Évêque de Rome ; Successeur du Prince des apôtres ; Souverain pontife de l'Église universelle ; Primat d'Italie ; Archevêque et métropolite de la Province de Rome ; Patriarche d'Occident; Souverain de l'État de la Cité du Vatican ; Serviteur des serviteurs de Dieu
Selon la tradition et la doctrine catholiques, que ne partagent pas les autres confessionschrétiennes, l'autorité du pape se transmet parsuccession depuis l'apôtre Pierre, ce qui lui confère, au-delà d'uneprimauté d'honneur, le suprême et plein pouvoir de juridiction sur l'Église catholique en matière de foi, de discipline et de gouvernement de celle-ci.
S'il s'agit de l'appellation la plus populaire de l'évêque de Rome, à l'origine, le terme « pape » n’a rien d’un titre officiel[1] ; il provient dulatin ecclésiastiquepapa qui provient lui-même dugrec ancienπάπας (papas), une forme tardive du motπάππα (pappa), un terme familier et affectueux du langage enfantin qui désigne le père (« papa »)[2]. Cette marque de vénération affectueuse, déjà présente chezHomère[3], est adoptée dans le christianisme oriental pour honorer lesépiscopes puis lesévêques[1], voire lesprêtres[n 1].
La première attestation épigraphique liée à l'évêque de Rome se trouve dans lacatacombe de Saint-Calixte, sur lecubiculum d'un diacre nommé Severus à propos de l'évêque Marcellinus (296–304) : « jussu pp [papae] sui Marcellini »[5]. Depuis lors, l'abréviation de « papa » en « PP » se généralise, notamment dans la signature pontificale. Le titre tend alors à devenir spécifique à partir de la fin duIVe siècle, mais la précision « Papa urbis Romae (aeternae) » (« Pape de la ville (éternelle) de Rome »), atteste d'un usage encore généralisé à l'ensemble des évêques[1].
Le terme « papauté » (enlatin :papatus), de création tardive est utilisé pour la première fois parClément II (1046-1047) afin de marquer la supériorité de l'évêque de Rome sur l'épiscopat (enlatin :episcopatus)[6].
Le pape n'est pas un « chef spirituel », car selon la foi catholique il reçoit sa mission du Christ lui-même, en tant qu'évêque de Rome et successeur de l'apôtre Pierre : veiller et présider à l'unité de tous les diocèses gouvernés par les évêques en communion avec Rome[9].
Représentation d'un pape dans leLiber floridus (1120), BNF.
L'Église romaine a toujours proclamé safondation apostolique, sur laquelle elle base l'autorité magistérielle dont elle se prévaut et que les titulaires du siège de Rome affirment à la suite de l'évêqueLibère (352-366), le premier à utiliser l'expression de « Siège apostolique » (Sedes apostolica)[H 1].
L'affirmation par les papes de Rome de leurprimauté, effective et non pas seulement honorifique, qui place d'office quiconque la refuse dans la position deschismatique ou d'hérétique[n 2], n'est acceptée ni par lesÉglises d'Orient[10], ni par lesÉglises protestantes. Cependant, dans l'Église catholique, cette primauté effective découleipso facto du fait qu'il est l'évêque de Rome. Ainsi, la seule titulature officielle du pape dans l'Antiquité est le mot « évêque », (sous-entendu : de la ville). Aujourd'hui encore, dans les documents les plus solennels, le pape signe de ce seul titre d'« évêque de l'Église catholique » (comme on le voit au paraphe du papePaul VI sur toutes les constitutions et les décrets duconcile Vatican II : « Ego PAULUS Catholicae Ecclesiae Episcopus », ou bien accompagné de la formule grégorienne : « Ego, N., episcopus, servus servorum Dei »[n 3].
Saints Pierre et Paul flanquant une colonne surmontée d'unchristogramme, verre et or, Rome, fin duIVe s.
Très tôt dans l'histoire du christianisme,Rome jouit d'un indéniable prestige dû à l'association de son nom auxmartyres des apôtresPierre etPaul[11] ainsi qu'à la présence de leurs tombeaux dans la ville, l'un auVatican, près de l'anciencirque de Néron, et l'autre sur laVia Ostiensis, aux portes de Rome[12]. Ainsi, dès les premiers siècles de notre ère, Rome devient une ville depèlerinages « ad limina apostolorum » (« au seuil des apôtres »)[n 4]. Néanmoins, dès cette époque, la figure de Paul tend à s'estomper au profit de celle de Pierre[13].
