L'expressionoiseau de mer, ouoiseau marin (anglais :seabird), renvoie à un ensemble aux limites assez mal définies : en réalité, la définition du groupe résulte plus d'une sorte de consensus, pour ne pas dire de tradition, sur lesespèces à inclure et celles à exclure, que sur des règlestaxonomiques, biologiques ou écologiques strictes. On classe habituellement dans ce groupe environ 305 espèces appartenant à huitfamilles, entretenant avec le milieu marin des relations de dépendance plus ou moins strictes pendant une partie importante de leur cycle annuel.
Au-delà de l'extraordinaire variété des tailles, des structures ou des modes d'alimentation, les oiseaux marins partagent un certain nombre de caractéristiques communes imposées par la vie dans les milieux aquatiques salés, sous des conditions climatiques parfois rudes, sans qu'il leur soit souvent possible de s'y soustraire : structure particulière duplumage, aptitude au déplacement sur et dans l'eau,fécondité etmaturité sexuelle tardive compensées par unelongévité élevée, propension à former descolonies denses sur lelittoral, etc.
L'intégration ou non de certains genres ou familles (phalaropes, canards marins,plongeons, etc.) dans la catégorie des oiseaux de mer.
Une définition possible d'un oiseau de mer est la suivante : un oiseau qui tire tout ou partie de son alimentation de la mer. Une telle définition n'est toutefois pas universellement valide puisque certaines espèces classées dans le groupe ne s'alimentent en mer que de façon marginale ou pas du tout (certains Laridae notamment), alors que des oiseaux passant de longues périodes de leur cycle annuel en milieu marin n'y figurent pas (plongeons, canards marins).
Sur cette base, on constate que tous les oiseaux marins appartiennent aujourd'hui à l'ordre desciconiiformes (Classification de Sibley-Ahlquist). Le degré de dépendance des différentes familles vis-à-vis des habitats océaniques est toutefois très variable.
Trois familles comportent à la fois des espèces marines et continentales. Bien que fréquentant surtout les eaux douces (2 espèces seulement sont strictement marines), lespélicans sont intégrés aux oiseaux de mer. Les cormorans, eux, sont très majoritairement marins (28 espèces sur une quarantaine). Ce sont leslaridés qui présentent la situation la plus complexe. Dans le groupe desgoélands et desmouettes (Larinae), la plupart sont maritimes ou marins, au moins partiellement ou hors période de reproduction ; quelques espèces sont toutefois strictement continentales. Dans lasous-famille desSterninae, lesnoddis sont strictement marins alors que lesguifettes sont presque exclusivement continentales ; lessternes au sens strict comptent plus d'espèces marines que d'espèces cantonnées aux eaux douces.
Évolution des vertébrés selon un diagramme axial représentant les cinq grandesclasses (poissons[2], amphibiens, reptiles, oiseaux et mammifères). La largeur des axes indique le nombre defamilles dans chaque classe (lestéléostéens, poissons à squelette complètement osseux et ànageoires rayonnantes, représentent 99,8 % desespèces de poissons, et près de la moitié des espèces de vertébrés)[3]. Le paradoxe océanique est qu'à peine plus de 3 % des oiseaux sont marins alors que les océans recouvrent les deux tiers du globe, et que lespremières formes « vivantes » sont apparues il y a 4 milliards d'années dans l'océan primitif.
Sur les 10 000 espèces d'oiseaux recensées dans le monde, 305 sont des oiseaux marins. Alors que l'océan mondial abrite la majorité des espèces vivantes sur Terre (50 à 80 % selon les estimations)[4],[5], seulement 3 % des espèces d’oiseaux recensées sur la planète l'ont colonisé. Ce rapport paradoxal est imputable à l'action combinée de trois principauxfacteurs limitants : uniformité du milieu marin qui offre une gamme limitée deniches écologiques (principe d'exclusion compétitive), manque de sites disponibles pour lanidification, grande mobilité de ces oiseaux, ce qui favorise leurdispersion à grande échelle et freine les processus despéciation[6].
Ladistribution des oiseaux marins est en grande partie conditionnée par la température de surface des océans : 191 espèces se répartissent dans les zones tempérées[7], 81 dans les zones tropicales et 29 dans les zones polaires[8]. Si l'écologie des oiseaux des zones arctiques et antarctiques explique leur faiblebiodiversité (éloignement des sources de nourriture dû à labanquise, climat rude imposant des adaptations spécifiques), les effectifs au sein de chaque espèce peuvent toutefois être importants : colonies de manchots qui peuvent atteindre le million de couples avec une population totale évaluée entre quarante et quatre-vingts millions d'individus, lesMergules nains sont les oiseaux marins les plus abondants de l'Arctique[9].
