En-tête d'un arrêt de règlement du parlement de Bretagne (1679).
Leparlement de Bretagne apparait auXIIIe siècle, dans le cadre dusystème féodal, comme une assemblée devassaux duduc de Bretagne, réunissant les barons, évêques et abbés du duché ; l'assemblée est appelée « parlement général » si elle réunit tous les vassaux du duc. Cette assemblée évolue ensuite avec l'apparition de conseillers spécialisés dans les affaires judiciaires (1398) et avec la transformation du parlement général enétats de Bretagne (1408), institution qui durera jusqu'en 1789.
En 1485, le ducFrançois II institue une cour souveraine qui reçoit le nom de parlement de Bretagne, afin d'éviter les appels judiciaires auparlement de Paris, mais cette cour disparait très vite du fait des événements politico-militaires de 1488-1491, qui font de la duchesseAnne lareine de France, épouse deCharles VIII.
1382 : apparition auprès du duc d'une charge de « président de Bretagne » ou « président en parlement »[2].
1398 : un corps de conseillers spécialement affectés aux questions judiciaires est distingué du grand conseil.
1408 : le « parlement général » prend le nom d'« états de Bretagne », se distinguant du « parlement ordinaire »[2].
1477 : le ducFrançois II défend contre le roi de France les privilèges des « Grands Jours que on dit le parlement de Bretagne ».
1485 () : afin de ne plus permettre les appels au parlement de Paris,François II décide l'établissement d'une cour souveraine qui doit siéger invariablement àVannes du au de chaque année (en fait il semble qu'elle n'ait siégé qu'une fois, en1486). Le nom de parlement de Bretagne, précédemment utilisé pour nommer les états de Bretagne, s'impose bientôt pour cette cour*[3].
Règne d'Anne de Bretagne et Charles VIII (1491-1498)
1492 () : maître de la Bretagne du fait de son mariage avec la duchesse Anne, le roiCharles VIII prend le contrôle de ses structures administratives : soumission du parlement de Bretagne, désormais appelé « Grands Jours », possibilité d'appel au parlement de Paris ; suppression de la chancellerie en. Cette cour est appelée dans une ordonnance royale de novembre1493 : « nostre parlement et Grand Jours en icelui pays ». Une bataille est engagée sur cette dénomination, pour savoir s'il s'agit d'un « parlement » comme leparlement de Paris, c'est-à-dire d'unecour souveraine statuant en dernier ressort, sans appel ni cassation (et aussi s'il s'agit d'une cour permanente).
Parlement de Bretagne photographié par Paul Gruyer au début du XXe siècle
1493 : première session du premier jeudi de carême au samedi de Pâques (deuxième en septembre1494, troisième en septembre1495, sessions réunies à la convenance du roi, et sur convocation). La composition, au choix du souverain, est 8 conseillers clercs (ecclésiastiques) et 12 conseillers lais, dont plusieurs sont pris dans leparlement de Paris. Les deux présidents étaientJean de Ganay, président auparlement de Paris, etRoland du Breil, sénéchal de Dinan puis de Rennes, président du parlement de Bordeaux (frère d'Olivier du Breil, sénéchal de Rennes, juge universel de Bretagne (1466), procureur général à la chambre des comptes de Bretagne (1444), président au parlement du duc de Bretagne en 1466).
1499 : lors de son mariage avec Anne de Bretagne (veuve de Charles VIII en 1498),Louis XII signe une lettre contractuelle comportant treize clauses publiée le par laquelle il rétablit le parlement de Bretagne commecour souveraine ainsi que la chancellerie, le conseil, la chambre des comptes, la trésorerie et la justice[4].
1500 () : une ordonnance de Louis XII fixe le lieu des sessions àVannes, lieu de réunion le plus fréquent desétats (la dénomination est « parlement » et non pas « Grands Jours »).
1512 : le second président du Parlement, Maure de Quenec'hquivilly, reprend le titre de « président de Bretagne ».
1514 : la fille d'Anne et Louis,Claude de France, duchesse de Bretagne, épouseFrançois d'Angoulême, héritier présomptif du royaume de France, qui devient roi le 1er janvier 1515
1515 () :François Ier confirme « les ordonnances et constitutions du parlement dans leur forme et teneur » et le privilège deVannes de l'héberger.