Des manifestations de ce prestige se trouvent dans différents témoignages duIIe siècle : une lettre d'Ignace d'Antioche adressée à cette communauté, évoque la mémoire des enseignements apostoliques dont elle est détentrice[14] et, à la fin du siècle,Irénée de Lyon, dans une polémique contre lesgnostiques, prend Rome en exemple d'une Église qui« très grande, très ancienne et connue de tous (…) a conservé la tradition des apôtres »[15]. Cependant, aucune figure particulière n'émerge alors d'une communauté romaine dirigée par un collège depresbytres ou d'épiscopes assistés dediacres[16] probablement jusque vers 150, époque où semble émerger un « mono-épiscopat »[H 2] qui ne devient quelque peu consistant qu'avec les figures deVictorIer (v.190) etCalixteIer (v.217)[H 3].
Dans ce contexte, le canon 6 duconcile de Nicée (325) confirme les privilèges des patriarcats métropolitains d’Alexandrie, deRome, d’Antioche et deJérusalem[18]. Ce même canon cite en exemple l'évêque de Rome pour son autorité métropolitaine, son autorité toutefois limitée et quelque peu contestée dans l'Italie septentrionale où son intervention se heurte à celle de l'évêque de Milan, la résidence impériale[19].
Le canon 3 duconcile de Constantinople (381) stipule que« l'évêque de Constantinople doit avoir la primauté d'honneur après l'évêque de Rome, car cette ville est la nouvelle Rome »[20]. À Rome,DamaseIer (366-384), premier évêque de l'Urbs à revendiquer le primat romain en s'appuyant sur le passage de Matthieu 16, 18« Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église »[21], entend définir la foi universelle dans sonTomus Damasi[22]. L'action énergique de Damase en faveur de l'organisation et du renforcement du gouvernement de l'Église de Rome — tant sur le plan juridique qu'administratif — ainsi que la structuration de la communauté chrétienne locale sur les plans liturgique et matériel marque une étape décisive sur la voie de la reconnaissance de l'importance du siège romain[23], même si son influence reste encore largement cantonnée à l'Italie suburbicaire[24].
PourInnocent Ier (378-417), évêque de Rome durant la période de la prise de Rome parAlaric, toute question liturgique ou disciplinaire doit être soumise à l'évêque romain qu'il considère comme« à la cime et à la tête de l'épiscopat »[25] tandis qu'en 422,BonifaceIer utilise pour la première fois la notion deprincipatus jusque là réservée à l'autorité impériale[26].
En 451, et malgré les protestations des délégués romains[27], le canon 28 duconcile de Chalcédoine fait de Rome et de Constantinople des sièges égaux en dignité[28]. Si l'évêque de RomeLéon Ier (440-461) — qui formule pour la première fois explicitement la revendication d'une primauté universelle du siège romain — s'oppose lui-même à ce canon[29], il obtient une avancée significative de la cause romaine avec la reconnaissance par le concile de sonTome à Flavien. Cette avancée prend de la consistance au sein des épiscopats d'Occident au moins sur un plan spirituel. Le plan juridictionnel ou administratif dans les affaires des autres diocèses reste toutefois à conforter[30].
DèsPélage Ier (556-561), la papauté entretient un trésor qui est alimenté par les propriétés de l'Église romaine situées dans le Latium, la Sabine, la Campanie. Puis,Grégoire Ier le Grand (590-604) est amené à se saisir de l'administration civile de la ville et du duché de Rome, et à constituer autour de la cité un patrimoine pontifical qui permet de subvenir matériellement aux besoins de la population romaine.[réf. nécessaire]
À la fin duXIe siècle commence la période connue sous le nom de « réforme grégorienne » qui tire son nom du papeGrégoire VII (1073-1085) et s'étale du milieu de ce siècle auconcile de Latran IV (1215)[33]. Les évêques de Rome multiplient les initiatives de centralisation et d'unification de la chrétienté latine — qui causent par ailleurs à terme l'éloignement définitif avec l'Église orientale[33]. Ainsi, la papauté et ses soutiens font évoluer l'Église romaine qui, de l'institution imbriquée dans les structures sociales et politiques qu'elle constituait jusque-là, évolue vers une institution indépendante[33] revendiquant, bien au-delà de la sphère religieuse, la soumission de toute forme de pouvoir séculier ainsi que des populations à la juridiction du pontife romain, au nom dudominium universel de Dieu dont le pape est le représentant[34].
