficulté par la doctrine alors préconisée de « classe contre classe », empêchant toute entente avec les socialistes, assimilés à des alliés de labourgeoisie. D'autre part, le meneur de l'aile droite du parti,Angelo Tasca, lui aussi exilé à Moscou, prend publiquement position pour Boukharine face à Staline en1929, contraire à la désignation des socialistes comme « social-fascistes »[20]. Togliatti décide alors de l'exclure et recentre le parti sur les positions staliniennes. Après cette épuration à droite, la même manœuvre est effectuée à gauche avec l'exclusion du membre fondateurAmadeo Bordiga et de nombre de ses partisans avec l'accusation de « trotskisme ». En effet, plusieurs exclus commePierre Tresso rejoignent alors laQuatrième Internationale.
Isolé par ces manœuvres, le PCd'I renoue le dialogue avec les autres partis ouvriers à partir de1934, lorsque, sous l'impulsion de Staline, l'Internationale communiste fait volte-face et préconise la stratégie de Front populaire face à la montée dufascisme enEurope. Comme enFrance et enEspagne, les communistes italiens rouvrent le dialogue avec les socialistes et signent un pacte d'unité d'action antifasciste[21]. Au même moment, un « Appel aux fascistes » très controversé paraît dans le journal du PCd'I à Paris,Lo Stato Operaio. Le texte, qui serait inspiré parTogliatti, appelle à la réunion des communistes et des fascistes autour du programme de Mussolini en1919, tout en dénonçant les trahisons duDuce vis-à-vis de ce dernier et le rapprochement avec l'Allemagne nazie[22]. En 1935, le parti mène une campagne contre l'invasion de l’Éthiopie[23]. Mais enaoût 1939, lepacte germano-soviétique brise la fragile entente antinazie entre communistes et socialistes et pousse de nouveau le PCd'I à une volte-face, l'obligeant à justifier l'alliance entre l'URSS et l'Allemagne. Togliatti lui-même, alors àParis, est condamné à la prison à la suite du pacte, mais n'est pas reconnu, et rejointMoscou après quelques mois de détention[24]. De nombreux militants communistes sont de plus arrêtés en France après l'invasion de la Wehrmacht. L'entrée en guerre de l'Italie et, surtout, l'invasion de l'URSS parAdolf Hitler, permettent ensuite une normalisation de la situation et un nouveau pacte d'unité d'action entre communistes et socialistes italiens, signé àToulouse en1941[25]. En parallèle, le parti est dirigé uniquement par Togliatti après la dissolution duComité central et duBureau politique en1940. Le, après la dissolution de l'Internationale communiste, il prend officiellement le nom de Parti communiste italien (PCI).
Guerre civile et premier parti d'opposition (1943-1972)
En, sur pression de Staline[30],Togliatti effectue le « tournant de Salerne », lors duquel les communistes acceptent le principe d'ungouvernement d'union nationale, non seulement avec les autres partis du CLN, mais aussi avec le roi et le maréchalBadoglio. De la même façon les GDD se mettent à accepter toutes les femmes anti-fascistes[29]. Après deux ans de résistance acharnée face aux forces allemandes et fascistes, principalement en haute montagne, le PCI puis le CLN déclenchent une insurrection générale en, libérant de nombreuses villes (Bologne,Milan,Turin, etc.) avant même l'arrivée des forces alliées. Le, le régime fasciste capitule officiellement. Le gouvernement provisoire s'accorde alors sur la tenue d'unréférendum sur le régime et sur l'élection d'uneAssemblée constituante. Il faut cependant attendre le retour des prisonniers et la réorganisation administrative du pays. Enavril 1946, pour la première fois depuis1924, des élections sont organisées pour élire les conseils municipaux : le PCI obtient de bons résultats, arrivant seul en tête àTurin,Gênes ouBologne, et àRome ou àNaples en coalition avec lePSI. Cependant, laDémocratie chrétienne (DC) emporte de loin la majorité des suffrages. Lors du référendum, qui se tient le, la République, soutenue par l'ensemble du CLN, est proclamée avec 54,3 % des suffrages, tandis que le PCI obtient 18,7 % des voix et 104 sièges sur 556 à l'Assemblée constituante, derrière la DC (37,2 % et 207 sièges) et lePSI (20,7 % et 115 sièges). Pendant deux ans, le PCI continue de participer aux gouvernements d'union nationale dirigés parAlcide De Gasperi, décrétant notamment l'amnistie Togliatti sur les fascistes et participant à la rédaction de la nouvelleConstitution, promulguée le. Parti de masse, le PCI n'en a pas moins abandonné ses velléités révolutionnaires au profit de l’unité nationale et du projet de réaliser une démocratie sociale, qui permettrait à la classe ouvrière de jouer un rôle politique et d’obtenir des avancées économiques et sociales[31].