1522 : lesétats de Bretagne font remontrance au roi d'une infraction aux engagements pris : « nul ne doibt estre receu au parlement de Bretagne qu'il ne soit originaire du pays ou conseiller en la cour du parlement de Paris ».
1532 :union de la Bretagne à la France (en septembre,FrançoisIer s'engage à entretenir la justice « en la forme et manière accoutumée, c'est à savoir le parlement, conseil et chancellerie, chambre des comptes, assemblée des états »).
1547 () :Henri II supprime treize charges (les faisant passer de 39 à 26) et revalorise fortement les gages (qui étaient très bas, entraînant un fort absentéisme), mais il crée une troisième chambre.
1549 : une nouvelle réforme de la justice provoque le transfert du parlement deVannes àNantes.
1552 () : lesétats de Bretagne revendiquent clairement la création d'un « parlement ordinaire » (c'est-à-dire ne siégeant pas que 50 jours par an) avec des pouvoirs égaux à ceux duparlement de Paris (sans possibilité d'appel de l'un à l'autre).
1554 (mars) : création du parlement de Bretagne (cour souveraine) par l’édit de Fontainebleau, siégeant alternativement àRennes (août – octobre) et àNantes (février – avril). Les magistrats de l'ancien « parlement » sont intégrés de droit au nouveau. Le roi Henri II ordonne une consultation générale sur le siège des villes ayant députation auxétats de Bretagne. Ces dernières préfèrentNantes à 57 %[5].
1554 () : première session à Rennes suivie de la deuxième à Nantes le.
1557 (juin) : fixation à Nantes des deux sessions : chaque session partagée entre la Grand-Chambre et la Chambre des enquêtes. Soixante juges.
1724 (mars) : une seule séance annuelle du au et création d'une chambre des vacations pour certaines affaires durant les vacances ; une deuxième chambre des enquêtes est créée ainsi qu'une deuxième chambre des requêtes pour une courte durée.
1769 () : rétablissement du parlement dans son intégrité après l'affaire duduc d'Aiguillon (1766).
1788 : très forte opposition du parlement aux édits fixant la création de « grands bailliages ». Le parlement refuse de nommer des députés aux états généraux.
1790 () : le parlement de Bretagne est aboli par l'Assemblée nationale constituante, dans le cadre d'une mesure générale concernant toutes les institutions d'Ancien Régime.
Cette suppression par un acte unilatéral (non négocié) de l'Assemblée constituante n'est pas entérinée par les parlementaires bretons.
Le parlement de Bretagne déclare cette mesure « de nullité absolue et à perpétuité »
par avance, le 8 janvier 1790, par la voix du président à mortierJean-Baptiste Le Vicomte de la Houssaye convoqué à l'Assemblée le ; il affirme que celle-ci est illégalement constituée et que les députés bretons n'ont pas été légalement mandatés (thèse Toublanc[pas clair])
le 13 février 1790, par la voix deRené-Jean de Botherel du Plessis, procureur général des états de Bretagne qui a publié un texte (Protestations)[7] où il déclare formellement s'opposer aux décrets de l'Assemblée[8]. Il charge les citoyens de l'Europe future de la promulguer, la protestation[9] étant un acte de droit public pour s'opposer officiellement à un acte unilatéral contraire au droit des traités.
1994 () :incendie du palais du Parlement à la suite d'une manifestation de marins pêcheurs durant la visite du Premier ministre, M.Édouard Balladur. Le centre-ville de Rennes est par ailleurs gravement endommagé, le service d'ordre dont l'essentiel était mobilisé pour assurer la sécurité du Premier ministre, n'ayant pu contenir les troubles.
1999 : après cinq ans de travaux, la cour d'appel peut reprendre son activité dans le Parlement.
Comme les autresparlements de France sous l'Ancien Régime, le parlement de Bretagne est une cour dejustice, cour souveraine rendant principalement des arrêts sur appel des sentences de juridictions inférieures.
Les parlements possédaient également des prérogatives législatives les autorisant à affirmer une certaine autonomie à l'égard du pouvoir royal. LesBretons étant intéressés à défendre les droits de laprovince préservés par le traité d'union avec la France, les « libertés bretonnes », l'exercice de ce pouvoir de contestation par le parlement breton tint une place dans la vie de cette institution et par conséquent dans la vie de toute la province. Il est également un organe de contrôle royal car l’organisation hiérarchisée des justices royales et les fonctions administratives qui lui reviennent lui donnent une autorité sans précédent et longtemps sans équivalent sur la société bretonne[10].