Cet état de fait suscite l'émergence d'un certain anticléricalisme et le renforcement progressif des États séculiers entame progressivement cette domination[36] : les litiges entre la papauté et les puissances séculières se multiplient, notamment au sujet du poids que font peser les exigences financières de Rome sur les clercs voire sur l'ensemble de la population[37]. Ces contestations atteignent un paroxysme avec la crise qui oppose le roi de FrancePhilippe le Bel au papeBoniface VIII. Ce dernier porte en 1305 un coup d’arrêt définitif aux ambitions romaines avec l'« attentat d’Anagni », et amorce le déclin de l'affirmation de la théocratie pontificale[38] avec l'installation de lapapauté à Avignon, marquant par ailleurs la fin des cours papales nomades[H 5].
Par ailleurs, au sein même de l'institution ecclésiale, un sentiment antiromain et une contestation ecclésiologique grandissants[38] se font jour, dont résulte notamment une crise pontificale connue sous le nom de « Grand Schisme d'Occident » (1378-1417)[39] : durant cette période, différentes factions revendiquent simultanément le trône épiscopal, si bien qu'il y a jusqu'à trois papes différents qui coexistent à plusieurs reprises[40]. En outre, la question de savoir si le pape est le délégué de l'Église ou son maître divise également le christianisme latin, débouchant ainsi la « Crise conciliaire » (1414-1449), opposant les tenants d'une direction unique et ceux d'un gouvernement collégiale[41].
À l'issue de cette période, la légitimité de l'évêque romain est renforcée[42], le parti conciliariste est discrédité et, par la suite, les conciles deviennent exceptionnels dans la vie de l'Église romaine[42]. D'un autre côté, le pouvoir politique profite de la crise pour renforcer l'indépendance des Églises nationales et l'indépendance des États vis-à-vis de Rome[43].
Consécutivement à laRéforme qui divise la chrétienté occidentale, tandis que le pouvoir séculier connaît un affaissement temporaire à partir de la seconde moitié duXVIe siècle, une politique plus active de la papauté multiplie les promulgations normatives[H 6] : l’épiscopat occidental resté attaché à Rome tend à de plus en plus se référer au Saint-Siège oùPieIV, en instituant laCongrégation du concile, réserve à l'évêque de Rome le droit exclusif d’interprétation duconcile de Trente[44], chargé, quelques années plus tôt de définir le dogme et réformer l'Église[H 6]. En outre, la doctrine relative à la primauté romaine se durcit, au point que le jésuiteRobert Bellarmin (1542-1621) envisage « l’Église comme une monarchie pontificale et l’autorité du pape comme le garant suprême de la vérité »[45].
Pie VII (1800-1823) s'attèle à la restauration des États pontificaux, fondant sa légitimité sur le peuple de Rome, Ville Éternelle dont il se réaffirme l'évêque et le souverain temporel, comme celui de ses États, mais il entre en conflit avecNapoléon qui annexe lesdits États à l'Empire français. Ce dernier défait, les territoires pontificaux d'Italie sont restitués au Saint-Siège et se succèdent alors à sa tête trois papeszelanti qui s'opposent aux libéralismes, favorisent l'ultramontanisme[H 8] et se rendent impopulaires[H 9] :Grégoire XVI (1831-1846) fait même appel aux troupes Autrichiennes puis Françaises pour mater les soulèvements populaires de 1831-1832 et maintenir l'ordre[H 10]. Mais cette politique du Saint-Siège dans ses États s'avère désastreuse et ruineuse, marquant l'échec deszelanti de l'avis même de certains ultramontains[H 11].
