« La Religion » autre nom de l'Ordre principalement dans la marine de l'Ordre. Pour le roman qui évoque l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, voirLa Religion (roman).
Après l'expulsion desCroisés de Terre sainte (1291), l'Ordre s'installe àChypre[A 4] avant deconquérir l'île deRhodes (1310)[A 5] et de devenir une puissance maritime pour continuer à être le rempart de la chrétienté contre les Sarrasins[A 6]. À la suite de la disparition de l'ordre du Temple en 1314, lesHospitaliers reçoivent les biens des Templiers[A 7], ce qui fait d'eux l'ordre le plus puissant de la chrétienté.
Expulsé de Rhodes en 1523 par la conquête turque[A 8], l'Ordre s'installe àMalte en 1530, dont il est considéré comme le souverain par décision deCharles Quint[A 9]. Avec sa flotte maritime de guerre, l'Ordre se transforme en une puissance politique qui prend de plus en plus d'importance enMéditerranée centrale jusqu'à labataille de Lépante (1571)[A 10] et jusqu'aux premiers traités des royaumes d'Europe avec lesOttomans. Après quoi, il se consacre surtout à des opérations deguerre de course[A 11] pratiquant des « razzias sans gloire »[1], l'esclavage et faisant des prisonniers dans la guerre de course pournégocier leur rachat[2],[3], permettant un développement économique de l'île[4],[2],[3],[5]. Il transforme Malte en magasins d'échanges du commerce méditerranéen avec unequarantaine reconnue dans tous les ports de Méditerranée.
En France, laRévolution va bouleverser un équilibre fragile : l'Ordre sert au commerce français et doit donc être préservé pour cela. Il est d'abord considéré comme une puissance étrangère au sens de l'article 17 du décret de confiscation des biens du clergé et des ordres religieux des 23 et[C 1]. Le, laLégislative décréta l'urgence, l'avant-dernier jour de la session avant laConvention nationale et la veille deValmy, c'est le décret deVincens-Plauchut, qui décide de la mise sous séquestre et la vente de tous les biens de l'Ordre[C 2].
Les premiers textes à caractère historique émanant des Hospitaliers sont l’œuvre deGuillermo de Santo Stefano(en),commandeur deChypre. Il est le premier à faire une recension des textes législatifs de l'Ordre[n 2] et vers 1303, il entreprend une compilation qui regroupe la règle et les statuts de l'Ordre, une chronologie des grands maîtres, un recueil des décisions disciplinaires, lesMiracula et une étude critique sur les origines de l'Hôpital, l’Exordium Hospitalis[13].
Confronté à des critiques extérieures, ou plus simplement pour valoriser ses actions et encourager les donations, l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem va susciter des annales. Au milieu duXVe siècle,Melchiore Bandini, chancelier de l'Hôpital, est l'auteur d'un ouvrage perdu depuis, mais dont, auXVIe siècle,Giacomo Bosio (1544-1617) a encore la mémoire[14].
LaDescriptio obsidionis Rhodie urbis deGuillaume Caoursin, est un texte au service de la propagande de l'Ordre ; il connaît un grand succès et les éditions et traductions se multiplient entre 1480 et 1483[15].
Un document intéressant pour l'histoire des ordres militaires est un texte écrit vers la fin duXVe siècle par un frère de l'ordre Teutonique, laChronik der vier Orden von Jerusalem. Cette chronique met en lumière, dans sa première partie, l'originehiérosolymitaine des ordres militaires ainsi que deschanoines du Saint-Sépulcre. Si l'origine des Teutoniques et des Chanoines est quelque peu anticipée, celle des Templiers et des Hospitaliers est relativement bien cernée[16].
Heindrich Pantaleon(de) (1522-1595) publie, àBâle en 1581, une première histoire basée sur les archives de l'Ordre :Militaris ordinis Johannitorum, Rhodiorum aut Melitensium equitum rerum memorabilium […] pro republica christiana […] gestarum ad praesentem usque 1581 annum. Mais l’œuvre majeure de cette période est l’Istoria della sacra Religione et illustrissima militia de San Giovanni Gerosolimitano que Bosio publie en trois volumes à Rome entre 1594 et 1602. L’Istoria de Bosio est traduite en français et complétée par un frère de l'Ordre,Anne de Naberat, publiée en 1629 à la demande du grand maîtreAlof de Wignacourt. Bosio et Nabérat font un récit narratif et clairement réclamé comme hagiographique. Malgré cela, ce texte est d'une grande valeur historique, Bosio s'appuie sur des sources incontestables[12].
AvecJoseph Delaville Le Roulx, l'histoire des Hospitaliers se veut plus scientifique. Il fait un énorme travail de documentation : il publie en quatre volumes entre 1894 et 1906 près de 5 000 documents ayant trait aux deux premiers siècles de l'histoire de l'Ordre,Cartulaire général de l'ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (1100-1310)[17]. Ses deux volumesLes Hospitaliers en Terre sainte et à Chypre, publié en 1904, etLes Hospitaliers à Rhodes jusqu'à la mort de Philibert de Naillac, publié en 1913, se présentent comme un travail érudit et de qualité[18].
LeXXe siècle voit l'explosion d'une histoire parcellaire faite de monographies très spécialisées et/ou circonscrites localement ou temporellement. Il faut attendre le travail de synthèse deJonathan Riley-Smith avecThe Knights of St John in Jérusalem and Cyprius (1150-1310) publié en 1967 pour voir apparaître un nouveau travail historique sur les Hospitaliers : Riley-Smith avecHospitalers, The History of the Order of St John en 1999 ouHelen Nicholson(en) avecThe Knights Hospitaller en 2001. En dépit des sources existantes àMalte, sources souvent inédites, restent quand même des lacunes pour la période rhodienne, malgré les nombreux articles définitifs d'Anthony Luttrell(en) regroupés en cinq volumesThe Hospitallers in Cyprius, Rhodes, Greece and the West, 1291-1440 (1978),Latin Greece, the Hospitallers and the Crusades, 1291-1440 (1982),The Hopitallers of Rhodes and their Mediterranean World (1992),The Hospitaller State on Rhodes and in Western Provinces (1999) etStudies on the Hospitallers after 1306. Rhodes and the West (2007)[19].
de l'activité religieuse ou politique de l'Ordre ou avec le recueil d'articles de Victor Mallia-Milanes dansHospitaller Malta, 1530-1798 (1993). L'importance de l'esclavage dans le système économique hospitalier a longtemps été minimisée voire occultée par les historiens[20],[D 1]. De nombreux travaux récents, en particulier de chercheurs français, permettent de lui redonner toute son importance dans l'histoire de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem à Malte, notamment à travers les travaux d'Anne Brogini[21].
