Poséidonia (engrec ancien :Ποσειδωνία) est unecolonie grecque fondée en 600 av. J.-C. sur lacôte tyrrhénienne, au sud deSalerne. Après la soumission de l'Italie du sud parRome, marquée par la prise deTarente, lacité devient unecolonie romaine, rebaptisée à l'occasionPaestum en 273-272 av. J.-C., nom le plus couramment utilisé pour désigner le site de nos jours. Elle se trouve sur le territoire de la commune actuelle deCapaccio-Paestum, enCampanie.
La zone de Paestum est fréquentée dès laPréhistoire. Près du temple d'Athéna, un sitenéolithique rapportable à laculture de Serra d'Alto et une nécropolechalcolithique de laculture de Laterza ont été mis au jour et fouillés à la fin des années 1950 et 1960[1]. La nécropoleéponyme de laculture de Gaudo a été découverte durant la Seconde Guerre mondiale à moins de deux kilomètres du site antique[2]. Ce site reste à ce jour le plus important cimetière de cette culture à la fois par le nombre de tombes exhumées et l'abondance du mobilier qu'elles contenaient.
Vers la fin duVe siècle av. J.-C. (probablement vers 420-410), Poseidonia devientlucanienne : les conditions de ce changement ne sont pas connues, peut-être une révolte des Lucaniens travaillant dans la cité, ou plus vraisemblablement, une forte expédition militaire venue de l'intérieur des terres par un contingent fortement armé, face à une cité non-fortifiée, et ne pouvant pas faire face militairement à l'aristocratie militaire indigène. La cité est selon toute vraisemblance rebaptisée « Paiston » ou « Phaiston ». C'est de cette période lucanienne, précédant la conquête romaine, que date l'apparition de la production decéramique paestane à figures rouges, subdivision stylistique et typologique de la céramique italiote à figures rouges (avec lacéramique lucanienne à figures rouges, lacéramique apulienne, campanienne et sicilienne).
Les années 420 - 270 avant notre ère marquent pour la cité une période de renouveau sous l'égide des nouveaux maîtres de la cité, comme en témoignent les nombreuses nécropoles de la cité, ayant livré parmi les plus notables exemples de peinture funéraire étrusco-campanienne. L'élite lucanienne résidant à Paestum se fait en effet fréquemment inhumer dans de vastestombes à chambre, caissonnées par de larges dalles peintes defresques représentant diverses scènes de combat, de retour du guerrier, de jeux funéraires, de batailles, notamment dans les nécropoles d'Andriuolo, de Gaudo, ou encore de Santa Venera. Cette réoccupation des espaces funéraires délaissés par les Grecs de la ville, ainsi que la profonde évolution des rituels funéraires – ostentatoires, impliquant de nombreux objets de prestige dont des armures de bronze complètes – suggèrent aux archéologues l'existence d'une forme d'aristocratie équestre dominant la cité. Au cours de la période, la cité entre dans le complexe jeu diplomatique et militaire qui agite l'Italie centrale et méridionale : objet de traités avec Rome ou Tarente, objet des prédations par les Samnites, ou d'Alexandre le Molosse, Poseidonia-Paestum occupe probablement une place centrale dans la région, au même titre queCapoue, ouNaples.
En 273av. J.-C., les Romains conquièrent la cité et y déduisent une colonie de droit romain. La cité reçoit alors le nom de « Paestum ». Pendant ladeuxième guerre punique et l'intrusion en Italie d'Hannibal, la cité reste fidèle à Rome. Comme de nombreuses cités romaines, elle profite alors de privilèges certains, comme de garder son propre monnayage. La fin de l'époque républicaine est marquée par la romanisation progressive de l'Italie du sud, entrecoupée par des épisodes violents tels que la guerre sociale. Paestum est alors une cité romanisée, intégrée juridiquement à l'espace de l'Italie (différent des provinces). Elle se pare alors de nouveaux édifices, notamment un amphithéâtre, un forum, un rempart monumental en grand appareil, doté de portes à cour, particulièrement bien documentées par les fouilles.
