Unparfum est uneodeur ou plus souvent une composition odorante plus ou moins persistante naturellement émise par uneplante, unanimal, unchampignon ou un environnement. Dans la nature, les parfums sont souvent des messages chimiques et biochimiques, et notamment desphéromones ouphytohormones.
Il peut aussi s'agir de l'émanation d'une substance naturelle (un extrait defleur par exemple) ou créée ou recréée à partir de différentsarômes,solvants etfixatifs destinés à un usagecosmétique ou à parfumer des objets, des animaux ou l'air intérieur. Il est alors généralement fabriqué à partir d'essences végétales et/ou demolécules synthétiques. L’usage de parfums par l'Homme est très ancien, remontant à la plus hauteAntiquité.
La notion de parfum désigne aujourd'hui le plus souvent une composition olfactive particulière, fortement concentrée, proposée et conditionnée par différentesmarques de parfums : on dit aussi« extrait ». La personne qui crée un parfum est appelée parfumeur, ou plus familièrementnez et cette activité est laparfumerie. Parabus de langage, « parfum » est aussi utilisé aujourd’hui pour désigner uneeau de toilette, uneeau de parfum ou uneeau de Cologne. L'industrie des parfums est un élément important du secteur économique de lamode et duluxe[1], souvent associée à l'image de laFrance dans le monde[2] pour les parfums de luxe[3].
Le mot parfum viendrait de l’expression « per fumum » qui signifie « par la fumée », probablement à la suite des usages traditionnels et anciens defumigationssacrées,médicinales ourituelles (par exemple d'encens ou de différentes substances végétales).
Le mot « parfum » est apparu tardivement dans la langue française (aucune mention avant1528). Dérivé du verbe « fumer », il a d’abord évoqué des substances odoriférantes qui se brûlaient avant de prendre son sens actuel auXVIIe siècle.
Dans le monde animal, lesystème olfactif joue un rôle majeur chez de nombreux animaux, interagissant fortement avec la communicationhormonale ; La reconnaissance entre espèces et individus (« mâle - femelle », « mère - petits »), les mécanismes de la reproduction et certaines interactions sociales (relations hiérarchiques et dedominance) en dépendent souvent.
En particulier des interactions écologiques fortes avec lespollinisateurs (abeilles,papillons,syrphes, etc.) sont en partie dépendantes des fragrances florales ; le parfum floral, l'amertume et le caractèresucré dunectar — par un dosage équilibré des substances attirantes et repoussantes — garantissent aux plantes une reproduction optimale. La fragrance d'unefleur, notamment pour celles qui se font polliniser de nuit (chèvrefeuille par exemple) a un double rôle : attirer et guider lespollinisateurs qui sont récompensés par du nectar et dupollen. La plante émet aussi des composants qui rendent le nectar assez amer pour que l'insecte n'en prélève pas trop ou pour éloigner des consommateurs de nectar qui ne seraient pas aptes à féconder cetteespèce.
La plante émet aussi des substances protectrices pour sa fleur et pour les organes de cette fleur, ce sont des composés insecticides et fongicides toxiques tels que lanicotine chez le tabac. On a ainsi montré que des plants detabac sauvage(Nicotiana attenuata(en))génétiquement modifiés pour ne pas produire de nicotine ou debenzalacétone (parfum qui contribue à l'odeur ducacao, dujasmin et de lafraise) sont nettement moins bienfécondées et produisent jusqu'à 5 fois moins degraines[7],[8],[9].
Dès leNéolithique, l'homme se frottait avec des essences et aromates probablement pour impressionner legibier qu'il allait chasser[10]. De nombreuses tablettes cunéiformes nous montrent que l’usage et le commerce du parfum étaient connus dès lesSumériens. Tous les peuples antiques en firent une grosse consommation, notamment les Égyptiens (Alexandrie possédait d’importantes fabriques de parfums à base de cannelle et d'encens :kyphi,Mendesien[pas clair] ; les prêtres-parfumeurs les utilisent en fumigations) et les Grecs qui se parfumaient à l'image des Dieux et de leurambroisie pour obtenir leur protection et leur bienveillance[11]. Les archéologues ont retrouvé quelques flacons de parfums des égyptiens qui témoignent du raffinement de l'époque[12]. En 2019, une équipe de chercheurs a réussi à mettre au point un parfum utilisé deux mille ans auparavant et qui aurait pu être porté par la reineCléopâtre[13]. Même s’il a eu aussi un usage profane (les femmes l'utilisent pour séduire, les athlètes grecs étaient massés avec de l'huile parfumée desaryballes afin d'accroître leurs performances, les maisons grecques étaient aspergées de parfums censés avoir des vertus médicinales), il était surtout utilisé lors de pratiques religieuses (offrandes aux dieux dont les statues étaient ointes, embaumement des corps). Les techniques de production étaient rudimentaires, et le restèrent jusqu’à la fin du Moyen Âge : les produits étaient broyés, pilés, bouillis, imprégnés de matières grasses, et on utilisait surtout desécorces, desrésines, desracines ou des matières animales servant de fixateurs (ex :musc). Un des parfums les plus utilisés a été l’encens, produit d’abord àOman, et qui a largement contribué à la création des royaumes d’Arabie. À titre d’exemple, l’encens estcité 118 fois[réf. nécessaire] dans laBible, dont 113 dans l’Ancien Testament. Sont également cités à diverses reprises lacannelle, l’acanthe, lamyrrhe, lenard, l’aloès, lesafran ou leroseau odorant.