AuXXIe siècle, s'ouvre avec le travail deJudith Bronstein(en)The Hospitallers and the Holy Land. Financing the Latin East, 1187-1274 (2005) un champ d'études encore largement ignoré : les aspects économiques de l'Ordre qui « pratiquait la banque et l'usure », et qui devait financer ses activités sur « le front » par ses ressources financières et ses activités terriennes « à l'arrière » pour reprendre les expressions d'Alain Demurger[22]. Il est aussi possible de citer sur ce sujet l'étude d'Alain BlondyL'Ordre de Malte auXVIIIe siècle, Des dernières splendeurs à la ruine (2002) où est introduit la notion d'éclatement de l'Ordre. D'autres champs d'études sont aussi récemment abordés comme ceux de l'activité sociale des frères de l'Ordre avecCarmen DepasqualeLa vie intellectuelle et culturelles des chevaliers français à Malte auXVIIe siècle (2010) ou, plus généralement, Alain BlondyParfum de Cour, gourmandise de rois. Le commerce des oranges entre Malte et la France auXVIIIe siècle (2003), ou encoreThomas FrellerMalta, The Order of St John (2010). Enfin, le travail d'un universitaire, Alain Demurger, qui s'était intéressé jusque là aux Templiers, et qui jette un regard moderne sur l'Ordre à son origine avecLes Hospitaliers. De Jérusalem à Rhodes. 1050-1317 (2013). Il cite dans sa préface ses trois inspirateurs, Joseph Delaville Le Roulx, Jonathan Riley-Smith et un auteur peu cité Alain Beltjens qui a pourtant produit une œuvre mais à compte d'auteurAux origines de l'ordre de Malte. De la fondation de l'Hôpital de Jérusalem à sa transformation en ordre militaire. (1995)[B 1].
On ne peut terminer sans citer la somme académique que représente le dictionnairePrier et Combattre. Dictionnaire européen des ordres militaires au Moyen Âge sous la direction deNicole Bériou etPhilippe Josserand qui regroupe la contribution de près de 240 collaborateurs et auteurs de 25 pays au travers de 1 128 entrées, travail de plus de cinq années et dont la majeure partie concerne l'Ordre[23].
S'il est une chose difficile à déterminer, c'est le nom de cet Ordre. Comme le signale Alain Demurger dans l'avant-propos de son livre surles Hospitaliers : « On trouve souvent utilisée, dans les titres des ouvrages [et pas seulement dans les ouvrages anciens] consacrés à l'histoire de l'ordre de l’Hôpital, l'expression de « chevaliers hospitaliers », de « chevaliers de l'Hôpital » ou de « chevaliers de Saint-Jean » […]. Cette expression n'est pas conforme à la réalité et à l'histoire des premiers siècles de l'Ordre »[B 2]. Si l'expression de chevalier est apparue dès l'origine dans le nom de l'ordre du Temple, ce n'est pas le cas pour l'ordre de l'Hôpital ; ses membres étaient et seront toujours des « frères » éventuellement des « frères chevaliers ». L'ordre de l'Hôpital était avant tout unordre hospitalier, le premier et le dernier ordre hospitalier. Soncouvent s'appelaitOrdo Hospitalis Sancti Johannis Hierosolymitani la « sainte maison de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem » et la titulature du supérieur de l'ordre : l'« Humble maître de la sainte maison de l'Hôpital de Jérusalem et gardien des pauvres du Christ »[B 2].
Toutes ces appellations étaient aux yeux de leurs auteurs suffisantes dès qu'il ne pouvait pas y avoir confusion avec d'autres ordres. S'il est des textes qui doivent recevoir une attention particulière, ce sont les règles de l'Ordre, statuts,usances etesgards car ces documents ont la volonté de produire un effet normatif. Mais là encore c'est la diversité qui règne. Ayant perdu Jérusalem et s'installant là où il voulait ou là où il pouvait, l'Ordre ne changera pas de nom, il sera toujours « de Jérusalem »[B 4].
Les sources secondaires suivent la même diversité d'expressions, ce n'est que ces dernières années, avec la renaissances des études historiques sur les ordres hospitaliers et/ou militaires que l'on voit se détacher un consensus entre les auteurs. Il semble que la synthèse de Jurgen Sarnowsky de 2009 prévaut avec deux expressions : « ordre de l’Hôpital » et « ordre de Saint-Jean de Jérusalem »[24],[n 3]. « L'Hôpital » ou « L'Hospital » a aussi ses représentants[n 4],[B 5]. Une expression ancienne survit dans un secteur de l'activité de l'Ordre, la marine, où l'expression « La Religion »[n 5] est courante[25].
AuXIe siècle,Jérusalem se trouve sous la domination musulmane des Fatimides du Caire, mais les chrétiens peuvent y venir en pèlerinage et des établissements chrétiens y sont présents[28].
Dans les années 1070, Gérard, peut-être pour prendre des distances avec les Amalfitains, décide de créer un troisièmehospice, dédié dans un premier temps àsaint Jean l'Aumônier avant d'être sous le patronage desaint Jean le Baptiste[B 8].
En 1078-1079, la ville est prise par lesTurcs seldjoukides qui ont en général une attitude très hostile envers les chrétiens (ils sont du reste la cause de lapremière croisade) ; les hospices de frère Gérard et sœur Agnès réussissent cependant à passer cette période avec le retour desFatimides en 1098 et qui prend fin avecla prise de Jérusalem par les Croisés en 1099[B 9].
Gérard est reconnu comme chef de cette congrégation et le pape précise dès le départ qu'à la mort de ce dernier, les membres de l'Ordre choisiront eux-mêmes son successeur[A 15].
En 1123,Raymond du Puy aurait succédé à un ou deux frères intérimaires qui ont dirigé l'Ordre après le décès de frère Gérard[30], dote les Hospitaliers d'une règle reposant sur celles desaint Augustin et desaint Benoît[31]. Cette règle organise l'Ordre en trois fonctions, les frèresmoines etclercs, les frères laïcs et les frèresconvers qui tous doivent les soins aux malades.
