Aux petites heures du — Wesertag (« Jour Weser ») — l'Allemagne envahit le Danemark et la Norvège, opération menée ouvertement comme une intervention préventive destinée à contrecarrer la possibleoccupation planifiée et ouvertement discutée de ces deux pays par une forcefranco-britannique. Juste avant l'arrivée de leurs troupes, des envoyés allemands informent les gouvernements danois et norvégien que laWehrmacht doit venir « protéger laneutralité de leurs pays contre l'agression franco-britannique ». Ce motif sert de prétexte à l'invasion militaire de ces deux pays, « l'agression franco-britannique » n'ayant, dans les faits, jamais eu lieu.
L'heure prévue de débarquement fixée à la flotte d'invasion — leWeserzeit (l'« Heure Weser ») — est de5 h 15 du matin heure allemande,4 h 15 à l'heure norvégienne. D'un point de vue opérationnel, les particularités climatiques et géographiques des deux pays conduisent à deux situations militaires différentes.
Au début du printemps1939, l'amirauté britannique commença à considérer laScandinavie comme unthéâtre potentiel d'opérations dans l'optique d'un conflit armé avec l'Allemagne. Le gouvernement britannique était réticent à s'engager immédiatement et massivement dans un nouveau conflit terrestre sur lecontinent européen, pensant qu'il s'agirait alors d'une réédition de laPremière Guerre mondiale, qu'aucune des parties ne souhaiterait recommencer. Il commença donc à échafauder un projet de stratégie deblocus afin d'affaiblir indirectement l'Allemagne. L'industrie allemande était fortement dépendante desimportations de minerai de fer provenant des régions minières au nord de la Suède, et une grande partie de ce minerai était expédié en Allemagne par le port norvégien deNarvik. Le contrôle de la côte norvégienne permettrait ainsi de resserrer le blocus autour de l'Allemagne.
En, le chef de laKriegsmarine allemande, legrand-amiralErich Raeder, discuta avecAdolf Hitler des dangers causés par la présence éventuelle de bases anglaises en Norvège et la possibilité pour l'Allemagne de se saisir de ces bases avant que le Royaume-Uni ne soit en mesure de le faire. La Marine appuyait sur le fait que l'occupation de la Norvège permettrait le contrôle des espaces maritimes attenants et qu'elle pourrait servir de base de départ pour de futures opérations contre l'Angleterre. Néanmoins, à ce moment-là les autres entités de la Wehrmacht n'étaient pas intéressées par le projet, et Hitler publia seulement une directive dans laquelle il faisait état que l'effort principal serait produit lors d'une offensive terrestre sur lesPays-Bas.
Vers fin novembre,Winston Churchill, en tant que nouveau membre duBritish War Cabinet, proposa de miner les eaux norvégiennes. Cela forcerait les convois de minerai à venir naviguer dans les eaux internationales de lamer du Nord, où laRoyal Navy était en mesure de leur barrer la route. Toutefois, sa proposition fut repoussée parNeville Chamberlain etLord Halifax, du fait de leur crainte d'une réaction négative des pays neutres comme lesÉtats-Unis. Après le déclenchement de laguerre d'Hiver entre l'Union soviétique et laFinlande en, la situation diplomatique fut changée, Churchill proposa à nouveau son plan de minage, mais il fut encore rejeté.
En décembre, leRoyaume-Uni et laFrance commencèrent sérieusement à envisager d'aider la Finlande. Leur plan consistait en l'envoi d'une force, devant débarquer àNarvik au nord de la Norvège, puis traverser la Suède jusqu'à la Finlande. Évidemment, ce plan leur aurait permis par là même d'occuper les gisements de fer en Suède. Le plan reçut le soutien tant de Chamberlain que d'Halifax. Ils comptaient dans ce cas sur le soutien et la coopération de la Norvège, qui faciliterait sans doute les clauses de droit international. Néanmoins, les avertissements qu'avait auparavant envoyés le Royaume-Uni tant à la Norvège qu'à la Suède au sujet de leur commerce avec l'Allemagne n'eurent aucun effet sur les deux pays en question. Les plans d'expédition se poursuivirent bien qu'en mars, les hostilités cessèrent entre la Finlande et l'Union soviétique.
Conscient de la menace que lesAlliés faisaient planer sur son approvisionnement en minerai de fer, Hitler ordonna à l'OKW de se lancer dans un plan préliminaire concernant l'invasion de la Norvège dès le. Le plan préliminaire avait pour nom de codeStudie Nord et ne faisait appel qu'à une seuledivision.
