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L'opéra-comique est un genre d'opéra où les scènes chantées alternent avec des dialogues parlés (avec desapartés au public). Il dérive de lacomédie-ballet, avec de nombreux emprunts au répertoire des airs sérieux et à boire. Un opéra-comique n'est pas nécessairement comique, ni conclu par un dénouement heureux. Ce genre apparaît auXVIIIe siècle et aborde aussi bien des sujets fictifs, empreints de merveilleux, que des sujets historiques. Il n'hésite pas, surtout dans la seconde moitié duXVIIIe siècle, à traiter de sujets de la vie quotidienne et à faire référence à l’actualité.
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Louis XIV chasse lescomédiens italiens de Paris en1697, à la demande descomédiens français qui avaient pris ombrage du triomphe de leurs confrères transalpins. Certains comédiens italiens restés en France et desforains qui se sentent une vocation d'acteurs transforment lacommedia dell'arte en spectacles forains dans lesthéâtres des foires saisonnières Saint-Laurent etSaint-Germain dont le succès attire à nouveau la colère des comédiens français. Les comédiens français obtiennent l'interdiction pour ces troupes foraines de parler sur scène et de jouer en plusieurs actes. Des forains récupèrent alors le canevas et les personnages italiens pour inventer un nouveau spectacle d’esprit parodique, avec des passages chantés envaudeville (emploi d’un air connu, populaire ou d’opéra, avec de nouvelles paroles)[1].
Le terme « opéra-comique » apparaît en1714, lorsqu'une troupe de la foire Saint-Germain (menée par la veuve Baron) obtient pour son spectacle un privilège de Louis XIV, le 26 décembre 1714, jouant désormais dans lethéâtre de l'Opéra-Comique[2]. Les spectacles autorisés sont des « représentations composées de musique, de danse, de machines, et de décorations. »
Deux ans plus tard, en 1716, Catherine Vanderberg, qui exploite le privilège du théâtre de la foire Saint Laurent, obtient del'Académie Royale de Musique la permission exclusive de donner, pendant la durée des foires, des pièces mêlées de chant, danses et symphonies, pendant un espace de quinze ans, moyennant 35,000 livres par an[3].
De1719 à1751, la rivalité des spectacles, et notamment desItaliens, entraîne plusieurs fermetures mais l’opéra-comique s’installe progressivement dans le paysage théâtral parisien[4]. Exploité parFlorimond Claude Boisard de Ponteau, le privilège de l'Opéra Comique passe aux mains deJean Monnet en 1743. Des relations lui avancent des fonds lui permettant de construire un amphithéâtre dansl'enclos Saint Laurent et de commander des décors et des costumes au peintreBoucher[5]. L'orchestre est confié àRameau. Le genre s'installe progressivement, et la figure principale de cette installation est sans nul douteCharles Simon Favart, célèbre librettiste qui donnera par la suite son nom à la salle de l'Opéra Comique et à une rue attenante.
« Vous embellissez tout ce que vous touchez » Lettre de Voltaire à C.S. Favart 3 octobre 1775, Voltaire’s correspondence T. XCII,p. 59-60., Genève: Institut et Musée Voltaire, 1953-1965[6]

L'opéra-comique de ces années s'autonomise, tant musicalement que théâtralement. Les intermèdes musicaux prennent plus d'ampleur (grâce à des musiciens commeJean Joseph Mouret,Michel Corrette ouNicolas Bernier) et les livrets se tournent vers des sujets nouveaux, comme la campagne idéalisée, la féerie, l'exotisme, l'orientalisme. Profondément ancré dans lesiècle des Lumières, l'opéra-comique de cette époque s'attache à montrer des sujets réalistes.
Dansla chercheuse d'Esprit, le public découvre ainsi un ingénu villageois qui parle d'amour avec un parler paysan. L'œuvre fait un triomphe et sera joué 200 fois de suite en 1741. Un des succès, notamment, est le costume de l'une des interprètes,Justine Favart, épouse du librettiste (et à quiJacques Offenbach rendra hommage dans l'opéraMadame Favart). Interprète hors pair, c'est elle qui inventera lecostume de scène, chantant parfois en robe de laine et sabots (dansLes Amours de Bastien et Bastienne), parfois en robe turque (dansLes Trois Sultanes)[7]. De 1743 à 1747,Noverre estmaître de ballet de la troupe.
Dans le cadre de laquerelle des bouffons, en 1753, le premier opéra comique entièrement original est composé parAntoine Dauvergne :Les Troqueurs[8]. Le directeur du théâtre de la foire,Jean Monnet, avait fait courir le bruit dans Paris qu'il préparait une pièce en français composée par un Italien, les bouffons étant persuadés que les Français n'avaient aucun gout pour la musique. Ce n'est que lors de la première représentation que fut révélée la supercherie.
La cour d'Autriche, notamment sous le règne deMarie-Thérèse, dont le français était la langue officielle, était friande d'opéras-comiques. C'est ainsi queGluck, bien avant sa carrière parisienne (1774-1779), fut appelé à écrire de nombreux ouvrages en français, entre 1758 et 1764 :La Fausse Esclave, créé le (Vienne) ;L'Île de Merlin, créé le (Vienne) ;Cythère assiégée1759 (Vienne) ;Le Diable à quatre, créé le (Laxenbourg) ;L'Arbre enchanté, créé la même année ;L'Ivrogne corrigé, créé en avril1760 (Vienne) etLe Cadi dupé, créé en. Sa dernière composition dans le genre estLa Rencontre imprévue ou les Pèlerins de La Mecque créé le.
C'est également le cas du jeuneWolfgang Amadeus Mozart, qui sera grandement inspiré par ce genre musical en construction. De 1768 à sa mort, de nombreuses œuvres témoignent de son intérêt pour le parlé chanté (traduit littéralement parsingspiel) :Bastien und Bastienne,Zaide,L'Enlèvement au sérail ou encoreLa Flûte enchantée.
Le goût du public pour lamusique légère et les opéras bouffe italiens pousse laComédie Italienne à racheter le répertoire et le privilège de l'Opéra Comique forain. Les deux troupes fusionnent et s'installent àl'Hotel de Bourgogne, un des théâtres les plus importants de la capitale depuis 1630. Les spectacles à l'affiche sont alors, en alternance, des comédies italiennes et des opéras-comiques. En 1779, les derniers comédiens italiens sont renvoyés, le public préférant aux comédies italiennes les chanteurs d'opéra-comiques et l'institution reprend le nom d'Opéra-Comique[9].