Le commerce du parfum fit également la prospérité de villesphéniciennes etgrecques. C’est le cas notamment deChypre, où de nouveaux parfums furent mis à la mode, utilisant les fleurs (rose,iris,lys,jasmin), ou encore deCorinthe, qui passe pour la cité ayant commercialisé les flacons de parfum (aryballes et alabastres).[réf. nécessaire]
LesRomains continuèrent à utiliser les parfums, mais on ne leur doit guère d’innovations, sinon le remplacement de la terre cuite par le verre pour la confection des flacons. Durant certaines époques de laRépublique, le parfum fut même interdit car il était accusé de rompre les citoyens[15].
Le Moyen Âge chrétien ne semble guère avoir fait usage des parfums (l'Église se méfiant de ces « artifices du diable »), sinon sous forme d'onguents, pommades, baumes, crèmes, encens, huiles parfumées,couronne de fleurs et lors de cérémonies religieuses. Les Arabes, maîtres desroutes des épices, rapportèrent de Chine et d'Inde des aromates et les techniques, notamment la distillation mise au point entre leIXe siècle et leXIIe siècle[10]. Dès leHaut Moyen Âge, les dignitaires francs et lombards reçurent de Bagdad, Cordoue ou Damas des aromates et onguents à la base de parfums très raffinés. Ils importèrent d'Inde des essences issues du pin, de lamyrte, le cèdre ou lacannelle. Pour leur part, lesCroisés rapportèrent d'Orient des huiles et peaux parfumées, des essences telles que lemusc, l'ambre et lesantal. Le parfum faisait alors partie de l’hygiène et de la toilette; on croyait même à ses vertus médicinales. Après lescroisades, la consommation sembla en augmenter, en particulier sous forme de boules desavon et d’eau de rose[11].
Le grand bouleversement se produisit à la fin du Moyen Âge et à laRenaissance — notamment grâce à l'imprimerie qui permit la diffusion d'ouvrages arabes (Al kindi et Avicenne) sur les techniques de parfumerie — avec deux innovations : d’une part le perfectionnement de l’alambic, avec un système de refroidissement facilitant ladistillation ; de l’autre la découverte de l’alcool éthylique, permettant de donner au parfum un support autre que des huiles ou des graisses. Ce support a comme avantage de bien dissoudre les huiles et graisses et de les faire s'évaporer progressivement[16]. Le premieralcoolat célèbre en Occident futl’Eau de la Reine de Hongrie (XIVe siècle), distillat à base deromarin et d’essence detérébenthine. Il s'agissait encore d'unélixir, c'est-à-dire lemédicament le plus précieux, qu'on boit ou dont on se frictionne[11]. L'usage en Occident de solutions alcoolisées comme diluant des parfums remonte auXIVe siècle lorsqueArnaud de Villeneuve apprend des Arabes le procédé de distillation et le diffuse en Europe (cette diffusion ne fut vraiment acquise qu'auXVIIIe siècle), notamment une macération de fleurs et de feuilles dans une eau de vie qu'il assimilait à la solution alchimique de l'or potable[17]. La haute réputation d'Arnaud de Villeneuve et de la faculté de médecine de Montpellier où il enseigne aide à faire deMontpellier la première capitale occidentale du parfum moderne.
