Lepapyrus[n 1] (Pluriel latin:papyri[1]) est un support d'écriture obtenu grâce à la transformation des tiges d’une plante africaine, également appeléepapyrus (Cyperus papyrus), en une surface souple, lisse, de plusieurs mètres de long, facile à replier en rouleau[n 2] . Il a été le support principal de l’écriture et de la peinture dans le bassin méditerranéen durant l’Antiquité et le Haut Moyen Âge.
La confection d’un feuillet de papyrus se fait à partir de la tige du souchet à papier (Cyperus papyrus). Après avoir écorcé la tige, des lamelles d’égale longueur sont coupées dans la moelle, écrasées et laissées à tremper dans l’eau. Elles sont ensuite disposées verticalement et horizontalement en deux couches pour former une feuille rectangulaire, qui après avoir été soumise à une forte pression pour en exprimer l’eau, est soigneusement séchée. Les feuillets sont collés entre eux pour former un rouleau de plusieurs mètres de long.
C’est une invention égyptienne qui remonte à environ 5 000 ans, soit presque trois millénaires avant l’invention du papier de fibres végétales fabriqué par unenouvelle technique d’origine chinoise, bien plus compliquée à mettre en œuvre mais utilisant des sources végétales plus abondantes et plus diversifiées. Le papyrus fut utilisé enÉgypte et autour de lamer Méditerranée pendant plus de 4 000 ans, du plus ancien témoin trouvé dans une tombe de la première dynastie égyptienne jusqu’aux dernières bulles papales sur papyrus duXIe siècle[2].
D'abord véhicule de la culture pharaonique, il assura par la suite la large diffusion des cultures grecque, romaine, byzantine et arabe dans tout le bassin méditerranéen et au-delà.
LesÉgyptiens ont mis au point des techniques particulières qu'il est difficile de relater, car on ne peut utiliser que l’unique source littéraire qui ait été conservée sur le sujet, le texte de l’encyclopédiste romain duIer sièclePline l'Ancien, l’Histoire naturelle[3],[4]. Il n’avait vraisemblablement jamais vu de ses propres yeux la fabrication d’un feuillet. La source d’où il tire ses informations reste inconnue et l’exégèse de son texte n’a toujours pas fini de se renouveler[5].
De manière générale, le principe de fabrication des feuilles (ou feuillets) depapyrus réside dans la superposition de fines lamelles découpées dans la tige de la plante, humidifiées, placées en couches entrecroisées et compressées. Un résumé des étapes de production d’une feuille (de 20 à 30 centimètres de haut) pourrait être[5],[6].
Couper la tige de papyrus à la longueur voulue, détacher l’écorce verte,
Trancher de fines lamelles dans la moelle, parallèlement à l’un des trois côtés de la tige,
Marteler et écraser les lamelles,
Laisser les lamelles dans de l’eau une (ou deux) semaine,
Déposer les lamelles sur un plan de travail mouillé d’eau du Nil, bord à bord, sans doute avec un léger chevauchement,
Recouvrir la première couche d’une seconde couche constituée de lamelles disposées perpendiculairement, de manière à obtenir une feuille,
Soumettre cette feuille de papyrus à une forte pression pour extraire l’eau et la faire sécher sans qu’elle ne moisisse.
Les étapes 3 et 4 ne sont pas mentionnées par Pline mais ont été introduites par les artisans contemporains qui produisent des feuilles de papyrus pour les touristes[n 3].
Les ateliers de papyrus ne produisaient pas de feuilles libres, mais des rouleaux qui constituaient l’unité commerciale. Pour les produire, il fallait assembler les feuilles produites par des joints collés (cf. les explications de Menei[6]). Les scribes gardaient des stocks de rouleaux et non des stocks de feuilles. Quand un utilisateur avait besoin d’un petit morceau de papyrus pour écrire une lettre ou un contrat par exemple, il coupait un morceau dans le rouleau.
En Égypte, dans les textes en grec, le rouleau de papyrus était appelébiblos/byblos, tomos ouchartès et en latinvolumen ; l’usage du nompapyros était quant à lui, réservé à la plante. Les feuillets assemblés par collage pour fabriquer un rouleau s’appelaientkollèmata[7].
