L'Organisation de libération de la Palestine (OLP) est également connue sous le nomMunazzamat at-Tahrir Filastin ouMunaẓẓamat al-Taḥrīr Filasṭīniyyah[4].
Au début des années 1960, les conséquences de ladéfaite des Palestiniens en 1949 pèsent sur le projet d'établissement d'une Palestine indépendante : des centaines de milliers de réfugiés (Nakba), l’annexion par Israël d’une partie des territoiresprévus par les Nations unies pour l’État palestinien, l’annexion de la Cisjordanie par le roiHussein de Jordanie. Seule labande de Gaza, sous contrôle égyptien, garde son autonomie. LeHaut Comité arabe (HCA), qui a dirigé les luttes nationales palestiniennes dans les années 1930 et 1940, est considérablement affaibli[5].
Une cause palestinienne tiraillée entre différents soutiens
La cause palestinienne est soutenue par certains pays arabes, qui cherchent parfois à l'utiliser à des fins politiques.
Le, laRépublique arabe unie (RAU), dirigée parNasser, met à l’ordre du jour de la 31e session duConseil de la Ligue arabe, la création d’une « entité palestinienne ». Il s’agit, pour Le Caire, de mettre sur pied des institutions qui représenteraient lesPalestiniens et d'éviter la « liquidation » du problème palestinien (les États-Unis relancent à l'époque leur projet d’installation des réfugiés palestiniens dans les pays arabes). Nasser espère aussi profiter du soutien des Palestiniens dans son projet de leadership du monde arabe. Enfin, il cherche à dénier auroi Hussein, qui a annexé en 1950 le territoire palestinien connu sous le nom deCisjordanie, le droit de représenter les Palestiniens[5].
En 1959, l’Union nationale palestinienne est créée par la RAU et des élections à un Conseil législatif ont lieu en janvier 1961. LaConstitution provisoire de Gaza stipule que l’Union nationale « comprend tous les Palestiniens, où qu’ils se trouvent ». La mise en place de ces institutions consacre la rupture entre leHaut comité arabe et Nasser. Le grand mufti quitte l’Égypte le pour se réfugier au Liban où il reçoit une aide du généralAbdel Karim Kassem, qui vient de renverser la monarchie irakienne le[5].
De son côté, Kassem lance, en décembre 1959, l’idée d’une « République palestinienne immortelle ». Selon lui, les Palestiniens doivent suivrela voie algérienne, celle de leur propre libération, sans attendre une hypothétique unité arabe. Il est le premier chef d’État arabe à proposer la création d’un État palestinien indépendant, à partir de la Cisjordanie et de Gaza, territoires sous contrôle arabe, puis dans toute la Palestine. Le, le journal officiel irakien annonce la mise sur pied d’uneArmée de libération de la Palestine, dont les premiers contingents avaient commencé leur entraînement dès avril 1960[5].
La débâcle des armées arabes pendant laguerre des Six Jours de 1967 a changé le mouvement en organisation de guérilla palestinienne à l'arrivée deYasser Arafat qui la dirigea de 1969 à sa mort, le. Sur le plan politique, leFatah devient la faction palestinienne majoritaire et oriente l'OLP vers un projet nationaliste palestinien, au détriment de l'unité du monde arabe souhaitée au départ par Nasser[5]. L'Armée de libération de la Palestine, aile militaire de l'OLP, est construite en s'inspirant de l'exemple algérien.
Enseptembre 1970, l'OLP subit un revers majeur, déplorant la mort de milliers de Palestiniens, lors de l'assaut desarmées jordaniennes contre ses groupes armés, qui déloge les groupes palestiniens de laJordanie[6],[7].
