Au début duXVIIe siècle, laMésopotamie commence à attirer les voyageurs européens, commePietro Della Valle, qui évitent les environs de Palmyre, alors occupés par des tribus bédouines hostiles[1]. En 1678, une première expédition de seize marchands anglais accompagnés de vingt-quatre serviteurs, organisée notamment par l'orientaliste et aumônier de laLevant CompanyRobert Huntington, tourne mal. L'émir local craint que les curieux ne révèlent leurs positions auxTurcs, et les contraint à partir après le paiement d'une rançon. En 1691, une seconde tentative réussit et le pasteur Wiliam Hallifax témoigne de ses observations dans lesPhilosophical Transactions en 1695[2]. Au côté des inscriptions grecques, il reproduit descaractères palmyréniens, variante de l'araméen alors indéchiffrable[3]. Palmyre est à l'époque et jusqu'aux premières fouilles d'Herculanum la ville antique la mieux préservée connue[2].
Gravure du Temple de Baalshamin, par Robert Wood.
Après un voyage de deux ans en 1751-1752, accompagné des antiquaires John Bouverie etJames Dawkins[4],Robert Wood publie en 1753The ruins of Palmyra ; otherwise Tedmor in the desert. Cet ouvrage, regroupant des descriptions et des dessins des monuments, connaît un succès notable en Europe. À partir de copies d'inscriptions bilingues plus soignées que celles antérieures,Jean-Jacques Barthélemy déchiffre le palmyrénien et présente le résultat de ses travaux en 1754, devant l'Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres[2],[5].
L'étude scientifique du site commence véritablement au début duXXe siècle, avec les campagnes allemandes d'Otto Puchstein en 1902, deTheodor Wiegand en 1917 et deDaniel Krencker(en) en 1928. Un bilan de ces recherches est publié en 1933, dans lequel la description des monuments, accompagnée de dessins des coupes architecturales et un compte-rendu des restaurations, fait encore autorité[6],[7].
En 1929, alors que le territoire est sousmandat français,Henri Seyrig, directeur des Antiquités de Syrie et du Liban, initie et supervise la campagne de dégagement et de restauration dutemple de Bêl après en avoir expulsé les habitants[8].Robert Amy, architecteDPLG, s'acquitte de cette tâche de 1935 à 1945, mais s'intéresse également à la refection des Trois Arcs, ainsi qu'à l'étude de latour d'Elahbel et de l'hypogée Iarhai[9]. De 1933 à 1935,Daniel Schlumberger dégage des sanctuaires de la Palmyrène et étudie le développement urbain de la ville, écrivant par la suite sur sa fiscalité et ses cultes[10]. En 1965 et 1967,Robert du Mesnil du Buisson dirige deux campagnes, dont l'un des buts est de chercher des vestiges antérieurs à l’époque hellénistique[11]. L'étude du matériel archéologique tiré du sondage dutemple de Bêl par cet archéologue révèle une relation privilégiée entre l'oasis de Palmyre et la vallée de l'Oronte au milieu duIIIe millénaire av. J.-C[12]..
De 1959 à 1966,Kazimierz Michałowski débute les premières campagnes polonaises et découvre des erreurs dans les plans urbains précédemment élaborés. Donnant lieu à cinq volumes[13], les recherches portent notamment sur le temple des Enseignes,principia ducamp romain, et ses abords[14].Anna Sadurska lui succède en 1970, puisMichał Gawlikowski à partir de 1973, dirigeant les fouilles pendant près de quarante ans[15]. En mai 2005, c’est une équipe polonaise qui, fouillant le temple de Lat, a mis au jour une statue de pierre très finement détaillée deNikè (déesse ailée de la Victoire).
Quand lesSéleucides prennent le contrôle de laSyrie en -323, la ville devient indépendante. Mais de la fin duIVe siècle av. J.-C. jusqu'en -41, la situation de la ville ne nous est pas connue.
Palmyre était un point de passage sur une des deux routes (ou pistes) antiques conçues pour faciliter la traversée du désert, menant deSippar (ouAbu Habbeh(en)) àQatna (en Syrie). Cette route se divisait en plusieurs sous-branches pour finalement aboutir aux portsphéniciens, àDamas, enPalestine, et également enÉgypte[18].
