Il existe aujourd'hui deux branches principales : lesGrands Carmes (n'ayant pas suivi la réforme de sainteThérèse d'Avila) et la branche issue de la réforme thérésienne, lesCarmes déchaux. Ces deux branches sont découpées en trois ordres :
les Carmes (pour les hommes) ;
les Carmélites (pour les femmes), appelées le second ordre (du Carmel) car leur ordre a été créé après l'ordre des Carmes ;
Lesiège de Jérusalem en 1187, qui achève la conquête de laPalestine parSaladin, oblige les chrétiens venus d'Occident lors descroisades à partir. De retour enEurope en1238, ils vivent de plus en plus dans les villes où ils constituent de petites communautés. En1247, l'ordre érémitique qu'est le Carmel est organisé par le papeInnocent IV en ordre monastiquemendiant[4]. En1274, l'existence de l'Ordre est définitivement confirmée par le papeGrégoire X.
En1435, le papeEugène IV assouplit les rigueurs de la règle monastique par une mitigation qui entraînera de nombreuses tentatives de contre-réforme (tentatives de réformes parJean Soreth, réforme de Mantoue,réforme de Touraine)[5].
Des femmes proches de ces communautés de Frères Carmes sont attirées par leur vie de prière. Ainsi, par exemple, desbéguinages auxPays-Bas donnent naissance à desmonastères de carmélites dans la seconde moitié duXVe siècle.Jean Soreth, frère ducouvent des Carmes de Caen, supérieur de l'ordre du Carmel de1451 à1471, travaille à la transformation de quelques béguinages desPays-Bas en monastères de carmélites. Le mouvement ainsi lancé se répand enBretagne avec la duchesse de BretagneFrançoise d'Amboise[c], mais aussi enItalie et enEspagne.
Avant même laRévolution Française (1789), l'empereurJosephII duSaint-Empire romain germanique supprime tous les couvents des ordres religieux contemplatifs (le Carmel, mais également lesvisitandines). Tous les monastères de son empire (Allemagne,Autriche,Pologne, une partie de l'Italie, lesPays-Bas) sont supprimés, et les religieux et religieuses soit expulsés, soit envoyés dans les couvents d'autres ordres ; même l'intervention et la visite personnelle du papePie VI en 1782 ne le font pas changer d'avis[10].
Quelques années plus tard, laRévolution entraîne la fermeture de tous les couvents de Carmes et de Carmélites deFrance (l'Assemblée Constituante supprime les congrégations religieuses à vœux solennels le). Les biens des religieux sont saisis et vendus. Les Carmes disparaissent de France jusqu'en1840 ; les carmélites restent et entrent dans la clandestinité[10]. Plusieurs religieux et religieuses sont exécutés[d].
D'autres personnalités contribuent à la restauration du Carmel : l'EspagnolFrançois Palau y Quer, l'officier polonaisRaphaël Kalinowski, le pianiste et carme allemandHermann Cohen.En1831, enInde, le bienheureuxKuriakose Elias Chavara fonde la Congrégation desServiteurs de Marie Immaculée du Mont-Carmel, communément appelésCarmes de Marie Immaculée. Il fonde également la congrégation féminine duCarmel de Marie en1866. Ces deux congrégations se répandent en Afrique et en Europe.
SainteThérèse de Lisieux et sainteÉlisabeth de la Trinité renouvellent le message spirituel du Carmel. La lecture d'Histoire d'une âme de la sainte de Lisieux a un immense retentissement, ainsi que sacanonisation en1925. En1933, le Carmel de Cologne accueilleEdith Stein, philosophe allemande réputée. D'origine juive, elle s'est convertie au catholicisme et prend l'habit sous le nom de sœurThérèse-Bénédicte de la Croix. Son œuvre théologique et philosophique a beaucoup influencé son époque, et ce, jusqu'à aujourd'hui. Transférée prudemment aux Pays-Bas par ses supérieurs, elle mourra cependant avec sa sœur àAuschwitz. À la même époque, le pèreJacques de Jésus, prêtre français, meurt également en camp de concentration.
La famille carmélitaine comprend aujourd'hui deux branches :
lesGrands Carmes ouCarmes de l'ancienne observance, qui ne sont pas issus de la réforme thérèsienne, mais de la réforme de Rennes, appelée aussiRéforme de Touraine, effectuée par le Fr. Philippe Thibaut aidé deJean de Saint-Samson. Cette branche est structurée en trois ordres :
les Carmes (chassés à la Révolution, les Grands Carmes ont réalisé au début desannées 2000 leur réimplantation enFrance, àNantes etAngers) ;
les Carmélites chaussées (de l'ancienne observance) ;
la Fédération carmélitaine apostolique, qui rassemble trois congrégations[16] (Notre-Dame-du-Mont-Carmel d’Avranches, les Sœurs de la Providence de la Pommeraye, Sainte-Thérèse d’Avesnes-sur-Helpe) ;
Les carmes et carmélites travaillent pour subvenir à leurs besoins. Ce point est indiqué dès le départ dans la règle du Carmel[25]. Si, pour lesGrands Carmes, la taille des couvents n'est pas limitée (le couvent de l'Incarnation à Avila comptait deux cents religieuses auXVIe siècle),Thérèse d'Avila a limité les effectifs des couvents de carmes déchaux à vingt personnes plus la prieure.