L'OLP s'établit auLiban, où vivent de nombreuxréfugiés palestiniens à la fin des années 1960. Elle y construit des institutions sociales, caritatives, militaires et artistiques en exil, mobilisant la population des camps de réfugiés et nouant des liens avec la gauche libanaise comme leParti communiste libanais (PCL). Elle est aussi rejointe par des volontaires internationaux, en particulier libanais et arabes, mais aussi parfois des militants venus du Bangladesh, du Japon ou d'Amérique latine[8]. Ses membres sont régulièrement visés par des actions israéliennes.Kamal Nasser,Kamal Adwan etMuhammad Youssef Al-Najjar sont tous trois exécutés par leMossad le 9 avril 1973 dans un immeuble de Beyrouth, tandis qu'Ali Hassan Salameh est assassiné lors de l'explosion d'une voiture piégée le 22 janvier 1979[8].
L'OLP est admise auxNations unies en 1974 comme membre observateur et reconnue comme « seul et légitime représentant du peuple palestinien[9]. » Le 13 novembre de la même année,Yasser Arafat prononce un discours marquant devant l’Assemblée générale des Nations unies au cours duquel il exprime clairement le but de l’OLP : la création en Palestine d'un État démocratique où chrétiens, juifs et musulmans pourront vivre dans la justice, l'égalité et la fraternité. Grâce au soutien des pays duTiers monde (la plupart des États occidentaux s’abstiennent, tandis qu’Israël et les États-Unis s'y opposent), l'ONU reconnaît le droit du peuple palestinien à la « souveraineté et à l'indépendance nationale »[9].
Cadavres de réfugiés palestiniens s'entassant dans le camp de Chatila, le 20 septembre 1982, quelques jours après lemassacre.
L'armée israélienneenvahit leLiban du Sud en 1978 pour y déloger les combattants de l'OLP[10]. En juin 1982, le premier ministreMenahem Begin et son ministre de la défense,Ariel Sharon, lancent uneinvasion du Liban, cette fois de grande ampleur, en « représailles » aux attaques de l'OLP. Après plusieurs semaines desiège de Beyrouth, un accord conduit à l’évacuation des combattants palestiniens. La guerre fait 20 000 morts Libanais et Palestiniens[11], y compris de nombreux civils[12], et quelques centaines de morts dans les rangs de l'armée israélienne[10]. Ce conflit a été marqué notamment par lemassacre de Sabra et Chatila commis par les milices chrétiennes alliées à Tel-Aviv lors de l'occupation israélienne de Beyrouth, qui fit entre 2 000 et 3 500 victimes.
La fin des années 1980 et l'ouverture de discussions avec Israël marqueront un tournant pour cette organisation. En 1988, l'OLP accepte les résolutions242 et338 de l’ONU comme base pour une conférence internationale qui permettrait à la Palestine d'obtenir l'autodétermination : rejet du terrorisme comme moyen d'action et reconnaissance de l'État d'Israël[15]. L'OLP avait implicitement accepté dès 1973 l'existence de l’État d’Israël[16] et modifiera officiellement en avril 1996 sa charte au profit de lasolution à deux États[17],[18],[8].
Ayant proclamé en 1988 àAlger un « État de Palestine » reconnu par 89 États (en)[19], l'OLP siège à l'ONU en tant qu'observateur permanent, sous le nom de « Palestine », et entretient des relations diplomatiques ou quasi diplomatiques avec de nombreux États. Le, l'Assemblée générale des Nations unies prend acte de la déclaration d'indépendance et reconnaît au peuple palestinien son droit à exercer la souveraineté sur son territoire. Cependant, Israël réagit très négativement à la proclamation de l’État palestinien[15].
L'OLP négocie lesaccords d'Oslo, signés en 1993, avec le gouvernement deYitzhak Rabin. La reconnaissance de la légitimité de l'OLP par Israël est un fait marquant. Naturellement, elle entretient des liens étroits avec l’Autorité palestinienne qui est née desaccords d'Oslo. Les accords d’Oslo étaient cependant très asymétriques et ne correspondaient pas aux attentes des Palestiniens, ce qui a affaibli le prestige de l'OLP et favorisé l’essor de nouvelles organisations[20]. Ces accords ont divisé la Cisjordanie enzone A, B et C, dans le but de créer un État Palestinien, mais la construction par le gouvernement israélien en 2002 d'unebarrière de séparation ne respectant pas les accords a enterré, à ce stade, la possibilité de construction d'un État palestinien. D'autre part, les accords n'évoquaient pas le droit au retour desréfugiés palestiniens et le statut deJérusalem-Est[20].