La ville faisait partie d’un réseau marchand reliant laSyrie à laMésopotamie et à la côteméditerranéenne. Le nom de Palmyre est mentionné pour la première fois dans les sources gréco-romaines en -41, quandMarc Antoine lança ses troupes contre elle, pour leur procurer du butin. En -41, en effet, les Romains tentèrent de piller Palmyre, mais échouèrent, les habitants de la ville s’étant réfugiés avec leurs biens de l’autre côté de l’Euphrate. On en déduit que les Palmyréniens de cette époque étaient encore pour l’essentiel desnomades, vivant de l’élevage et du commerce caravanier.
Intégrée à l’Empire romain sousTibère, en l'an 19, dans le cadre de la province romaine deSyrie, Palmyre entretint d'étroites relations avec la principauté desSampsigéramides qui s'étendait autour d’Aréthuse et d’Émèse, cette dernière constituant le débouché naturel vers la mer pour le commerce de Palmyre. Dans une inscription provenant du temple de Bel à Palmyre, SampsigéramosII est d'ailleurs désigné comme « roi suprême »[21]. SelonPline l'Ancien, leterritoire de Palmyre confinait à celui d'Émèse (aussi appelé « l'Émésène »[22])[23],[a] en 1936[24], érigée sousHadrien (117-138) ou l'un de ses successeurs[25] et portant l'inscription ci-après reproduite :
Palmyre atteignit ensuite son apogée sousHadrien, qui la visita en 129. À cette occasion, elle prit le titre d’Hadriana Palmyra, épithète qui traduit habituellement une aide matérielle puissante de l'empereur, sans qu'il faille y voir l'octroi juridique d'un statut de cité libre[27]. C’était une ville splendide, qui se développa jusque sous les Sévères. En 212, l’empereurCaracalla promut Palmyre et sa voisineÉmèse au statut decolonie romaine[28]. L’armée romaine y entretenait une garnison de soldats auxiliaires dans un camp au nord de la ville.
En jaune, l’Empire de Palmyre vers 260.
Au cours de lacrise du troisième siècle, Palmyre échappa aux invasions perses qui ravagèrent la Syrie en 252 et 260. Après 260, ce fut un notable de Palmyre,Odénat, qui fut chargé par l’empereurGallien de coordonner la défense de l’Orient. Quand sa veuveZénobie tenta de prendre le pouvoir comme impératrice avec son filsWahballat, Palmyre se retrouva impliquée un peu malgré elle dans une guerre civile romaine. En 272, vaincue parAurélien àAntioche, puis àÉmèse, Zénobie se replie avec ses troupes sur Palmyre, où Aurélien vient la poursuivre. Dans un premier temps, les notables de Palmyre se rallient à Aurélien et chassent Zénobie, qui est arrêtée. Aurélien laissa à Palmyre une petite garnison et rentra en Italie. À ce moment éclate dans la cité une révolte qui tente de remettre le pouvoir à Antiochos, père de Zénobie. Aurélien revient sur ses pas, mate la révolte, mais ne semble pas avoir exercé de représailles sur la ville. Le sanctuaire d'Hélios fut cependant pillé[29] ; l’empereur réquisitionna tout le quartier ouest de la ville pour y installer à demeure laLegio I Illyricorum[30].
Écrites en grec et enpalmyrénien, les très nombreuses inscriptions retrouvées sur place permettent de connaître l’organisation de la cité à l’époque romaine[36]. Palmyre adopta les institutions grecques : elle était gouvernée par uneboulè, assemblée des principaux propriétaires terriens, et undémos (peuple) constitué des citoyens. Les responsabilités particulières étaient confiées à des magistrats pris dans laboulè, tels que lesarchontes, renommésstratèges lors l'accession au statut de colonie romaine[37], ou les agoranomes. Uncurateur oulogistès, sorte de contrôleur des finances, était chargé d'apurer les comptes civiques, dès avant la création de la colonie de Palmyre.
Ces institutions étaient demeurées en place jusqu’auIVe siècle, y compris, semble-t-il, pendant la crise duIIIe siècle, quandOdénat fut salué du titre deresh (en grec « exarque ») de Palmyre : il dut s’agir d’un commandement militaire. Quant au titre de « Roi des rois » porté plus tard par ce mêmeOdénat, et repris par sa veuveZénobie et son filsWahballat, il était purement honorifique en référence aux victoires d'Odénat sur les Perses[38] et n'a pas eu d'impact sur le fonctionnement de la cité, puisque les inscriptions montrent qu’à cette époque, c’est toujours laboulè et ledémos qui font les lois[39].