« C'est la convergence entre la mise en place des premières structures administratives régionales et l'élaboration de la règle par le maître Raymond du Puy et son approbation par le pape Eugène III au milieu duXIIe siècle qui permet de dire que, alors et alors seulement,L'Hospital est devenu un ordre »[B 10].
Le, une catégorie de frères prêtres ou chapelains est établie, accordée par le papeAnastase IV[B 11] ; le personnel soignant, médecins et chirurgiens, est officialisé dans les statuts deRoger de Moulins du[B 12] ainsi que les frères d'armes, qui apparaissent pour la première fois dans un texte. Selon Alain Demurger, « c'est à cette date donc que l'Ordre est devenu, en droit, un ordre religieux-militaire »[B 13].
SousAlphonse de Portugal en 1205, ils sont répartis en frères prêtres ou chapelains, frères chevaliers et frères servants (« servant d’armes et servants de services ou d’office »[B 14]). Cette organisation en trois classes restera celle desHospitaliers[A 16]. Alain Demurger estime cependant qu'il existait une catégorisation plus fonctionnelle que sociale : « frères d’armes, frères d’office, frères prêtres »[B 14], mais en fait c'était la même chose sous des noms différents ; les frères d'armes étaient les chevaliers, les frères d'office étaient les frères servants, et les frères prêtres étaient les prêtres ou chapelains.
En 1306, le papeClément V autorise les Hospitaliers à armer des navires sans demander l'autorisation duroi de Chypre[A 26]. Les Hospitaliers développent la grande flotte qui fait leur réputation et qui, associée à leur organisation, exemplaire pour l'époque, leur permet de tirer un grand profit de leurs possessions en Occident, cela les autorisant à entretenir l'espoir d'une reconquête de laTerre sainte[A 22].
À partir de 1307, l’Ordre, dont la rivalité avec le roi deChypre ne cesse de croître[A 23], se lance dans laconquête de l’île deRhodes, alors sous souverainetébyzantine[A 27]. En 1307, Foulques de Villaret se rend sur la demande deClément V àPoitiers. Le pape revient sur la problématique de la croisade mais Foulque propose un « passage » limité pour s'assurer de solides points d'appui avant un « grand passage »[33]. Rhodes est conquise en 1310 et devient le nouveau siège de l'Ordre. Le « passage particulier » organisé par le pape et Villaret a au moins servi pour en finir avec Rhodes[B 17].
En 1311, ils renouent avec leurs origines en créant le premier hôpital de l'île de Rhodes[A 28].
Par ailleurs, l’ordre des Hospitaliers transforme son action militaire enguerre de course[A 29]. La « pratique de la pauvreté personnelle s’était profondément altérée par rapport aux premiers temps de l’Hôpital » ; la vie des Hospitaliers « au couvent était loin d’être ascétique mais à leur mort, leurs biens revenaient à l’Ordre » quand ils ne les avaient pas offerts à leurs proches[34]. Signe d'un enrichissement des Hospitaliers en même temps que d'une conquête de souveraineté, l'Ordre se met à battre monnaie à l'effigie de sesgrands maîtres[35].
En 1440 et en 1444, l'île deRhodes est assiégée par le sultan d'Égypte ; ces deux attaques sont repoussées[A 28]. En 1453, le sultan ottomanMehmed II s'empare deConstantinople ; legrand maîtreJean de Lastic se prépare à unnouveau siège. Ce dernier a lieu beaucoup plus tard, en 1480[37] ; le grand maîtrePierre d'Aubusson repousse les assauts des troupes du pachaMisach, ancien prince byzantin converti à l'Islam. Il assiège la ville avec 10 à 15 000 hommes pour Housley[38], pas plus de 20 000 pour Nossov[39], ou jusqu'à 70 000 hommes selon d'Aubusson[40], dont ou avec 3 000 janissaires[41].
Lesiège décisif a lieu en 1522[42]. Le sultanSoliman le Magnifique assiège pendant cinq mois la ville deRhodes.Philippe de Villiers de L'Isle-Adam, élu l'année précédente contre son rival, le grand prieur de Castille-Portugal,André d'Amaral(pt), qui sera, le, exécuté malgré son silence obstiné[43], un de ses serviteurs étant surpris en train d'envoyer un message au camp turc, il avoue sous la torture avoir agi sur l'ordre de son maître. Impressionné par la résistance héroïque dugrand maître, Soliman accorde libre passage aux Hospitaliers, auxchevaliers rescapés et à nombre de Rhodiens[44]. Emportant dans trente navires leur trésor, leurs archives et leurs reliques, dont la précieuse icône de laVierge de Philerme, les Hospitaliers quittent définitivement laMéditerranée orientale le[A 28].
L'Ordre se transforme alors en une puissance souveraine qui prend de plus en plus d'importance enMéditerranée centrale et rivalise dans latraite desesclaves (même chrétiens et devenant nombreux sur l'île) avec ceux qu'il pourchasse officiellement pourinfidélité[4],[46],[2],[3].- « leboulevard de la Chrétienté apparaissant désormais comme un repaire de corsaires sans foi ni lois »[5].
Siège de Malte en 1565, fresque du grand hall du Palais magistral parMatteo pérez d'Aleccio.
Le Grand Siège de Malte a été mené par lesOttomans en 1565 pour prendre possession del'archipel et en chasser l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem[D 5].
Le, une importante force turque, sous les ordres du généralMustafa Pacha et de l'amiralPiyale Pacha[E 1], débarque à Malte et met le siège devant les positions chrétiennes[D 5]. Les chevaliers de l'Ordre, appuyés de mercenaires italiens et espagnols, et par la milice maltaise, sont commandés par le grand maître de l'Ordre,Jean de Valette[E 2]. Inférieurs en nombre, les défenseurs se réfugient dans les villes fortifiées deBirgu et deSenglea, dans l'attente d'un secours promis par le roiPhilippe II d'Espagne. Les assaillants commencent leur siège par l'attaque dufort Saint-Elme[E 3] qui commande l'accès à une rade[D 5] permettant de mettre à l'abri les galères de la flotte ottomane. Les chevaliers parviennent néanmoins à tenir cette position durant un mois[E 4], faisant perdre un temps considérable et de nombreux hommes à l'armée turque[D 6],[E 5].