C'est alors un modéré, l'archevêque d'ImolaGiovanni Maria Mastai Ferretti, qui monte sur le trône pétrinien sous le nom dePie IX (1846-1878) ; il sera le dernier souverain de l'État de l'Église au terme d'un pontificat marqué par le révolutionnairePrintemps des peuples et ses conséquences[H 12]. Pie IX, s'appuyant sur les mouvements catholiques actifs dans de nombreux pays, s'affiche en pasteur universel et nomme notamment un nombre inédit de cardinaux non italiens auSacré Collège[H 13].
Quelques années de calme relatif, maintenu par des forces étrangères, permettent d'encourager le développement de la presse catholique et des ordres religieux dont certains voient doubler leurs effectifs[H 14] mais le processus de désintégration des États pontificaux, entamé avec laguerre d'Italie opposant la France et le Piémont à l'Autriche à partir de 1859 et poursuivi avec laRévolution italienne, se clôt par l'annexion de patrimoine de Saint-Pierre par leroyaume d'Italie le 20 octobre 1870[H 15].
Entretemps, afin de défendre la foi menacée, de trancher les querelles entre catholiques et d'asseoir son autorité temporelle mise à mal par les évènements, Pie IX a convoqué unconcile au Vatican[H 16], dont résultent les constitutionsDei Filius — énonçant la doctrine catholique sur Dieu, la révélation, la foi et la raison — etPastor æternus qui, en proclamant le dogme de l'Infaillibilité pontificale[H 17], procure au magistère romain, dans son enseignement ordinaire, une autorité accrue qui sera développée par les successeurs de Pie IX[H 15].
Bénéficiant de la proclamation de l'Infaillibilité pontificale qui accroît l'autorité de son magistère[H 18], le pontificat deLéon XIII (1878-1903), théologien politique[H 19] qui aspire à rechristianiser la société dans tous les domaines[H 20] et promoteur ducatholicisme social[H 21], permet à la Papauté, au moyen d'une diplomatie active[H 22], de retrouver un grand prestige ainsi qu'une puissance politique effective supérieure au pouvoir temporel perdu[H 23]. Son successeurPie X (1903-1914), pape populaire issu de la méritocratie ecclésiastique[47], entame la modernisation de l'administration du Saint-Siège, réforme la Curie et initie la refonte dudroit canonique[H 24]. Adversaire du sécularisme, il multiplie mises en garde et condamnations préparées par un entourageintransigeant[H 25] : lepositivisme scientifique, en mettant en question les origines de l'Église, menace la Papauté qui condamne les thèses défendues par nombre d'exégètes, historiens, philosophes et théologiens, qualifiées de « modernisme »[H 26]. Risquant de remettre en cause laRévélation elle-même, elles sont considérées commeathées par le pape[48]. Certains auteurs sont frappés de censure[H 26], jetant la suspicion sur l'activité intellectuelle[49] dont il faudra attendre plusieurs décennies avant qu'elle ne commence à se lever[H 27].
Benoit XV (1914-1922) puisPie XI (1922-1939) sont confrontés aux catastrophes que constituent laPremière Guerre mondiale, la paix manquée puis le déchaînement des nationalismes[H 28], le Saint-Siège cherchant à lutter contre ces derniers tout en respectant les nations[H 29]. Le premier, condamne en termes inhabituellement durs la Grande Guerre, mais garde le silence sur les crimes de guerre[H 27] et les violations du droit international, tandis que ses efforts diplomatiques restent infructueux[H 30], les vainqueurs échaudés le maintenant à l'écart desnégociations de Versailles[H 31]. Dénonçant régulièrement le nationalisme « immodéré », « égoïste », « contraire au Credo »[H 32]… Pie XI favorise lesmissions ainsi que la formation de clergés indigènes dans les colonies[50] et s'appuie en Europe sur l'Action catholique[H 33]. Il s'engage également dans unepolitique concordataire, multipliant les accords avec les États, y compris les totalitarismes mussolinien et hitlérien qui sont censés accorder à l'Église des garanties précises[H 34].