Le parfum acquit alors ses lettres de noblesse en Occident à mesure que l'hygiène reculait. On l’utilisait notamment pour camoufler les mauvaises odeurs et parfumer les vêtements, en particulier lesgants, ou les éventails, le métier de parfumeur étant alors associé à celui de gantier, comme pourJean-François Houbigant. La ville deGrasse devint la capitale du parfum, on y mit au point de nouvelles techniques permettant de mieux recueillir l’essence des fleurs fragiles. AuXVIIIe siècle, on parfumait tout, depuis le corps jusqu’aux vêtements et aux divers accessoires, notamment les cuirs. Mais il fallut attendre encore un siècle pour voir apparaître levaporisateur. Une des grandes étapes dans l'histoire du parfum fut la création de l'eau de Cologne,lotion très prisée par Louis XV et NapoléonIer. Elle fut créée parJean-Marie Farina aux alentours de 1720 grâce aux progrès des techniques dedistillation des alcools obtenus parfermentation des fruits et des céréales. Ces progrès permirent l'obtention d'alcools à haute teneur alcoolique, relativement neutres du point de vue olfactif, qui rendirent possibles de meilleures solubilisations et stabilisations dans le temps des fragrances. D'un succès constant depuis sa création, la formule de l'eau de Cologne est encore exploitée aujourd'hui. Ayant acquis les droits sur la formule originale lors de la reprise en 1862 de la maison Jean-Marie Farina, rue Saint-Honoré à Paris,Roger & Gallet produit encore uneeau de Cologne Roger & Gallet Jean Marie Farina dite« extra-vieille ».
LaLoi le Chapelier en 1791 proscrit lacorporation des maîtres gantiers parfumeurs et favorisa la naissance de lamaison de parfum[11]. La dernière révolution eut lieu vers 1860, avec l’essor industriel et publicitaire dont les conséquences furent considérables : conditionnement fabriqué en série (jusqu'à cette époque la parfumerie était sur commande[18]), apparition desgrands magasins qui démocratisèrent la parfumerie[19] et surtout arrivée des premiers produits desynthèse, liés au développement de lachimie organique. Ainsi, en 1882,Paul Parquet(en) créaFougère royale pourHoubigant, le premier parfum faisant appel à un produit de synthèse, lacoumarine.Aimé Guerlain, fils du parfumeur qui avait ouvert un magasin à Paris en1828, créa en 1889 le premier parfum à éléments de synthèse à base devanilline et de coumarine,Jicky. SuivrontTrèfle incarnat à base desalicylate d'amyl deL.T. Piver en 1896,La Rose Jacqueminot deFrançois Coty en 1904.Paul Poiret créa en 1911 la marqueLes Parfums de Rosine, initiant la génération des couturiers-parfumeurs. La parfumerie moderne était née.
Le parfumeur qui se professionnalise distingue dorénavant son lieu de vente, appelésalon de vente, de son lieu de production (usines en périphérie des grandes villes)[20].
La parfumerie française connut son âge d'or entre les années 1920 et 1960, s'imposant alors dans le monde entier jusqu'à l'arrivée de la concurrence sur le marché européen, notamment la parfumerie américaine avec le développement de lacommunication de masse et du mouvement marketingsociostyle (parfums « lifestyle », le premier étantCharlie(en) deRevlon en 1973).
En 2016, des archéologues tentèrent de reconstituer un parfum de plus de 2500 ans. En faisant des recherches sur le site archéologique d’Héraclée (aujourd’hui Poroclio en Italie), ils découvrirent de petits vases. Grâce aux anciennes fouilles établies sur ce site, et aux dessins qu’ils y avaient trouvé (pendant les recherches précédentes, ils avaient trouvé des peintures expliquant l’utilisation du parfum), ils purent déduire que ces vases comportaient des parfums — car les vases étaient identiques — , qu’ils étaient sous forme d’huile et que certains étaient rares. Leur but, était de pouvoir reconstituer, avec tout ce qu’ils ont retrouvé, un parfum de l’antiquité.
D’après des scientifiques, qui travaillaient avec les archéologues, il était possible de retrouver des résidus chimiques car les composants organiques s’étaient imprégnés dans la céramique. Ce furent certaines molécules (hydrophobes) conservées dans la céramique qui permirent de connaître les constituants de base du parfum. À l’aide des techniques actuelles, ils purent découvrir ducamphre. C’était un des constituants principaux du parfum, il en donnait l’odeur. Le camphre était une plante provenant de la région Méditerranéenne. Ils purent donc, grâce aux plantes découvertes lors des résultats de l’analyse et des indices, reconstituer un parfum vieux de 2500 ans.
Les parfums d’antiquité avaient une odeur imposante pour caractériser la classe sociale et ces archéologues réussirent à le sentir et le prouver.
« Le parfum est pour eux (les Grecs) une façon de se distinguer au sein de leur société […] Plus un individu dégage un parfum raffiné, plus il se rapproche de la perfection divine. Symbole de séduction, de sensualité, mais aussi d’hygiène et de bien être » émission de Peter Eeckout[21], archéologue. Cette citation nous démontre l’importance du parfum et de l’odeur à cette époque.