Comme beaucoup de cités littorales durant l'Antiquité Tardive, la ville commence à entrer dans une période de déclin, entre leIVe siècle et leVIIe siècle, probablement à cause de changements dans l'hydrologie côtière, et du manque dedrainage, qui conduisirent à la transformation du port enmarécage, contemporaine de l'arrivée de lamalaria enEurope. Ce phénomène s'observe sur un grand nombre de cités grecques et romaines de la côte tyrrhénienne de l'Italie (Vélia, Laos, etc.).
Au cours duXVIIIe siècle, la mode du « Grand Tour » enflamme les jeunesses européennes issues de familles aisées : il est alors de bon ton de parcourir l'Europe et tout particulièrement l'Italie à la recherche des plus belles œuvres d'art.Rome, laSicile, laCampanie et en particulierNaples (grâce aux premières fouilles dePompéi etHerculanum) sont les lieux les plus fréquentés. Plutôt que d'effectuer un voyage enGrèce (alors sous domination turque) pour aller admirer l'architecture hellène, il est plus aisé d'aller à Paestum explorer les troistemplesdoriques, préservés depuis des siècles.
Le site compte d'importants monuments architecturaux d'époques grecque et romaine, parmi lesquels trois grands temples grecs – deux d'ordre dorique et un d'ordre dorique et ionique – ainsi qu'unbouleutérion et des édifices publics d'époque romaine, dont un petitamphithéâtre romain, uncomitium et unhérôon, petit temple funéraire dédié aux héros fondateurs de la ville. Les remparts de la ville, longs de 4,75 km, sont bien conservés et présentent des phaseslucanienne et romaine. Les quatre grandes portes sont romaines.
Le temple était dédié àHéra, épouse deZeus et divinité tutélaire de Poseidonia.
Ce grand temple est du type périptère ennéastyle, c'est-à-dire doté de 9 colonnes en façade, et de 18 colonnes sur les côtés. L'ensemble mesure 24,35 m × 54 m.
Le plan des aménagements internes est suffisamment bien conservé pour donner une idée de l'ensemble du monument : entre lepronaos et l'adyton, la cella est divisée en deux par une colonnade axiale qui soutenait lescombles.
L'une des singularités de ce temple est son nombre impair des colonnes frontales, qui rendait impossible la vision de la statue de culte depuis l'extérieur, coupant totalement le peuple des fidèles de la divinité et de sa représentation. La colonnade axiale de la cella présentait un double ordre de colonnes, les colonnettes supérieures étant plus courtes et plus minces, de manière à respecter les canons de proportions.
L'autre singularité, entre tous les autres monuments d'architecture dorique, est la décoration végétale du col des chapiteaux, avec des feuilles, parfois même des rosettes et des fleurs delotus, qui ne sont pas sans rappeler les éléments de décoration de l'époque mycénienne. Le couronnement du temple était enterre cuite peinte, avec des décors de têtes de lions et desantéfixes en forme de palmettes.
Il présente aujourd'hui un excellent aspect de conservation, dû à l'abandon de la ville pour cause depaludisme, dès les premiers siècles de l'ère chrétienne.
La conception générale de ce temple semble s'inspirer de celle du temple de Zeus àOlympie. C'est un temple dorique périptère hexastyle de 6 × 14 colonnes, de 24,30 × 59,90 m, élevé sur une crépis à trois degrés.
Lenaos est distylein antis, avec un pronaos et unopisthodome symétriques, enserrant une cella à colonnades internes. Juste après l'entrée de lacella, deux petits escaliers en colimaçon donnaient accès à la toiture. La cella est divisée en trois nefs par deux rangées de sept colonnes doriques, chacune surmontée d'un même nombre de colonnes semblables, mais plus petites.
Le second temple d'Héra, dit « temple de Poséidon »
Architecture interne du second temple d'Héra, dit « temple de Poséidon », vu parGiorgio Sommer, vers 1900
Cella du second temple d'Héra, dit « temple de Poséidon », vu parGiacomo Brogi, avant 1881
Le nombre des colonnes latérales ne répond pas au canon dorique (quatorze colonnes au lieu de treize), même si d'autres temples deGrande-Grèce présentent aussi cette particularité, comme celui deSégeste (Sicile).