À côté de ces institutions civiles, les élites de la cité étaient organisées en collèges de prêtres pour le culte rendu aux principaux dieux. Le plus prestigieux de ces collèges était celui des prêtres de Bel, présidé par le symposiarque (« chef du banquet »).
Les commerçants et les artisans de Palmyre étaient organisés eux aussi en corporations : on connaît celles des corroyeurs, des orfèvres, des tanneurs, des fabricants de radeaux d’outres (radeaux « pneumatiques » nomméskeleks utilisés jusqu’auIXe siècle pour transporter des marchandises qui descendaient l’Euphrate ou leTigre)[40]. Palmyre a aussi développé une activité florissante de tissage de soie, laine, coton et lin.
Buste funéraire d’Aqmat, fille d’Hagagu, descendant de Zebida, descendant de Ma’an, fin duIIe siècle,British Museum.
Stèle d'Atenatan Gurai (mort en 133). Ny Carlsberg Glyptothek, Copenhague.
Stèle de la « Beauté de Palmyre » (morte vers 200). Ny Carlsberg Glyptothek, Copenhague.
Dalle funéraire portant une inscription : « [au mois de] Nisan, l’an [3]08. Ceci est la tombe de Zabdibôl, fils de (...) ’Ataraùri des Benê Komrê, qu’il a faite pour lui et ses enfants. » Calcaire, an 4 av. J.-C.Musée du Louvre. Provenance : Palmyre.
Palmyre fut duIer auIIIe siècle la plus grande puissance commerciale du Proche-Orient, prenant le relais dePétra, la cité caravanière desNabatéens. Palmyre exploitait une route caravanière qui, passant par des caravansérails dans lasteppe, gagnait les bords de l’Euphrate et les longeait jusqu’à la région deBabylone. De là, ces caravanes gagnaient le royaume deMésène à l’embouchure duTigre et de l’Euphrate. Des navires partaient de là pour gagner l’Inde ou d’autres ports de l’Océan Indien. Au début des années 2000, une équipe de spéléologues belges a retrouvé une tablette votive laissée par un Palmyrénien nommé Abgar, en 258, sur une grotte de l’île deSocotra, au large de laSomalie et possession duHadramawt. Un autre exemple de la présence palmyrène dans ce royaume sudarabique est l'inscription d'ambassadeurs de Palmyre lors de l’intronisation du roi dans les années 210[41].
Les caravanes de Palmyre étaient des entreprises saisonnières et annuelles. Les différents marchands s'associaient pour grouper leurs expéditions, sous la responsabilité d'un « synodiarque » ou « chef de caravane », puissant commerçant qui prenait en charge une partie des frais. Si des caravansérails ont été identifiés par les archéologues aux sorties de la ville, c’est au cœur du quartier monumental que se trouvait le centre commercial, une place entourée de boutiques et nommée « agora » de Palmyre.
Des communautés de commerçants palmyréniens expatriés étaient installées à demeure dans les différentes étapes de ce réseau commercial. On connaît, grâce aux inscriptions, l’existence de cette diaspora àSéleucie du Tigre (au sud de l’actuelleBagdad) auIer siècle, puis àCtésiphon (capitale desParthes, face à Séleucie), à Vologésias, cité commerciale fondée par lesParthes sans doute non loin du site deBabylone, et surtout à Spasinou Charax (ou Charax de Mésène), capitale du royaume deMésène. Là, la communauté palmyrénienne était si implantée et si influente que des Palmyréniens pouvaient y occuper des fonctions officielles auprès du roi. D’autres Palmyréniens étaient implantés en Égypte sur les bords de lamer Rouge. Enfin, il existait une communauté palmyrénienne àRome même, installée auIIe siècle dans le quartier duTrastevere.
Ce trafic caravanier s'est poursuivi jusqu’aux années 260, y compris quand la Mésène et la Mésopotamie étaient sous la domination des PersesSassanides. C’est après l’assassinat d’Odénat en 267-268, et la tentative de prise du pouvoir parZénobie que les caravanes cessent d’être attestées. Beaucoup plus tard auVIe siècle, c’est la ville dela Mecque dans leHedjaz qui prend la succession de Palmyre comme plaque tournante ducommerce caravanier.
