La variété standard de la langue en général et l'orthographe dans son cadre est une création consciente[6], d'abord de divers lettrés, puis de linguistes, étant un fait non seulement linguistique, mais aussisocial etculturel[1],[7]. Elle répond à l'exigence naturelle de lacommunauté linguistique d'avoir des repères communs dans l'écriture de sa langue[5], fixés dans des ouvrages de spécialité (guides,dictionnaires, manuels, etc.)[3]. Elle est fondée sur la réalité de la langue, mais aussi sur divers facteurs extra-linguistiques :historiques,religieux,politiques, etc.[6].
Idéalement, l'orthographe devrait être élaborée selon un seul principe, mais c'est impossible, ses créateurs étant forcés d'en appliquer plusieurs, qui sont contradictoires[2]. C'est pourquoi ses règles ne correspondent pas entièrement à la langue réellement parlée, mais sont conventionnelles[3],[7]. Dans le même temps, la langue étant en évolution continue, l'orthographe en est toujours dépassée[1]. C'est particulièrement évident dans les langues ayant une tradition de la culture écrite relativement ancienne, comme lefrançais, l'anglais, legrec, l'allemand[6], l'irlandais et letibétain[4]. Vu ces faits, selon certains linguistes, l'orthographe ne saurait être considérée comme scientifique, puisqu'elle ne peut avoir la rigueur de la science, d'autant plus qu'elle est marquée par la subjectivité de ceux de ses créateurs qui réussissent à imposer leurs propres solutions[5].
Un exemple en hongrois est l'assimilation rendue par écrit de la marquej[j] de l'impératif par certaines consonnes finales deradical :kér « il/elle demande » →kérj! « demande ! » (sans assimilation) vskeres « il/elle cherche » →keress! « cherche ! » (assimilation de [j] par[ʃ])[14].
En hongrois aussi on accorde plus d'importance au principe morphologique qu'en BCMS. Il est appliqué, par exemple, à l'ajout desdésinences à l'indicatifprésent :dob « il/elle jette » →dobsz [dops] « tu jettes »[6].
En russe également, un mot comme дубdoub « chêne » s'écrit avecбb de façon non-conforme à la prononciation, qui est [dup], avec la pairesourde de /b/, mais avec une désinence à initiale vocalique, l'écriture devient correspondante à la prononciation : дубыdouby « chênes »[11].
Dans une langue comme le français, dont l'orthographe est dominée par les principes historique et étymologique, elle a tout de même une fonction morphologique aussi, entre autres en assurant l'unité du mot dans ses diverses formes qui expriment sestraits grammaticaux, par la conservation à l'écrit de lettres dans des formes où les sons leur correspondant ne se prononcent plus,ex. :prend →prendre,petit →petite[16].
Par ailleurs, c'est l'écriture du mot composé par rapport à celle du groupe de mots homophone du premier qui est fondée sur ces principes. Entre les deux entités il y a une différence de statut lexico-grammatical et de sens. Bidu-Vrănceanu 1997 ne parle que de principe syntaxique, en donnant en guise d'exemple, en roumain,nicio dată (adjectif pronominal +nom) « aucune fois » vsniciodată (adverbe) « jamais »[3].
Iartseva 1990 différencie principe lexico-syntaxique et principe lexico-morphologique, en donnant comme exemple d'application du premier назад и вперёд смотрящийnazad i vperiod smotriachtchi « qui regarde en arrière et en avant » vs вперёдсмотрящийvperiodsmotriachtchi (nom) « homme qui voit loin devant », et pour le principe lexico-morphologique – с начала годаs natchala goda « depuis le début de l'année » vs сначала (adverbe) « d'abord, dès le début »[11].
Bien que son orthographe soit surtout étymologique, dans une langue comme l'anglais également on applique parfois le principe d'économie,ex. :judge « juge » vsjudgment « jugement »[2].
Certains auteurs considèrent ces principes ensemble, avec la dénomination « principe étymologique ou historico-traditionnel »[3], « principe étymologique »[4] ou « principe traditionnel »[11],[12], mais d'autres les différencient[2],[16]. Ces principes sont prédominants dans des langues qui s'écrivent depuis relativement très longtemps[3],[4], causant beaucoup de non-concordances entre écriture et prononciation[2].