En 1783, à l'étroit à l’hôtel de Bourgogne, la troupe déménage dans un tout nouveau théâtre dessiné par l'architecte de la Reine,Jean-François Heurtier. Le théâtre est installé à l'orée de Paris, sur un terrain donné au roi par leDuc de Choiseul, emplacement que le théâtre occupe toujours aujourd'hui. En échange de cette donation, le Duc de Choiseul, ministre deLouis XVI, demande au roi une loge pour l'éternité.Marie Antoinette inaugure cette nouvelle salle de 1100 sièges le 28 avril 1783, avec un programme d'œuvres choisiesd'André Gretry. D'abord nommé Théâtre Favart, le théâtre change de nom à laRévolution française pour devenir Opéra Comique National[10].

La révolution française abolit les privilèges dans lanuit du 4 août 1789. Deux ans plus tard, le 13 janvier1791, la liberté des théâtres est proclamée[11]. L'Opéra Comique absorbe alors lethéâtre Feydeau, concurrent féroce, et s'y installe. Pour mettre fin à la concurrence entre les théâtres,Napoléon empereur limite le nombre de théâtres officiels et inclut l'opéra comique. Il fixe alors par décret le genre : « comédie ou drame mêlés de couplets, d’ariettes ou de morceaux d’ensemble. »
Les acteurs ont définitivement le droit de parole sur scène, pourvu que « les dialogues soient entrecoupés de chant ». L'alternance entre parlé et chanté est alors clairement définie et c'est sous cette forme que seront créées la majorité des œuvres de la salle Favart durant leXIXe siècle.
La hiérarchie entre les arts dans l'empire favorise l'opéra, placé au sommet de la pyramide. Pour être représentés, les compositeurs doivent auparavant faire leurs preuves. C'est alors qu'il est demandé à l'Opéra Comique d'ouvrir ses portes aux lauréats duPrix de Rome. À partir de 1822, une ordonnance oblige l'Opéra Comique à commander aux compositeurs lauréats une œuvre originale. Ainsi, l'Opéra Comique fait alors figure de tremplin pour les jeunes compositeurs entrés ensuite au répertoire. C'est le cas notamment d'Alexandre Montfort, d’Adolphe Adam, deFromental Halévy, deFerdinand Hérold et d’Ambroise Thomas.
Entre 1829 et 1840 sont créés notammentFra Diavolo de D.F.E Auber etZampa de Ferdinand Hérold. La troupe emménage deux fois (à lasalle Ventadour, authéâtre des Nouveautés) avant de retrouver lasalle Favart pour de bon. La salle est inaugurée avecle Pré Aux Clercs, deFerdinand Hérold. Loin des comédies railleuses des débuts du théâtre de la foire, l'Opéra Comique est désormais un genre institué, et surtout moral. Le public s'y rend en famille et y organise des « bals de la bonne compagnie ». Les œuvres représentées suivent cette logique et respectent la morale du public.