Au début du mois de juillet, le siège de Birgu et Senglea commence. Durant deux mois, malgré leur supériorité numérique et l'importance de leur artillerie, les Ottomans voient leurs attaques systématiquement repoussées, causant de nombreuses pertes dans leurs rangs[D 7]. Le arrive le « petit secours »[E 6]. Toutes les attaques sur Birgu et Senglea se soldent par un désastre pour les Turcs, comme l'attaque du camp de base des Ottomans depuis Mdina[E 7]. Le, le « grand secours », menée par le vice-roi de Sicile,don García de Tolède, débarque à Malte et parvient à défaire l'armée turque[D 7],[E 8]. Démoralisées par leur échec et affaiblies par la maladie et le manque de nourriture, les troupes musulmanes rembarquent le[D 8].
La victoire des chevaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem a un retentissement considérable dans toute l'Europe chrétienne : elle leur confère un immense prestige et renforce leur rôle de défenseur de la religion chrétienne face à l'expansionnisme musulman[E 9]. Les fonds collectés à la suite de cette victoire permettent de relever les défenses de Malte[E 10] et d'assurer la présence durable de l'Ordre sur l'île. Une nouvelle ville est également édifiée, en vue de défendre lapéninsule de Xiberras contre un retour éventuel des armées turques. D'abord appeléeCitta' Umilissima ou en latinHumilissima Civitas Vallettae, « la très humble cité de Valletta », elle prend ensuite le nom deLa Valette, en hommage au grand maître de l'Ordre vainqueur des Ottomans[E 11].
La présence desHospitaliers dans les Caraïbes est née de la relation étroite de l'Ordre avec la présence de nombreux membres en tant qu'administrateurs français en Amériques. Poincy, qui était à la fois chevalier de Malte et gouverneur des colonies françaises des Caraïbes, fut le personnage clé de leur brève colonisation[A 31]. L'Ordre achète ainsi les îles deSaint-Christophe,Sainte-Croix,Saint-Barthélemy etSaint-Martin[A 30].
À cette époque, l'Ordre agissait comme propriétaire des îles, tandis que le roi de France continuait de détenir la souveraineté nominale. En 1665, les Hospitaliers vendent leurs droits sur les îles à la jeunecompagnie française des Indes occidentales, mettant ainsi fin à leur projet colonial[A 30].
Quelques années après leur échec à Malte, les Ottomans subissent un revers encore plus grave à Lépante, le. Les Hospitaliers s'illustrent pendant cettebataille navale, où la flotte de la sainte Ligue, commandée pardon Juan d'Autriche, détruit la flotte ottomane[D 9].
Après Lépante, l'Ordre se lance à nouveau, comme à Rhodes, dans lecorso[47], laguerre de course, qui de contre-attaque qu'elle était à l'origine, devient vite un moyen pour les Hospitaliers de s'enrichir grâce à l'arraisonnement de cargaisons[48], mais aussi par lecommerce d'esclaves[49], dontLa Valette devient le premier centre dans le monde chrétien[50].
L'Ordre connaît également de grandes difficultés, notamment économique, ses dirigeants se refusant à adopter des mesures économiques efficaces et modernes[51]. L'indépendance même du pouvoir hospitalier est menacé par l'influence toujours croissante deVersailles, comme en témoigne l'affaire de laCouronne ottomane[52]. Enfin, le fossé se creuse de plus en plus entre l'Ordre et la population maltaise : l'affaire du capitaine de nuit expose le despotisme des aristocrates et l'émergence d'un sentiment national maltais[51].
Le général Bonaparte fait débarquer ses troupes à Malte au nom de laRépublique française et s'empare de l'île par ruse les 10 et[D 10]. Une convention est signée à bord deL'Orient le par laquelle l'Ordre renonce à ses droits sur Malte mais que Hompesch ne ratifie pas[D 10]. Il expulse legrand maître le à Trieste[D 10] uniquement accompagné de douze[A 34] ou dix-sept membres de l'Ordre[A 35].
Le, la flotte française met le cap sur Alexandrie, après avoir laissé une garnison de trois mille hommes d'infanterie et trois compagnies d'artilleurs[D 11].
Les grands maîtres de l'Ordre, déjà sollicités par l'Empire russe qui recherchait son appui dans le conflit qui l'opposait à l'empire ottoman[D 12], décident de se rapprocher dePaulIer et d'en faire le protecteur de l'Ordre le[D 13],[C 9]. De toutes les commanderies hospitalières il ne restait que celles d'Allemagne et celles de Russie[C 10].
Pour être conforme à l'entête de cet article, l'histoire de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem devrait s’arrêter ici, mais la section ci-dessous est présente pour expliquer l’éclatement de l'Ordre et les autres ordres qui prirent la suite de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem.
La France et l'Angleterre avaient arrêté entre elles, dans letraité d'Amiens, le mode d'élection du grand maître sans tenir compte de ce qu'avait décidé la Russie et la papauté[C 15]. Alexandre prenant connaissance de l'article 10 du traité s'oppose à ce que le mode d'élection soit modifié[C 15] et demande à la France et à l'Angleterre de revenir sur le mode d'élection. L’Angleterre accepta et la France fit de même[C 16].
Letraité d'Amiens, du, qui met fin à la période de guerres commencées en 1792, comporte une clause qui prévoit la restitution à l'Ordre de son territoire de Malte ; mais elle ne va pas être respectée, du fait de lareprise en 1805 de la guerre entre la France et l'Angleterre[54].
Le grand maître Tommassi installe les décombres de l'Ordre àMessine enSicile[C 18], puis àCatane enItalie[D 15], en attendant la possibilité de se reconstituer à Malte. Il vivait petitement, ayant refusé les subsides de Bonaparte[C 18], seulement entouré de deux commandeurs : un italien Del Verne et un français Dupeyroux[C 19]. Il meurt le[D 16] un mois après Hompesch, le[C 20].
S'ensuit une période sombre qui entérine l'éclatement de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Le, trente-six chevaliers réunis à Catane élisent comme grand maîtreGiuseppe Caracciolo di Sant'Erasmo[C 20] mais en, le papePie VII par bref nomme commelieutenantad interimInnico Maria Guevara-Suardo(en)[C 20]. À peine nommé, Guevara-Suardo écrit à de Ferrette : « à l'aspect du squelette qui a remplacé le Corps […] depuis la perte de Malte, l'ordre a vu périr un nombre considérable de ses premiers religieux ; presque tous les novices ont cherché à se procurer du pain, soit par des mariages sortables, soit par des entreprises qui les enlevèrent à leur ancien État ; depuis cette époque fatale, les réceptions ont été à peu près égales à zéro ; les changements de domination ou de système ont privé ce corps des sept huitièmes de ses ressources en hommes et en revenus »[C 20].