Pour protéger ces caravanes, les Palmyréniens se faisaient aussi soldats. Le territoire de Palmyre, au nord de la ville, possédait auIIe siècle de véritablesharas dans la steppe où l’on élevait des chevaux, à des fins qui ne pouvaient être que militaires. La ville elle-même avait une garnison de l’armée régulière romaine, mais lesbédouins ou les paysans du territoire de la cité formaient des guerriers montés sur des chevaux ou deschameaux et combattant à la lance ou à l’arc.
Ces guerriers Palmyréen furent enrôlés dans l’armée romaine, surtout à l’époque desSévères. Certains furent incorporés à l’armée régulière, comme laXXecohorte des Palmyréniens, unité de cavalerie qui formait la garnison deDoura Europos, au bord de l’Euphrate, sousSévère Alexandre. D’autres, servant commenumeri, troupes informelles commandées par des officiers romains, mais gardant leur équipement traditionnel, furent basés sur les bords duDanube ou encore, pour desméharistes, dans la province deNumidie (enAlgérie actuelle). Il n’est pas douteux que cette cavalerie palmyrénienne ait constitué une grande partie des forces militaires d'Odénat ( -), puis de lareine Zénobie[43],[44],[45],[46],[47].
SelonJean Starcky, les Palmyréniens de l’époque hellénistique adoraient une divinité suprême nommée Bôl (« le Seigneur » enaraméen ). Très tôt, sous l’influence deBabylone, ce dieu suprême fut désigné comme Bel, forme babylonienne. D’autres dieux lui étaient associés commeAglibôl (dont le nom conserve la forme ancienne) etMalakbêl, littéralement « l’Ange (malak) du Seigneur (Bel) ». Ce sont là, semble-t-il, les dieux historiques de Palmyre.
Avec l’arrivée d’autres Syriens ou de nomades arabes de plus en plus nombreux, d’autres dieux vinrent ajouter leurs sanctuaires à celui de Bel, voire s’y assimilèrent. C’est ainsi qu’on éleva un temple au dieu solaire syrienBaalshamin (littéralement « le Seigneur (Baal) des Cieux (shamin) »), qui fut assimilé à Bel.
D’autres Arabes édifièrent à l’ouest de la ville un sanctuaire à la déesse arabeAl-Lat, assimilée par les Grecs àAthéna. Dans ce temple, fouillé par les archéologues polonais, ont été retrouvées deux statues d’Al-Lat : la première, duIer siècle, représente la déesse comme un lion protégeant une gazelle (voirLion de Palmyre) ; la seconde, plus récente, est tout simplement une statue en marbre d’Athéna, dans le style dePhidias, importée deGrèce.
Au sud du sanctuaire de Bel se trouvait le sanctuaire deNébo, un dieu d’origine babylonienne, assimilé par les Grecs àApollon.
D’autres dieux étaient attestés à Palmyre : Arsou et Azizou, dieux chameliers protecteurs des caravanes, ainsi que le dieuHammon, d’origine sans doute égyptienne.
Le culte le plus important était rendu à Bel, le dieu protecteur de la cité. C’est à lui que fut dédié l’immensetemple de Bêl, entouré de portiques, orné de dizaines de statues de bienfaiteurs ayant contribué à le construire. Ce sanctuaire, à peu près contemporain duTemple de Jérusalem bâti parHérode Ier le Grand, lui était très comparable, tant pour les dimensions que pour la disposition générale et le style architectural. Sur l’immense parvis ouvert sur la ville par despropylées entourés de deux tours se trouvaient un bassin, un autel monumental pour les sacrifices, une salle des banquets où se réunissaient les prêtres de Bel, et surtout lacella monumentale, à laquelle sans doute seuls les prêtres pouvaient accéder. À l’intérieur, deux niches surélevées (l’équivalent duSaint des Saints) contenaient les statues divines. Concession à l’Empire romain, on y plaça auIer siècle aussi la statue deGermanicus et deTibère.
Le dieu était peut-être aussi présent sous la forme d’unbétyle. Une niche, creusée dans le mur extérieur de lacella, abritait sans doute une pierre sacrée à laquelle les pèlerins pouvaient ainsi accéder, comme celle de laKaaba dela Mecque. Unbas-relief représente la procession de la pierre sacrée (ou est-ce autre chose ?), placée sur un chameau dans unequbba fermée par des tentures, et au passage de laquelle les femmes voilent complètement leur visage de manière rituelle.