Si les oiseaux fossiles sont relativement rares dans certainesformations géologiques, cela tient à leur mode de vie, àleur squelette doté d'os creux et délicats (« os pneumatisés »), à latectonique ou l'érosion qui ont détruit ces fossiles au fil du temps. Par contre, les oiseaux aquatiques sont relativement bien représentés à l'état fossile, leurs ossements ayant pu se conserver assez facilement dans les sédiments marins[10].
Les fossiles d'oiseaux primitifs les plus anciens connus sont ceux d'oiseaux de merinaptes au vol duCrétacé il y a 100 millions d'années. Faisant partie duclade desHesperornithes, ils ont des mâchoires garnies de dents et sont sans doute la plupart des oiseaux plongeurs grâce à leursailes atrophiées comme lesmanchots actuels[11]
Une hypothèse spéculative propose que latechnique du vol des oiseaux(en) aurait été inventée par un ancêtre marin, considérant ainsi que les oiseaux ont colonisé les océans avant même de maîtriser le vol aérien[12].
AuMiocène, à la suite de changements de facteurs environnementaux externes (température, oxygène), uneradiation évolutive conduit à une explosion debiodiversité et à l'apparition de toutes les grandes familles d'oiseaux marins modernes il y a 20 millions d'années[13].
Quel que soit leur degré de dépendance vis-à-vis du milieu marin, les oiseaux de mer ne peuvent à proprement parler être considérés comme des organismes aquatiques. Ils font en effet partie des quelques groupes devertébréstétrapodes qui ont évolué pour prélever préférentiellement ou exclusivement leur alimentation en pleine eau. Aucun de ces animaux d'origine terrestre, tortues marines, serpentsHydrophiidae, oiseaux d'eau et mammifères marins, n'a en fait acquis la possibilité de respirer dans l'eau ; ils ont tous conservé leurs poumons, et dépendent donc de la surface pour leur respiration. Par ailleurs, parmi ces animaux, seuls lescétacés et lessiréniens sont devenus totalement indépendants du milieu terrestre, ne sortant jamais de l'eau, même pour laparturition. Comme lesphoques et comme les animauxovipares (tortues, serpents), les oiseaux de mer doivent nécessairement regagner la terre ferme pour la ponte. Enfin, de tous ces animaux, ils sont ceux qui sont le plus dépendants du milieu terrestre puisque, contrairement aux serpents et aux tortues, ils doivent assurer eux-mêmes l'incubation des œufs et l'élevage des poussins jusqu'à leur indépendance. Pour cette raison, ils sont contraints de séjourner à terre pour des périodes souvent très longues.
La caractéristique la plus évidente du plumage des oiseaux de mer est l'absence générale de couleurs vives et dedichromatisme sexuel[14]. Quelques espèces sont certes colorées, mais les couleurs vives sont descaractères sexuels secondaires (colorations céphaliques le plus souvent portées par le bec — macareux ougoélands —, des plumes ornementales ou une plaque orangée disposée de chaque côté de la mandibule inférieure chez le manchot royal et le manchot empereur ; les pattes chez lesfous ou lesmouettes)[15] ou des structures particulières comme lapoche gulaire — dépourvue de plumes — desfrégates. Le plumage proprement dit est presque systématiquement une combinaison de teintes blanches, noires, grises ou brunes (telles que l'on peut le voir sur lespingouins), présentant une dissymétrie (noir-gris sur le dos, blanc en dessous) qui résulte deconvergences évolutives[16]. Les rares exceptions à cette règle concernent de petits toupets de plumes dorées sur la tête de certains manchots (gorfous) oualcidés du Pacifique (macareux huppé).