Après lesaccords du Latran qui résolvent laquestion romaine et créent l'État de la Cité du Vatican[H 35], le pape prend soin de le doter de tous les attributs de la souveraineté, bientôt reconnue par les nations — drapeau, monnaie, police, justice, banque, gare, télécommunications… —, ainsi que d'une constitution qui instaure à la fois un état de droit et une monarchie absolue, dirigée par le souverain pontife[H 36]. Critiquant le régime nazi dans la lettre encycliqueMit brennender Sorge[H 37] et condamnant le totalitarisme communiste avecDivini Redemptoris, Pie XI ordonne aux universités catholiques d'organiser un enseignement contre l'antisémitisme et le racisme mais la mort l'empêche de publier une encyclique qu'il prépare à ce sujet[H 38].
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En 2005, le papeJean-Paul II meurt après plus de 26 ans passés à la tête de l'Église.Benoît XVI lui succède. Ilrenonce en 2013 après 8 ans de pontificat. Un Argentin, lepape François, prend sa suite. En 2025, son successeur estLéon XIV.
Le pape, jusqu'en 1870, a été le souverain desÉtats pontificaux. Il est aujourd'hui souverain de l'État de la Cité du Vatican sur lequel il possède la plénitude du pouvoir exécutif, législatif et judiciaire. Cette souveraineté sur un territoire, de dimension réduite, est la garantie d'indépendance de son pouvoir spirituel à l'égard des autres États du monde.
Le pape est élu à vie, mais garde la prérogative de renoncer à la charge apostolique, très rarement exercée :Célestin V, en1294, renonce quelques mois après son élection pour terminer sa vie dans un monastère.Grégoire XII, en1415, fait annoncer sa démission auconcile de Constance. Enfin, le,Benoît XVI renonce à sa charge pour raisons de santé.
En termes dedroit canonique, le pape est investi de sa charge directement par le Christ et ne tire la légitimité de sa charge ni de la succession des papes précédents, ni même du collège qui l'a élu. Il ne peut donc pas se donner uncoadjuteur ni un successeur[53]. En sens inverse, il ne saurait recevoir de mandat impératif des cardinaux qui l'ont élu.
Le collège électoral est composé descardinaux âgés de moins de80 ans. Le papePaul VI en a fixé le maximum à 120, nombre queJean-Paul II a confirmé dans la constitutionUniversi Dominici gregis. Cette dernière stipule qu'une majorité de deux tiers doit se prononcer pour un même nom.
Nul ne peut se déclarer « candidat » et l'élection pontificale ne comporte aucune « campagne ». La personne élue n'est pas nécessairement présente auVatican et ce n'est pas nécessairement uncardinal ni même unecclésiastique, en principe ce peut être un simplecatéchumène. Si le nouveau pape n'est pas unévêque,Universi Dominici gregis prévoit une ordination épiscopale immédiate. Ce fut le cas en 1831 pourGrégoire XVI, qui était prêtre et cardinal, mais non évêque. Auparavant, le seul exemple connu estGrégoire X (1271). Cette règle sous-entend que l'élu est de sexe masculin, et invalide donc l'élection d'une femme (qui ne peut être ordonnée ausacerdoce). La constitution n'interdit pas l'élection d'un homme marié (de nombreux papes l'ont été), mais contraint l'élu à abandonner sa vie conjugale. En pratique, les seules personnes susceptibles d'être élues à l'époque moderne sont les cardinaux du collège : le dernier non-cardinal élu pape estUrbain VI en 1378.
Pour procéder à l'élection, les cardinaux se réunissent enconclave. Depuis 1878, cet événement a lieu à lachapelle Sixtine.
Avant chaque scrutin, des bulletins de vote sont distribués aux cardinaux électeurs, puis un tirage au sort désigne parmi eux trois scrutateurs, trois délégués pour recueillir les votes des malades et trois réviseurs. Ce tirage au sort est effectué par le dernier cardinal-diacre.
Débute ensuite le scrutin proprement dit. Les cardinaux électeurs ont à leur disposition des bulletins de vote rectangulaires comportant sur la partie supérieure l'inscription « Eligo in Summum Pontificem ». Chaque cardinal inscrit le nom qu'il choisit dans la partie inférieure. Il se dirige ensuite vers l'autel de la chapelle où est placé un calice recouvert d'un plateau sur lequel il dépose son bulletin plié en deux. Il prononce alors la formule : « Je prends à témoin le Christ Seigneur, qui me jugera, que je donne ma voix à celui que, selon Dieu, je juge devoir être élu », puis fait glisser son bulletin dans le calice.