Dans les années 1940, le parti communiste italien organise l'initiative sociale destrains du bonheur, qui verra quelques 70 000 enfants vivant dans leMezzogiorno devasté trouver des familles d'accueil en Italie du Nord[32],[33].
L'exclusion du gouvernement et l'isolement politique (1947-1972)
L'unité éclate enmai 1947 :Alcide De Gasperi forme ungouvernement excluant les communistes, opposés auPlan Marshall. Lors de la fête des travailleurs, des criminels liés à la mafiaouvrent le feu sur un rassemblement de paysans communistes, tuant onze personnes. En septembre, le PCI rejoint leKominform, héritier du Komintern. S'ensuit une situation quasiment insurrectionnelle pendant plusieurs mois : la préfecture deMilan est occupée en novembre malgré la désapprobation de la direction du parti[34], tandis qu'enjuillet 1948 Togliatti est victime d'un attentat[35]. Une grève générale éclate alors, occasionnant des séquestrations, des manifestations et des affrontements armés avec les forces de l'ordre[36]. Cependant, la direction du parti et l'URSS bloquent le mouvement, provoqué essentiellement par les militants, et mettent fin à l'insurrection au bout de quelques jours. Entre-temps, en avril, lesélections générales ont lieu dans un climat électrique : le PCI et lePSI forment unecoalition face à laDC, soutenue elle par lesÉtats-Unis et l'Église catholique. Les résultats sont sans appel : environ 48 % des voix pour le parti de De Gasperi, contre 30 % pour la coalition de gauche. Au total, c'est un recul pour les forces communistes et socialistes par rapport à1946. Dans un câble du, le diplomateGeorge F. Kennan avait soumis au sous-secrétaire d’État américainDean Acheson un plan pour empêcher l'éventuelle victoire électorale des communistes italiens :« Il vaudrait mieux que les élections n’aient pas lieu (…). Je demande s’il n’est pas préférable que le gouvernement italien interdise le Parti communiste et prenne des mesures énergiques contre lui avant les élections. Les communistes répondraient probablement par la guerre civile, ce qui nous donnerait un motif pour réoccuper la base aérienne de Foggia, ou toute autre installation que nous souhaiterions. Cela engendrerait certainement une effusion de violence, et une probable division de l’Italie. Mais nous sommes proches de la date limite, et je pense que cette solution est préférable à une élection épargnée par le sang »[37]. L’historienEric Hobsbawm souligne qu'avec le début de la guerre froide« il était clair que les États-Unis d’Amérique ne permettraient en aucune circonstance que les communistes parviennent au pouvoir en Italie »[31].
Dans l'environnement de laguerre froide, le PCI, comme tous les autres PC occidentaux, est considéré comme un parti dangereux à la solde de l'URSS, et en conséquence tenu à l'écart du gouvernement par la majorité des forces politiques[38]. LaCIA s'installe en face du siège du parti, à Rome, afin d’espionner les communistes italiens[39]. L'alignement sur l'URSS maintenu parTogliatti malgré la dissolution duKominform isole de plus en plus le parti : en1956, le soutien officiel à la répression de l'insurrection de Budapest entraîne la rupture de l'alliance avec le PSI, et de nombreuses tensions au sein même du PCI, avec notamment leManifeste des 101[40]. Le PCI et Togliatti commencent alors à développer une doctrine plus indépendante, dite dupolycentrisme. Mais la rupture de l'alliance des deux grands partis de gauche ouvre à une « ghettoïsation » des communistes : après plusieurs années de rapprochement, l'alliance entreDC etPSI se concrétise en1963 avec l'entrée de cinq ministres socialistes augouvernement. Cependant, l'isolement du PCI conduit à en faire la seule opposition aux démocrates-chrétiens, et donc à augmenter ses scores au détriment du PSI. Ainsi se manifeste à partir de1953 une progression communiste continue aux élections générales, avec plus de 25 % des voix en1963. L'année suivante, le meneur historique du parti,Palmiro Togliatti, décède : ses funérailles à Rome rassemblent plus d'un million de personnes, soit à l'époque le plus grand rassemblement de l'histoire de la République italienne[41]. Sa succession engendre un débat interne sur la ligne politique à suivre, entre un courant conservateur fidèle à l'URSS et les partisans d'un recentrage. C'est finalement le consensuelLuigi Longo, meneur historique de laRésistance, qui est élu secrétaire général, ouvrant la voie au futureurocommunisme. En effet, en1966, leXIe Congrès du parti approuve une ligne plus modérée, et en1968, le PCI condamne officiellement la répression duPrintemps de Prague par les troupes soviétiques[42]. L'évolution du monde du travail, le déclin démographique de la classe ouvrière italienne, conduisent le PCI à se tourner progressivement vers un modèle « attrape-tout », susceptible de s'adresser à toutes les classes. La proportion d'ouvriers dans ses instances dirigeantes diminue[31].