Depuis la seconde moitié duXIXe siècle, lesnaturalistes se sont interrogés sur la signification de ce contraste dorsi-ventral :thermorégulation, résistance à l'abrasion mécanique, camouflage,signalisation sociale ? L'interprétation la plus classique (proposée déjà parDarwin en 1859,Wallace en 1877,Poulton en 1888[17] pour qui lacontre-tonalité est une desadaptations-clés parmi les stratégies dedissimulation) avance l'idée qu'il s'agirait là decolorations cryptiques permettant une sorte decamouflage parombre inversée vis-à-vis à la fois de leurs prédateurs et de leurs proies. En 1936, l'ornithologue américainRobert Cushman Murphy fait remarquer, dans son livreOceanic Birds of South America, que leprion de la Désolation se confond parfaitement avec la mer, grâce à la teinte gris bleuté de son dos et du dessus de ses ailes. Il pensa que cette couleur « serait un parfaitcamouflage pour les navires militaires. Malheureusement, il ne fut pas pris au sérieux et ce n'est que plus tard que la peinture qui recouvre aujourd'hui les navires de l'US Navy fut spécialement élaborée en prenant pour modèle la teinte si particulière des prions[18] ». Cette teinte n'est d'ailleurs pas uniforme : une ligne plus noire (présente également chez des pétrels et des mouettes) a probablement pour fonction de renforcer le camouflage en « cassant » la silhouette de ces oiseaux[18]. La coloration noire est due à un pigment, lamélanine, utilisé de manière sélective chez les oiseaux pour créer des formes decoloration disruptive etcryptique (taches grises ou noires permettant la formation de barres, rayures, tâches, intercalées avec des régions de plumes non colorées) leur permettant de se confondre avec les fonds marins. La présence de mélanines dans l'extrémité des rémiges primaires a quant à elle pour fonction de mieux protéger cette partie particulièrement exposée à l'abrasion mécanique[19]. Selon Simmons, la coloration uniforme noire desPhalacrocoracidae (cormorans) est un camouflage agressif, ces espèces chassant préférentiellement des poissons et invertébrésbenthiques où la lumière est réduite par lesmacrophytes et les sédiments en suspension[20]. Par ailleurs, la coloration presque systématiquement blanche du ventre de ces oiseauxpiscivores aurait une valeur adaptative, en les rendant moins visibles (confusion avec la lumière ambiante à travers lafenêtre de Snell) pour les poissons dont ils se nourrissent[21]. Ce scénario adaptatif doit être nuancé car s'il existe quelques cas de plumage blanc ayant un rôle dans le camouflage (Mouette ivoire,pétrel des neiges), la communication et la thermorégulation, les hypothèses relèvent parfois d'interprétationsadaptationnistes du mimétisme. Enfin, le plumage blanc est le plumage par défaut chez les oiseaux qui minimisent ce coût de production de pigments qui ne sont pas essentiels pour le vol, laphotoprotection ou l'étanchéité[22].
L'Océanite tempête, peu apte à la marche avec ses pattes qui reposent sur leurstarses.La structure poreuse déterminée par l'entrecroisement des barbes et des barbules des plumes suffirait pour expliquer l'étanchéité du plumage.Le plumage des cormorans ne se mouille que superficiellement.
Comme tous les oiseaux d'eau, mais plus que les espèces continentales en raison de leur présence sur toutes les mers du globe, y compris dans les régions polaires, les oiseaux marins, organismeshoméothermes, sont soumis au fort pouvoir de refroidissement de l'eau. Ainsi, le plus petit oiseau de mer est l'Océanite tempête qui pèse 23 grammes, un poids inférieur étant incompatible avec lathermorégulation (règle de Bergmann)[23]. Leur capacité à coloniser les espaces océaniques, à y survivre et à s'alimenter sous l'eau dépend étroitement de leur aptitude à résister aux fortes contraintes thermiques que suppose la vie dans ces milieux. L'étanchéité du plumage leur est donc essentielle. Elle interdit à l'élément liquide d'entrer directement en contact avec la peau. Mieux, elle ménage entre la surface des plumes et le corps une couche d'air qui, avec le duvet, assure au mieux l'isolation thermique de l'animal en même temps qu'elle contribue de manière essentielle à saflottabilité.
On s'est aperçu très tôt de l'exceptionnelle imperméabilité des plumes des oiseaux de mer. Dès le début duXXe siècle, elle a même servi de modèle pour la mise au point des premiers vêtements imperméables[24]. Le mécanisme de l'étanchéité fait toutefois débat. En dépit du constat que, conformément au modèle textile, le seul agencement des plumes (entrecroisement desbarbes etbarbules) pouvait suffire pour expliquer l'étanchéité[25], on a longtemps cru que celle-ci était due à la présence de la sécrétionuropygienne quotidiennement appliquée sur l'ensemble du plumage par les oiseaux au cours de leurs longues séances detoilettage. Cette idée, désormais largement abandonnée, perdure aujourd'hui dans nombre de publications à l'usage du public[26]. Lors des premières grandesmarées noires, cette conception fut à l'origine d'erreurs radicales dans les techniques de nettoyage des oiseaux mazoutés ; cela a conduit à l'échec total de certaines tentatives de réhabilitation, notamment lors de l'incident duTorrey Canyon en 1967[27].