Lamonarchie de Juillet est pour l'Opéra Comique une période de prospérité, où sont acclamésBoieldieu,Auber et Hérold. Les succès tels queLa Dame Blanche,Le Calife de Bagdad,Le Pré aux Clercs ouLe Domino noir ont des sujets légers, proches du troubadour et du vaudeville, et délivrent le public des rebondissements politiques quotidiens. Certains succès, commeLe Postillon de Lonjumeau ouLa Fille du régiment, seront joués des milliers de fois et resteront à l'affiche jusqu'au siècle suivant.
Ces années sont également celles du règne d'Eugène Scribe. Insatiable librettiste, Scribe est l'auteur de près de 485 pièces en cinquante ans de carrière. Il associe notamment intrigue sentimentale avec conventions bourgeoises, patriotisme, et satire de ses contemporains. Ses qualités et son sens de l'intrigue et du quiproquo feront de lui un des plus grands vaudevillistes du siècle, aux côtés deLabiche etFeydeau.
Le succès de l'Opéra Comique lui permet désormais de représenter avec faste les grandes œuvres de son répertoire. Le public y voit une succursale del'Opéra de Paris, et continue de fréquenter la salle Favart, malgré la dure concurrence duThéâtre Lyrique et surtout desBouffes Parisiens, salle inaugurée par le truculentJacques Offenbach en 1855. En 1864, le privilège des théâtres, institué parNapoléon Bonaparte au début du siècle, est supprimé. La concurrence fait alors rage et l'Opéra Comique connait de graves difficultés financières.
Offenbach, jeune immigré deCologne, souhaite retourner aux origines de l'Opéra Comique, selon lui détournées par leGrand Opéra et par lesemi-seria qu'affectionne Hérold. Le genreopéra-bouffe qu'il remet au gout du jour, n'est cependant pas au gout de tout le public. Les succès remportés aux Bouffes parisiens, commeOrphée aux Enfers, ne suivent pas salle Favart, où le public abhorre les œuvres du compositeur étranger ; il faudra attendre la création desContes d’Hoffmann en 1881 pour que le compositeur soit acclamé.Barkouf,Robinson Crusoé etFantasio, trois œuvres qu'Offenbach créera salle Favart, ne recevront pas les faveurs du public. La représentation deFantasio en 1872 irritera notamment Georges Bizet :

« Il faut que tous les producteurs de bonne musique redoublent de zèle pour lutter contre l’envahissement toujours croissant de cet infernal Offenbach !… L’animal, non content de sonRoi Carotte à laGaîté, va nous gratifier d’unFantasio à l’Opéra-Comique. De plus, il a racheté à Heugel sonBarkouf, a fait déposer le long de cette ordure de nouvelles paroles et a revendu le tout 12 000 francs à Heu [Heugel]. Les Bouffes-Parisiens auront la primeur de cette malpropreté[12] »
Si Adolphe Adam quitte la Salle Favart au profit du Théâtre Lyrique, l'Opéra Comique récupère à l'Opéra son compositeur vedette :Giacomo Meyerbeer. Il compose pour la troupel'Étoile du Nord en 1854 etLe Pardon de Ploërmel en 1859. C'est également lui qui révèleVictor Massé, qui composeles Noces de Jeannette en 1853, œuvre qui sera jouée plus de 1 500 fois sur la scène du théâtre. Des œuvres de dimension "meyerbeerienne" y sont créées, telle Carillonneur de Bruges d'Albert Grisar, dontBerlioz s'étonne qu'elle n'ait pas été réservée pour l'Opéra de Paris.
Après Eugène Scribe, c'est au tour du duo formé parMichel Carré etJules Barbier d'occuper le devant de la scène et d'écrire les livrets des plus grandes œuvres du répertoire. C'est de leur plume que naîtront notammentles Pêcheurs de perles deGeorges Bizet,Mignon etHamlet d'Ambroise Thomas, et surtout l'œuvre posthume de Jacques Offenbach :Les Contes d'Hoffmann.
Laguerre franco-allemande de 1870 ruine le théâtre Lyrique et pousse Offenbach à l'exil. À l'Opéra Comique, deux révolutions ont lieu : on ouvre pour la première fois le répertoire à des œuvres étrangères jouées en français (et notamment en jouantles Noces de Figaro de Mozart) et on joue pour la première fois un ouvrage sans dialogue parlé :Roméo et Juliette, deCharles Gounod. Du côté de la troupe, on entame également un tournant sérieux ou brillent deux interprètes :Caroline Miolan-Carvalho etCelestine Galli-Marié (respectivement créatrices des rôles deMignon et deCarmen).
Des œuvres de plus en plus sérieuses sont jouées à la Salle Favart, tellesWerther deJules Massenet,Louise deGustave Charpentier etPelléas et Mélisande deClaude Debussy. Le genre en lui-même décline.
Ede Poldini est considéré, avecFarsangi lakodalom (1924) comme le père de l'opéra-comiquehongrois. En France, le genre se perpétue au travers d'oeuvres commeMârouf, savetier du Caire d'Henri Rabaud,le Pauvre Matelot deDarius Milhaud ou encoreles Mamelles de Tirésias deFrancis Poulenc, d'aprèsGuillaume Apolinaire.

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