Le sens de l’écriture à l’époque pharaonique est préférentiellement horizontal, parallèle aux fibres du recto. Cependant, on trouvait aussi des textes perpendiculairement aux bords horizontaux du rouleau.
La première étape de la fabrication des feuilles consistait à découper des bandes dans la tige depapyrus. Il fallait, selonPline l'Ancien[n 4], utiliser une aiguille pour tailler des bandelettes minces et larges dans la tige de la plante. Selon lui, les meilleures bandes sont extraites du cœur de la tige (parce qu'elles sont plus humides et plus souples). Cependant, les termes de Pline sont flous. H. Ragab[8] critique le texte de Pline dans lequel il remarque« beaucoup d’invraisemblances et d’incertitudes ». En effet, selon lui, ce texte ne parle pas du travail sur l’écorce avant le traitement, il ne précise pas que la plante doit être travaillée fraîche et qu’elle ne doit pas l’être quand elle trop mature.
Il existe de nombreuses méthodes pour le découpage des bandelettes : parmi elles, les méthodes Ragab A, Basile, Hendricks.
Selon Pline[n 5], les bandes découpées étaient étalées sur toute leur longueur dans le sens vertical puis horizontal sur une table humidifiée par l’eau duNil. Pline remarque que ces bandes étaient égalisées, c'est-à-dire que, lors de l’assemblage de la première couche, les bandes étaient découpées de façon qu’aucun brin ne dépasse. Le limon naturellement présent dans l'eau duNil agissait sur les bandes comme une colle (Pline,XIII, 23, 77. )
Aucune autre colle à proprement parler n'était utilisée[9]. En effet, E. Menei[10] a montré que, lors de la fabrication, tout était prévu pour permettre l'encollage des feuilles. En effet, elle a remarqué que les artisans égyptiens laissaient libre sur l’un des côtés du rectangle une frange de fibres horizontales.
Pline décrit le procédé d’encollage[n 10]. Les artisans utilisaient une colle fabriquée à base defarine délayée dans de l’eau bouillante et agrémentée de quelques gouttes devinaigre. Il était aussi possible d’utiliser une colle faite avec de la mie depain bouillie. Ces colles devaient respecter la souplesse du papyrus et relier avec flexibilité les différentes feuilles entre elles. On posait la colle à lajointure de deux feuilles, puis on amincissait cette zone à l’aide d’un maillet[11]. Les jointures étaient presque invisibles[10], et il était même possible d’écrire dessus. E. Menei a pu, grâce à l’observation minutieuse de nombreux papyrus antiques, montrer le savoir-faire et l’habileté des fabricants antiques.
L’usage du papyrus pour l'écriture s’étale sur plus de 4 000 ans, du plus ancien témoin trouvé dans une tombe deSaqqarah au début du IIIe millénaire avant l'ère commune jusqu’aux dernièresbulles papales sur papyrus duXIe siècle[3].
D'abord véhicule de la culture pharaonique, il assura par la suite la large diffusion des cultures grecque, romaine, byzantine et arabe dans tout le bassin méditerranéen et au-delà. Il fut adopté par l’administration hors d’Égypte, en Grèce, au Proche Orient, en Italie et en France, moyennant l’importation de rames de papyrus (carta tomi) d’Égypte. Il servit aussi de véhicule à la littérature philosophique, scientifique et religieuse de cette aire culturelle et c’est en général sur papyrus que les plus anciennes copies de ces œuvres nous sont parvenues. Le parchemin supplanta le papyrus en France dans les années 670 et plus de trois siècles plus tard à Rome, avec le dernier acte pontifical sur papyrus du papeLéon IX en 1051.
D'abord utilisé pour transcrire l'oral, le papyrus est resté durant l'Antiquité très dépendant de celui-ci. Mais les Égyptiens, puis les Grecs et les Romains ont progressivement pris conscience qu'il était bien plus qu’une simple transcription d’une parole orale.
Les papyrus, sous la coupe de l'État dès l'Ancien Empire, étaient exportés dans tout le bassin méditerranéen[2]. En raison de leur prix élevé, ils étaient souvent grattés pour pouvoir être réutilisés, formant alors ce que l'on appelle despalimpsestes[2].