La question de l'imperméabilité du plumage descormorans a longtemps été au cœur de ce débat. À l'issue de leurs séances de pêche, ces oiseaux aquatiques passent en effet de longs moments sur des reposoirs, les ailes étalées ; leur plumage est visiblement mouillé et ce comportement a par conséquent légitimement été interprété comme une phase de séchage. De nombreuses hypothèses ont été émises pour tenter d'expliquer cet apparent paradoxe que constitue un oiseau aquatique au plumage non étanche. Des erreurs aujourd'hui démenties[28] ont même été colportées à ce sujet — et restent répandues — comme la prétendue absence de glande uropygienne chez ces oiseaux ou sonatrophie. Ce n'est qu'en 2005 que l'énigme a été résolue. Le plumage des cormorans est bien imperméable, ce qui est somme toute logique pour une espèce plongeuse. En revanche, les plumes sont constituées d'une couche externe mouillable, et d'une couche interne qui ne l'est pas. Le plumage n'est donc mouillé qu'en surface : pas plus que chez les autres oiseaux aquatiques, l'eau ne franchit la barrière du plumage ni n'envahit donc la couche d'air isolante[29].
À un moment ou un autre de leur histoire évolutive, tous les oiseaux de mer ont développé des adaptations à la nage en surface. L'exceptionnelle étanchéité du plumage en est une, qui conditionne leur flottabilité. Mais en témoigne aussi l'existence universelle de palmures, y compris chez les plus marins deslimicoles que sont lesphalaropes.
Certains toutefois y ont peu recours, ou pas du tout, en raison d'un mode de vie essentiellement aérien, en particulier pour l'alimentation. C'est surtout le cas pour lesfrégates qui, en dépit d'habitudes très hauturières et de palmures spécialement développées, ne se posent jamais sur la mer. C'est également vrai, quoiqu'à un moindre degré, pour leslabbes qui ne chassent guère qu'au vol, ou au sol en période de reproduction. Tous les autres groupes se posent volontiers sur l'eau et s'y déplacent aisément.
En fait, la plupart des espèces ne fréquentent que la surface ou une tranche d'eau ne dépassant que de peu la longueur de leur corps. Il s'agit d'oiseaux très légers, dont la flottabilité est très élevée : goélands, sternes, becs en ciseaux, océanites, fulmars, etc. La pénétration dans la masse d'eau pose en effet aux oiseaux des problèmes très particuliers en raison de leur légèreté intrinsèque. Celle-ci est liée à la fois à leur adaptation au vol et au matelas d'air situé sous les plumes qui assure leur isolation thermique et leur flottabilité. Plonger un tant soit peu profondément représente donc pour eux une véritable difficulté et une importante dépense énergétique pour vaincre les forces tendant à les ramener en surface.
Soumis aux lois de l'hydrodynamique, leur évolution morphologique rejoint celle desmammifères marins : le corps profilé est devenu fusiforme et massif pour favoriser l'immersion, les ailes réduites et lespattes palmées sont projetées loin en arrière du corps, jouant avec la queue le rôle de gouvernail. Il semblerait que chez lesmanchots,« les plumes, en liaison avec plusieurs muscles antagonistes, soient animées d'oscillations sous l'eau, ce qui atténuerait les turbulences, permettant un écoulement optimal de l'eau le long du corps[31] ».
La connaissance des profondeurs de plongée est longtemps restée tributaire de techniques anecdotiques et peu précises :
l'observation directe, occasionnelle, par des plongeurs ou à partir de submersibles ;
les captures accidentelles dans des engins de pêche dont on connaissait les profondeurs d'immersion.
La deuxième méthode est celle qui a été la plus souvent employée, mais il était difficile de s'assurer que les oiseaux n'avaient pas été pris lors de la descente ou de la remontée des engins, plus près de la surface que la profondeur d'immersion.