Letraité de Paris en 1814 reconnaît l'Angleterre, pays de religionanglicane, comme seul maître deMalte[D 16], ce qui éloigne encore un peu plus les espoirs d'un retour. En 1822, lecongrès de Vérone reconnaît pourtant une fois encore la légitimité des réclamations de l'Ordre en réclamant que le sort de l'Ordre ne soit pas séparé de celui de la Grèce. Pour la première fois l'Ordre ne liait plus sa survie à celle de Malte mais les affaires espagnoles mirent rapidement fin à ce rapprochement[C 21].
Après séparation, ralliement, opposition, intérêt divergeant, à ce qui reste de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, à cet « État sans territoire », le papeLéon XI en 1827 accorde comme consolation un couvent et une église àFerrare enItalie[D 17]. En 1831, l'Ordre réduit à un état-major s'installe définitivement àRome[D 17]. À partir de 1864, l'organisation en « Langues » disparaît : elles sont remplacées par des « associations nationales » ou « Grand Prieurés » (Rhénanie-Westphalie 1859, Silésie 1867, Angleterre 1871, Italie 1877, Espagne 1885, France 1891, Portugal 1899, Pays-Bas 1910, États-Unis 1928, etc.)[D 18].
Ce serait vers 1130 queRaymond du Puy rédige et applique une première règle modelée sur celle desaint Augustin[A 36]. La règle de saint Augustin est certainement la règle la plus communautaire, elle insiste plus sur le partage que le détachement, plus sur la communion que la chasteté et plus sur l'harmonie que l'obéissance[A 36]. Mais il est possible que la règle de l'origine était plutôt celle desaint Benoit[55].
Composée en latin, elle comporte dix-neuf chapitres[A 37] dont les quinze premiers forment un ensemble et les quatre derniers un autre, qui a plutôt l'air d'un complément ultérieur[56] :
I - Comment les frères doivent faire leur profession
II - Les droits auxquels les frères peuvent prétendre
III - Du comportement des frères, du service des églises, de la réception des malades
IV - Comment les frères doivent se comporter à l'extérieur
V - Qui doit collecter les aumônes et comment
VI - De la recette provenant d'aumônes et des labours des maisons
VII - Quels sont les frères qui peuvent aller prêcher et de quelle manière
VIII - Des draps et de la nourriture des frères
IX - Des frères qui commettent le péché de fornication
X - des frères qui se battent avec d'autres frères et leur portent des coups
XI - Du silence des frères
XII - Des frères qui se conduisent mal
XIII - Des frères trouvés en possession de biens propres
XIV - Des offices que l'on doit célébrer pour les frères défunts
XV - Comment les statuts, dont il est question ci-dessus, doivent être rigoureusement observés
XVI - Comment les seigneurs malades doivent être accueillis et servis
XVII - De quelle manière les frères peuvent corriger d'autres frères
XVIII - Comment un frère doit accuser un autre frère
XIX - Les frères doivent porter sur leur poitrine le signe de la croix
La date exacte de l'approbation de la règle par le papeEugène III n'est pas connue avec exactitude mais les historiens la fixent avant 1153[A 36]. Il est maintenant possible de parler de la fraternité de l’Hôpital : « C'est la convergence entre la mise en place des premières structures administratives régionales et l'élaboration de la règle par le maître Raymond du Puy et son approbation par le pape Eugène III au milieu duXIIe siècle qui permettent de dire que, alors et alors seulement, l'Hôpital est devenu un ordre »[B 21]. Un nouvel ordre est né, l'ordre Hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem.
À force d’additifs qui au fil du temps enrichissent la règle, une révision fut rendue nécessaire.Pierre d'Aubusson fit faire une nouvelle rédaction suivant un plan méthodique qui fut maintenu dans les éditions ultérieures[57].
MaisRaymond du Puy, le supérieur de l'Ordre, organise l'Ordre en trois classes[A 15] plus fonctionnelle que sociale à la différence des Templiers[B 14] :
ceux qui par naissance avaient tenu ou étaient destinés à tenir les armes : frères d'armes (chevaliers et sergents) ;
les prêtres et les chapelains destinés à assurer l'aumônerie : frères prêtre ou chapelain ;
enfin, les autres frères servants destinés à assurer le service : frères d'offices.
Grands maîtres de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem
La titulature est quasiment toujours la même : « humble maître de la sainte maison de l'Hospital de Jérusalem et gardien des pauvres du Christ[B 2] ».
La règle deRaymond du Puy et la bullePie postulatio voluntatis précisent que le (grand) maître est élu par ses frères mais ne précisent pas les modalités de l'élection[B 23]. LorsqueGilbert d'Aissailly démissionne en 1170, il organise l'élection de son successeur en s'adjoignant douze frères, le chapitre de Margat, en 1204/1206, transforme cette initiative en statut[B 24].
À Rhodes, lesbaillis, en tant qu'officiers supérieurs, ont le droit de porter une croix plus grande et ils sont appelés « grand croix »[58]. L'Ordre va garder l'habitude, une fois à Malte, de distinguer des commandeurs et de leur donner quelques prérogatives au sein du grand conseil. Ils sont appelés « vénérables », on leur accordera la dignité de bailli et on leur donnera le grade de grand croix[C 22]. Enfin lors de la « monarchisation », les ambassadeurs nommés par l'Ordre, s'attribueront le titre de bailli grand croix.
En 1540,Henri VIII fait disparaitre la langue d'Angleterre en confisquant tous les biens de l'Ordre en Angleterre et en Irlande. L'Ordre continuera à faire vivre fictivement la langue d'Angleterre en nommant des chevaliers anglais catholiques en exil comme prieur d'Angleterre[A 39].
Il y aurait une différence entre vêtement et habit : l'habit est le signe d'appartenance à l'Ordre[B 28], le vêtement est tout ce qui habille le frère.
Étant avant tout unordre hospitalier et charitable, lesfrères s'efforçaient d'être au service de leurs « seigneurs les malades » et se disent « serfs des serviteurs de Dieu », et à ce titre leurs habits et vêtements transparaissent de cette servitude ou plutôt humilité[B 29]. La règle, les « usances » et les statuts rappellent toujours au fil des siècles le devoir de tous les frères de s'habiller sans luxe. Cependant, leurs vêtements devaient être « commodes et confortables, adaptés aux missions, en particulier militaires »[B 29].Concernant l'habit commun de toutes les classes, il est noir ou du moins sombre, « couleur de l’humilité, celle desmoines bénédictins et deschanoines augustins »[B 29].
