Fille du grand-ducConstantin Nikolaïevitch de Russie et de la princesseAlexandra de Saxe-Altenbourg, Olga passe une enfance dorée entreSaint-Pétersbourg, laPologne et laCrimée. Elle épouse, à l’âge de seize ans, en 1867, le roiGeorgesIer de Grèce et l’accompagne dans son nouveau pays. Dans leroyaume hellène, Olga s’adapte d’abord difficilement. Très vite, elle s’engage cependant dans letravail social et fonde plusieurshôpitaux et centres d’aide aux démunis. Elle soutient également son époux, dont le règne est ponctué par différents conflits avec l’Empire ottoman. La souveraine met par ailleurs au monde une nombreuse progéniture, dont elle passe beaucoup de temps à s’occuper.
La famille royale hellène lors d'un voyage du grand-duc Paul Alexandrovitch de Russie à Athènes, à la fin des années 1880. Sur la photo, on peut voir, de gauche à droite, le prince Nicolas, la princesse Marie (assise par terre), la reine Olga, le diadoque Constantin (debout au milieu), le grand-duc Paul Alexandrovitch (avec un petit chien sur les genoux), la princesse Alexandra, le roiGeorgesIer et le prince Georges.
ConstantinIer de Grèce (1868-1923),roi des Hellènes (1913-1917 puis 1920-1922), qui naît dix mois après le mariage de ses parents et qui épouse la princesse allemandeSophie de Prusse (1870-1932) ;
Christophe de Grèce (1888-1940), prince de Grèce et de Danemark, qui épouse, en premières noces, la roturière américaineNancy Stewart (1878-1923) devenue, après sa conversion à l'orthodoxie, la princesse Anastasia de Grèce, puis, en secondes noces, la princesse françaiseFrançoise d’Orléans (1902-1953).
À travers ses enfants, Olga possède actuellement une nombreuse descendance européenne mais la souveraine est également l’ancêtre de plusieurs personnalités américaines de renom comme l’ancienmaire dePalm BeachPaul Ilyinsky (1928-2004), l'ex-officier de laCIADavid Chavchavadze (1924-2014) ou l’actriceCatherine Oxenberg (1961).
La grande-duchesse Olga de Russie vers 1861, collection particulière.
Olga Constantinovna passe une enfance dorée entre laCrimée et la région deSaint-Pétersbourg, où son père possède plusieurs résidences, parmi lesquelles lepalais de Pavlovsk, où elle voit le jour en 1851[1]. Ses parents, le grand-ducConstantin Nikolaïevitch et la grande-duchesseAlexandra Iosifovna, forment l’une des branches considérées comme les plus brillantes de lafamille impériale de Russie : sa mère est en effet tenue pour l’une des femmes les plus intelligentes et élégantes de laCour[2] tandis que son père est un conseiller écouté du tsarAlexandreII dit « le Libérateur »[3].
Enfant, Olga est décrite comme une petite fille simple et potelée, qui possède un large visage illuminé par de grands yeux bleus[4]. Contrairement à sa sœur cadette, la grande-duchesseVera Constantinovna[5], elle jouit d’un tempérament très calme mais se montre extrêmement réservée. Lorsque ses tuteurs l’interrogent durant ses leçons, elle éclate ainsi fréquemment en sanglots et s’enfuit de sa salle de classe en courant[4]. Au sein de sa famille, Olga est particulièrement proche de son père[N 1] et de son frère aîné, qui l’idolâtre[6]. Après le bannissement du grand-ducNicolas Constantinovitch àTachkent, Olga est d’ailleurs l’un des rares membres de la famille impériale à garder le contact avec lui[7].
En 1862, le grand-duc Constantin Nikolaïevitch est nommé par son frèrevice-roi dePologne. Depuis leCongrès de Vienne, le pays est divisé entre laPrusse, l’Autriche et laRussie. Cette dernière, qui en occupe la plus grande partie, voit son pouvoir contesté par les nationalistes polonais. Constantin Nikolaïevitch étant une personnalité libérale,AlexandreII le juge capable de s’attacher le cœur de la population. Le grand-duc s’installe donc àVarsovie avec son épouse et ses enfants. Mais le séjour des Constantinovitch en Pologne est difficile et le grand-duc est victime d’une tentative d’assassinat dès le lendemain de son arrivée dans la capitale. Finalement, l’insurrection des Polonais en et la radicalisation des indépendantistes poussent le tsar à rappeler son frère à Saint-Pétersbourg en août. Lors de ces événements, Olga est âgée d’environ onze ans et cette expérience difficile la marque profondément[8],[9].