Les perspectives ont changé de manière radicale dans les années 1980 du fait de l'utilisation d'enregistreurs fixés aux oiseaux eux-mêmes[32]. Le perfectionnement et la miniaturisation des appareils ont depuis lors provoqué une multiplication des études dédiées à ce sujet. En dépit des progrès réalisés, il subsiste toutefois un certain nombre de problèmes de précision des mesures, et certains auteurs ont souligné la nécessité éthique de prendre en compte la capacité des oiseaux manipulés à supporter sans dommage les appareillages dont on les équipe[33].
« L’utilisation des ailes à la fois pour le vol et pour la nage soulève un conflitbiomécanique du fait des pressions propres à chaque milieu s’exerçant sur une morphologie d’aile unique. En effet, un vol efficace en milieu marin semble s’accorder plutôt avec une aile relativement longue et pointue, de faiblecharge alaire et d’allongement élevé. La densité de l’eau est, elle, égale à 850 fois celle de l’air ; la production de force en est modifiée, laportance et latraînée atteignent des valeurs 4 fois plus élevées que dans les airs. Les contraintes biomécaniques s’exerçant sur l’ossature et les plumes sont augmentées, tout comme le coût énergétique de la contraction musculaire. Il est alors plus intéressant dans ce milieu de disposer d’une aile courte d’allongement élevé, alors plus favorable pour atteindre des vitesses de plongée élevée à moindre coût[34] ».
La forme générale des ailes des oiseaux de mer résulte ainsi d'un compromis biomécanique et se décline en quatre grands modèles avec des propriétésaérodynamiques spécifiques : des ailes longues et effilées adaptées auvol plané (albatros, pétrels, frégates, fous, phaethons, goélands, sternes et labbes) ; des ailes longues et larges adaptées au vol à voile parascendance thermique (pélicans) ; des ailes courtes et larges adaptées à un vol battu bas sur l'eau mais puissant (cormorans) ; des ailes courtes et étroites adaptées au plongeon (Alcidés tels que lespingouins,macareux, etProcellariiformes tels que lespuffinures)[35].
Les oiseaux marins sont tous zoophages mais montrent une diversité de régimes alimentaires (disparité géographique selon les zones polaires, tempérées et tropicales, disparité saisonnière…)[37]. Ils ont unedépense énergétique quotidienne élevée, en lien avec leur adaptation à la vie dans des milieux ouverts et ventés. Ce mode de vie augmente les besoins énergétiques liés à lathermorégulation et implique de consacrer un temps important à larecherche de nourriture[38].« À eux seuls, ils consomment annuellement 70 millions de tonnes de poissons, céphalopodes et crustacés dans les océans du globe, chiffre comparable aux prises annuelles de l'ensemble despêcheries mondiales ». En raison de leurs effectifs, lesmanchots et lesProcellariiformes (pétrels etalbatros) prélèvent près des deux tiers de ces 70 tonnes[39].
Filtrée par lesglandes à sel puis expulsée par les narines, une solution hypersaline s'écoule à la pointe du nez de cetAlbatros royal, donnant l'impression qu'il a « la goutte au nez ».
Les oiseaux marinsingèrent de l'eau de mer[43] avec leursproies mais leurs petitsreins[44] ont une capacité insuffisante d'excrétion de cette eau salée. Ils disposent d'un deuxième système d'organesosmorégulateurs, lesglandes à seloccipitales comme on en rencontre chez certains reptiles, iguanes ou tortues marines. Le sang passant au contact des cellules de ces glandes réniformes se trouve dessalé par un processus d'osmose inverse tout à fait comparable à celui qui préside au dessalage de la sueur, ce qui permet d'expulser les surplus de sel par les narines[45],[46].
Le degré de dépendance du milieu marin permet de distinguer les espèces côtières des espèces hauturières.
Lesfous de Bassan se frottent leursbecs pendant leurparade nuptiale.Chez leFou de Grant, l'agression au sein d'une fratrie (caïnisme) est fréquente. Le poussin le plus âgé de lacouvée, donc le plus fort, repousse en périphérie de l'aire de nourrissage les autres qui finissent par mourir en période destress alimentaire.