Palmyre fut prise auVIIe siècle par lesMusulmans, quand elle ouvrit ses portes en 634 àKhalid ibn al-Walid. Sous les califesomeyyades, la ville évolue. La construction de boutiques au beau milieu de la grande colonnade transforme cette artère principale ensouk, comme dans les autres villes de Syrie. Les califes firent construire dans la steppe aux environs de Palmyre des domaines luxueux, comme Bkhara au sud-est (ancien fort romain transformé en châteauomeyyade), ou le magnifique palais de Hisham à Qasr el Heyr el Gharbi, à l’ouest de la ville. Palmyre elle-même eut à souffrir des guerres civiles qui aboutirent à la fin des Omeyyades.
Après laPremière Guerre mondiale, la Syrie estoccupée par les Français dans le cadre d’unmandat de laSociété des Nations. L’armée française implante à Palmyre une unité deméharistes et construit un terrain d’aviation pour le contrôle aérien de la steppe. Les fouilles archéologiques sont organisées sur une grande échelle : le village qui occupait le sanctuaire de Bel est détruit et la population relogée dans une ville moderne construite au nord du site archéologique, tandis que le temple antique est restauré. Le nom deRobert du Mesnil du Buisson, directeur de plusieurs missions archéologiques en Syrie et en Égypte entre 1919 et 1939, reste d'ailleurs« attaché à une importante mission archéologique française à Palmyre dont il eut la charge[48] ». Lors de laSeconde Guerre mondiale, Palmyre est prise par les Britanniques le, après unebataille de treize jours contre les troupes françaises durégime de Vichy[49].
Depuis l’indépendance de la Syrie en 1946, la ville moderne deTadmor s’est considérablement développée. Le terrain d’aviation est devenu une base militaire, mais le projet d'en faire un aéroport civil pour développer le tourisme n’a jamais été mené à bien.Sa prison, utilisée par le régime jusqu'en 2015 pour y enfermer des opposants nationaux et étrangers, est réputée comme l'une des plus inhumaines au monde, en raison des conditions de détention, des actes de torture ou des exécutions sommaires de prisonniers[50].
Comme dans l’Antiquité, la ville vit de l’agriculture dans l’oasis, de l’élevage bédouin dans la steppe, tandis que les profits autrefois tirés du grand commerce sont remplacés par les revenus non négligeables du tourisme.
En mai 2015, Palmyre est le théâtre d'unebataille entre le régime syrien et lesdjihadistes de l'État islamique. Des combats ont lieu à seulement un kilomètre des ruines, avant que l'armée n'évacue la ville. La progression de l'État islamique, qui a déjà produitdes destructions volontaires de ruines en Irak, notamment àNimroud etHatra fait alors craindre le pire pour le site de Palmyre[52],[53],[54]. Le 21 mai 2015, l'État islamique contrôle la totalité de la cité antique de Palmyre.
Irina Bokova, directrice-générale de l'UNESCO, appelle les parties en présence en Syrie à« protéger Palmyre et à tout mettre en œuvre pour empêcher sa destruction »[55]. Finalement, l'État islamique opte pour un autre registre dans la provocation vis-à-vis de l’Occident puisque le théâtre antique de la ville sert dans la mise en scène de l'exécution de vingt « prisonniers »[56]. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, au moins deux-cent-quatre-vingts personnes sont exécutées à Palmyre en dix mois[57]. Le 29 mai 2015, Abou Leith al-Saoudi, chef des forces de l'État islamique à Palmyre déclare sur une radio syrienne que les statues seront détruites par les djihadistes, mais que la ville antique sera préservée[58],[59].
Le 10 juin 2015, les hommes de l'État islamique détruisent plusieurstombes d'habitants de la ville de Tadmor. Dix jours plus tard, deuxmausolées sont détruits par les djihadistes ; celui de Mohammad Ben Ali, à quatre kilomètres au nord de Palmyre, et un mausolée de Chkaf, celui de Nizar Abou Bahaeddine, vieux de cinq-cents ans et situé dans une oasis, près du site antique[60]. Le 21 juin 2015, l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) annonce que les djihadistes de l'État Islamique ontminé le site[61]. Fin juin 2015, les djihadistes détruisent la statue duLion d'Athéna, pièce unique de trois mètres de haut qui avait été découverte en 1977 par une mission archéologique polonaise[62]. Le 18 août 2015, l'ancien directeur des Antiquités de Palmyre,Khaled al-Asaad, expert de renommée mondiale du monde antique, est décapité par les hommes de Daech[63]. La destruction de vestiges imposants démarre fin août 2015 avec letemple de Baalshamin[64],celui de Bêl[65], puis sept tours funéraires, dont trois qui étaient particulièrement bien conservées[66]. L'Arc triomphal[67] et un certain nombre de colonnes[68], vestiges pourtant non reliés au culte, sont détruits en octobre 2015.