La croix faite de deux bandes de tissu croisées (d'où le nom de « croisé » pour ceux qui les portaient et de « croisade »),emblème (et non symbole) du pèlerinage à Jérusalem et de tout ce qui touche de près ou de loin à ceux qui exercent un pouvoir ou office religieux, a été utilisée par tous lesordres religieux-militaires, dont lesHospitaliers[B 29].
Dernier article de larègle de L'Hospital : «… Les frères […] devront porter sur leur poitrine la croix sur leurchapes et sur leursmanteaux (cappis etmantellis) en l’honneur de Dieu et de la sainte Croix afin que Dieu nous protège par cet étendard (vexillum) et la foi, les œuvres et l’obéissance et qu’il nous défende corps et âmes, nous et nos bienfaiteurs de la puissance du diable en ce monde et dans l’autre »[B 28].
Désireux de se voir différencier de leurs autresfrères, leschevaliers de l’Ordre ont fait requis du pape pour une reconnaissance de leur « qualité nobiliaire », comme c’est le cas pour lesTempliers (chevalier en blanc, sergents et prêtres en noir). Répondant partiellement à leur requête, le papeAlexandre IV décide le « que les chevaliers continueraient à porter comme les autres l'habit noir, mais ajoutait qu'au combat ils pourraient revêtir unjupon d'armes (ousurcot) et d'autres pièces militaires de couleur rouge et sur lesquels serait la croix blanche « comme cela est sur votre étendard (vexillum) » »[B 30].
Cependant cette distinction ne rentra certainement jamais dans les faits, les Hospitaliers étaient regardants quant aux prérogatives d'une classe sur une autre et de plus tous les chevaliers n'étaient pas encore obligatoirement nobles, puisque les statuts du deNicolas Lorgne précisent sans ambiguïté aucune[B 31] :
article 3 : « que tous les frères de l’Ospital doivent porter manteus noirs [avec] la crois blanche ».
article 5 : « tous les frères de l’Ospital d’armes> (fratres armorum) doient porter en fait d’armes le jupell vermeille avec la creis blanche ».
« L’habit rouge distinguait l’activité militaire et non pas un état social[B 31] ».
Dans le même temps oùRaymond du Puy, lesupérieur de l'Ordre, écrit larègle de l'Ordre et la transmet àRome, il propose l'adoption d'une bannière « de gueules à la croix latine d'argent » (rouge à croix blanche). Ce serait en 1130 que le papeInnocent II l'approuve. Elle flotte dès lors sur toutes les possessions de l'Ordre[A 17]. Ce serait l'ancêtre de tout ce qui deviendra les pavillons nationaux.
Roger de Moulins (1177-1187), huitième supérieur de l'ordre, fait accepter par lechapitre général de l'Ordre de 1181, le fait de recouvrir d'un drap rouge à croix blanche le cercueil des membres de l'Ordre[A 41].
Bateau de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem.pavillon de Saint-Jean des navires de l'Ordre.
L'ordre de Saint-Jean de Jérusalem devient une puissance navale quand elle s'installe àRhodes. En Terre sainte, l'Ordre armait quelques bâtiments qui permettaient aux membres de l'Ordre de se déplacer et de convoyer despèlerins. Un certain nombre de ceux-ci se retrouvent à Chypre ayant ramené les réfugiés et lesfrères dePalestine et d'autres amené d'Europe les participants au chapitre général[A 42]. Le papeClément V autorise en 1306 le nouveaugrand maîtreFoulques de Villaret (1305–1319) à armer uneflotte sans l'autorisation deHenri II roi de Chypre. L'Ordre dispose alors de deuxgalères, unefuste, ungalion et deuxdromons[A 43].
Tous ces bâtiments arboraient dans leurs matures, comme l'indique l'image ci-jointe, un pavillon naval qui était dérivés du drapeau de l'Ordre. Il représentait toujours la croix latine d'argent sur un fond degueules mais il s'est allongée pour prendre la forme d'un triangle isocèle.
Lasigillographie de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem a été étudié par S. Pauli dans un livreCodice diplomatico del sacro militare ordine Gerosolimitano paru à Lucques en 1733 et 1737 pour le deuxième volume[55]. Il a consacré neuf planches à la reproduction de 93sceaux, à peine un quart de ceux-ci subsistait en 1881 quand Delaville Le Roulx repris son étude du fait du délaissement dans lequel les archives étaient. Malheureusement ses reproductions sont de piètre qualité pour servir à une étude sérieuse.
Les types enplomb des sceaux magistraux sont tous identiques à quelques détails près. Ils sont de forme ronde avec, à l'avers, la figure dugrand maître, de profil, tourné à droite, les mains jointes, agenouillé devant une croix à double traverse, au revers, un personnage couché, au-dessus de lui, un édifice à coupole centrale et deux latérales avec une lampe suspendue, une croix à la tête et une autre à ses pieds. La légende de l'avers comporte le nom du grand maître et celle du reversHOSPITALIS HIERVSALEM[63].
Le type de l'avers à peu évolué ; au bas du sceau l'habitude est prise, dès le commencement duXIVe siècle, de placer une figure illustrant le crâne d'Adam sur lequel, la tradition voulait que lacroix du Calvaire était plantée. Seul legrand maître etcardinalPierre d'Aubusson s’en affranchit en plaçant la croix sur une sorte deprie-Dieu avec le chapeau cardinalice et ses armoiries[64]. Le type du revers a donné lieu à beaucoup de conjectures. Le personnage allongé est soit un malade soit leChrist au tombeau. Ce ne peut être un malade, réservé au sceau dufrère hospitalier où il figure accompagné d'unfrère qui le nourrit. Ce n'est pas non plus leChrist mais celui d'un « cors d'ome mort d'avant » placé devant untabernacle sous les dômes duSaint-Sépulcre[65]. Une autre évolution du revers est lenimbe qui apparait petit à petit. On comprend l'inutilité de ce nimbe si le mort est pestiféré. Il est facile de penser que les graveurs aient cru au Christ au tombeau ou quelquesaint. Il est alors naturel de penser que l'oreiller a évolué vers un nimbe. Ce nimbe commence sousGuillaume de Villaret et est bien caractérisé sousHélion de Villeneuve pour se perpétuer ensuite dans tous les sceaux ultérieurs[66].