Les plus nobles sont sans doute larose et lejasmin, auxquels on ajoute latubéreuse et l'iris (le parfum de ce dernier n'étant pas fourni par la fleur mais par lerhizome). Les autres fleurs les plus utilisées sont laviolette (dont on prend surtout les feuilles), lafleur d’oranger (ounéroli), lemimosa, lesnarcisses, lalavande et l'ylang-ylang, originaire des îles de l’océan Indien. La mode de ces fleurs varie selon les époques. Leurs essences sont aujourd'hui le plus souvent reconstituées plus ou moins bien, par des mélanges demolécules aromatiques synthétiques, ce qui en diminue largement le prix.
À l’exception des fleurs citées précédemment, dumagnolia, de lajonquille, ducassia, dugenêt et de l'osmanthus, toutes les autres sont appelées « fleurs muettes » car elles ne livrent aucun extrait utilisable dans un parfum, leur rendement d'extraction étant trop faible ou inexistant. La chimie organique permet d'imiter toutes ces « fleurs muettes » par exemple lemuguet, lepois de senteur, lelys, lelilas, lapivoine ou lechèvrefeuille[22],[23],[24],[25],.
Pour l’essentiel, les fruits utilisés en parfumerie sont desagrumes. Ils constituent une famille olfactive appeléehespéridés, très présente dans les eaux de Cologne. On y trouve les diverses variétés decitrons et d’oranges, notamment lalimette et labergamote. Les autres fruits sont le plus souvent des produits de synthèse, le plus fréquemment utilisé étant lavanille.
Elles sont nombreuses, depuis les arbres jusqu’aux herbes les plus modestes. Dans un arbre ou un arbuste, on peut utiliser l’écorce ou le bois (cannelle,santal,cèdre,bouleau,gaïac), ou encore la résine (encens,myrrhe,benjoin,labdanum), voire les mousses qui se développent sur son écorce (mousse du chêne). Pour les plantes, on les prend telles quelles (romarin), ou bien on préfère leurs feuilles (patchouli,verveine), leurs racines (vétiver,gingembre) ou leurs graines (cardamome,coriandre,fève tonka).
Six essences animales sont utilisées dans la confection de parfums, le plus souvent aujourd’hui sous forme synthétique car des questions réglementaires ou d’éthique empêchent ou freinent leur emploi. Elles jouent le rôle de fixateurs et se rencontrent surtout dans les parfums masculins, du moins pour les trois premières.
Lecastoréum, excrétion sébacée ducastor. Le castoréum est issu des glandes situées entre l’anus et les parties génitales du castor du Canada (mâle et femelle). Cette substance est un produit huileux qui sert à imperméabiliser la fourrure du castor.
Lacivette, sécrétion de l’animal du même nom. Le produit recherché s’obtient par curetage des glandes situées sous la queue de l’animal.
L’ambre gris, calcul intestinal issu ducachalot, qui erre sur les flots pendant de long mois avant d’être recueilli sur les plages des océans indien ou pacifique, le plus souvent.
Lacire d’abeille, sécrétion produite par les abeilles dans laruche, on l’extrait sous forme d’absolue (produit final) au moyen de solvants volatils produisant uneconcrète qui, lavée à l’alcool, donne l’absolue de cire d’abeille ou absolue de brèche d’abeille.
L’hyraceum est produite par leDaman du Cap (Procavia capensis), un petit mammifère d’Afrique du Sud ayant l’apparence d’un gros rongeur. L’hyraceum est de l’urine riche en phéromones déposées par les membres d’une colonie, toujours au même endroit. Après plusieurs siècles de vieillissement, l’urine est pétrifiée. Elle prend alors la forme d’une pierre d’un brun sombre. Ce produit est alors traité sous forme deteinture, ou par dissolution dans des solvants comme l’alcool. L’hyraceum est utilisé en parfumerie et enmédecine traditionnelle.