Entre le14 et le, laKriegsmarine étudia une version étendue de ce plan. Elle mit en avant deux facteurs essentiels de l'assaut à venir. D'abord, que l'effet de surprise serait un facteur très important pour le succès de l'opération, afin de limiter la menace d’une résistance de la part de la Norvège. Le second élément consistait en l'utilisation desnavires de guerre allemands les plus rapides plutôt que de simples bateaux de lamarine marchande, relativement lents, pour le transport des troupes. Cela permettrait d'occuper tous les objectifs rapidement et simultanément, alors que les navires de transport n'avaient qu'un rayon d'action limité. Ce nouveau plan faisait appel quant à lui à uncorps d'armée entier, comprenant une division de montagne, unedivision aéroportée, une brigade d'infanterie mécanisée et deux divisions d'infanterie. Les objectifs des débarquements de ces forces seraient la capitale norvégienne,Oslo, ainsi que les centres de population attenants,Bergen,Narvik,Tromsø,Trondheim etStavanger. Ce plan comprenait également la capture rapide des rois du Danemark et de Norvège, dans l'espoir que cela contribuerait à une reddition rapide des deux pays.
Le, le commandement des opérations fut confié au généralvon Falkenhorst. Il avait combattu en Finlande durant laPremière Guerre mondiale et, de ce fait, était conscient des particularités de la guerre dans le froid polaire. Néanmoins, il n'aurait sous ses ordres que les troupes terrestres, malgré le désir émis par Hitler d'un commandement unifié de toutes les armes.
Le plan d'attaque final fut baptisé du nom de code « opérationWeserübung » (« Exercice sur laWeser ») le. L'opération serait menée sous le commandement de la21e armée et la force d'attaque comprendrait la3e division d'infanterie de montagne et 5 divisions d'infanterie, dont aucune de ces dernières n'avaient connu leur baptême du feu. La première vague consisterait en trois divisions, les autres devant suivre dans une deuxième vague. Trois compagnies deparachutistes auraient pour mission d'occuper les terrains d'aviation. La décision d'envoyer également la2e division d'infanterie de montagne ne sera prise que par la suite.
À l'origine, le plan prévoyait d'envahir la Norvège et de prendre le contrôle des terrains d'aviation danois par la voie diplomatique. Toutefois, Hitler fit paraître une nouvelle directive le1er mars 1940 ordonnant l'invasion pure et simple des deux pays. Cette décision fut inspirée par les demandes répétées de laLuftwaffe relatives à ses besoins de capturer les bases de chasseurs danois et les sites de surveillance aérienne. LeXXIe corps fut constitué pour l'invasion du Danemark, composé de deux divisions d'infanterie et la11e brigade motorisée. L'opération complète serait sous la garde duXe corps aérien, composé de quelque 1 000 avions de types variés.
En février, ledestroyer britanniqueHMS Cossack aborda le navire de transport allemandAltmark dans les eaux territoriales norvégiennes, violant ainsi la neutralité de la Norvège, libérant300 marins britanniques prisonniers à bord, ce qui constituait également une violation de la neutralité norvégienne de la part des Allemands. L'Altmark aurait dû les relâcher dès qu'il entrait en territoire neutre. Hitler considéra cet incident comme une preuve claire de la volonté britannique de violer la neutralité norvégienne, ce qui le décida encore davantage à mettre son plan à exécution.
Le, le Royaume-Uni décidait d'envoyer uncorps expéditionnaire en Norvège au moment même où laguerre d'Hiver était en voie d'achèvement. Le corps expéditionnaire commença à embarquer le13 mars, mais il fut rappelé et les opérations annulées avec la fin de la guerre d'Hiver. Cependant, le Cabinet britannique vota la poursuite des opérations de minage des eaux norvégiennes, ce qui devait être suivi par le débarquement de troupes.
Les premiers vaisseaux allemands appareillèrent en vue de l'invasion le, tandis que le, un destroyer britannique commençait à mouiller les premières mines dans les eaux norvégiennes. Le, l'invasion allemande était en marche.
Stratégiquement parlant, le Danemark ne revêtait pas une grande importance aux yeux des Allemands, hormis comme base de départ pour leurs opérations ultérieures en Norvège, ainsi qu’évidemment comme pays frontalier de l'Allemagne qui devait être contrôlé d'une manière ou d'une autre. Petit et relativement plat, le pays constituait un terrain idéal pour les opérations militaires allemandes, et la petitearmée danoise n'avait que peu d'espoir en cas de résistance armée. Néanmoins, aux petites heures du, quelques troupes danoises engagèrent le combat avec les Allemands, ce qui leur occasionna quelques dizaines de victimes.