À partir de l'attentat de la piazza Fontana endécembre 1969, l'Italie entre dans la période desannées de plomb. Des groupes extrémistes commencent à utiliser leterrorisme et la stratégie de la tension pour détruire la démocratie italienne : à gauche, on trouve un grand nombre d'organisationsmarxistes, dont les fameusesBrigades rouges ; à droite, plusieurs partisnéo-fascistes commeOrdine Nero. En parallèle, lechoc pétrolier de 1973 met fin auMiracle économique et plonge l'Italie dans la crise. Le nombre croissant d'attentats et la répression en conséquence donnent lieu à une véritable crise politique, posant alors la question d'un renouvellement du modèle de gouvernement italien, basé sur l'hégémonie de laDémocratie chrétienne depuis1945. En1977, la tension atteint son comble : 15 000 arrestations, 4 000 condamnations, plusieurs centaines de morts et de blessés[43].
De plus, l'émergence de mouvements communistes extra-parlementaires, met en danger la position hégémonique du PCI au sein du mouvement communiste italien. Enfin, lecoup d’État d'Augusto Pinochet auChili fait craindre un basculement de l'Italie vers un régime autoritaire sous la pression de lastratégie de la tension orchestrée par les organisations d'extrême droite[31].Enrico Berlinguer, secrétaire général depuis1972, lance en parallèle le parti dans le mouvement de l'eurocommunisme, définissant une « voie nationale » vers le socialisme, et une autonomie majeure vis-à-vis duParti communiste de l'Union soviétique (PCUS) et duléninisme, sans pour autant aller jusqu'à la rupture[44] : pour la période allant de1971 à1990, malgré une réduction des fonds accordés[45], le PCI reçoit en effet secrètement 47 millions de dollars de la part du gouvernement soviétique. En comparaison, leParti communiste français reçoit 50 millions, et leParti communiste des États-Unis d'Amérique 42 millions[46]. Ce recentrage du PCI, additionné à sa forte poussée auxélections de 1976 (maximum historique avec plus de 34 % des voix), suggère l'idée d'un « compromis historique » entre les deux plus grands partis italiens (PCI et DC) pour former un gouvernement d'union face à la crise politique et économique. Par ce compromis, le PCI entend préserver les institutions démocratiques et obtenir des réformes sociales. Berlinguer trouve un interlocuteur dans la personne d'Aldo Moro, dirigeant de la Démocratie Chrétienne. En1976, pour la première fois, les parlementaires du PCI s'abstiennent au lieu de s'opposer lors du vote de confiance à un gouvernement démocrate-chrétien (legouvernement Andreotti III). Mais, le, alors que se prépare le vote de confiance du premier gouvernement soutenu par les communistes depuis1947 (legouvernement Andreotti IV)[47], Aldo Moro est enlevé par un commando desBrigades rouges. Après plusieurs semaines de négociations, durant lesquelles le PCI se montre un partisan de la ligne dure rejetant le compromis avec les terroristes, il est finalement exécuté le. Son corps est retrouvé dans le coffre d'une voiture le même jour. L'assassinat de Moro marque non seulement la faillite du compromis historique, du reste déjà mis en difficulté par la composition du nouveau gouvernement, mais aussi la fin de la progression continue du PCI depuis1953.