La grande-duchesse Olga rencontre pour la première fois son futur époux, le roiGeorgesIer de Grèce, en. Celui-ci vient alors rendre visite autsarAlexandreII àSaint-Pétersbourg, afin de le remercier de l'avoir soutenu à l'occasion de sonélection comme roi des Hellènes. Le jeune souverain en profite pour rencontrer le grand-duc Constantin et sa famille, aupalais de Pavlovsk. Mais le séjour deGeorgesIer enRussie ne dure que six jours et Olga, qui n'a alors que douze ans, ne semble pas s'être beaucoup intéressée au souverain[9],[10].
En 1867, les deux jeunes gens se retrouvent dans la capitale impériale alors que le roi des Hellènes, invité pendant plusieurs mois parAlexandreII, rend visite à sa sœur, latsarevnaMaria Feodorovona, et à son beau-frère, letsarévitchAlexandre[1],[11]. À cette époque,GeorgesIer est décidé à se trouver une épouse et l’idée d’une alliance avec une grande-duchesse russe, née dans lareligion orthodoxe, n’est pas pour lui déplaire[12]. Dans lepalais de Marbre et à Pavlovsk, Georges fait donc connaissance avec Olga et la jeune fille ne tarde pas à tomber amoureuse de lui[N 2]. Mais elle n'en reste pas moins très angoissée à l'idée de quitter la Russie et passe des nuits entières à pleurer dans sa chambre durant toute la période de ses fiançailles[13].
Soutenu par sa sœur[13],GeorgesIer finit par demander la main d’Olga à ses parents. Face à cette possible union, Constantin Nikolaïevitch se montre d’abord réticent. Très proche de sa fille, le grand-duc considère en effet qu’à quinze ans, elle est encore trop jeune pour se marier. Il s’inquiète par ailleurs de l’énorme distance qui sépare laGrèce de laRussie. De son côté, la grande-duchesse Alexandra se montre beaucoup plus enthousiaste que son mari et, lorsque certains membres de la famille impériale lui font remarquer l’extrême jeunesse de sa fille, elle leur répond que celle-ci ne serait pas toujours aussi jeune[14].
La raison d’État finit donc par l’emporter et il est décidé que le mariage d'Olga et de Georges se déroulerait lorsque la grande-duchesse aurait atteint son seizième anniversaire. En attendant, la jeune fille doit redoubler d’efforts en classe afin de poursuivre sa formation, qui dure jusqu’au jour de son mariage[14].
La grande-duchesse Olga Constantinovna et le roiGeorgesIer s’unissent dans la chapelle dupalais d'Hiver, à Saint-Pétersbourg, le et les réjouissances qui marquent leur mariage s’étalent sur cinq jours entiers. Pendant la cérémonie, Olga porte la tenue de mariage traditionnelle desRomanov : robe cousue de fils d’argent, taillée à la mode deCatherineII, avec d’énormes chaînes dediamants ainsi qu'une cape d’hermine et develours rouge. La princesse porte également un diadème de diamants de formekokochnik, rehaussé d’une couronne impériale miniature, et trois mèches de cheveux lui retombent sur les épaules[1],[14].
Après les festivités, Olga et Georges passent une courtelune de miel aupalais de Ropcha, à une cinquantaine de kilomètres de Saint-Pétersbourg. Puis, le couple part pour la Grèce et la jeune femme découvre son nouveau pays[14]. Mais, avant de quitter laRussie, Olga rend une dernière fois visite à son oncle l'empereurAlexandreII qui lui demande d’aimer« son nouveau pays deux fois plus que le sien »[15].
L’adaptation d’Olga à sa nouvelle patrie n’est pas chose facile. Lorsqu’elle quitte laRussie et sa famille, elle est encore presque une enfant et, parmi tous ses bagages, elle emporte unemalle pleine depoupées et dejouets. La souveraine est d’ailleurs si consciente de sa jeunesse qu’elle a choisi de partir pourAthènes avec sagouvernante afin de poursuivre, avec elle, son éducation[1],[14].
Quand Olga et Georges arrivent auPirée, après leur voyage en bateau, la jeune reine arbore une robe bleue et blanche, auxcouleurs nationales de la Grèce, et la foule l’ovationne. Sur le chemin de la capitale, l’agitation populaire est telle qu’Olga, qui n’est pas habituée à de telles démonstrations, est au bord des larmes. Pourtant, la jeune fille n’a guère le temps de se reposer car la valse des représentations officielles l’emporte durant plusieurs jours et cela alors qu’elle ne parle même pas encoregrec. Pour la souveraine, le choc est si grand que, quelques jours après son arrivée dans le royaume, on la retrouve sanglotant sous un escalier avec sonours en peluche préféré dans les bras alors qu’elle est attendue pour un événement officiel[1],[3].