Lareproduction sexuée chez les oiseaux marins est caractérisée notamment par :
l'incubation effectuée par la femelle comme le mâle (l'exception notable étant lemanchot empereur dont le mâle prend seul en charge l'incubation de l'œuf pendant plus de deux mois sur labanquise), généralement grâce à uneplaque incubatrice, a des durées variables : un mois pour les petites espèces (goélands), 2 mois pour les moyennes (fous, frégates), jusqu'à 80 jours pour les espèces imposantes (albatros)[49]. L'élevage pour ces espèces varie de 2 mois à un an pour lemanchot royal et lafrégate du Pacifique[50]
la reproduction coloniale (plus de 95 % des espèces des oiseaux marins se reproduisent au sein de colonies contre 13 % chez les oiseaux terrestres)[51]. Rolland et al ont montré que la colonialité[52] des oiseaux précède leur passage en milieu marin dont l'exploitation semble particulièrement difficile pour des individus solitaires[53]. Cette colonialité permet dediminuer la pression de prédation (dilution de la prédation sur un grand nombre d’individus, plus grande efficacité de laprotection parentale par une défense collective)[54], bénéfice supérieur aux coûts liés à lacompétition pour les ressources[55], auparasitisme de couvée[56], à une plus forte exposition aux épidémies et aux parasites[57] ainsi qu’aucannibalisme[58]. D'autres hypothèses suggèrent que les colonies sont uncentre d'information(en) (échange d'informations pour la recherche de nourriture) et que l'évolution de la colonialité serait liée non pas directement aux bénéfices de la vie en colonie mais aux stratégies convergentes desélection d'un habitat de qualité commun à tous les individus[53].
Les principaux paramètres du profil démographique des oiseaux de mer découlent d'unestratégie de reproduction K et sont, comme les vautours, unematurité sexuelle différée (4 ans chez les strens, 9 ans chez les albatros)[59], unefécondité limitée (beaucoup d'espèces ne pondent qu'un seulœuf[60], parfois deux ou trois, la ponte pouvant exceptionnellement comporter quatre ou cinq œufs chez les cormorans)[61] associée à une faible fréquence de reproduction (reproduction généralement une seule fois par an, reproduction biennale chez certains albatros, chez lepétrel de Lesson et des frégates). Cette très faiblefécondité et lamaturité sexuelle tardive sont compensées par unelongévité élevée, variant en moyenne entre 7 et 34 ans selon les espèces[62]. L'espérance de vie moyenne des sternes atteint 10 ans, celle des pétrels 26 ans et des albatros 34 ans)[63]. L'albatros hurleur a ainsi une longévité moyenne de 32 ans, mais il peut atteindre une espérance de vie théorique[64] de 80 ans[65]. Le record de longévité est détenu par une femellealbatros de Laysan,Wisdom, âgée de 70 ans en 2021 (record pour un oiseau dans la nature, certains perroquets en captivité dépassant 80 ans)[62].
Les populations d’oiseaux d’eau (hivernants ou non) sont soumises à des fluctuations naturelles. Ces dernières sont difficiles à rapidement évaluer et parfois à expliquer, en raison des difficultés de comptage (brouillard, pluie, évaluation complexes des populations parfois très denses de limicoles ou des oiseaux de mer…), et de multiples facteurs qui les influencent ; mobilité des oiseaux qui peuvent déplacer certaines colonies, impact des aléas climatiques(vagues de froid, gel des étangs et plans d’eau, phénomènesEl Nino), épidémies, pollutions (dontpollution lumineuse auquel plusieurs espèces sont particulièrement sensibles), et autres interactions avec l'Homme.
Les hommes utilisent depuis longtemps les oiseaux de mer pour connaitre la météo, et pour retrouver l'emplacement des terres. On pense que lesPolynésiens ont ainsi pu trouver les îles duPacifique qu'ils habitent actuellement. Les oiseaux de mer ont, comme leurs œufs, également servi de repas. À l'occasion ils ont pu servir d'appât pour lapêche au gros. Ils ont aussi été une source de nourriture pour l'homme (oiseaux ou leurs œufs). Au début duXXe siècle, leguano, riche engrais issu des fientes d'oiseaux marins, est devenue une ressource convoitée et importante pour certains pays, comme l'Argentine.
Vers la fin duXIXe siècle, la mode desplumes était telle que l'activité, connue sous le nom de « plumasserie », avait acquis un statut industriel. EnAmérique cinq millions d'oiseaux étaient tués annuellement pour cet usage. Les plumes des oiseaux de mer étaient particulièrement prisées en raison de leur résistance ; de ce fait, l'industrie de la plume a été considérée comme l'un des facteurs responsables du déclin des populations d'oiseaux marins dans bon nombre de régions de l'Atlantique Nord à cette époque[72]. De tels chiffres mobilisèrent l'opinion publique et des mouvementsanti-plume furent créés afin que seules les plumes d'oiseaux domestiques soient utilisées.