Il existait diverses qualités de papyrus.Pline cite toutes les catégories de papyrus.
L'auguste et le livie, encore plus fins et plus larges que le hiératique, n'apparaissent que sous l'Empire. Tous deux mesuraient treize doigts de large, soit 24,05 cm[12].
Le hiératique est le plus beau et le plus fin. Il était appelé ainsi car il était utilisé pour les textes sacrés. Il mesurait onze doigts[14], c'est-à-dire 20,35 cm[12].
L'amphithéâtrique doit son nom au fait qu'il était fabriqué près de l'amphithéâtre d'Alexandrie. Sa largeur était de neuf doigts, soit 16,65 cm[12].
Le saïtique est nommé ainsi car il venait de Saïs. Il faisait de sept à huit doigts de largeur, c'est-à-dire de 12,95 à 14,80 cm[12]. Il était de qualité médiocre, car il était fabriqué à partir des déchets restant de la composition de plus beaux papyrus.
Le taénéotique était de mauvaise qualité et vendu au poids.
L'emporitique n’était pas utilisé pour l'écriture, mais pour l'emballage des marchandises.
Pline estime qu'un rouleau pouvait contenir vingt feuilles. B. Legras[15] a remarqué qu’il y avait souvent un lien entre la longueur des rouleaux et le genre littéraire du texte.
Texte disposé en colonnes, sur un rouleau pouvant faire plusieurs mètres.Calame de bambou.
On peut décrire la mise en forme du contenu grâce aux différents papyrus connus et analysés à ce jour. Les hommes de l’Antiquité écrivaient généralement sur la partie interne des papyrus, dans laquelle les fibres sont disposées horizontalement. De cette manière, lecalame n’accrochait pas les fibres. Le texte était disposé par colonnes appeléesselis[11]. Seuls des documents officiels de la République romaine appeléstransversa charta étaient écrits sur toute la longueur du rouleau, c’est-à-dire sur des lignes parallèles au petit côté du rouleau, en colonnes. Ces colonnes étaient parfois numérotées dans la marge du haut ou du bas[16]. Le titre était indiqué sur la première page du rouleau, appeléeprôtokollon. On constate également qu’au bas de la dernière colonne, sur la dernière page, appeléeeskatokollon, on trouvait uncolophon où le copiste précisait le titre de l’ouvrage, le nombre de feuillets et le nombre de colonnes. Parfois, des titres de chapitres, appelésrubrica[17], étaient inscrits à l’encre rouge.
Le texte était noté sans séparation entre les mots, sans majuscules et sans ponctuation (systèmescriptio continua).
Durant l'époque romaine, l'Égypte avait le monopole de la production de papyrus dans tout l'empire[18]. Ce produit de grande consommation ne servait pas seulement comme support d'écriture (livres, registres fiscaux,actes notariés, correspondance), mais aussi pour la fabrication des mèches de chandelles[19],[20] ou pour emballer de la nourriture[20].
Les papyrus ont été employés dans différents domaines :
Un papyrus se lit à deux mains, chacune tenant un bout du document. L’iconographie offre de nombreuses illustrations de cette activité, et on peut remarquer sur ces dessins les positions de lecture adoptées. Traditionnellement, il semble que le lecteur tenait le rouleau dans sa main gauche et qu’il le déroulait avec sa main droite. Puis, au fil de la lecture, la main gauche réenroulait tandis que la droite déroulait. Lorsque l’ouvrage était achevé, il fallait réenrouler le document jusqu’au début pour le lecteur suivant[11]. Il semble que les lecteurs de l’Antiquité procédaient toujours d’une façon identique. L’usage était de lire le papyrusà voix haute, car il fallait déchiffrer un texte écrit enscriptio continua[réf. nécessaire]. Par exemple, saint Augustin est surpris de voir saint Ambroise lire silencieusement[21].