Les colonnes sont un peu plus petites, mais plus allongées que celle du modèle d'Olympie. Elles sont aussi d'une taille inhabituelle, très hautes, fortement coniques, d'un diamètre de 2,09 m à la base et de 1,55 m au sommet, mais très peu galbées (entasis). Pour atténuer toute sensation de lourdeur, le nombre des cannelures a été porté à vingt-quatre, ce qui ne répond pas non plus aux règles canoniques de l'ordre dorique.
Les colonnes d'angle ont une section elliptique, dont le grand axe est parallèle à la façade, pour leur donner plus d'épaisseur en vue frontale, et les colonnes latérales ne convergent pas verticalement, comme c'est l'usage généralement.
On trouve ici la disposition, de manière presque unique dans le contexte de la Grande-Grèce, de la convexité du stylobate et de l'entablement, caractéristique de l'architecture dorique en Grèce, par exemple auParthénon et reprise plus tard àSégeste.
Le problème habituel duconflit d'angle desmétopes et destriglyphes a été résolu ici par le déplacement du dernier triglyphe et le raccourcissement de l'entrecolonnement d'angle, de sorte que la dernière métope soit de même longueur que la précédente : l'entrecolonnement des colonnes d'angle est de 4,30 m au lieu de 4,475 m pour les autres colonnes.
Le nom traditionnel de « temple de Poséidon » est hérité du pouvoir imaginatif des découvreurs enthousiastes effectuées au cours duXVIIIe siècle. Les dépôts votifs liés au temple incitent à penser qu'il était dédié àHéra, plutôt qu'àZeus, comme on avait pu l'envisager, en raison des similitudes de conception avec le temple d'Olympie. La présence de deux temples voisins dédiés à la même divinité demeure cependant inexplicable.
Les traces de ce sanctuaire àArgos ont été mises en lumière par les fouilles des archéologues Umberto Zanotti Bianco , Paola Zancani Montuoro, entre 1934 et 1940. Lors des fouilles ont été trouvées environ soixante-dixmétopes sculptées dans du grès local. Les plus anciennes, environ quarante, représentent des épisodes du mythe des douze travaux d'Héraclès (Hercule), ducycle troyen, mais aussi deJason etOreste. Une trentaine de métopes plus récentes représentent notamment des danseuses.On a aussi découvert sur le lieu une statue en marbre d'Héra assise sur un trône et tenant une grenade et unephiale àomphalos comme symboles de la fertilité. On l'appelle Héra Argéia en raison des similitudes avec l'Héra de l'Héraion d'Argos attribuée àPolyclète.Le site de l'embouchure duSélé a été endommagé par le temps et par le pillage des pierres. Les hypothèses sur les bâtiments disparus ou ébauchés seulement, et leur décoration, restent en discussion[4].
Quadrige, fresque provenant d'une tombe lucanienne
Le musée présente une importante collection d'objets antiques grecs de l'Italie méridionale, notamment des objets funéraires, de nombreux vases, des jarres contenant dumiel, mais aussi des armes et des fresques provenant des découvertes faites dans lesnécropoles grecques et lucaniennes des environs de Paestum.
↑Voza, G., 1962. Paestum - Giacimento preistorico presso il tempio di Cerere, in Catalogo della Mostra della Preistoria e della Protostoria nel Salernitano I., Amministrazione provinciale soprintendenza delle antichità, Salerno,p. 12-37
↑Bailo Modesti, G., Salerno, A., 1998. Pontecagnano II, 5. « La necropoli eneolitica. L'età del Rame in Campania nei villaggi dei morti » inAnnali dell'Istituto Orientale di Napoli, sezione di Archeologia e Storia Antica, quad. n. 11, Napoli.
↑L'Héraion de Foce del Sele, découvertes récentes Article de La Genière, Juliette, Greco-Maiuri, Giovanna , Donnarumna, Roberta, Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres Année 1997
Lamboley J.-L.,Les Grecs d’Occident : la période archaïque, Paris, SEDES, 1995.
Greco E.,La Grande-Grèce : histoire et archéologie, Paris, Hachette, 1996.
Mertens D., « La ville et ses monuments », dansLes dossiers de l’archéologie, La Grande‑Grèce, présence grecque en Italie du sud de l’époque archaïque à l’arrivée des Romains, n. 235, juin-août 1998,p. 54–66.