Vers 1830, en France, des chimistes (et non des parfumeurs) ont mis au point pour la première fois des techniques permettant la synthèse demolécules odorantes. De nos jours, cesmolécules synthétiques représentent 98 % de la totalité des substances utilisées en parfumerie. Ce pourcentage s’explique du fait que la synthèse représente de nombreux avantages. Tout d’abord, certaines odeurs comme celles dumuguet ou dulilas n’avaient jamais pu être extraites bien que le parfum qu’elles dégageaient fût plus que prometteur. La MaisonL.T. Piver, sous la direction deJacques Rouché etGeorges Darzens, vont modifier l’art du parfumeur en introduisant dans la composition des essences, les nouvelles matières chimiques appropriées, c’est-à-dire celles dont la teneur olfactive pourrait remplacer certaines fleurs naturelles et fixer les autres. Darzens, à l’origine de la première synthétisation dusalicylate d’amyle, avait créé l’un des ingrédients clés du parfum Trèfle Incarnat pour son odeur estivale et herbifère. L’introduction des matières premières comme l’Hydroxycitronellal (faux muguet) dans les formules rendait les parfums tenaces[26]. Désormais, grâce aux progrès dans le domaine de la chimie organique leur synthèse est possible. D’autre part, le coût de fabrication des essences végétales, les quantités de fleurs et les difficultés d’approvisionnement liées aux conditions climatiques ou économiques ont rendu obligatoire le recours aux molécules de synthèse. De même pour les fragrances issues des sécrétions produites par les animaux : depuis l’apparition de leurs équivalents synthétiques, les matières premières animales ne sont quasiment plus utilisées pour des raisons évidentes de protection des animaux (à noter qu’elles ne sont cependant pas interdites). Les parfums synthétiques ont donc des avantages économiques (puisque avant les années 1900 les parfums n’étaient accessibles qu’aux classes aisées), mais également écologiques. Mais en plus de copier la structure chimique des molécules existantes dans la nature, elle permet d’enrichir la palette des parfumeurs avec des odeurs totalement inédites et souvent à l’origine de succès commerciaux. Effectivement, autrefois, les créateurs en parfumerie avaient à leur disposition seulement 300 odeurs différentes alors qu’aujourd’hui, ils en possèdent plus de 4 000 pour composer leurs fragrances et ce chiffre ne cesse d’augmenter.
Pour réaliser la synthèse d’une substance, il faut tout d’abord chercher les composants (molécules) de l’odeur à reproduire en employant des techniques sophistiquées d’analyse telles que lehead space. Une fois que les molécules ont été identifiées et isolées, on peut les reproduire en laboratoire. Deux possibilités s’offrent aux chimistes : l’hémisynthèse ou la synthèse. L’hémisynthèse est une technique qui permet de réaliser une synthèse à partir d’une molécule naturelle, tirée d’une essence végétale, déjà très proche de celle qu’on recherche et qui subira seulement quelques transformations : elle deviendra ainsi totalement identique à celle désirée. Par exemple pour lavanille, l’espèce odorante majoritaire appelée principe actif, est lavanilline. Elle n’est présente qu’à 2 % dans les gousses : son extraction ne suffirait donc pas à couvrir les besoins mondiaux. C’est pourquoi on a décidé de réaliser la synthèse de la vanilline à partir de lalignine, un sous produit de la fabrication du papier, on obtient ainsi une molécule identique mais 300 fois moins chère. Lasynthèse totale, elle, recrée les corps à partir d’une matière fossile issue de lapétrochimie (alcool, benzène, acides, etc.) comme les réactions d’estérification) qui correspondent à l’action d’un acide sur un alcool. Une synthèse nécessite parfois toute une série de réactions chimiques (estérification,cyclisation : rendre une molécule linéaire cyclique,hydrogénation, etc.). Plus il y a d’étapes, plus le produit final coûtera cher.
On appelleextraction le processus qui permet de transformer en essence une matière première. Les exemples ci-dessous concernent les formes traditionnelles d’extraction et quelques méthodes modernes :
l’expression : pratiquée uniquement avec les agrumes, elle permet par simple pression d’extraire l’essence contenue dans l’écorce des fruits. L’opération est aujourd’hui accomplie grâce à des centrifugeuses ;
la distillation à la vapeur d’eau : la matière première récoltée est disposée dans un alambic, avec de l’eau qu’on porte à ébullition. La vapeur d’eau transporte l’essence dans un condensateur, puis dans un séparateur ;
la rectification : les essences obtenues par distillation sont parfois purifiées par rectification sous vide, procédé à basse température plus respectueuse des matières fragiles ;
l’enfleurage à chaud : utilisé avec des pétales de fleurs pas trop fragiles (rose, narcisse), il consiste à les plonger dans un bain degraisse animale que l’on fait chauffer à plusieurs reprises. Lorsque les fleurs ont donné toute leur essence, elles sont jetées et remplacées par d’autres, jusqu’à obtention d’une graisse suffisamment saturée. La graisse est ensuite lavée avec de l’alcool, jusqu’à obtention de l’essence diteabsolue ;
l’enfleurage à froid : utilisé lorsque les fleurs sont trop fragiles (jasmin, tubéreuse). Le principe est le même que pour l’enfleurage à chaud, mais les pétales sont disposés sur des tiroirs remplis de graisse froide. L’enfleurage n’est plus pratiqué aujourd’hui de cette façon ;
l’extraction parsolvants : se fait à l’aide de solvants volatils (éther de pétrole, hexane,benzène, ce dernier n’étant plus utilisé aujourd’hui) suivi en général par une extraction à l’éthanol ;
la macération : pratiquée pour obtenir les essences animales, elle consiste à laisser macérer la matière première dans de l’alcool ;
l'extraction au CO2 supercritique : la plus moderne des technologies est issue de l'industrie pharmaceutique. Elle consiste à faire traverser de la matière première dont on souhaite extraire les molécules olfactives (vanille par exemple), par du CO2 à l'état dit « supercritique ». Il s'agit d'un état de la matière, qui s'obtient en portant le CO2 à température ambiante à très haute pression. Cette technique est celle qui à ce jour obtient les résultats les plus proches du naturel car elle préserve les molécules olfactives. Elle est cependant très chère à mettre en œuvre et ne convient pas à toutes les matières premières ;
la technologie WPE : la Water Plant Emulsion utilise des ingrédients naturels pour créer une émulsion à partir de substances non homogènes. Ce mélange renforce l'efficacité des actifs qui sont répartis de façon homogène et permet notamment une meilleure rémanence du parfum[28].