Après qu'un millier d'hommes avait débarqué dans le port deCopenhague, un détachement de la garde royale engagea le combat avec les assaillants. Juste après les premiers coups de feu, plusieurs formations de bombardiersHeinkel He 111 etDornier Do 17 survolèrent la ville. Face à la menace explicite de laLuftwaffe de bombarder la population civile, le gouvernement danois capitula en échange de l'assurance qu'il garderait son indépendance politique pour ce qui était des questions de politique intérieure. Cela déboucha sur l'uniqueoccupation relativement clémente de la part des Allemands, du moins jusqu'à l'été1943. L'arrestation et ladéportation desJuifs danois n'y commencèrent que tardivement et seulement une fois que la majorité d'entre eux avaient été avertis de la menace et avaient pu partir pour trouver asile enSuède). Finalement, moins de 500 Juifs danois furent déportés, et moins de 50 d'entre eux perdirent la vie en camp de concentration, sur une population d'avant-guerre évaluée à 8 000.
Si l'occupation du Danemark pouvait à première vue paraître un objectif secondaire pour leTroisième Reich, le docteurWerner Best, second plénipotentiaire allemand, déclara tout de même : « Le Danemark apporta un soutien économique substantiel à l'Allemagne grâce à son agriculture. Il constituait également un intermédiaire important avec la Suède ».
Les sites de débarquement des troupes allemandes pendant la phase initiale de l'opérationWeserübung.Navires de laKriegsmarine à Narvik en 1940.
La Norvège était importante pour l'Allemagne pour deux raisons principales. Elle pouvait constituer une importante base pour ses unités navales, y compris sesU-boots, lui permettant ainsi de harceler les convois alliés dans l'Atlantique Nord d'une part, et, d'autre part, de protéger ses cargaisons de minerai de fer en provenance de Suède via le port deNarvik. La longue et sinueuse ligne côtière du nord constituait en outre un terrain parfait pour le lancement d'attaques de U-boots à l'encontre de la marine marchande britannique. L'Allemagne était en effet fortement dépendante des livraisons de minerai suédois et s'inquiétait à juste titre de la menace que les Alliés faisaient peser sur cette voie d'approvisionnement.
Les croiseurs légersKöln etKönigsberg, le navire d'exercice pour l'artillerieBremse, le transport de troupesKarl Peters, deuxtorpilleurs et cinq vedettes lance-torpilles, transportant 1 900 hommes de troupe pourBergen ;
Le croiseur légerKarlsruhe, trois torpilleurs, sept vedettes lance-torpilles avec 1 100 hommes à destination deKristiansand ;
:opérationWilfred, consistant au mouillage de mines interdisant aux minéraliers allemands chargés à Narvik d'utiliser les eaux territoriales norvégiennes.
En fin d'après-midi du, leKampfgruppe 5 est repéré par le navire de garde-côtes norvégienPol III.Pol III est mis hors de combat. Son capitaine, tué dans l'opération, constitue la première victime norvégienne de la guerre.
Les vaisseaux allemands remontent lefjord menant àOslo, atteignant le resserrement deDrøbak (Drøbaksundet). Tôt le matin du 9 avril, les canonniers de la forteresse d'Oscarsborg tirent sur le bateau de tête, leBlücher, qui avait été pris dans le feu des projecteurs vers5 h 15. En deux heures, le vaisseau, incapable de manœuvrer du fait de l'étroitesse du fjord, est coulé avec 600 à 1 000 hommes. La menace désormais avérée que constitue la forteresse retarde suffisamment longtemps la flotte d'invasion pour permettre de prendre des mesures d'urgence, qui se traduiront par la fuite relatée plus bas.
Du fait du naufrage duBlücher dans les resserrements du fjord d'Oslo, la famille royale ainsi que leParlement (y compris le gouvernement) échappent aux forces d'invasion allemandes. Le roiHaakon refuse de déposer les armes ; il s'ensuit labataille de Midtskogen, protégeant la fuite du roi ; bombardements d'Elverum et deNybergsund(en). La famille royale, les membres du Parlement et le trésor national fuient vers le nord afin d'échapper aux Allemands.
Baroud d'honneur héroïque, mais absolument inefficace, des frégates de garde-côtes norvégiensNorge etEidsvold àNarvik. Les deux bateaux sont torpillés et envoyés par le fond avec de nombreux hommes d'équipage.
Quisling annonce soncoup d'État à la radio. Son gouvernement restera non reconnu par le Parlement et par le roi. Cela justifie pleinement le rattachement au côté allié de la Norvège durant laSeconde Guerre mondiale. L'hostilité de la population norvégienne conduira Hitler à renvoyer Quisling une semaine plus tard.