La liste des sceaux de grands maîtres avec l'indication de ceux perdus ou disparus en 1881[67] :
L'Ordre commence d'émettre sa propremonnaie vers 1310 en même temps qu'il acquiert la souveraineté avec son installation sur l'île deRhodes[A 44]. C'est le moment où l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem s'enrichit fortement. Ces pièces sont frappées aux portraits desgrands maîtres de l'Ordre sur le verso tandis que sur le recto se trouve une croix qui ne sera lacroix à quatre branches bifides typique de lacroix de Malte qu'à partir de 1520[A 44].
L'Ordre est à l'origine un ordre hospitalier mais rapidement il devient un ordre militaire. LesHospitaliers participèrent à de nombreuses batailles entre laDeuxième croisade en 1148 et laconquête française de Malte en 1798. Ils combattirent, sur 6 siècles et demi, notamment lors des batailles suivantes :
Arrivés dans l'île de Chypre et installés àLimassol, lesHospitaliers se rendent compte que la ville est ouverte à tous vents aux saccages despirates arabes. Lechapitre ayant refusé l'installation enItalie pour rester au plus près de laTerre sainte à reconquérir, il devient évident qu'il faille armer une flotte capable de défendre l'île mais aussi d'attaquer sur mer. En Terre sainte, l'Ordre armait quelques bâtiments qui permettaient aux membres de l'Ordre de se déplacer et de convoyer despèlerins. Un certain nombre de ceux-ci se retrouvent à Chypre ayant ramené les réfugiés et lesfrères dePalestine et d'autres amené d'Europe les participants au chapitre général[A 45].
Le papeClément V autorise en 1306 le nouveaugrand maîtreFoulques de Villaret (1305–1319) à armer uneflotte sans l'autorisation deHenri II roi de Chypre. L'Ordre dispose alors de deuxgalères, unefuste, ungalion et deuxdromons. Dans cette région de laMéditerranée orientale, les côtes très découpées, peu accessibles par terre, et la présence de nombreuses îles procurent de nombreux repaires aux pirates favorisant tous les trafics commerciaux mais aussi humains. À cette période, l'île deRhodes est un refuge sûr pour tous ces trafics[A 26].
Installé àMalte, l'Ordre développe sa puissance maritime et maintient la paix en Méditerranée en combattant lesOttomans et lesBarbaresques avec, pourtant, une flotte nettement inférieure, en unité navale, aux flottes musulmanes. Servir sur les galères de l'Ordre devient un passage obligé pour tous les aspirants chevaliers, souvent reçus dans l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem dès leur plus jeune âge. Les familles nobles, majoritairement françaises, payaient à prix d'or le passage de leurs fils à Malte pour que ceux-ci deviennent pages du grand maître ou d'autres dignitaires de l'Ordre. Après une période de noviciat de douze mois, les novices devenaientchevaliers en prononçant leursvœux. Ils devaient alors faire leurscaravanes. Ces caravanes, au nombre de trois, (quatre auXVIIe siècle) duraient généralement six mois chacune et formaient entre vingt et trente chevaliers par galère[68].
Rapidement, la flotte de l'Ordre devient une sorte d'académie navale avant l'heure, de grande réputation, attirant des nobles de nationalités étrangères à l'Ordre comme des Russes ou des Suédois qui s'engageaient comme volontaires pour une durée de deux ou trois ans. C'est ainsi que de grandes personnalités navales ont été formées dans l'incubateur maritime de l'Ordre. Quand il fallut recréer une marine française pour affirmer la puissance maritime de la France, lecardinal de Richelieu choisit pour modèle la tradition navale de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem[68].
« Bientôt on vit sortir des différents ports de l'île plusieurs petits bâtiments de différentes grandeurs, qui revenaient souvent avec des prises considérables, faites sur les corsaires infidèles » écrit l'historien de l'Ordre,Giacomo Bosio (1594-1602)[A 46]. Établis sur une île, ils n'ont pas d'autre moyen pour continuer le combat que d'aller sur mer et le combat naval permettait de se payer sur l'ennemi. Si des pirates infidèles sillonnaient les mers pour enlever des pèlerins, le prétexte était parfait pour justifier uneguerre de course. Cette nouvelle activité de l'Ordre, lecorso, va donner les moyens d'une nouvelle puissance auxHospitaliers[A 47]. La guerre de course, véritable colonne vertébrale du système économico-militaire des Hospitaliers, entretient le phénomène, d'une part à cause de la nécessité d'utiliser desesclaves pour la flotte militaire nécessitant de plus en plus derameurs aux chiourmes, et d'autre part avec l'afflux de captifs musulmans quand les combats sont victorieux. Malte deviendra ainsi une véritable plaque tournante du marché des esclaves de l'Europe chrétienne[2],[3].
Dès le (28 prairial an VI)Bonaparte prend un décret dans lequel ilabolit l'esclavage à Malte, un des premières décisions de ce genre en Europe[7] :
« Article 3. L'esclavage est aboli : tous les esclaves connus sous le nom debonnivagli seront mis en liberté, et le contrat déshonorant pour l'espèce humaine qu'ils ont fait est détruit. »
Déjà en 1635, Razilly propose sans succès augrand maîtreAntoine de Paule d'établir unprieuré et descommanderies en Acadie[A 31].Philippe de Longvilliers de Poincy, qui avait servi sous les ordres de Razilly comme commandant de fort en Acadie, partageait les vues de son supérieur. Il est nommégouverneur de lacolonie de Saint-Christophe[A 30] pour le compte de lacompagnie des îles d'Amérique, avant d'être nommélieutenant général pour lesCaraïbes parLouisXIII en. Poincy va investir à titre personnel dans le développement de l'île et de saplantation. Il charge en 1640 le huguenotFrançois Levasseur de prendre possession de l'île de la Tortue. Son action est considérée comme trop indépendante de ses commanditaires. L'ordre des Hospitaliers lui reproche aussi d'utiliser les produits qu'il tire de sa commanderie française pour entretenir un train de vie non compatible avec celui d'un membre de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Il est finalement remplacé dans ses fonctions parNoël Patrocle de Thoisy le. Toutefois, le, Poincy s'oppose au débarquement de Thoisy à Saint-Christophe. Après de multiples péripéties, Poincy se fait livrer prisonnier Thoisy et le renvoie en France en 1647. Malgré l'appui des chevaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem à la cour du Roi, Poincy doit payer90 000 livres en dédommagement à Thoisy.