Formule du parfumHomesick. de l'Observer Collection, 2021
Une fois les diverses essences obtenues, c’est auparfumeur qu’il conviendra de les mélanger, par de savants dosages. Il utilise pour cela unorgue à parfums, boîtier ou étagère en forme d’orgue contenant une sélection des extraits à mélanger. Puis le parfum obtenu sera mêlé à unexcipient, en principe de l’alcool, mais également de l’eau et d’autres solvants avec une concentration plus ou moins forte selon le produit que l’on veut obtenir. Le procédé et les dosages précis resteront un secret de fabrication.
Les « floraux » sont élaborés autour d’une ou plusieurs senteurs florales. Lorsqu’une impression olfactive est fondée sur une seule fleur, on parle desoliflores (c’est pratiquement le cas deDiorissimo avec lemuguet, bien que les notes multiples puissent pondérer cette impression). Dans cette famille, on compte plusieurs sous-familles comme les floraux-fruités (la plus productive en matière de lancements parfumés), les floraux-boisés, les floraux-verts...
Les « orientaux », ou ambrés, sont dominés par un mélange devanille, de notes de baumes et de résines telles la fève tonka, la coumarine ou l’opopanax, auxquelles se mêlent des notes de bois, d'épices ou de fleurs. Cette famille olfactive doit son nom àAmbre Antique, créé en 1905, parFrançois Coty. C'est une famille très large, représentée aussi bien chez les femmes que chez les hommes. La famille orientale comprend plusieurs sous-familles : les orientaux boisés (Allure etAllure pour Homme de Chanel), les orientaux-vanillés (Émeraude,Shalimar,L deLolita Lempicka), les orientaux-floraux (L'Origan, deCoty,L'Instant deGuerlain,Flower byKenzo), les orientaux-épicés (Opium d'Yves Saint Laurent), les orientaux-gourmands (Angel)...
Les « hespéridés » sont construits à base de zestes d’agrumes, et constituent en principe la dominante deseaux de Cologne. Les anciennes maisons de Parfumerie, telles queL.T. Piver en comptent beaucoup, notamment leur première eau de Cologne "A la Reine des Fleurs" composée en 1774, qui comporte une dominante d'agrumes en note de tête et de fond[29].
Les « fougères » (en référence à « Fougère Royale » d’Houbigant) sont construites sur une alliance delavande, notes aromatiques,géranium,vétiver,coumarine,mousse de chêne. Elles sont à la base de nombreuses eaux de toilette masculines.Jicky, une des seules vraies fougères au féminin est créé en 1889 par Guerlain.Pour un homme, créé parCaron en 1934, reste aujourd’hui un des parfums fougère les plus emblématiques.
Les « chyprés » (ou chypres) forment une famille née après la création du parfumChypre en 1917 deFrançois Coty. Ce sont des parfums initialement construits sur un accord bergamote notes fleuries (rose, jasmin...) et évoluant vers un fond boisé / mousse (mousse de chêne-patchouli) — labdanum.
Les « cuirs » sont des créations olfactives rappelant l'odeur ducuir tanné. On a souvent coutume de classer cette famille, très petite en termes de lancements, dans la famille chypre. Très typés, les parfums cuirs sont généralement portés indifféremment par des hommes ou des femmes. Pour reproduire l'odeur du cuir, on utilise des notes pyrogénées comme lebouleau, l'Isobutylquinoléine (molécule de synthèse à odeur cuirée puissante et légèrement verte) ainsi que d'autres composants comme les notes animales, leciste labdanum, les accordstabac oumiel... Exemples de cuirs célèbres :Bel Ami d'Hermès,Cuir de Russie deChanel,Cuir de Russie deL.T. Piver,Bandit deRobert Piguet,Tabac Blond de Caron.