Malgré tout, Olga est une jeune femme appliquée et elle fait de son mieux pour apprendre son métier de reine. Elle parvient ainsi à maîtriser en moins d’un an le grec et l’anglais[3],[N 3]. Elle apprend également à se comporter en souveraine et à recevoir des visiteurs en audience. Pourtant, ses premiers pas sont hésitants et, si elle parvient à faire grande impression lors de sa première réception officielle, c’est autant à cause du respect qu’elle réussit à imposer aux fidèles venus la rencontrer que parce que ceux-ci la surprennent, peu après, en train de demander à GeorgesIer si elle s’est bien comportée[16].
Pour apprendre son métier de reine, Olga peut compter sur les conseils de son époux et de sa famille. La souveraine entretient en effet une importante correspondance avec les Constantinovitch et c’est sa mère, la grande-duchesseAlexandra, qui lui conseille de s’intéresser davantage à l’archéologie et aupassé de la Grèce afin de flatter l’amour propre de son peuple et de s’en attirer ainsi les bonnes grâces[17].
En privé, la reine Olga et le roiGeorgesIer communiquent enallemand car c’est la seule langue qu’ils parlent tous les deux au moment de leur rencontre. De fait, à l’époque, le souverain domine mal lefrançais et absolument pas lerusse, tandis que son épouse ne parle nidanois, nigrec, nianglais[22]. Cependant, la situation a beaucoup évolué lorsque les enfants du couple royal voient le jour. Ainsi, les monarques utilisent avec leurs enfants la langue de Shakespeare[N 4], même s’ils exigent que les enfants parlent grec entre eux[23].
La reine Olga et son dernier fils, le prince Christophe de Grèce, en 1889.
Lorsqu'elle se trouve dans la capitale grecque, il n'est pas rare que la famille royale se rende, le dimanche, àPhalère, pour y marcher au bord de l'eau. Olga, Georges et leurs enfants prennent alors l'omnibus à cheval qui passe devant le palais et dans lequel un compartiment leur est réservé. L'omnibus s'arrête, les trompettes du palais sonnent et la famille royale sort rapidement, afin de montrer ostensiblement son désir de ne pas faire attendre trop longtemps les autres passagers. Cette attitude rapproche la famille royale de la population et fait beaucoup pour entretenir une popularité parfois vacillante.GeorgesIer a coutume de répéter à ses enfants :« N'oubliez jamais que vous êtes des étrangers parmi les Grecs, et faites en sorte qu'ils ne s'en souviennent jamais »[27].
Olga a beaucoup plus de mal que son époux à se départir de son tempérament originel et elle tend à se montrer très nostalgique de sa vie en Russie. La chambre de la reine est ainsi remplie d’icônes qu’elle a amenées de son pays natal et, dans la chapelle du palais, ce sont toujours des chants slaves qu’elle entonne avec ses enfants. Surtout, lorsque des marins russes sont de passage dans la capitale, la souveraine leur rend de nombreuses visites et n’hésite pas à les inviter au palais royal[28]. Depuis son mariage en 1867, Olga a la particularité d'être la seule femme de l'histoire à porter le titre d'amiral de la flotte impériale[N 5] et ce n'est donc pas sans raison qu'elle désire se montrer aimable vis-à-vis des marins russes de passage à Athènes[13],[29].
Lorsque le princeChristophe de Grèce, huitième et dernier enfant d'Olga et de Georges, naît en 1888, la souveraine décide d’en faire son« petit Russe ». Alors qu’elle a accouché de chacun de ses aînés en Grèce, la reine donne le jour au petit garçon aupalais de Pavlovsk. L’enfant reçoit par ailleurs pour parrain et marraine le beau-frère et la belle-sœur d'Olga, l'empereurAlexandreIII et l'impératriceMaria Feodorovna de Russie[30]. Dans les années qui suivent, la souveraine a en outre la satisfaction de marier trois de ses autres enfants, le princeNicolas et les princessesAlexandra etMarie, à desRomanov[N 6]. Ces unions donnent à la souveraine une excuse supplémentaire pour se rendre en voyage en Russie.
Comme la plupart desRomanov, la reine Olga est radicalement opposée à ladémocratie et soutient fermement l’autocratie. Son filsNicolas rapporte ainsi, dans sesMémoires, qu’un jour qu’il lui parlait de l’importance de l’opinion publique, la reine lui a rétorqué (en français) :« Je préfère être gouvernée par unlion bien né que par quatre centsrats de mon espèce »[31].