La destruction de Palmyre a été considéré comme un acte de 'terrorisme culturel' par certains archéologues comme Paul Newson et Ruth Young, dont la destruction a servi à l'effacement de la culture du temple[69].
Lechâteau Qalat ibn Maan est également endommagé entre le 21 et le 24 septembre 2015 par des bombardements du régime syrien[70].
Le, les forces syriennes, iraniennes, russes et les milices chiiteslancent une offensive pour reprendre Tadmor et Palmyre[71]. Le 25 mars, les loyalistes reprennentle château[72],[73]. Le 27 mars, la ville est entièrement reprise[74]. Selon le directeur des antiquités et musées de Syrie (DGAM(en)) Maamoun Abdelkarim[75], 80 % des sites archéologiques auraient été épargnés par les djihadistes[76]. Le musée de Palmyre, quant à lui, a été entièrement saccagé par les djihadistes avant leur départ, comme le révèle Annie Sartre-Fauriat, expert de l'UNESCO pour le patrimoine syrien[77]. SelonMichel Al-Maqdissi, ancien responsable des fouilles et des études archéologiques de Syrie de 2000 à 2012, la reconstruction du Lion d'Athéna et de l'arc triomphal ne poserait pas de problème, puisque tous les éléments les constituant sont restés presque intacts, prêts à être remontés. Pour les temples de Baalshamin et de Bêl, l'archéologue est plus prudent : les pierres ayant totalement explosé, il considère leur reconstruction comme impossible[78].
Le 5 mai 2016, un concert intitulé« Prière pour Palmyre, la musique redonne vie auxmurs antiques » est donné pour célébrer la libération de la cité antique. L'orchestre duMariinsky dirigé parValeri Guerguiev joue duBach (chaconne,2e partita), duProkofiev et duChtchedrine, avec la participation du violoncellisteRoldouguine. L'assistance est de quatre cents personnes, composée d'une délégation de l'UNESCO, de soldats syriens, irakiens et russes, de dignitaires locaux et des habitants des environs. Il est retransmis en direct à latélévision syrienne et à latélévision russe[79].
Le, l'archéologue Hermann Parzinger, président de la Fondation des biens culturels prussiens, la plus grande Fondation culturelle allemande, affirme que des fouilles illégales et des pillages sont commis à Palmyre par des soldats syriens après leur service[80].
Mais en décembre 2016, l'État islamique mèneune nouvelle offensive. Malgré les bombardements de l’aviation russe, l'EI reprend la ville le 11 décembre, après trois jours de combats[81]. En janvier 2017, l'État islamique détruit letétrapyle et endommage la façadedu théâtre romain[82].
Le siteest repris par les loyalistes début mars 2017[83].
Vu comme symbole de la résilience et de la diversité de la culture syrienne, le Tétrapyle de Palmyre figure dans les armoiries d'unmouvement intercommunautaire syrien créé par des notables de la société syrienne en 2019[84]. L'artiste réfugié syrien George Baylouni a pour sa part réalisé en 2012 un tableau (acrylique sur toile - 149 × 100 cm)[85] représentant la reine Zénobie ensanglantée. Le peintre ayant perçu dans un éclair visionnaire - trois ans avant le saccage du site archéologique de Palmyre - un désastre à venir.
Le site archéologique de Palmyre témoigne de l’existence d'« une grande ville qui fut l'un des plus importants foyers culturels du monde antique » : il est qualifié comme d'une« valeur universelle exceptionnelle » par l'UNESCO[17].
La première section des fouilles se termine par un monument en grande partie restauré, appelététrapyle (monument à « quatre colonnes »), qui consiste en un soubassement soutenant quatre ensembles de quatre colonnes (une seule de ces colonnes est d’origine, engranite égyptien). Il a été détruit par l'État islamique en janvier 2017[82].