Il est impossible de décrire un parfum fabriqué par l'Homme en faisant la liste de ses composants, d’une part parce que ceux-ci sont souvent très nombreux, de l’autre parce que le parfumeur (malgré certaines pressions de l’Union européenne) n’est pas tenu de communiquer cette liste au public. Mais surtout, parce qu'il n'y a pas un lien direct entre la chimie d'une odeur et sa perception. Ainsi, deux molécules chimiquement très proches peuvent générer des perceptions très différentes.
Par contre, il est possible de classer un parfum selon sa famille olfactive, et de le décrire en fonction des notes qui apparaissent lors de son utilisation. De nombreuses classifications existent. La Société Française des Parfumeurs en propose une classique[30]. Harmann et Reimer offre une présentation différente. La profondeur et la précision de toute classification reste intimement liée à l'expertise et à la curiosité du sujet. Depuis les recherches d'Axel et Buck (nobel 2004), on peut affirmer que le sens olfactif nous offre une infinité de combinaisons. Ainsi, de nombreux « objets olfactifs » sont à inventer, découvrir ou redécouvrir.
Classiquement, un parfum se décrit par des notes olfactives qui se différencient ennotes de tête (celles qui sont liées à la première impression olfactive et sont les plus volatiles),notes de cœur (celles qui constituent le cœur du parfum et demeurent pendant plusieurs heures), et enfinnotes de fond (celles qui persistent longtemps après que le parfum a été vaporisé et peuvent rester des mois sur un vêtement).Plus la note de tête d'un parfum est importante et plus le résultat en sera frais et évanescent. À l'inverse, plus les notes de fond seront présentes, et plus vous obtiendrez un parfum riche et opulent.[réf. nécessaire]
Jean Marie Farina (1685-1766), inventeur de l'eau de Cologne.
Quelques parfumeurs ont marqué leur temps, et quelquefois l’histoire de la parfumerie.
En1709,Jean Marie Farina fonde la maison de parfum,Farina gegenüber àCologne qui est aujourd’hui la plus ancienne maison de parfum du monde. Il appelle son nouveau parfumEau de Cologne en honneur de sa ville. Il rend Cologne célèbre dans le monde entier en tant que ville du parfum.
Parmi les autres acteurs majeurs de l’histoire du parfum figurent les membres de la familleGuerlain, dont la dynastie commence avecPierre-François Guerlain, qui ouvre une parfumerie à Paris en 1828. En 1853, la maison Guerlain créel’Eau de l’Impératrice, et devient le premier fournisseur deNapoléonIII. Mais la date la plus importante est sans doute1889, année oùAimé Guerlain créeJicky, considéré comme le premier grand parfum français, le premier alliant essences naturelles et essences de synthèse. S’ensuivra la création d’un parfum destiné aux hommes,Mouchoir de Monsieur (1904) composé parJacques Guerlain à une époque où l’homme est encore très rétif au parfum. Un autre grand succès de Jacques Guerlain estShalimar créé en (1925)souvent copié[réf. nécessaire].
On peut aussi considérer que la façade rénovée de l’immeubleHugues Aîné, rue Mirabeau à Grasse, fut la première adresse de la plus ancienne parfumerie de Grasse depuis 1817[32].
À la fin duXIXe siècle, le françaisHenri Brocard fonda à Moscou une parfumerie qui devint la plus importante de son temps à l'échelle européenne.
Deux grands parfumeurs « indépendants » :Ernest Daltroff etFrançois Coty, ce dernier, surtout connu pourChypre (1917), un parfum d’une telle renommée qu’il donnera naissance à une famille olfactive. On doit à François Coty un certain nombre d’innovations dans le marketing : création d’une gamme de produits dérivés à partir d’un parfum (rouge à lèvres, poudre de riz...) ; création de flacons prestigieux produits par des maisons célèbres, commeRené Lalique.