À cette motivation de résistance aux innovations royales, s'est mêlée la défense de ses attributions institutionnelles et comme corporation aristocratique celle des privilèges de lanoblesse. Il est selon les moments et les situations le rival ou l’allié de la seconde grande institution locale desÉtats de Bretagne.
Si par sa vocation première, le parlement de Bretagne est essentiellement occupé par les appels des jugements rendus dans son ressort tant en matière civile qu'en matière criminelle, il avait à instruire et à intervenir comme juridiction de première instance dans une large palette de procès et questions particulières qui échappaient pour des motifs divers aux compétences des autres juridictions de la province.
Les officiers desamirautés doivent être reçus par la Chambre des requêtes (examen de la loi et information de « bonnes vie et mœurs », sentence de réception).
Pour le même échantillon d'arrêts, le parlement confirme le jugement dans 60 % des cas ; il est cassé dans 30 % des cas, quelques-uns étant l'objet d'uneévocation devant la Cour (restent moins de 10 % d'arrêtavant faire droit…). Plus de la moitié des procédures concernent des questions de successions, de propriété et d'obligation[11].
Le parlement de Bretagne possédait quelques prérogatives administratives telle que la tutelle desparoisses ou la police générale. Les contentieux et doléances dont il était instruit lui permettaient d'être informé des difficultés assez générales pour justifier des arrêts dits de règlement dépassant le cadre strictement judiciaire. De même, les ordonnances et édits royaux pouvaient demander une adaptation plus ou moins immédiate. Une des grandes innovations des lois des 16 et sera d'ailleurs la distinction des tribunaux judiciaires et administratifs.
Les paroisses devaient demander son accord avant toute levée de deniers destinée à ses besoins propres (réparations) : on dénombre ainsi quarante demandes de paroisses bretonnes pour un semestre de1693.
Lesrecteurs devaient faire la publicité de ces arrêts, les plus généraux étant parfois appelés « arrêts de règlement », ainsi beaucoup des arrêts rendus sur remontrance duprocureur général du roi se terminaient-ils par la formule :« lequel sera imprimé, lu, publié, enregistré et affiché à l'issue des grandes messes paroissiales et partout où besoin sera. » sans qu'on sache d'ailleurs qui décidait cette répartition.
Le nombre et le rôle de parlementaires a varié au cours du temps.
Sous les ducs de Bretagne, la composition était très variable. D’abord composés essentiellement des personnages importants, ils sont remplacés par des juristes.
La composition initiale est fixée par l’édit de Fontainebleau de mars1554 : 4 présidents et 32 conseillers (plus un procureur général et 2 avocats généraux), recrutés pour moitié parmi les « originaires » (c'est-à-dire les Bretons) et pour moitié parmi des « non-originaires » (appelés aussi les conseillers « françois », venant pour la plupart deNormandie, d'Anjou, deTouraine ou dePoitou), ceci afin d'éviter que l'institution ne devienne un foyer de particularisme provincial. Les « originaires » sont pour la plupart des gentilshommes bretons appartenant à la noblesse d'épée, les « non-originaires » étant plutôt issus de la noblesse de robe ou de la bourgeoisie. 8 nouveaux offices de conseillers sont ajoutés dès1556, et 4 offices « non-originaires » en1557 (réservés à desmaîtres des requêtes et conseillers duparlement de Paris). En1570, le roiCharles IX supprima des offices pour exclure leshuguenots de la Cour (en principe 13 offices, mais certains se maintinrent par une profession de foi catholique). En1575, une chambre criminelle, la « Tournelle », étant constituée, 2 présidences et 12 offices de conseillers, dont 7 non-originaires, sont ajoutés. 2 présidences furent ajoutées en1580. En1581, pour des raisons surtout fiscales (l'accès aux offices étant conditionné par l'acquittement de la « finance », d'ailleurs très élevée), 16 nouveaux offices sont créés, dont en principe 8 de conseillers-clercs (c'est-à-dire ecclésiastiques), mais la Cour oppose sa force d'inertie à cet élargissement, et finalement seuls les 8 offices laïcs sont vraiment créés en1588[12].