Dès que tous ont voté, les scrutateurs procèdent au décompte des voix. Une fois dépouillés, les bulletins sont rassemblés à l'aide d'une aiguille le long d'un fil. Si la majorité de deux tiers n'est pas atteinte, les bulletins ainsi que les notes des cardinaux sont brûlés dans le poêle de la chapelle Sixtine et un fumigène ajouté pour donner une fumée noire. Un nouveau scrutin est organisé, aussi souvent que nécessaire jusqu'à l'obtention de la majorité requise.
Quand la majorité est atteinte, l'élu peut accepter ou refuser. S'il accepte, on lui demande aussitôt le nom de règne qu'il a choisi, ce changement de nom signifiant que ses actes ne sont plus ceux d'une personne à titre privé, mais ceux, apostoliques, du souverain pontife. Les bulletins de vote et les notes des cardinaux sont alors brûlés dans le poêle de la chapelle de façon à produire une fumée blanche. Le décompte des voix, remis au nouveau pape, est ensuite conservé dans les archives du Vatican, dans une enveloppe scellée qui ne peut être ouverte que par autorisation expresse du pontife. L'élection est annoncée par les motsHabemus papam (« Nous avons un pape ») à la foule réunieplace Saint-Pierre.
Les cardinaux ont l'interdiction de divulguer la moindre information sur le déroulement de l'élection sous peine d'excommunication.
Le pape ne reçoit aucune rémunération[54]. Tous ses frais — qu'il s'agisse de nourriture, loyer, maladie, assistant ou voyage — sont réglés par l'État de laCité du Vatican. Il ne paie pas d'impôt ni au Vatican, ni dans son pays d'origine[55].
Labulle (du latinbulla, le sceau) est un document scellé par une boule de métal (d'où son nom) ou plus simplement par un cachet de cire. Une bulle est un décret en forme solennelle traitant du gouvernement de l'Église et présentant un intérêt public. C'est la forme employée pour convoquer un concile et en publier les décrets.
Lebref apostolique est un acte administratif ainsi nommé en raison de sa brièveté. Il ne comporte ni préambule ni préface. Le bref est d'importance moindre qu'une bulle. Il porte sur une décision ou une déclaration, mais il a en principe un caractère privé. Au sens strict, c'est un document scellé par l'anneau du pêcheur, qui marque l'autorité du pape. Il est scellé de cire rouge, et est souscrit par le secrétaire du pape.
Lalettre apostolique s'apparente à uneexhortation apostolique pour ce qui est du fond. Dans la forme, elle s'en distingue car elle est adressée à un destinataire particulier, et non à l'ensemble des évêques comme pour une exhortation apostolique ou une encyclique. C'est l'équivalent d'une lettre ouverte publiée par le pape parce qu'elle est d'un intérêt général pour l'Église.
L'encyclique (lettre circulaire) est une lettre adressée par le pape à tous les évêques. Liée à la mission d'enseignement du pape, elle expose la position officielle de l'Église sur un thème donné. Le plus souvent, elle fait abstraction des questions d'actualité, ce qui lui donne une portée générale. Tout en étant destinée aux évêques, l'encyclique s'adresse en pratique à tous les fidèles de l'Église, ces derniers étant confiés à l'enseignement de leurs évêques respectifs. Sauf précision contraire, elle n'engage pas l'infaillibilité pontificale.
Laconstitution apostolique (du latinconstitutio apostolica) est l'équivalent d'une loi dans le domaine civil. Le qualificatif « apostolique » signifie simplement qu'elle est issue du siège apostolique. Sont désignées ainsi les décisions les plus importantes du souverain pontife concernant la foi, les mœurs et l'administration de l'Église. Elle se présente souvent sous forme de bulle.
La signature papale prend la forme « NN. PP. x » c'est-à-dire « untel,Pontifex Primus [premier pontife], numéro tant » (ainsi,Paul VI signait « Paulus PP. VI »), et son nom est fréquemment accompagné dans les inscriptions par les abréviations « Pont. Max » ou « P.M. » — abréviation de l'ancien titrePontifex Maximus,.