Les Grecs et les Romains, d'abord consommateurs du papyrus, sont devenus de véritables acteurs de son développement. En effet, ils ont repris l’organisation mise en place par lesÉgyptiens. Toutefois, le fait que le papyrus n’ait été fourni que par l’Égypte semble avoir posé des problèmes, puisque les hommes de l’Antiquité ont tenté de développer et d’améliorer d’autres supports de l’écrit, comme leparchemin.
Petit à petit, le commerce du papyrus se fait plus difficilement, et ce matériau est supplanté enEurope occidentale par leparchemin, fabriqué à partir de peaux généralement d'agneau, mais aussi deveau ou dechevreau. Leparchemin s'impose progressivement pour tous les actes écrits, soit lorsque les voies d'importation de papyrus vers l'Europe sont bloquées à la suite de l'expansion de l'islam au milieu duVIIIe siècle[22], soit parce que la production de parchemin est moins chère, locale, et que ce support se conserve mieux[23]. Cependant, le papyrus était encore utilisé par la chancellerie papale au milieu duIXe siècle[n 11].
Dans les climats secs, comme en Égypte, le papyrus se conserve convenablement, mais, dès qu'il est exposé à l'humidité, sa structure se désagrège et l'encre se diffuse dans les fibres végétales, comme ce fut le cas pour les manuscrits importés enGrèce et enItalie. Certains exemplaires bien conservés ont été retrouvés en Égypte, comme lespapyrus d'Éléphantine, et les découvertes d'Oxyrhynque ou deNag Hammadi. ÀHerculanum, la « Villa des Papyrus », qui contient la bibliothèque du beau-père deJules César, fut préservée par l'éruption duVésuve, et possède de nombreux papyrus intéressants, qui pour la grande majorité n'ont pas encore été déchiffrés.
Compilations de recettes techniques relatives à l'argent, l'or, les pierres et les étoffes
Le Journal de bord du prêtre Tehuti Merer est un matériau précieux comprend des informations sur l'extraction du calcaire, son transport sur le Nil jusqu'auchantier de Gizeh, où il a probablement été utilisé pour la couche extérieure de laGrande Pyramide. Il confirme également que la pyramide était au stade final de construction de la dernière année deKhéops, et identifie le rôle du demi-frère du roi,Ânkhkhâf, qui était chargé de cette dernière phase.
↑Mot français emprunté (en 1562) au latinpapyrus, qui a donné par ailleurspapier. Le mot latin est lui-même emprunté augrec ancienπάπυροςpapyros, désignant la plante et aussi ce qui est fait avec elle (Alain Rey (direction), Marianne Tomi, Tristan Hordé, Chantal Tanet, Alain Rey,Dictionnaire historique de la langue française, Tomes I et II, Le Robert,.
↑voir la statistique des rouleaux trouvés dans la Bibliothèque d’Herculanum (Daniel Delattre,« Le monde romain ancien », dans Jean-Luc Fournet,Le papyrus dans tous ses états, de Cléopâtre à Clovis, Paris, Collège de France,)
↑Pline l'Ancien,Histoire naturelle (traduit, présenté et annoté par Stéphane Schmitt), Bibliothèque de la Pléiade, nrf, Gallimard,, 2131 p., livreXIII, 74-82.
↑a etbJean-Luc Fournet (sous la direction de),Le Papyrus dans tous ses états, de Cléopâtre à Clovis, Collège de France,,p. 192
↑a etbEve Menei,« Le papyrus comme support d’écriture », dans Claude Laroque,Autour des papiers asiatiques, actes des colloques D’est en Ouest : relations bilatérales autour du papier entre l’Extrême-Orient et l’Occident (le 10 octobre 2014) et Papiers et protopapiers : les supports de l’écrit ou de la peinture (30 octobre 2015), Paris, site de l’HiCSA,(lire en ligne)
↑H. Ragab,Le papyrus : contribution à l’étude du papyrus et à sa transformation en support de l’écrit, Le Caire, 1980,p. 116-117.
↑a etbN. Lewis,Papyrus in classical antiquity, Oxford, 1974.
↑a etbE. Menei, « Remarques sur la fabrication des rouleaux de papyrus : précisions sur la formation et l’assemblage des feuillets »,Revue d’égyptologie, 1993,p. 185-188.