Par la suite, l'institution résista toujours à l'élargissement de ses effectifs. Il y eut quand même 4 offices de conseillers créés en1631, et 9 présidences et 10 offices de conseillers (dont 8 charges pour les « originaires ») lors d'une grande réforme qui eut lieu en1704.
En1557, les effectifs étant répartis entre session de février (de février à avril) et session d'août (d'août à octobre), on distingua une grand-chambre, avec deux présidents et quinze conseillers dont huit non-originaires, et une chambre des enquêtes, avec deux présidents et onze conseillers (six français et cinq bretons). En1575 s'ajouta la Chambre criminelle (la « Tournelle »), composée d'un personnel pris à tour de rôle dans la Grand-Chambre et la Chambre des Enquêtes. Une chambre spéciale pour les affaires d'eaux et forêts, pêche et chasse, fut créée par la réforme de1704. Celle de1724, qui supprima les deux sessions et rendit le parlement annuel, comme celui de Paris (du lendemain de la Saint-Martin, le, à la Saint-Barthélémy, le), créa une seconde chambre des enquêtes et une chambre des requêtes pour le service ordinaire et une chambre des vacations pour la période des vacances.
Voici la liste des premiers présidents (d'origine extérieure à la Bretagne sauf le dernier ; de 1493 à 1554, présidents auparlement de Paris, saufAntoine Le Viste qui ne l'est qu'à partir de1523, venant en Bretagne seulement pour la session de 35, puis 50 jours, et pas tous les ans)[13]
Les archives du parlement de Bretagne n'ont pas subi de destructions particulières ; réparties entre les nombreuses sections de la sous-série 1 B, elles sont conservées par lesarchives départementales d'Ille-et-Vilaine. Si les fonds du criminel (appels ; 1 B g et 1 B n) ont été la base de nombreux mémoires et thèses d'histoire, les fonds des chambres civiles n'ont à peu près pas été exploités.
↑a etbArmand Rébillon,Les États de Bretagne de 1661 à 1789. Leur organisation, l'évolution de leurs pouvoirs, leur administration financière (thèse, Faculté des lettres, Paris), Imprimeries Réunies,(BNF34139961,lire en ligne),p. 20
↑Michel de Mauny,L’ancien comté de Rennes ou pays de Rennes, p. 42.
↑jean rené de Botherel du Plessis,Protestations, Nantes,(lire en ligne)
↑René-jean De Botherel Du Plessis, "Protestations" 13 février 1790 , publiées à Nantes et Southampton 1791
↑Robert kolb,La bonne foi en droit international public, Genève,(lire en ligne), de l'acte unilatéral en droit international - et - de la Protestation :- la bonne foi et les sources du droit international - section III - Bonne foi et actes unilatéraux (p323/338)Les actes unilatéraux ont-ils une force obligatoire ?La "Protestation officielle" relève de la troisième catégorie, car elle préserve les droits menacés par les principes du silence qualifié ou de la prescription.la théorie de l'absence de force obligatoire : "… En droit international l’acte unilatéral n’est pris en compte que dans le contexte conventionnel, car on ne saurait créer une norme internationale sans le consentement des sujets parties au rapport juridique."
↑Xavier d'Haucourt, « Une dynastie de "non-originaires" au Parlement de Bretagne : la famille Des Cartes (1585-1736) »,Annales de Bretagne, vol. 44-3-4, 1937,p. 408-432.
↑Jean Kerhervé, « Les enquêtes sur les droits « royaux et ducaux » de Bretagne aux xive et xve siècles »,Information et société en Occident à la fin du Moyen Âge, Paris, Éditions de la Sorbonne,(DOI10.4000/books.psorbonne.13145)
FrédéricSaulnier,Le Parlement de Bretagne : 1554-1790, Mayenne, Imprimerie de la Manutention,, 29 p.(ISBN2-85554-047-X).
WernerSzambien, SimonaTalenti et YannisTsiomis,Le parlement de Bretagne, naissance et renaissance d'un palais, Marseille, Éditions Parenthèses,, 122 p.(ISBN2-86364-083-6,lire en ligne).
Ernest Texier,Des appels du parlement de Bretagne au parlement de Paris,.
Lesarchives départementales d'Ille-et-Vilaine conservent (outre les archives du parlement) les archives de l'Association pour la renaissance du palais du parlement de Bretagne (ARP), sous-série 141 J, soit 6 mètres linéaires.