Les bulles, décrets et constitutions du pape sont signés « NN. Episcopus Ecclesia Catholicæ » (« NN. Évêque de l'Église catholique »), alors qu'elles débutent par l'appellation « NN. Episcopus Servus Servorum Dei » (« NN. Évêque, serviteur des serviteurs de Dieu »), ce dernier titre datant deGrégoireIer le Grand.
D'autres circonstances officielles voient l'usage de titres tels queSummus Pontifex,Sanctissimus Pater (Très Saint Père — cette formule est d'usage en France pour la correspondance adressée au pape),Beatissimus Pater,Sanctissimus Dominus Noster (Notre Très Saint Père), et à l'époque médiévaleDomnus [et non Dominus] apostolicus (Seigneur apostolique).
Armoiries du Saint-Siège. Celles de l'État de la Cité du Vatican sont identiques, mais la position des clés d'or et d'argent y est inversée[56].
Les « clefs de saint Pierre » qui figurent sur lesarmes pontificales sont un emblème héraldique dont la signification est symbolique et spirituelle, faisant référence à l'Évangile (Matthieu 16:18-19 : « Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux »).
Vicaire de Jésus-Christ (Vicarius Christi) : l'appellation est attestée du temps deGélaseIer, au synode romain du[57]. AuIIe siècle, est également attesté le titre de « vicaire de Pierre », vite tombé dans l'oubli car ecclésiologiquement erroné : d'une part, le pape est le successeur, mais non l'intendant (vicaire) de Pierre ; il est même pleinement « Pierre » à son tour puisqu'il exerce la plénitude du ministère apostolique accordé à Pierre ; d'autre part, le pape rendra compte de ses actes au Christ seul, tout comme Pierre avant lui. C'est pourquoi le titre de « vicaire du Christ » s'est imposé au cours des siècles.Innocent III se proclame en 1214 aussi bien « vicaire du Christ » que « vicaire de Dieu », car la foi catholique déclare en Jésus-Christ Dieu lui-même fait homme[58].
Successeur du prince des apôtres (Pierre) :Successor principis apostolorum.
L'anneau du pêcheur, ou anneau piscatorial (en or), représente l'apôtre Pierre en pêcheur tirant son filet de poissons. Cet anneau est utilisé pour sceller les brefs, les constitutions, les décrets et lesencycliques. Il est personnel à chaque pontife ; le cardinalcamerlingue le brise solennellement immédiatement après la mort ou larenonciation du pape.
Laférule crucifère (portant une croix) est un bâton liturgique réservé au pape, qui le tient dans sa main gauche.
L'analyse du vestiaire papal s'inscrit dans une logique des originesbibliques - le « Saint-Siège ayant une volonté assumée d’inscrire ses traditions vestimentaires dans une lignée antique et médiévale, de les fixer dans quelque chose qui relève de l’éternel »[60].
Les couleursrouge etblanc répondent elles aussi à des considérations historiques et symboliques : au Moyen Âge, la symbolique liturgique se façonne autour des trois couleurs rouge, blanche et noire, et influencera les pratiques vestimentaires nobiliaire et curiale pendant plus de mille ans. Cette association entre un rouge à la figure partagée enpouvoir etpêché, et un blanc historiquement rival du rouge, se retrouve dans les textes au début duXIIe siècle. Le rouge (pourpreromaine) du pouvoir, du prestige romains et de l'autorité rappelle laPassion du Christ, et le blanc devient un symbole de joie (lesanges de latradition juive sont vêtus de blanc) et de pureté christique (blanche est la robe deJésus). Leconcile de Trente (1545 à 1563) fixe définitivement les règles du vestiaire papal (et cardinalice)[60].
Sous l'influence duprotestantisme, le rouge - incarnation de l’opulence théâtrale du Saint-Siège - se retire progressivement du vestiaire papal[60].
Depuis1798, les artisans-tailleurs de la maisonGammarelli sont les fournisseurs officiels du Vatican : ils habillent notamment les papes sur mesure[61].
Pie XII portant une calotte blanche en célébrant lamesse.