Le principe historique se manifeste par la conservation de graphies d'états de l'évolution de la langue antérieurs à un moment donné, c'est-à-dire que l'orthographe est dépassée par l'évolution de la langue.
L'orthographe anglaise reflète l'inventaire des sons dumoyen anglais tardif (fin duXVe siècle). Par exemple, la diphtongue [ou̯] s'écrivaitou, mais a évolué différemment dans descontextesphonétiques différents, alors que la graphieou s'est conservée dans ceux-ci :through [θruː] « à travers »,thousand [ˈθaʊznd] « mille »,thought [θɔːt] « pensée, idée »,though [ðəʊ] « quoique »,tough [tʌf] « difficile »”,cough [kɒf] « toux »,could [kʊd] « a pu, pouvait »[2].
Par le terme « principe étymologique », les auteurs qui le considèrent à part entendent l'introduction dans certains mots, par des lettrés, de caractères supplémentaires par rapport à la forme à laquelle ont évolué ces mots, rien que pour refléter leur étymologie. C'est ainsi que sont apparues en français certaines lettres parasites, non prononcées, dans des mots hérités du latin, telleh danshomme, écrit jusqu'alorsome, oup danscorps (←cors) etcompter (←conter). De même, l'écriture de certains motsempruntés au latin auMoyen Âge a d'abord hésité entre phonologique et étymologique, cette dernière s'imposant finalement,ex. :filosofie →philosophie[18].
En anglais il s'est produit des changements analogues auXIXe siècle, par l'introduction de la graphiedebt « dette », pour rappeler le mot latindebitum, au lieu de « dette », emprunté au français de même origine, oureceipt « recette » (←receit < ancien françaisreceite < latinrecepta)[2].
Des orthographes où le principe phonologique est prédominant ne manquent pas d'écarts en faveur de ces principes.
En hongrois, le seul phonème qui s'écrit de deux façons est /j/ : dans la plupart des casj, maisly dans les mots où ce digramme était prononcé [lj],ex. :gólya [goːjɒ] « cigogne »[12].
Conformément à ce principe, les mots qui se prononcent de la même façon (homonymeshomophones) ne devraient pas êtrehomographes aussi (s'écrire de la même façon), afin d'éviter des confusions[2]. Le principe discriminatif est surtout appliqué dans l'orthographe de langues où c'est le principe historique qui domine. Une série de mots àétymons différents sont arrivés, par évolution, à être homophones et on a ressenti le besoin de les différencier au moins à l'écrit. En français, par exemple, il y a un cas d'homophonie de six mots, sans compter leurs diverses formes selon leurs traits grammaticaux. Ainsi, on prononce de la même façon mais on écrit différemment, avec une graphie évoluée de celle de leurs étymons, les motsceint,cinq,sain,saint,sein etseing[16].
Ce principe est appliqué dans toutes les langues qui utilisent desalphabets bicaméraux avec des majuscules pour différencier les mots utilisés aussi bien comme noms communs ou comme adjectifs, qu'en tant que noms propres, ou qui ont une valeur courante et une valeur spéciale dans un certain contexte[3]. Exemples :
Selon Grevisse et Goosse 2007, dans l'écriture française on met d'ordinaire une majuscule initiale aux noms de dignités, titres et fonctions, y compris quand on s'adresse aux personnes en cause, ainsi qu'auxpronoms etadjectifs pronominaux s'y référant,ex. :Cher Monsieur, ;Docteur, ;Sa Majesté[23]. Mais selon François Daniellou (professeur des universités), on a souvent tendance à mettre trop de majuscules aux noms de fonctions ou d'institutions : on ne met en général pas de majuscule aux noms de fonctions, sauf au début d'une lettre[24].
Dans d'autres langues aussi il y a une telle règle :
Chaque orthographe répertorie les signes de ponctuation à utiliser et donne des règles quant à leur emploi. Certaines façons de les utiliser sont communes à plusieurs langues, d'autres sont différentes.
Un autre exemple est celui de l'utilisation de l'espace par rapport aux autres signes de ponctuation, dans les textesdactylographiés et imprimés. En français, par exemple, il y a une espace[a] avant lepoint-virgule, ledouble point, le point d'interrogation, le point d'exclamation et lesguillemets fermants, ainsi qu'après les guillemets ouvrants[29], alors qu'en espagnol (voir plus haut) ou en roumain[30] il n'y en a pas.