Cependant, l’intérêt de la reine pour la politique est limité. Et même si certains auteurs (commeÉdouard Driault etMichel Lhéritier) la présentent comme un soutien duparti russe et dupanslavisme[32], tous s’accordent pour dire qu’elle n’a pas eu de réelle influence politique sur son époux et qu’elle n’a pas vraiment cherché à infléchir lerégime parlementaire grec[33],[34]. De fait,GeorgesIer s’est toujours montré respectueux du régime constitutionnel et il ne s’est jamais laissé influencer par sa famille au moment de prendre une décision politique[35]. Il est en revanche probable que l’ascendant de la souveraine a été plus important sur ses enfants, et notamment sur son deuxième fils,Georges, nommé haut-commissaire de laCrète autonome entre 1898 et 1906. Selon Édouard Driault et Michel Lhéritier, les conseils d’Olga au prince auraient ainsi fortement contribué au durcissement, et à l’échec final, de sa politique[36].
Quant aux relations de la souveraine avec laRussie, elles ont davantage servi à protéger laGrèce lorsqu’elle se trouvait dans une position difficile (comme après le désastre de laguerre gréco-turque de 1897[37]) qu’à favoriser lesSlaves contre le royaume hellène. Ainsi, pendant laPremière Guerre balkanique, Olga s’est immédiatement positionnée contre laprésence bulgare àThessalonique et n’a pas hésité à tenir un discours très patriotique devant le roiFerdinandIer de Bulgarie[38]. Il semble, en revanche, qu'Olga n'ait jamais réellement cru à la possibilité d'une reconquête deConstantinople par les Grecs et qu'elle ait, sur ce point, été plutôt favorable à une présence russe dans lesDétroits[39].
Finalement, le rôle politique d’Olga est surtout symbolique et se résume largement à recevoir en audience, à Athènes, les dames de la haute société grecque et les étrangères de passage qui demandent à la rencontrer[40]. L’action de la souveraine est, en revanche, beaucoup plus importante dans le domaine social.
Bien que russe de cœur, la reine Olga est loin de se désintéresser de ses sujets grecs. Dès son arrivée àAthènes, et alors qu’elle a seulement seize ans, la souveraine s'engage dans des œuvres de charité s'occupant des malades, des mendiants, des enfants et des femmes. Elle reprend ainsi le patronage de l’Amaléion, l’orphelinat fondé par l’ex-reineAmélie de Grèce, derrière lesjardins dupalais royal, et de l’Arsákeio, une importante école de filles située sur le boulevard de l’Université. Surtout, elle fonde de nouvelles institutions destinées aux nécessiteux. Grâce à sa cassette personnelle et au soutien de riches donateurs, Olga fait ainsi construire unhospice destiné à l’accueil des malades incurables et un autre pour les vieillards paralytiques, ainsi qu’unsanatorium (nomméSanteria)[41].
Dans la capitale, la souveraine fonde en outre une société d’aide aux pauvres et unjardin d'enfants de parents nécessiteux. AuPirée, elle met en place unesoupe populaire qui sert également d’école de cuisine pour les jeunes filles pauvres. Rapidement, cette institution connaît un très vif succès : elle est alors agrandie et transformée enécole du dimanche pour les filles d’ouvriers, avant de devenir une école et un atelier detissage pour jeunes filles et vieilles femmes en difficulté[42].
Le philanthrope grec Georges Averoff.
Avant l’arrivée d’Olga en Grèce, il n’existait qu’un seul type deprison dans le pays et hommes, femmes et adolescents délinquants étaient incarcérés dans les mêmes établissements pénitentiaires. Avec le soutien de richesphilanthropes commeGeorges Averoff, la souveraine fait donc construire une prison pour femmes dans la capitale et une série de maisons de redressement dans tout le pays[43].
Déjà patronne de deuxhôpitaux militaires athéniens, Olga fait construire l'hôpital russe du Pirée en mémoire de sa fille, la grande-duchesseAlexandra, décédée en 1891. Cette institution, principalement destinée auxmarins russes, est ouverte à tous les hommes de mer de passage en Grèce : ils y paient trentelepta la consultation et leurs médicaments sont alors gratuits[44],[45].
Cependant, la grande réalisation de la reine reste l'hôpital athénienEvangelismos, édifié dans l'avenue Kifissias avec le soutien financier du philanthropeAndréas Syngrós. Il s'agit là d’une institution très moderne, qui sert à la fois de centre de soin et d’école d’infirmières placée sous la direction de Miss Reinhard, une infirmièredanoise arrivée en Grèce pendant laguerre contre l'Empire ottoman de 1897. Lorsqu'elle se trouve dans la capitale, la souveraine s'y rend presque tous les jours pour visiter les malades et s'assurer du bon fonctionnement de l'institution[46],[47].