Lasoutane blanche est systématiquement portée depuisPie V, qui l'adopta en hommage à l'habit blanc de l'ordre des Prêcheurs auquel il appartenait. Auparavant, le pape était traditionnellement vêtu de rouge, couleur du sang et du martyre de Jésus-Christ, mais aussi référence à la pourpre impériale romaine (voirsupra).
Sur sa soutane blanche, le pape porte uncamail blanc qui couvre les épaules et le haut des bras. Si de nombreux prêtres ou évêques, surtout dans les pays chauds, arborent une soutane blanche, mais d'une coupe et d'une teinte différentes de celle du pape, seul le souverain pontife peut être coiffé de lacalotte blanche. La soutane est maintenue par une ceinture blanche moirée et frappée aux armes du pape sur chacun de ses deux pans.
Lors de certaines audiences le pontife revêt unemozette rouge, qui est un camail fermé sur la poitrine[61]. Quand il reçoit un chef d'État catholique, uneétole est ajoutée au-dessus de la mozette. Une fois par an, durant la semainein albis (« semaine en blanc », c'est-à-dire l'octave de Pâques), il revêt une mozette blanche. Son manteau est unepèlerine rouge tombant jusqu'aux pieds. Le souverain pontife porte parfois un manteau de coupe classique et de couleur blanche à revers croisés.
Son chapeau est rouge. Horsliturgie, le pape porte sur le crâne unecalotte blanche (dite en latin :pileolus ; enitalien :zucchetto qui signifie « petite citrouille ») composée de 8 segments de tissu cousus ensemble[62],[63].
↑De nos jours, lesGrecs appellent encore « pappas » les simples prêtres de l’Église orthodoxe, mais dans le sens classique de « père », équivalent au titre que l'on donne aux prêtres dans l'Église latine ; cf.Stéphanos,Ministères et charismes dans l’Église orthodoxe, Desclée de Brouwer,,p. 33-45 et 105-109.
↑« Et pontifex, qui pro tempore ipsius sacrosanctae Romanae ecclesiae extiterit, celsior et princeps cunctis sacerdotibus totius mundi existat » ;Constitutum Constantini, ch. 12, cité parJosephCanning,Histoire de la pensée politique médiévale (300-1450), Éditions universitaires de Fribourg/Cerf,(ISBN978-2-8271-0944-9),p. 99.
↑Toutefois, « les papes n’ont jamais prétendu à une fusion entre leurs mains des deux pouvoirs spirituel et temporel (fusion qui a pu caractériser des formules théocratique différentes en d’autres temps et d’autres lieux). Le Siège apostolique s’est efforcé, en revanche, d’imposer l’autorité du "glaive spirituel" sur le "glaive temporel" » ;Théry 2010,p. 18.
↑C'est-à-dire un gouvernement supérieur par les détenteurs du sacré ; cf.Théry 2010,p. 18.
↑La renonciation du pape est prévue dans le droit canon (paragraphe 332 § 2 du Code de Droit Canonique).
↑Marie-HélèneCongourdeau,« Pourquoi les Grecs ont rejeté l’Union de Florence (1438-1439) », dans B. Béthouart, M. Fourcade et C. Sorrel,Identités religieuses : Dialogues et confrontations, construction et déconstruction, Université du Littoral Côte d’Opale,coll. « Les Cahiers du Littoral / 2 » (no 9),,p. 41.
↑Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien,vol. I,,p. 460.
↑Marie-HélèneCongourdeau,« Conciles (sept premiers) », dansAndré Vauchez (dir.),Christianisme, Dictionnaire des temps, des lieux et des figures, Seuil,(ISBN978-2-02-096571-2),p. 140.
↑Jeanne-MarieTuffery-Andrieu,« Conclusion », dans Marc Aoun et Jeanne-Marie Tuffery-Andrieu (dirs.),Conciles provinciaux et synodes diocésains du concile de Trente à la Révolution française : Défis ecclésiaux et enjeux politiques ?, Presses universitaires de Strasbourg,coll. « Société, droit et religion »,(ISBN979-10-344-0446-9),p. 410.
↑ab etc[Chapitre II - Les dernierspossessi ou l’entrée du pape dans leXIXe siècle.] Axel LeCorre, « Evolution du vestiaire liturgique papal et cardinalice (1789-1914) »,academia.edu,,p. 36-48(lire en ligne, consulté le).