Lespêcheurs utilisent depuis des siècles les espèces marines dont les oiseaux pour localiser les bancs depoissons et le potentiel d'une côte[73].Les pratiques de pêche traditionnelle auxcormorans dans le sud-ouest de laChine, où les hommes élèvent ces oiseaux pour qu'ils pêchent pour eux, est menacée de disparaitre et risque à l'avenir de n'être réduite, comme auJapon, qu'à une attraction touristique.
Les entreprises pratiquants l'aquaculture considèrent les oiseaux marins comme une nuisance, les oiseaux pouvant prélever une partie de leur stock[74]. C'est également le cas des pêcheurs à lapalangre. Cependant ils sont des bien moindre prédateurs que les autres espèces de poissons ou demammifères marins.
La relation des côtiers-pêcheurs avec les oiseaux de mer est complexe, en effet ils profitent de la présence des oiseaux, mais certaines espèces ont également su tirer parti de la présence humaine. En effet, par exemple, elles consomment les poissons et les abats rejetés par les pêcheurs. On estime que 30 % de la nourriture des oiseaux de mer vivant enmer du Nord est issue des rejets de pêche, ce qui peut représenter jusqu'à 70 % du total des produits alimentaires de certains populations d'oiseaux[75]. L'impact est positif sur certaines espèces d'oiseaux comme leFulmar boréal qui vit plus au sud depuis quelques années[76], lesfous de Bassan, les pétrels, mais se fait au détriment des espèces plongeuses comme lespetits pingouins. Sur un long terme, on estime que la pêche est nuisible sur les espèces vivant particulièrement longtemps et à faible taux de reproduction, comme lesAlbatros.
Les prises accidentelles d'oiseaux marins par des lignes ou filets ont un impact important sur le nombre d'oiseaux de mer, par exemple, on estime que 100 000 albatros sont pris et noyés chaque année sur lignes de palangre auxthons[77],[78]. Plusieurs centaines de milliers d'oiseaux sont tués chaque année de cette manière, c'est problématique pour certaines espèces rares comme pour l'Albatros à queue courte dont il ne reste plus qu'environ 1000 spécimens connus.
La plupart des oiseaux de mer sont aujourd'huiprotégés, cependant de nombreuses espèces sont fortement menacées, à la fois par la destruction de leur habitat sur les côtes, par la pêche ainsi environ 300 000 oiseaux seraient accidentellement pêchés à lapalangre, mais aussi par la famine, les parents ne parvenant plus à nourrir correctement leurs petits vraisemblablement à cause de lasurpêche.
Les espèces de mouettes et les goélands comme legoéland argenté, menacés enEurope dans les années 1970, ont été protégées sur le territoire[79]. Aujourd'hui avec la multiplication desdécharges à ciels ouvert plusieursespèces opportunistes ne sont plus menacées et ont même étendu leur territoire à l'intérieur des terres en hiver, en suivant les cours d'eau[80]. À tel point que la population de certaines espèces comme leGoéland leucophée doit être limitée, notamment sur les côtes méditerranéennes pour diminuer l’impact de celle-ci sur l'environnement[81].
Le mode de nidification des oiseaux de mer (nids souvent posés à même le sol au sein de vastes colonies, sur des îles isolées) les rend très vulnérables aux intrusions humaines et à la prédation de leurs œufs par des espèces introduites par l'homme comme lesrats, leschats harets ou leschiensmarron. En effet, ces oiseaux ont perdu tout comportement instinctif de défense contre ce genre de prédation[82]. En sus, des herbivores comme leschèvres, leslapins,bovidés peuvent détruire également la végétation essentielle aux oiseaux ou aumaintien des sols[83]. Les humains qui visitent les sites, perturbent également leur nidification, pouvant faire fuir les oiseaux qui laissent alors leurs nids sans protection.
Oiseaux englués après le naufrage de l'Exxon Valdez en 1989.