Sous le règne deGeorgesIer, Olga fait également œuvre d’infirmière pendant les conflits qui opposent la Grèce à ses voisins. En compagnie de sesfille et belles-filles, elle organise ainsi des hôpitaux de campagne sur le front et soigne personnellement des soldats blessés lors de laguerre gréco-turque de 1897 et de laPremière guerre balkanique (1912-1913)[48]. Son travail avec les blessés lui vaut d'ailleurs d'être décorée, en même temps que sa belle-filleSophie, de laCroix rouge royale par la reineVictoria du Royaume-Uni en[49].
Grâce à ses bonnes œuvres, la souveraine se gagne rapidement l'affection de ses sujets et devient ainsi la reine la plus populaire de l'histoire grecque[50]. Malgré tout, elle n'est pas sans soulever quelques polémiques durant le règne de son époux.
Représentation de l'émeute du, point culminant de la crise évangélique.
C'est en que sort la traduction duNouveau Testament en katharévousa écrite par la secrétaire de la reine, Iulia Somaki, et soutenue par la souveraine. Le texte est vendu à unedrachme, prix bien en dessous du coût réel de l’édition, et connaît donc un important succès. Pour atténuer les critiques liées à la traduction, lesÉvangiles sont publiés dans leurs différentes versions, tant nouvelles qu’originales, et le frontispice de l’édition précise clairement que le texte est destiné à un usage strictement familial et en aucun cas pour l’église. Mais, publiée sans l’aval duSaint Synode (et même en dépit de l'opposition de celui-ci), laBible d’Olga soulève rapidement les critiques[51].
À la même époque, une autre traduction du texte sacré est réalisée parAlexandros Pallis, figure importante du mouvement littéraire soutenant l'utilisation de la langue grecque populaire (ladhimotikí) en littérature. La publication de la traduction de Pallis commence le dans le journalAcropolis. Presque immédiatement, lesthéologiens puristes dénoncent cette version comme une« insulte contre les vestiges les plus précieux de la nation » tandis qu’une fraction de la presse hellène accuse Pallis et ses soutiens deblasphème et de trahison. Finalement, lepatriarche œcuménique deConstantinopleJoachimIII dénonce la traduction, ce qui alimente davantage les oppositions. Du 5 au, des émeutes, soutenues par des professeurs conservateurs, se produisent à l’Université nationale et capodistrienne d'Athènes. Les étudiants demandent l’excommunication de Pallis et de tous ceux qui sont impliqués dans les traductions bibliques, y compris la reine Olga et l’archevêque d’Athènes,ProcopeII, qui a supervisé la première traduction à la demande personnelle de la souveraine[52].
Le conflit entre les émeutiers et la troupe grecque, envoyée pour restaurer l’ordre, fait huit morts et plus de soixante blessés. Pour apaiser la situation, le gouvernement deGeorgesIer confisque toutes les copies restantes des traductions bibliques tandis que le Saint-Synode menace d'en excommunier tous les lecteurs. La reine Olga et les autres artisans des traductions ne sont pas condamnés mais les émeutes, connues sous le nom decrise évangélique, provoquent malgré tout la démission dumétropoliteProcopeII et du gouvernement du Premier ministreGeórgios Theotókis[53].
Carte postale souvenir prise lors des funérailles du roiGeorgesIer.
Afin d’affirmer le droit des Grecs sur la principale ville deMacédoine, le roiGeorgesIer se rend dans la cité quelque temps après sa conquête par lediadoqueConstantin, le. Durant son long séjour dans la ville, le souverain sort tous les jours se promener sans escorte dans les rues, comme il en a pris l’habitude à Athènes. Or, le, l'anarchiste grecAléxandros Schinás profite de la quasi-solitude du roi pour l’assassiner d’un coup de feu, alors qu’il se trouve près de laTour blanche[55].
Lorsque son époux est assassiné, la reine Olga se trouve loin de lui, à Athènes, et c'est le princeGeorges[56], accompagné du princeAndré et de la princesseAlice, qui lui annonce la triste nouvelle[N 7],[57]. Peu de temps après, la désormais reineSophie et sa fille la princesseHélène viennent auprès d'Olga pour la réconforter. Les deux femmes trouvent alors la souveraine pleurant doucement et disant que ce qui vient de se passer« est la volonté de Dieu »[58]. Dès le lendemain[57], la reine douairière part pour Thessalonique pour visiter les lieux de l'assassinat, se recueillir sur la dépouille du roi, ramener celle-ci à Athènes et l'enterrer àTatoï après des funérailles[59].
Pour Olga, ces événements signifient à la fois la perte de son mari et d'une grande partie de ses fonctions officielles. L'arrivée de son filsConstantinIer sur le trône grec s'accompagne, en effet, de la promotion de l’épouse de celui-ci, la princesse Sophie de Prusse, au rang de nouvellereine des Hellènes. Désormaisreine douairière, Olga s’installe dans une aile dupalais royal. Elle ne tarde cependant pas à regagner sa terre natale, où elle passe de longues périodes en compagnie de son frère cadet, le grand-ducConstantin Constantinovitch, et de la famille de celui-ci[24],[60].