Ainsi, de nombreuses voix au sein du mouvement national palestinien s’élèvent contre une OLP jugée trop modérée. LeHamas, proche desFrères musulmans, est fondé en 1987 dans le sillage de lapremière intifada[9]. Les autorités israéliennes favorisent dans un premier temps le développement de l'organisation islamiste afin d'affaiblir l'OLP[10].
Lesoulèvement des Palestiniens desterritoires occupés contre l'Autorité israélienne, entre 1987 et 1993, provoque desémeutes et desattentats contre les colons et les militaires israéliens ainsi que des conflits entre factions palestiniennes et conduit à une vague de répression dans les territoires palestiniens occupés[21],[22].
La Seconde intifada désigne une période de violences israélo-palestiniennes, entre et 2003 voire 2005, selon les observateurs[23]. Les événements sont décrits par Israël comme une campagne deterrorisme palestinien, et par les Palestiniens comme unerévolte contre l'occupation et lacolonisation[24].
Leplan de désengagement de la bande de Gaza, adopté et appliqué unilatéralement par le gouvernement israélien d'Ariel Sharon sans concertation avec l'Autorité palestinienne permet au Hamas de présenter le retrait des colons et de l'armée israélienne réalisé en comme une victoire de sa « résistance islamique » et de conforter sa popularité. Il remporte lesélections législatives de 2006 et prend le contrôle de labande de Gaza en 2007[10].
Après la mort en 2020 deSaeb Erekat, négociateur en chef des Palestiniens, et la démission d'Hanan Ashrawi, son porte-parole, l'OLP appelle à rajeunir leleadership palestinien[25]. En effet, depuis lesaccords d'Oslo, le président Mahmoud Abbas poursuit son mandat qui devait s'achever en 2009. Aussi, l'ensemble des institutions palestiniennes vieillissantes sont décriées pour leur manque de légitimité comme de représentativité mais les nombreuses divisions au sein de l'OLP ne parviennent pas à trouver un accord politique[25].
L'OLP est contestée par une nouvelle génération de militants qui l'accuse de corruption et de collaboration avec Israël au détriment de la lutte pour la libération nationale. Elle apparait particulièrement impuissante lors de laguerre à Gaza de 2023-2024. Les organisations de la gauche de l'OLP, comme leParti du peuple palestinien et leFront démocratique pour la libération de la Palestine, ainsi que les partisans deMarwan Barghouti au sein duFatah, militent pour une unité nationale incluant le Hamas et le Jihad islamique palestinien[26],[15].
Laguerre de Gaza, parfois qualifiée degénocide, pousse à rapprocher les composantes du mouvement national palestinien, désuni depuis les trois décennies. La conférence académique duCentre arabe de recherches et d’études politiques de Paris (CAREP), en février 2024, débouche sur la décision de faire renaître l’OLP, dont sont exclus leHamas et leDjihad islamique. Une conférence nationale palestinienne se tient àDoha (Qatar) du 18 au 20 février 2025, rassemblant 400 représentants venant deGaza, laCisjordanie, des camps de réfugiés de Syrie et du Liban, et de ladiaspora palestinienne du reste du monde, sous la présidence deMuin Taher. L’autorité palestinienne s’est fortement opposée à cette conférence, interdisant notamment à ses employés d’y participer sous la menace de licenciement, privation de passeport et d’emprisonnement. Le Fatah et l’Initiative nationale palestinienne sont représentés. La conférence s’achève par la désignation d’une assemblée de 108 membres et d’un comité de suivi de 17 membres, ainsi qu’un premier plan d’action (mobilisations à la base, soutien aux prisonniers, renforcement des communautés de la diaspora). Le comité de suivi est mandaté pour renouer les liens avec le Hamas et le Djihad islamique, ainsi qu’avec Mahmoud Abbas, afin d’organiser des élections démocratiques. Ces élections permettraient aux membres de la diaspora de voter en ligne. Sont également en projets la réactivation des syndicats et la réouverture des adhésions[27],[28].