Une rue transversale mène au camp de Dioclétien, construit par le gouverneur deSyrie Sosianus Hieroclès[89], avec le reste de la grandeprincipia centrale (salle abritant les insignes des légions).
Les fouilles ont permis de repérer à Palmyre de grandes maisons àpéristyle dans les quartiers nord et nord-est de la ville ; on voit au sud-est de la ville antique les vestiges de luxueuses maisons décorées demosaïques, comme la « Maison d'Achille », avec ses dix-sept pièces, et celle « de Cassiopée »[90]. Ces mosaïques, de facture très raffinée, présentent des thèmes de lamythologie grecque : elles ont été réalisées par des artistes originaires d'Antioche, vers la fin duIIIe siècleapr. J.-C.[91].
En dehors des murs de leur cité, les Palmyréniens construisirent de nombreux monuments funéraires, pour la plupart familiaux[94]. Une partie des vestiges forme aujourd'hui la « vallée des tombeaux »,nécropole qui s’étend sur une longueur d’un kilomètre, avec une série de grandes structures très richement décorées. Les tombeaux sont principalement de trois types : tours funéraires de plusieurs étages,hypogées en sous-sol pour les classes moyennes, et temples-tombeaux pour les plus tardifs[95],[96].
Ces tombes ont été creusées ou construites avec des compartiments (« loculi »)[97] où les morts reposaient étendus. Dans l'hypogée des « Trois Frères », le plus beau des tombeaux de Syrie, la riche décoration utilise en particulier la couleur bleue, coloris le plus difficile à obtenir et par conséquent le plus coûteux[98]. Des stèles calcaires, avec des bustes des défunts revêtus ducostume gréco-romain, ouperse, sculptés enhaut-relief, scellaient l’ouverture rectangulaire des compartiments. Ces reliefs, qui représentent la personnalité ou l’âme du défunt, s’intègrent à la décoration murale de la chambre funéraire. Sur le couvercle des sarcophages, le personnage sculpté étendu porte toujours le long pantalon plissé sous la tunique brodée, caractéristiques du costume parthe[99],[96].
Les stèles qui représentent des scènes de banquets correspondent au tombeau collectif d’une famille plutôt qu’à celui d'un individu. Les tombeaux étaient souvent construits par des frères pour eux-mêmes et leurs descendants mâles[95],[96].
↑André Dupont-Sommer, « Jean-Jacques Barthélemy et l'ancienne Académie des Inscriptions et Belles-Lettres »Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,115e année, N. 4, 1971.p. 707-725.
↑Franz Cumont, « Wiegand (Theodor), Palmyra »,Revue belge de philologie et d'histoire, tome 12, fasc. 3, 1933,p. 724-726,Lire en ligne
↑Will Ernest, « Notice sur la vie et les travaux d’Henri Seyrig, membre de l'Académie »,Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,137e année,no 2, 1993.p. 384-394,Lire en ligne
↑Will Ernest, « Robert Amy (1904-1986) »,Syria, tome 64, fascicule 1-2, 1987,p. 149-150,Lire en ligne
↑Pierre Amandry, « Notice sur la vie et les travaux de M. Daniel Schlumberger, membre de l'Académie »,Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,122e année,no 2, 1978.p. 482-497, 485,Lire en ligne
↑Robert du Mesnil du Buisson, « Première campagne de fouilles à Palmyre »,Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,110e année,no 1, 1966,p. 158-190,Lire en ligne
↑Michel Al-Maqdissi, « Note sur les sondages réalisés par Robert du Mesnil du Buisson dans la Cour du sanctuaire de Bêl à Palmyre »,Syria, tome 77, 2000,p. 137-158,Lire en ligne
↑Michel Gawlikowski,« Lesprincipia de Dioclétien à Palmyre : actes du colloque de Strasbourg, 26-28 janvier 1984 », dansLe dessin d'architecture dans les sociétés antiques, Strasbourg, Université des Sciences humaines de Strasbourg,, 344 p.(présentation en ligne),p. 283
↑StéphaneValter,La construction nationale syrienne : Légitimation de la nature communautaire du pouvoir par le discours historique, CNRS Éditions via OpenEdition,, 533 p.(lire en ligne), page 135.
↑Robin Christian Julien, Gorea Maria. « Les vestiges antiques de la grotte de Hôq (Suqutra, Yémen) (note d'information) »,Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,146e année,no 2, 2002.p. 409-445, DOI 10.3406/crai.2002.22441
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