Cependant, à mesure que la guerre s’enlise et que la crise s’intensifie en Russie, Olga prend conscience du danger qui guette la famille impériale. Profitant de l’affection que lui portent le tsarNicolasII et la tsarineAlexandra Feodorovna[N 8], la reine des Hellènes tente, en 1916, d’avertir l’impératrice de l’imminence d’une révolution mais cette dernière refuse de l’écouter. Quelques semaines plus tard, Olga s’attire même la fureur de la tsarine après qu’elle a signé une pétition demandant la grâce pour son petit-fils, le grand-ducDimitri Pavlovitch, exilé sur lefront perse pour avoir participé à l'assassinat du mystiqueRaspoutine[66],[67].
Le grand-duc Georges Mikhaïlovitch, gendre d'Olga et victime de la révolution russe.
Finalement, larévolution survient en et le régime tsariste s’effondre. Rapidement, la situation d’Olga et de sa famille devient encore plus difficile. Devant l’isolement du palais de Pavlovsk, la belle-sœur et les neveux de la reine des Hellènes décident de gagnerPetrograd mais cette dernière refuse de quitter la résidence de son enfance et elle s’y retrouve bientôt presque seule, accompagnée uniquement d’une jeune domestique nommée Anna Egorova[N 9]. Du fait de lapénurie, l’alimentation des deux femmes se limite à un peu de pain sec trempé dans de la mauvaise huile. Surtout, à Pavlovsk, leur sécurité est loin d’être assurée. Quelques jours après larévolution d'Octobre et la prise du pouvoir parLénine, lesBolcheviks envahissent, à deux reprises, le palais princier et le saccagent. Heureusement pour Olga, sa domestique est une femme de caractère qui parvient à la protéger de la foule de révolutionnaires[68].
À la suite de ces événements, la reine Olga accepte de gagner Petrograd pour quitter la Russie. Mais les Bolcheviks refusent pendant longtemps de la laisser partir et leSchisme national, qui secoue au même moment laGrèce, empêche la souveraine de trouver secours auprès de son propre gouvernement. Après plusieurs mois d’appel à l’aide, c’est donc la légationdanoise qui finit par remettre unpasseport à la souveraine. Sous le nom d’« Olga Hellènes », elle pénètre enAllemagne à la veille de la défaite despuissances centrales puis gagne laSuisse, début 1919. Dans ce pays, elle retrouve sonfils aîné et sa famille, exilés depuis le mois de[62],[69].
Si lesRomanov sont particulièrement touchés par les bouleversements politiques dus à laPremière Guerre mondiale, lafamille royale de Grèce ne sort pas non plus indemne du conflit. Soutenu par une bonne partie de l’Armée et de l’opinion publique hellènes qui considèrent que la Grèce n'est pas prête à supporter un nouveau conflit, le roiConstantinIer refuse tout d’abord de faire entrer son pays dans la guerre. Mais sa politiqueneutraliste s’oppose rapidement à celle de son Premier ministre,Elefthérios Venizélos, et à celle des pays de l’Entente.ConstantinIer étant le beau-frère du kaiserGuillaumeII d’Allemagne, il ne tarde pas à être accusé d'avoir une attitude germanophile et le gouvernement athénien est regardé avec suspicion àLondres et surtout àParis[71]. Profitant de l’isolement diplomatique du souverain et de la bienveillance dont il bénéficie auprès desAlliés, Venizélos établit, en 1916, un gouvernement parallèle àThessalonique et la Grèce sombre alors dans leSchisme national[72].
Avec larévolution russe et l'abdication du tsarNicolasII en,ConstantinIer perd le dernier de ses soutiens au sein de l’Entente et il est finalement déposé et exilé enSuisse en. Mais les Alliés ne souhaitant ni instaurer la république en Grèce ni voir lediadoqueGeorges succéder à son père, le souverain est remplacé sur le trône par son deuxième fils, le jeuneAlexandreIer, jugé à la fois plus favorable aux Alliés et plus malléable que son frère aîné[73]. Malgré tout, la monarchie a beau être conservée à Athènes, la réalité du pouvoir est désormais placée entre les mains d’Elefthérios Venizélos, qui redevient Premier ministre tandis que les soutiens du roi destitué sont arrêtés ou exécutés[74].