En effet, auxélections anticipées de 1979, le PCI chute à 30 % des suffrages exprimés. Après l'échec du rapprochement avec les communistes, laDémocratie chrétienne prend la décision de revenir à la stratégie antérieure d'alliance avec leParti socialiste italien, provoquant une ascension de celui-ci. Face à ce retour à l'isolement,Berlinguer décide de revenir sur des positions plus radicales, tout en déclarant sa distance avec l'URSS après la répression de l'insurrection polonaise en1981 : il déclare alors épuisée la« force propulsive de larévolution d'Octobre »[48]. Il lutte néanmoins activement contre leseuromissiles et soutient plusieurs grèves conjointement à laConfédération générale italienne du travail. En Italie comme ailleurs en Europe, la crise économique favorise un tournant conservateur. Face à la hausse de l'inflation et du chômage, le mouvement ouvrier mobilise moins et doit modérer ses revendications. À l'automne 1980, la grande grève des usines Fiat se solde par un échec[31].
Le député communistePio La Torre est assassiné en par lamafia. Il était à l'origine d'une loi qui créait un nouveau type de crime dans le système judiciaire italien, la conspiration mafieuse, et permettait aux tribunaux de saisir et confisquer le patrimoine des membres d'un réseau mafieux[49].
Berlinguer, historique secrétaire général du parti, décède brusquement le 11 juin1984 et est remplacé parAlessandro Natta,berlingueriano convaincu. Auxélections européennes de la même année, le PCI rassemble plus de 33 % des voix et obtient pour la première (et seule) fois de son histoire la majorité relative, devant les démocrates-chrétiens. Entre-temps, l'accession du socialisteBettino Craxi à laprésidence du Conseil de1983 à1987 engendre un grave conflit entre les deux partis majeurs de la gauche : Craxi est alors défini comme un « ennemi de la classe ouvrière » par les communistes, et les militants et sympathisants des deux partis s'opposent durement au sein des organisations syndicales[50]. Le paroxysme est atteint en1984-1985, lorsque Craxi opère par décret une coupe de quatre points sur l'échelle mobile des salaires, instaurée en 1975. Le PCI propose unréférendum abrogatif : il a lieu les 9 et 10 juin 1985 et marque la défaite du PCI avec 45,68 % des voix en faveur de l'abrogation à 54,32 % en faveur du maintien de la norme.
Ce revers plonge le PCI dans une crise profonde. Sa rupture avec l'ensemble des autres organisations politiques est consommée, et les voix le poussant vers lasocial-démocratie sont de plus en plus nombreuses, notamment celle du quotidienLa Repubblica[51]. LaPerestroïka menée parMikhaïl Gorbatchev en URSS accentue cet élan : le PCI, comme tous les autres PC occidentaux, est alors traversé de fortes tensions entre communistes conservateurs et partisans assumés d'une transition vers leréformisme et lasocial-démocratie. En1987, il chute à environ 27 % des voix, son score le plus bas depuis vingt ans. Cependant, malgré le contexte d'effondrement du communisme en Europe de l'Est, le PCI se maintient à des niveaux relativement élevés et reste le deuxième parti italien et le premier à gauche, avec deux fois plus de voix que lePSI. En1988,Natta est remplacé au secrétariat général parAchille Occhetto, l'un des meneurs de l'aile réformiste du parti.
Le « tournant de Bologne » et la disparition du PCI (1989-1991)
Néanmoins, les chutes successives des régimes communistes enEurope posent de plus en plus la question de l'avenir du PCI. Les voix s'élèvent pour réclamer un changement de nom, un abandon ducentralisme démocratique, et même une union avec lePSI pour former une nouvelle gauche unie, travailliste etsocial-démocrate. Cependant, les militants et les électeurs communistes restent majoritairement opposés à un abandon des symboles du parti[52]. Mais trois jours après lachute du Mur de Berlin,Occhetto annonce d'importants changements à venir lors duXIXe Congrès, àBologne, enmars 1990 : c'est le « tournant de Bologne ». Trois motions s'y opposent alors. La première, soutenue par les réformistes commeOcchetto ouD'Alema, propose la construction d'un nouveau parti politique acceptant le principe de l'économie de marché. Les deux autres, une deNatta, l'autre d'Armando Cossutta, s'opposent à la transformation du nom et des symboles du parti (la faucille et le marteau notamment). Pour les réformateurs, le tournant proposé doit permettre d'enrayer le déclin du parti, l'aider à rassembler un électorat plus large que le monde ouvrier, et lui conférer une crédibilité auprès des milieux de pouvoir censée lui ouvrir les portes du gouvernement[31]. La proposition du secrétaire général remporte 67 % des voix, entérinant définitivement le processus d'évolution du PCI ducommunisme vers lasocial-démocratie. L'historien Guido Liguori dans une étude sur la disparition du PCI souligne le poids décisif du légitimisme (la tendance à maintenir l'unité en refusant les divisions, la confiance accordé au groupe dirigeant) dans ce tournant que beaucoup de militants ont vécu avec douleur[31].
