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L'origine étymologique du substantifpamphlet est incertaine. Dans des textes de 1510, les mots anglaispamphlet,paunflet etpamphlet viendraient depalme-feuillet[5],[6]: feuillet qui se tient dans la main (comme une brochure ou un tract).
Saint-Laurent[8] découvre l'emploi de « πάμφλεκτος /pámphlektos », issu deπᾶς /pâs (« tout ») etφλέγω /phlégô (« brûler ») parSophocle, puis, quelques siècles plus tard, par le rhéteur et grammairienAthénée.
Yves Avril propose une définition du pamphlet dans son articleLe pamphlet : Essai de définition et analyse de quelques-uns de ses procédés. Il s'agit d'un« écrit de circonstance, attaquant plus ou moins violemment, unilatéralement un individu, une idée ou un système idéologique dont l’écrivain révèle, sous la pression urgente et libératrice, l’imposture »[9]. Il s'agit d'un texte appartenant au genre démonstratif qui joue sur des valeurs morales, recourt le plus souvent au blâme, mais peut aussi utiliser l'éloge de manière ironique[10].
Son champ de prédilection est ladoxa, sur laquelle vont jouer ses principaux procédés : coupage notionnel, jeu sur les maximes idéologiques et sur les présupposés implicites du lecteur. Son but essentiel est la réfutation. L'appel au réel, contre le mauvais usage des mots, et la dénonciation desparalogismes et dessophismes de l'adversaire sont les principaux outils de son argumentation[10].
La pratique pamphlétaire remonte aux premières manifestations de l'écriture.
Selon le journalistePierre Dominique dans l'avant-propos deLes Polémistes français depuis 1789 :
« Dès que les hommes surent écrire, naquit le pamphlet qui, sans doute, commença par legraffito injurieux et ordurier, et qui pouvait être illustré, la polémique orale suivant un chemin parallèle, d’où les pamphlets parlés, telsles Philippiques. »
Les Philippiques sont une série de discours prononcés par l'orateur athénienDémosthène, entre351 et341 pour dénoncer les ambitions dePhilippe II de Macédoine. Ils sont considérés comme les premiers écrits pamphlétaires et inspirent ceux de l'orateur latinCicéron qui rassemble, trois siècles plus tard, sesQuatorze discours contreMarc Antoine sous la même appellation (voirLes Philippiques).
Le pamphlet ne se limite pas aux sujets politiques. Le théâtre d'Aristophane s'apparente également à une forme pamphlétaire : il dépeint des dieux ridicules et satirise la ville d'Athènes et ses habitants.
Le pamphlet enFrance, toute forme confondue - desfabliaux duMoyen Âge aux innombrables brûlots révolutionnaires - s'accole aux soubresauts de l'histoire. Il révèle la situation intellectuelle et sociale du pays. Il mesure la marge laissée au droit d'expression.
La Satire Ménippée (1594), œuvre collective de juristes, d'ecclésiastiques et de poètes, est née sous l'impulsion du chanoine rouennais Pierre Le Roy. Elle est étroitement associée à la période de la Ligue. Elle reste un exemple d'efficacité dans son soutien àHenri IV.
Il ne s'agit pas de la première œuvre polémique en France. De grandes plumes s'étaient déjà distinguées dans le genre :Alain Chartier avec sonQuadriloqueinvectif (1422), appel vibrant à la nation française.Montaigne s'est adonné à la violence littéraire dansL’Apologie deRaymond Sebond, premier article de sesEssais :« La plus calamiteuse et fragile de toutes les créatures, c’est l’homme (…). Elle se sent et se voit logée parmi la bourbe et le fient du monde, attachée et clouée à la pire, plus morte et croupie partie de l’Univers (…). »
Le règne deLouis XIV connaît les éreintements deBoileau, les pièces satiriques deMolière et lesProvinciales dePascal.
Au XVIIIe siècle,Voltaire pratique la satire de manière indirecte, tandis que les chansonniers, toujours actifs, tournent en dérision les maîtresses deLouis XV, puis deMarie-Antoinette.
Peuvent être considérés comme pamphlets les romans et ouvrages singuliers, théoriquesphilosophiques,pornographiques,psychologiques et fortement sulfureux deSade (1740-1814), ce qui lui a valu de passer 30 années en prison sur ses 74 années de vie.
À la fin du règne deLouis XVI, les libellés insultants ou obscènes se multiplient :Mirabeau, en, avec leJournal des États généraux, suivi de nombreuses feuilles qui rivalisent de violence ;Le Père Duchesne d'Hébert : il entrecoupe ses appels au massacre de « bougre » et de « foutre », pour « faire peuple ». Certains numéros atteignent les 600 000 exemplaires vendus ;Camille Desmoulins qui se surnommait le « Procureur de la Lanterne » avecLes Révolutions de France et de Brabant.Marat, dansL'Ami du Peuple, qui réclame la tête de 270 000 âmes. Côté royaliste,Rivarol, avec sonJournal politique national, et qui doit s'exiler en.
En 1800,Bonaparte fait édicter le décret du soumettant à censure toute parution de presse. Treize journaux obtiennent le privilège de passer outre. L'empereur n'échappe pas aux plumes acérées.Chateaubriand écrit :« Tibère ne s’est jamais joué à ce point de l’espèce humaine… Bonaparte disait de lui-même : « J’ai 300 000 hommes de revenu. » Il a fait périr plus de un million de Français, la plus grande crise démographique française duXIXe siècle due à la guerre… Descends de ce monceau de ruines dont tu avais fait un trône ! ».
Les critiques contre ce genre d’écrit, les moyens mis en œuvre pour le faire disparaître, ou pour le cantonner à une verdeur de bon aloi, demeurent vigoureux.
Marc Angenot souligne le paradoxe de la situation de cet écrivain de combat :« (…) le pamphlétaire est porteur d’une vérité à ses yeux aveuglante, telle qu’elle devrait de toute évidence imprégner le champ où il prétend agir – et pourtant il se trouve seul à la défendre et refoulé sur les marges par un inexplicable scandale. »[13].
À ces attaques intellectuelles s'ajoutent l'arsenal juridique et les pressions économiques qui s’exercent sur les éditeurs, dans le but de brider les élans d'indignation.
Dans son « Anthologie du pamphlet de la Libération à nos jours » (août-),Le Crapouillot, « magazine non conformiste » selon sa propre définition, s'inquiète de l’avenir du genre pamphlétaire :« Aujourd’hui, (…) non seulement les plumes s’alanguissent dans un conformisme douillet et sans histoire, mais celles qui refusent le ronronnement de bonne compagnie, celles qui veulent demeurer acérées pour mieux atteindre leur cible, se voient impitoyablement traquées, traduites devant les tribunaux et condamnées. Outrage à ceci… offense à cela…, et voilà le pamphlet ficelé, étranglé par le code ! »[pertinence contestée].
Dix ans plus tard, le journal confirme ce constat :« L’écriture est de plus en plus aseptisée, les plumes se trempent de plus en plus dans la poussière et de moins en moins dans le vitriol. » V. Hugo.