Les Allemands capturent Narvik et y font débarquer les 2 000 hommes des troupes d'infanterie de montagne, mais une contre-attaque navale britannique menée pendant plusieurs jours par le vieux cuirasséHMS Warspite accompagné d'une flottille de destroyers permit de couler dix destroyers allemands après qu'ils eurent été à court de munitions et de carburant.
Bombardements dévastateurs des villes d'Åndalsnes,Molde,Kristiansund N,Steinkjer,Namsos,Bodø, Narvik ; ces bombardements avaient soit un but stratégique, soit un but psychologique (semer la terreur parmi les populations civiles).
Campagne principale des Allemands au nord d'Oslo, menée avec du matériel dernier cri ; face à eux, les soldats norvégiens, équipés d'un armement datant du tournant du siècle, aux côtés de troupes britanniques et françaises, arrêtent momentanément leur avance à Namsos en avant de se rendre. Ces faits constituent les « premiers combats terrestres opposant l'armée de terre britannique et la Wehrmacht durant la Seconde Guerre mondiale ».
Combats terrestres à Narvik : les Norvégiens et les troupes alliées (Français,Polonais) sous le commandement du généralCarl Gustav Fleischer accomplissent la « première opération tactique victorieuse contre la Wehrmacht durant la Seconde Guerre mondiale » mais les Alliés opèrent une retraite malencontreuse (cf.infra) ; combats àGratangen.
Le « dernier bastion » : laforteresse d'Hegra (Hegra festning, ou fort Ingstadkleiven) soutient le siège imposé par les Allemands jusqu'au5 mai. Ce fait est d'une grande importance pour les besoins de la propagande alliée, tout comme les opérations de Narvik.
Le roi Haakon, leprince héritier Olav et le Parlement appareillent deTromsø le (à bord du croiseur britanniqueHMS Devonshire) à destination du Royaume-Uni afin de représenter la Norvège en exil (le roi rentrera à Oslo cinq ans après, à la même date) ; laprincesse royale Märtha et ses enfants, s'étant vus refuser l'asile par leur Suède natale, quitteront plus tardPetsamo en Finlande afin de vivre leur exil auxÉtats-Unis.
La Norvège capitule (bien que les forces armées norvégiennes continuèrent à combattre les Allemands jusqu'à leur capitulation en Norvège le) le, deux mois après leWesertag.
Dans le grand Nord, les troupes norvégiennes, françaises et polonaises, soutenues par laRoyal Navy et laRAF, poursuivirent le combat contre les Allemands pour le contrôle de Narvik (seul port norvégien d'importance permettant les envois de minerai de fer suédois durant toute l'année, le port suédois deLuleå étant bloqué par les glaces pendant les mois d'hiver). Les Allemands furent repoussés hors de la ville le, mais du fait de la dégradation de la situation dans le reste du continent européen, les troupes alliées furent rembarquées durant l'opérationAlphabet et les Allemands reprirent le contrôle de la ville le, alors également vide d'habitants à la suite des bombardements massifs effectués par la Luftwaffe.
Le minerai de fer était extrait àKiruna et àMalmberget et acheminé par le rail aux ports deLuleå et deNarvik. (Frontières de 1920-1940.)
L'opérationWeserübung n'impliquait pas d'assaut militarisé à l'encontre de la Suède (pratiquement neutre) puisqu'il n'y en avait pas besoin. En contrôlant la Norvège, le détroit du Danemark et la plus grande partie du littoral de lamer Baltique, leTroisième Reich encerclait la Suède par le nord, le sud et l'ouest. À l'est, l'Union soviétique, héritière de l'ennemi héréditaire russe de la Suède et de la Finlande, était à cette époque en bons termes avec Hitler depuis lepacte germano-soviétique. Concernant laFinlande, seul un petit nombre de Finlandais prirent part à la lutte contre les Allemands au sein d'unités d'ambulance. Enfin, le commerce maritime de la Suède et de la Finlande était totalement sous le contrôle de laKriegsmarine.
De ce fait, l'Allemagne fit pression sur la Suède afin qu'elle lui permît de faire transiter par son territoire du matériel militaire et des permissionnaires. Le, les deux parties parvinrent à un accord. Les soldats devaient circuler non armés, et leurs déplacements ne devaient pas contribuer à un mouvement d'unité. Au total, 2,14 millions de soldats allemands et plus de 100 000 convois militaires allemands traversèrent la Suède jusqu'à l'arrêt officiel de ces voyages le.
En, la Finlande accepta de garantir l'accès de la Wehrmacht à son territoire. Initialement destinés au transit de troupes et de matériel militaire vers l'extrême nord de la Norvège, ces convois eurent bientôt pour but des bases allemandes mineures installées le long de la voie de transit, qui pourraient bientôt grossir en vue de la préparation de l'opérationBarbarossa.