C’est le surnom par lequel on désigne les créateurs de parfums. À l’origine, les parfumeurs étaient des artisans qui vivaient exclusivement de leur art, telsJean Marie Farina,François Coty ou la familleGuerlain. Mais leXXe siècle a vu apparaître des parfums liés aux maisons de couture, dont le plus célèbre reste leNo 5 deChanel. Au fil du temps, les parfumeurs se sont effacés derrière des marques de plus en plus puissantes et sont devenus des prestataires au service de la griffe prestigieuse pour laquelle ils créent, mais à laquelle ils ne sont plus exclusivement attachés. Aujourd’hui et à de rares exceptions (Chanel,Guerlain,Patou,Hermès,Cartier ont tous les cinq leur propre « nez »), les parfumeurs sont salariés de groupes chimiques internationaux. Si les sociétés de parfumeurs étaient historiquement situées àGrasse comme les FrançaisMane SA,Robertet,Charabot les plus grandes d’entre elles sont aujourd’huisuisses comme lesGenevoisFirmenich etGivaudan, allemandes comme les sociétés Symrise et drom fragrances, ou américains comme la sociétéIFF. Quand une marque décide de lancer un nouveau parfum, les parfumeurs sont mis en compétition les uns contre les autres. Finalement et après de multiples essais et tests auprès des consommateurs, un seul parfum sera retenu et lancé sur le marché, portant le nom de la marque et non plus celui de son créateur.
Si les marques imaginent et lancent de nombreux parfums, dans la plupart des cas ce ne sont pas elles qui formulent ces parfums. Cependant, certains groupes commeShiseido possèdent leurs propres laboratoires, et font appel à des créateurs dédiés (comme ce fut le cas pourSerge Lutens).
Les parfumeurs travaillent le plus souvent dans des « maisons de composition », tellesGivaudan,Firmenich,IFF, Takasago,Symrise,Robertet,Mane, drom fragrances...
Certains parfumeurs travaillent toutefois exclusivement pour une marque de parfums, ayant leur propre laboratoire intégré (notamment Guerlain, Chanel, Hermès International, Jean Patou, Jean-François Latty pour Téo Cabanel). On utilise alors l’expression : « parfumeurs maison ».
Il existe des parfums pour toutes les bourses, les prix variant en fonction de la réputation du produit, mais aussi selon le taux de concentration du parfum proprement dit dans l’excipient (alcool type éthanol, etc.) :
« eau fraîche » (ou eau sans alcool) contient de 1 à 3 % de parfum ;
« eau de Cologne » (EdC) (lancé en 1709) dosée de 4 % à 6 %.Original Eau de Cologne (marque déposée). Celles présentes sur le marché de niche ont un pourcentage plus élevé ;
« eau de toilette » (EdT) contient de 7 à 12 % de concentré ;
« eau de parfum » (EdP) atteint un taux de concentration de 12 à 20 % ;
« extrait de parfum », de 20 % et jusqu'à 40 % (dans le cas de parfums particulièrement prestigieux). L’extrait n’est toutefois pas un assemblage pur de matières premières (formule brute utilisée par le parfumeur, aussi appelée concentré ou concrète) puisqu’il contient également de l’alcool au même titre que l’eau de toilette ou de parfum ;
le « parfum en poudre » incorpore dans sa formulation 31 % d’essences de parfums dans untalc cosmétique compacté, sans présence d’alcool ;
« huile essentielle » : ce terme s’applique aux produits aromatiques et volatils purs extraits desvégétaux uniquement ; il ne s’agit donc pas de parfum en tant que tel. Dans l’absolu, le terme d’huile essentielle désigne les composants chimiques non dilués dans l’excipient ; dans la pratique, le terme est souvent confondu, l’huile essentielle ne se trouvant quasiment jamais pure.
En France, depuis 2011, l'alcool à 90° non dénaturé, utilisé pour les parfums, n'est plus disponible pour les particuliers à cause d'une taxe imposée aux pharmacies[40].
↑Expériences de l'Institut Max Planck d'écologie chimique (ICE) d'Iéna (Brigham Young University's Lytle Ranch Preserve, Utah, USA) sous le contrôle de l'USDA-APHIS, publiées en 2008
↑Danny Kessler, Klaus Gase, Ian T. Baldwin - Field experiments with transformed plants reveal the sense of floral scents – Science 2008 08 29
↑Kessler D; Baldwin IT -Making sense of nectar scents : the effects of nectar secondary metabolites on floral visitors of Nicotiana attenuata - The Plant Journal 49, 840-854 – 2007
Simon Barbe,Le parfumeur français qui enseigne toutes les manières de tirer les odeurs des fleurs, & à faire toutes sortes de compositions de parfums avec le secret de purger le tabac en poudre & le parfumer de toutes sortes d'odeurs pour le divertissement de la noblesse, l'utilité des personnes religieuses & nécessaire aux baigneurs & perruquiers, Lyon : chez Thomas Amaulry, 1693 -lire sur Gallica.
Adolphe-Benestor Lunel,Guide pratique du parfumeur : dictionnaire raisonné des cosmétiques et parfums, coll. « Professions », Paris, Hetzel, 1870.