EnSuisse,ConstantinIer et sa famille se retrouvent totalement isolés et désargentés. De fait, depuis le retour d’Elefthérios Venizélos au pouvoir, le gouvernement grec ne verse plus aucune pension aux anciens souverains. Bien plus, il interdit tout contact entre les exilés et le roiAlexandreIer. De santé déjà fragile, l’ancien souverain sombre peu à peu dans la dépression tandis que sonépouse se morfond d’inquiétude pour son mari et pour son fils[75].
De son côté, Olga se retrouve tout aussi désargentée que ses enfants : larévolution russe et leSchisme national l’ont en effet privée de l’essentiel de ses revenus et elle doit mener en Suisse une existence beaucoup moins fastueuse que par le passé[76]. La reine douairière ne se laisse cependant pas abattre et profite de l’exil pour passer plus de temps avec ses fils Constantin,Nicolas,André etChristophe[N 11], dont elle a été séparée tout au long de laGrande Guerre, et pour s’occuper de ses nombreux petits-enfants grecs[77].
Le, le roiAlexandreIer est mordu par un singe apprivoisé alors qu’il se promène dans le domaine deTatoï. Rapidement, sa plaie s’infecte et il est atteint desepticémie. Le, il commence à délirer et appelle sa mère à son chevet. Cependant, le gouvernement hellène refuse d’autoriser lareine Sophie à revenir en Grèce[78].
Très inquiète pour son fils et consciente que seule sa belle-mère trouve encore grâce aux yeux desvénizélistes, l’ancienne souveraine demande à Olga de se rendre àAthènes pour y soigner Alexandre. Après quelques jours de tractations, la reine douairière obtient l’autorisation de rentrer en Grèce mais, retardée par une mer agitée, elle arrive douze heures après la mort de son petit-fils, le[79]. Deux jours plus tard, la dépouille du jeune roi est ensevelie à Tatoï et Olga est le seul membre de la famille royale à pouvoir assister aux funérailles[80].
À Athènes, la disparition d’AlexandreIer donne lieu à une grave crise institutionnelle. Toujours opposé au retour deConstantinIer et dudiadoqueGeorges en Grèce, le gouvernement d'Elefthérios Venizélos offre la couronne hellène au princePaul, troisième fils du souverain déposé. Cependant, celui-ci refuse de monter sur le trône avant son père et son frère aîné à moins qu’un référendum l’appelle à la tête de l’État[81],[82].
Pour la famille royale, les conséquences de ces événements sont très graves. Le,ConstantinIer doit renoncer au trône pour la seconde fois à la suite ducoup d'État du colonelNikólaos Plastíras. Avec plusieurs autres membres de sa parentèle, dont sa mère, la reine Olga, il part en exil enItalie tandis que son fils aîné lui succède pour quelques mois sur le trône sous le nomGeorgesII[87].
Dans le même temps, l'avant dernier enfant de la reine Olga, le princeAndré, est accusé d’avoir provoqué la défaite grecque face à laTurquie alors qu’il était commandant des troupes hellènes à laSakarya. Arrêté par les forces du nouveau régime, il est jugé par untribunal militaire qui menace de le faire exécuter. Face à cette possibilité, la reine douairière fait tout son possible pour sauver son fils : elle contacte les gouvernements occidentaux et profite de son réseau familial pour faire pression sur le gouvernement athénien[N 12]. Finalement, le prince est libéré et quitte la Grèce avec sonépouse et ses enfants[88],[89].
Une fois sa famille en sécurité, Olga organise sa vie en exil. Contrairement à ses enfants et petits-enfants, l’ex-reine des Hellènes reçoit une pension de laRépublique hellénique, ce qui lui permet d’assurer décemment son existence. Mais son train de vie reste beaucoup plus modeste que du temps de la monarchie. De fait, Olga entretient de sa cassette personnelle de nombreux fidèles et anciens domestiques ayant fui la Grèce et il ne lui reste généralement pas plus de20livres par mois pour faire face à ses propres dépenses[76].
La reine Olga lors du mariage du prince Christophe de Grèce avec sa première épouse, May « Nancy » Stewart (1920).
La reine douairière peut cependant compter sur le soutien de sa famille, disséminée à travers toute l’Europe occidentale. AuRoyaume-Uni, où elle ne tarde pas à s’installer une fois le sort du princeAndré réglé, l’ex-souveraine partage ainsi son existence entreSpencer House, résidence de son fils cadet, le princeChristophe,Regent's Park, où sa fille, la grande-duchesseMarie, loue un hôtel particulier,Sandringham House, palais de sa belle-sœur, la reineAlexandra, etWindsor etBuckingham, où son neveu, le roiGeorgeV, lui prête des appartements[76],[90]. ÀParis, où elle séjourne à plusieurs reprises dans le but de suivre un traitement pour sesyeux[91], elle est hébergée par son deuxième fils, le princeGeorges, et par l’épouse de celui-ci, la princesseMarie Bonaparte.