Lefonds national palestinien est une des principales institutions civiles de l’OLP. Il est financé par un impôt obligatoire de 5 % sur les salaires des Palestiniens du monde entier ; dans le monde arabe, ce sont les États qui se chargent de le collecter et de le reverser à l’OLP[30].
LeCroissant-Rouge palestinien intervient pour offrir des soins aux réfugiés ; la SAMED (société pour le travail des martyrs palestiniens) s’occupe de la formation professionnelle et crée des usines dans les camps de réfugiés ; le départements des organisations de masse (syndicats et associations) dont certaines créent des coopératives et des structures de formation ; l’association pour les affaires sociales au bénéfice des familles de martyrs et de prisonniers travaille au profit de milliers de familles dépourvues de soutien[30]. En 1993, le Palestinian Welfare Department deAmman fournissait du soutien à 100 000 familles palestiniennes[31].
Enfin, lecentre de recherches de l’OLP mène à partir de 1963 des recherches diffusées par de multiples publications sur Israël, la Palestine et le conflit israélo-palestinien[32].
Le, l'OLP en formation tente de faire exploser l'aqueduc national d'Israël pour son premier attentat. Durant les trois années suivantes, l'organisation établit un réseau international de cellules de guérilla. Elle amasse clandestinement des armes et des explosifs. Les objectifs sont de rendre la cause palestinienne connue internationalement, perturber le trafic aérien et maritime d'Israël, perturber le tourisme et l'économie israélienne et blesser son image de pays fort et gagnant[33].
Les années qui suivent la fondation de l'OLP sont celles d'une intensification des actions de guérilla enCisjordanie occupée. De 97 en 1967, elles passent à 916 en 1968, 2 432 en 1969 et 1 887 jusqu’à. Lors de labataille de Karameh, le, les Palestiniens résistent pendant toute une journée à une incursion blindée israélienne en Jordanie destinée à détruire une de leurs bases. Les Israéliens perdent plusieurs dizaines de soldats et de nombreux blindés. Les Palestiniens sont ensuite très durement touchés par leSeptembre noir, en 1970, lorsque le roi de JordanieHussein, allié des États-Unis, fait écraser par surprise les camps de l'OLP enJordanie. L'année suivante, seules 45 actions de guérilla sont réalisées[7]
De 1969 à 1985, les groupes de l'OLP auraient commis, selon un rapport duMinistère des Affaires Étrangères israélien visant à discréditer l'OLP en tant que participant possible aux pourparlers de paix au Proche-Orient, 8 000 attaques (dont 435 en dehors d'Israël) qui totaliseraient 650 morts israéliens, principalement des civils[34]. Une stratégie perçue comme efficace par l'organisation, en partie pour faire connaître internationalement la question palestinienne[35].
Après avoir reçu le statut de membre observateur aux Nations unies en 1974, l'OLP commence à mettre de côté l’action militaire pour privilégier la diplomatie et la politique[15],
↑Hamit Bozarslan,Une histoire de la violence au Moyen-Orient : de la fin de l'empire ottoman à al-Qaida, Paris, la Découverte,, 318 p.(ISBN978-2-7071-4958-9), p 81.
↑RachidPeace research institute in the Middle East et RosiePinhas-Delpuech,Histoire de l'autre, L. Lievi,(ISBN978-2-86746-358-7).
↑JonathanSchachter, « The End of the Second Intifada? »,Strategic Assessment, Institute for National Security Studies,vol. 13,no 3,(lire en ligne, consulté le).