Resté àSaint-Christophe, Philippe de Longvilliers de Poincy établit en 1648 la première colonie européenne surSaint-Barthélemy[A 30] et envoie un renfort de 300 hommes surSaint-Martin pour conforter la petite colonie française en parallèle autraité de Concordia qui a fixé la frontière entre les établissements français et néerlandais, traité toujours en vigueur aujourd'hui. Il fonde en 1650 une colonie surSainte-Croix.
Philippe de Longvilliers de Poincy est confirmé dans sa charge de gouverneur mais l'Ordre nommeCharles Jacques Huault de Montmagny, ancien gouverneur de laNouvelle-France, « général-proconsul » avec siège à Saint-Christophe avec mission de transférer aucouvent général de l'Ordre les profits des colonies. Le précédent de Noël Patrocle de Thoisy, engage Montmagny à la prudence et quand il apprend que Poincy refuse de le reconnaître comme général-proconsul, il rentre en France. L'Ordre le renvoie en 1653 avec le titre de « lieutenant-gouverneur » et devant le refus réitéré de Poincy, Montmagny se retire àCayonne attendant la mort de Poincy. Mais Montmagny meurt en 1657, trois ans avant Poincy.
L'ordre de Saint-Jean de Jérusalem nommeCharles de Sales, nouveau « lieutenant-gouverneur » de 1660 à 1664, qui se fait facilement accepter par les populations. Mais la situation est de plus en plus difficile : le traité signé par Poincy peu avant sa mort avec lesAnglais et lesCaraïbes dure peu ; les revenus que les Hospitaliers tirent de leurs colonies sont de peu de rendement. En 1660, l'Ordre doit toujours de l'argent à la France pour l'achat des îles.Colbert, très intéressé par le développement des colonies, fait pression sur les Hospitaliers pour récupérer leurs îles. L'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, alors queClaude de Roux de Saint-Laurent est « lieutenant-gouverneur » en 1665, cède ses colonies antillaises à la toute nouvellecompagnie française des Indes occidentales, mettant ainsi fin à 14 ans de gestion coloniale[69].
La grande bibliothèque deMalte construite entre 1786 et 1796[A 49] selon les plans deStefano Ittar, est inaugurée après le départ desHospitaliers en 1812 par lesAnglais. Elle recélait en 1798,80 000 livres[A 49] et toutes lesarchives de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem qui y sont encore.
DuXVIe au XVIIIe siècle, lesHospitaliers vont développer de manière très importante les techniques demédecine et dechirurgie comme des éponges imbibées d'opium que les malades suçaient jusqu'à s'évanouir[70]. Mais tout commence réellement avec l'Hospital de Jérusalem dès leXIIe siècle (lesstatuts deRoger de Moulins du officialisent pour la première fois dans le personnel soignant de l'Ordre, des médecins et des chirurgiens[B 12]), puis avec celui deRhodes. En 1523 les Hospitaliers innovent dans lamédecine d'urgence en créant le premier navire hôpital avec lacaraque Santa Maria[A 50] ; ils inventent les infirmeries de campagne sous des tentes afin de pouvoir soigner les militaires blessés durant la guerre contre lecorsaireottomanDragut en 1550[A 50].
En 1595, une école de médecine est créée[A 33] puis en 1676, c'est l'école d'anatomie et de chirurgie[A 33], puis l'école de pharmacie de Malte en 1671[A 33] et enfin en 1687, la bibliothèque médicale[A 33]. Mais c'est en 1771 qu'est créée la célèbre université de médecine[A 33] qui ajoutera au rayonnement des Hospitaliers dans toute la Méditerranéenne mais aussi dans tout le monde occidental[A 33] ; en 1794, c'est la création de la chaire de dissection[A 33].
On peut également noter la création de l'école de mathématiques et des sciences nautiques au sein de l'université de Malte en 1782[A 33].
↑AuXIIe siècle, lecistercienIsaac de l'Étoile écrit :« À coups de lances et de gourdins, forcer les incroyants à la foi ; ceux qui ne portent pas le nom du Christ, les piller licitement et les occire religieusement ; quant à ceux qui de ce fait tomberaient durant ces brigandages, les proclamer martyrs du Christ. »,Xavier Hélary,Le Figaro Histoire, janvier 2020.
↑Manuscrit conservé aux Archives vaticanes, cote Vat. Lat. 4852
↑. À l'origine, la bulle du papePascal II,Pie postulatio voluntatis, nomme lexenodochion defrère Gérard : « L'Hospital ». Le nom des membres de l'Ordre est resté celui d'Hospitaliers.
↑L'expression La Religion est aussi utilisée en héraldique où l'on dit que les armes des grands maîtres sont écartelées à « La Religion » ou au chef de « La Religion » pour celles des commandeurs. Les armes de « La Religion » sont à la croix d'argent sur fond degueules
↑L'ordre souverain de Malte, de son nom complet ordre souverain militaire hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte, date officiellement du au moment de la promulgation et de la reconnaissance papale de la Charte constitutionnelle qui énonce dans son paragraphe 1De l'origine et de la nature de l'Ordre, article 1 « L'Ordre Souverain Militaire et Hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, dit de Rhodes, dit de Malte,issu desOspitalarii de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem […] est un Ordre religieux laïque, traditionnellement militaire, chevaleresque et nobiliaire. » (cf.Charte constitutionnelle (1961)p. 9). Nota : il est clairement indiqué « issu », cela ne veut pas dire « est ».
Alain Blondy, « L'affaire du Capitaine de nuit (1770), préhistoire du sentiment national maltais »,Malta Historica New Series,vol. 13,no 1,,p. 1-22(lire en ligne)
Salvatore Bono, « Au-delà des rachats : libération des esclaves en Méditerranée, xvie-xviiie siècle »,Cahiers de la Méditerranée [En ligne],vol. 87,(lire en ligne)
Paul Cassar,The Holy Infirmary of the Knights of St. John - La Sacra Infermeria, Malta, The Mediterranean Conference Centre Publisher,
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Abbé de Vertot, de l’académie des Belles Lettres,Histoire des chevaliers hospitaliers de S. Jean de Jerusalem, appellez depuis les chevaliers de Rhodes, et aujourd’hui les chevaliers de Malte, Paris, Rollin, Quillau, Desaint,
avec approbation et privilège du Roy. (4 volumes).