Le PCI, premier parti communiste occidental et deuxième parti politique italien pendant des décennies, disparaît donc avant même ladissolution effective de l'URSS. En1991, le PCI revendique encore 177 députés, 101 sénateurs, 22 députés européens et plus d'un million de militants, signe de son influence dans le paysage politique italien.
Le PCI laissa derrière lui un héritage marquant dans la gauche italienne[53]. En effet, leParti démocrate de gauche (PDS), également rejoint par beaucoup d'anciens cadres et militants duPSI (commeGiuliano Amato) après la disparition de celui-ci, conserva longtemps la base politique émanant du PCI, jusque dans son meneurMassimo D'Alema, membre historique du parti. Le tournant réformiste opéré par la majorité des anciens communistes permit, au sein du PDS, la réalisation ducompromis historique, puisque de nombreux membres de l'aile gauche de laDémocratie chrétienne (commeRomano Prodi) adhérèrent au parti après1994. Cette alliance permit à la coalition deL'Olivier, formée autour du PDS, de remporter lesélections de 1996 et de gouverner jusqu'en2001, marquant l'arrivée au gouvernement de nombreux anciens communistes. L'influence du PCI sur la gauche italienne perdura encore de nombreuses années, puisqu'auxélections de 2008, l'ancien communisteWalter Veltroni mena la liste de centre-gauche duParti démocrate.
Les formations issues de l'aile conservatrice du PCI connurent elles une trajectoire déclinante. LeParti de la refondation communiste (PRC), après avoir obtenu 5 % des voix en1992, choisit de s'allier avec le PDS lors des deux élections successives. Mais très vite, le parti se divisa entre son secrétaire généralFausto Bertinotti, partisan d'une indépendance vis-à-vis des réformistes, et son présidentArmando Cossutta, favorable à un maintien de l'alliance. Le, le parti se scinda en deux sur la question du vote de confiance : à la suite de la chute dugouvernement Prodi I pour une voix, la fraction du parti dirigée par Cossutta fit scission pour former leParti des communistes italiens (PdCI). Les deux organisations déclinèrent cependant durant la décennie suivante, ne parvenant pas à adopter une ligne fixe entremarxisme assumé et alliance avec lecentre gauche, jusqu'à disparaître duParlement après lesélections générales de 2013. Une grande partie des membres se dirigèrent entretemps vers le parti deNichi Vendola (lui-même ancien cadre du PRC),Gauche, écologie et liberté, fondé en2009.
Les statuts du PCI interdisaient le regroupement en minorités internes, au nom ducentralisme démocratique[54]. Cependant, il est possible, au cours de son histoire, de distinguer plusieurs tendances informelles qui ont marqué son évolution.
Le Parti communiste italien représenta une exception dans le paysage politique européen. En effet, desannées 1950 à sa disparition, les pourcentages de voix qu'il obtint en firent le plus grand parti communiste d'Europe de l'Ouest et la deuxième force politique italienne (la première de l'opposition), position habituellement occupée par les partis socialistes dans les autres pays occidentaux.
Plusieurs fois, en particulier lors des périodes de collaboration entre PCI etPSI, plusieurs villes importantes - et notamment celles industrielles - furent administrées par des maires communistes :Rome,Florence,Gênes,Turin,Naples.Bologne, quant à elle, n'eut que des maires affiliés au PCI de 1946 à 1991.
↑PaoloBellucci, MarcoMaraffi et PaoloSegatti,PCI, PDS, DS: la trasformazione dell'identità politica della sinistra di governo, Donzelli,(ISBN9788879895477,lire en ligne)
↑Camille Mahé, « Des familles de substitution pour échapper à la misère »,Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière »,no 24,,p. 69-84(lire en ligne)