Les religieux, regroupés dans un couvent, élisent un responsable (le père supérieur, ou la mère supérieure pour les carmélites). Ce responsable est élu lors d'un chapitre pour trois ans. Les couvents sont regroupés en province. Un pays peut être découpé en plusieurs provinces ou, s'il y a peu de couvents, la province peut inclure les couvents de plusieurs pays. Les communautés séculières duTiers-Ordre carmélite sont rattachées aux provinces carmélitaines comme les couvents de l'Ordre. Les différents couvents d'une province élisent pour trois ans lors du chapitre provincial le responsable de la province nomméprovincial. L'ensemble des provinces Carmes élisent pour trois ans le prieur général de l'Ordre appelégénéral de l'Ordre. Le général de l'Ordre est commun aux deux brancheschaussées etdéchaussées.
Les moinescarmes déchaux et les monialescarmélites déchaussées vivent le même rythme deprière et consacrentquatre heures chaque jour à la prière, dontdeux heures à l’oraison silencieuse (ils prient quotidiennement cinq offices de laLiturgie des Heures). Les frèrescarmes ont également des activités apostoliques de prédication axées sur la tradition spirituelle du Carmel. Les laïcs du Tiers-Ordre s'engagent également à prier laLiturgie des Heures, mais celle-ci est pour eux limitée auxlaudes et auxvêpres.
La règle du Carmel[25] rédigée en1209 était destinée à des ermites vivant dans les grottes dumont Carmel[26]. Celle-ci a dû être légèrement modifiée par le papeInnocent IV en1247 quand les ermites ont dû se réfugier en Europe et quitter la vie érémitique pour passer à une vie monastique. Par la suite, d'autres révisions ont eu lieu[4],[5].
Initialement contemplatif, le Carmel voit sa spiritualité évoluer lors de son retour en Europe avec la fin du mode de vie érémitique.Après l'approbation d'Innocent IV en1247, le charisme du Carmel se développe selon une double dimension : une vie contemplative et une vie apostolique (vie mixte). Cette évolution de laspiritualité carmélitaine ne s'achève qu'auXIVe siècle[4].
La mission apostolique se retrouve dans la paternité d'Élie, le "prophète de Feu", vénéré dès les premiers temps par les ermites sur lemont Carmel.Élie fait partie intégrante de la spiritualité du Carmel. Le père carme Kilian, prieur général de l'Ordre en1959, auteur de plusieurs livres, insiste sur le charisme fondamental de l'Ordre« qui est d'être des "prophètes de feu" à la suite d’Élie, invitant chacun à mettre Dieu au centre de sa vie »[27]. LaVierge Marie (vénérée sous l'appellation deNotre-Dame du Mont-Carmel) est également très présente dans la spiritualité carmélitaine[28].
L'oraison est un temps de prière à laquelle le carme doit se consacrer. Ce temps de prière est décrit dans la Règle comme un "veiller dans la prière". Le frère carme Bruno Secondin, professeur de théologie, indique que« prier, c'est alors passer dans le secret du cœur de Dieu que la Parole révèle et communique; c'est s'avancer vers Quelqu'un qui habite la Parole, qui est la Parole vivante[29],[25] ». Ce temps de prière silencieuse (et les moyens d'y entrer), même s'il n'est pas exclusif du Carmel, a beaucoup été développé et mis en valeur par l'Ordre.
Le blason du Carmel existe sous de multiples formes plus ou moins simplifiées. La plus basique conserve juste les 3 étoiles avec le cœur marron entouré de deux lobes blancs.
L'écu central représente deux lobes blancs surplombant un cœur marron : le tout symbolisant les deux pans blancs du manteau carmélitain s'ouvrant sur la robe de bure (brune). La partie brune monte et se termine sur une croix ; elle indique que la croix est la voie qui conduit aumont Carmel où se fait la rencontre avec Dieu[30].
Les 3 étoiles peuvent représenter, selon une interprétation habituelle, les troisvertus théologales (foi, espérance et charité)[30] ou les trois vœux prononcés lors de l'entrée en religion (pauvreté,obéissance etchasteté).
Leblason de l'Ordre reprend deux versets bibliques ancrés sur le prophèteÉlie (considéré comme le père fondateur de l'Ordre)[30] :
la devise écrite en latin autour du blason« Zelo zelatus sum pro Domino Deo Exercituum » (Je suis rempli d'un zèle jaloux pour le Seigneur Sabaoth)1 Rois 19,14, qui est d'ailleurs la devise du Carmel, à laquelle s'ajoute le verset« Il est vivant le Seigneur devant qui je me tiens. » (1 Rois 18,15)[31] ;
la main brandissant une épée flamboyante rappelle la victoire d’Élie sur les prêtres de Baal sur le mont Carmel (1 Rois 18,22-40)« Le prophète Élie se leva comme un feu, sa parole brûlait comme une torche » (L'Ecclésiastique chap 48 v1)[32],[33].
↑Françoise d'Amboise épouse le duc de Bretagne à l'âge de15 ans. Veuve à30 ans, elle fonde un couvent de carmélites près deVannes avec l'aide deJean Soreth et y prend l'habit.
↑Lors de leur fondation, la congrégation est nomméecongrégation religieuse autochtone pour les hommes. C'est plus tard qu'elle prendra le nom deCarmes de Marie Immaculée (ou CMI).
Thérèse d'Avila, Jean de la Croix,Œuvres, édition publiée sous la direction de Jean Canavaggio, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard, 2012,(ISBN2-070-12294-8)
La doctrine de ces auteurs tourne beaucoup autour du thème de la nuptialité (telle qu'évoquée entre autres dans leCantique des Cantiques, lelivre d'Osée et même par Jésus dans les Évangiles), soit de l'union de l'âme avec Dieu qui est l'époux. Les écrits deThérèse d'Avila et deJean de la Croix constituent un véritable enseignement sur l'art de l'oraison, et en particulier de la contemplationmystique au cours de laquelle Dieu prend lui-même l'initiative durant l'oraison.