L'influence exacte de lapollution de l'eau, contaminant leplancton puis les poissons est mal connue, mais les taux de produits chimiques dangereux accumulés dans leurs graisses, laissent penser que la santé des populations d'oiseaux marins en est fragilisée. Par exemple, leDDT crée des troubles dudéveloppement embryonnaire[84]. Les pollutions exceptionnelles telles que lesmarées noires etdégazages peuvent engluer les oiseaux, réduisant la capacité de leurs plumes à les protéger du froid, leur capacité de mouvement[85] et les empoisonnant par ingestion dès lors qu'ils tentent par réflexe de nettoyer leurs plumes. Ces oiseaux meurent alors entre autres de froid, d'insuffisance rénale, de déshydratation, d'hémolyse et d'hépatite[85].
La prise de conscience qu’il faut protéger les oiseaux est ancienne, puisqu'en676Cuthbert de Lindisfarne édicte ce qui pourrait bien être la première loi de protection des oiseaux sur lesîles Farne. Alors que de nombreuses espèces sont disparues auXIXe siècle comme leGrand pingouin ou leCormoran à lunette, leCanard du Labrador disparus dès1875, c’est à la fin du siècle que sont apparues les premières lois sur la protection des oiseaux et la réglementation de la chasse ou duplomb de chasse (cause desaturnisme aviaire ayant tué de très nombreux oiseaux).
↑Bernard Cadiou (2004).- Oiseaux marins nicheurs de Bretagne, 2001-2003. Rapport de Contrat Nature,Bretagne Vivante - SEPNB / Conseil Régional de Bretagne. 17 p
↑Schwartz, F.F. (1939). Process for the production of waterproof fabrics permeable to air. United States Patent and Trademark Office, Patent number : 2149750.[1]
↑Rijke, A.M. (1967). The water repellency and feather structure of cormorants, Phalacrocoracidae. Ostrich 38: 163-165.
↑Certains sites[2] résument toutefois très correctement la question.
↑Newman, S. H., Ziccardi, M.H., Berkner, A.B., Holcomb, J., Clumpner, C. & Mazet, J.A.K. (2003). A historical account of oiled wildlife care in California.Marine Ornithology 31: 59-64.
↑Nelson, J.B. (1978). The gannet. Poyser, Berkhamsted :p. 222.
↑Charles-André Bost, Christophe Guinet, Dominique Guinet, Benoît Lequette, Henri Weimerskirch,Sous les quarantièmes rugissants. Un sanctuaire sauvage, éditions du Gerfaut,,p. 121.
↑Burger A.E. & Simpson M. (1986). Diving depths of Atlantic puffins and common murres. Auk 103:828–830.
↑Wilson, R.P., Grémillet, D., Syder, J., Kierspel, M.A.M., Garthe, S., Weimerskirch, H., Schäfer-Neth, C., Scolaro, J.A., Bost, C.-A., Plötz, J. & Nel, D. (2002). Remote-sensing systems and seabirds: their use, abuse and potential for measuring marine environmental variables. Marine Ecology Progress Series, 228 : 241–261.
↑« Longtemps les ornithologues se sont demandé si les oiseaux marins buvaient de l'eau de mer, et la réponse n'est pas certaine aujourd'hui ». CfLuc Chazel, Muriel Chazel,Les oiseaux ont-ils du flair ?, Quæ,,p. 95.
↑La taille réduite et la légèreté des organes internes est une adaptation qui accroît les capacités de vol des oiseaux.
↑Antoine Morin, « Les Oiseaux », Université d'Ottawa
↑Trait de vie à travers lequel les individus forment des groupes larges et denses durant la période de reproduction et où le site de nidification est disjoint de la zone d’alimentation.
↑Albatros et pétrels, frégates, phaethons, majorité des pingouins, deux manchots (manchot empereur etmanchot royal, quelques sternes, certains goélands
↑Valeur théorique basée sur le calcul destaux de survie(en), c'est-à-dire la fraction d'une population adulte non affectée par la mortalité l'année suivante.
↑Introduction de chats et de souris qui déciment les nids de poussins.
↑L'augmentation de la température des eaux de surface influe sur la disponibilité des proies, ce qui entraîne des déclins et parfois une expansion. Par exemple le réchauffement graduel de l'océan Atlantique Nord depuis les années 1930 perturbe lachaîne alimentaire, favorisant l'expansion dumaquereau commun au détriment deslançons, ce qui favorise lefou de Bassan au détriment dumacareux moine.
↑Ratcliffe, N.. Causes of seabird population change.In Mitchell, P.et al. 2004. Seabird populations of Britain and Ireland. Poyser, London,p. 407-441