Les dernières années d’Olga sont marquées par les problèmes de santé. En vieillissant, la reine douairière est contrainte de se déplacer enfauteuil roulant tandis que sa vue décline, ce qui donne parfois lieu à des situations cocasses. Ainsi, un jour qu’elle se promène avec un domestique dans les jardins de Windsor, elle confond une statue deLady Godiva[N 13] avec celle de la reineVictoria, scène qui fait par la suite beaucoup rire le roiGeorgeV[91]. De plus en plus dépendante, Olga finit par s’installer auprès du prince Christophe, devenu veuf de sa première femme, la richeaméricaineNancy Stewart en 1923. Elle s’installe alors à la Villa Anastasia deRome et c’est dans cette résidence qu’elle trouve la mort, le[76],[92].
S’ils sont profondément divisés à propos de leur anciennefamille royale, les Grecs tiennent Olga en haute estime et la nouvelle de sa disparition touche profondément la population hellène. En conséquence, le gouvernement républicain propose àGeorgesII de financer les funérailles de la reine et de rapatrier sa dépouille sur le territoire national. Cependant, ce dernier et sa famille déclinent l’offre de laRépublique et choisissent d’enterrer la souveraine enItalie, auprès de son fils, le roiConstantinIer, dont la Grèce n’avait pas voulu à sa mort en 1923[93].
Le, les funérailles d’Olga se déroulent donc à l’église orthodoxe deRome puis son corps est transféré dans la crypte de l’église russe deFlorence[76],[93]. Dix ans plus tard, en 1936, les cendres de l’ancienne souveraine, de son fils et de sabelle-fille sont finalement rapatriées àTatoï par le roiGeorgesII, restauré quelques mois auparavant sur le trône[94].
En 1936, l’ordre des Saintes-Olga-et-Sophie (engrec :οικογενειακό τάγμα Αγίων Όλγας και Σοφίας /oikogeneiakon tagma ton agion Olgas kai Sophias) a été créé en référence aux saintes patronnes de la souveraine et de sa belle-fille, lareine Sophie, par le roiGeorgesII de Grèce[99].
Entre 1938 et 1943, leReine Olga D-15 (engrec :Βασίλισσα Όλγα /Vasilissa Olga), undestroyer grec de type Greyhound, porte également le nom de la reine[102],[103].
↑Une preuve des liens étroits unissant Olga au grand-duc Constantin Nikolaïevitch est, qu’une fois devenue reine, elle accueille, à Athènes, l’une des filles illégitimes de son père, Maria Condorusso, et en fait l'une de sesdames de compagnie (King et Wilson 2006,p. 39).
↑Devenue mère, Olga raconte souvent sa rencontre avec Georges à leurs enfants. Elle précise alors toujours :« Je suis tombée amoureuse de l’homme, pas du roi. » (Russia 1988,p. 1).
↑Selon Marie von Bothmer, la reine finit même par mieux dominer le grec que sa propre langue maternelle (Bothmer 1899,p. 181).
↑Avec le princeAndré, Olga et Georges s’expriment malgré tout en grec, car leur fils se montre très patriote et refuse d’utiliser une langue étrangère avec sa famille (Sáinz de Medrano 2004,p. 73).
↑Il s'agit là d'un titre honorifique qui rappelle que le père d'Olga est, à l'époque de son mariage, à la tête de la Marine impériale russe.
↑N’ayant pas réussi à marier son fils aîné à une princesse russe, la reine est particulièrement heureuse de ces unions. Elle n’hésite d’ailleurs pas à faire pression sur sa fille Marie pour qu’elle accepte d’épouser le grand-ducGeorges Mikhaïlovitch en 1900 (Sáinz de Medrano 2004,p. 79 et 330-331).
↑Hugo Vickers évoque le futurGeorges II de Grèce (« young George »), mais celui-ci se trouve alors en Épire avecConstantinIer. Surtout, les mémoires du princeNicolas indiquent clairement que c'est son frère, et non son neveu, qui a averti la reine de l'assassinat de son époux.
↑Alors que l’impératrice se montre méfiante vis-à-vis de la plupart des Romanov, elle apprécie sa tante et invite fréquemment le plus jeune fils de celle-ci à jouer avec ses filles (Grèce 2006,p. 28-29).
↑Contrairement aux autres enfants de la souveraine, le princeGeorges et sa famille se trouvent alors à Paris tandis que la princesseMarie vit auRoyaume-Uni avec ses deux filles depuis le début de la guerre.
↑Il s’agit là d’une dame saxonne légendaire connue pour avoir traversé nue les rues deCoventry afin de convaincre son mari de baisser les impôts qu’il y prélevait pour la guerre.
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