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La notion politique d'Occident apparaît progressivement à partir de 285, avec ladivision de l'Empire romain, lorsque l'Empire romain d'Occident, qui utilise l'alphabet latin, se forme autour deRome, et que l'Empire romain d'Orient, qui regroupe les territoireshellénistiques de Grèce, d'Anatolie, du Levant et d’Égypte, se constitue autour deConstantinople. Cependant, cette division sousDioclétien est avant tout administrative (principe detétrarchie) et il faut attendre 395 et la mort deThéodose Ier pour que la division entre les deux moitiés devienne héréditaire, une très forte coopération subsistant néanmoins, notamment judiciaire et législative, entre les deux moitiés.
Aspect historique : ladivision de l'Empire romain entre empiresd'Orient etd'Occident en 395 marque l'apparition de l’appellation « Occident » pour désigner l'entité politique occupant la partie ouest de l'ancienEmpire romain unifié.
Le termeoccident est emprunté au latinoccidens, participe présent deoccidere. Ce verbe est composé de la particuleob signifiant « objet » et decadere qui signifie « tomber, choir », « tomber à terre », « succomber, périr »[7]. En parlant d’un astre (notamment du Soleil), le terme signifie « se coucher » et peut se traduire littéralement par « soleil couchant »[8]. Ce terme s'oppose à l'orient (du latinoriri, « naître », « surgir »), qui désigne l'endroit où le soleil se lève.
Leslangues romanes ne possèdent qu'un seul terme pour désigner la notion d'« Occident ». Derrière ce terme sont concentrés tant des caractéristiquesgéographiques qu'historiques, mais également des traitsculturels. À l'inverse, l'allemand compte trois termes, qui selon le sens se réfèrent à trois racines différentes : « Westen », « Abendland », « Okzident ». Ceci permet davantage de nuances et deconnotations. Enfrançais, le terme « ponant » (opposé à « levant ») reste peu usité. L'anglais propose, lui, trois termes : « West » ou « Western world » ainsi qu’« Occident », généralement réservé à un usage académique[9].
Enarabe, leMaghreb (المغربal-Maghrib) désigne littéralement « le couchant », « l'occident ». Historiquement, le Maghreb fut la partie sud de l'Empire romain d'Occident. Le terme « Roumi » (de l'araberûm, littéralementromain) désigne couramment l'« occidental » et a également désigné le colon européen[10] dans lespays arabes, bien qu'à l'origine il désignât les habitants de l'Empire byzantin, comme en témoigne le nom dusultanat de Roum ou le terme « Roumélie », utilisé dans l'Empire ottoman pour désigner les anciens territoires byzantins d'Europe.
La délimitation du concept d'Occident est subjective, c'est-à-dire qu'elle dépend de la période, des interlocuteurs et des circonstances[11][source insuffisante].
Du point de vue démographique, de l'organisation de la société, de l'économie adoptée par cette dernière ainsi que des mentalités, l'Occident est néanmoins plus aisé à retrouver. En ceci, l'« Occident » de l'époque moderne renvoie à la « vieille » Europe, à savoir à celle duhaut Moyen Âge pour ses frontières, celle de l'impérialisme colonial (XIXe siècle) pour ses conceptions morales, économiques et intellectuelles. Dans le dictionnaire de Furetière[14], le terme « Occident » renvoie premièrement à l'astronomie, mais se dit également de certaines nations selon leur position géographique par rapport à d'autres. Par exemple, les Amériques sont qualifiées d'Indes occidentales. Ce qui aujourd'hui est nommé « océan Atlantique », est appelé à cette époque « oceanus occidentalis ». Le terme s'emploie aussi dans un sens moral : être dans son occident signifie être dans sa décadence.
Cependant, au-delà de l'Europe, la question des Amériques est importante. En effet, avec l'arrivée des Européens (Espagnols, Portugais, Français, Britanniques…) dans ce qu'on a longtemps appelé le « Nouveau Monde », le territoire européen et donc occidental s'est en quelque sorte élargi par cette colonisation dite de « peuplement », en particulier après que les épidémies apportées d'Europe ont décimé par endroits jusqu'à 80 % de la population indigène du Nouveau Monde. L'Occident peut donc être élargi, de l'Europe occidentale, à ce qui est appelé en anglais « Western Hemisphere », soit l'Amérique, l'Australie et laNouvelle-Zélande, et aux pays membres de l'OTAN (Turquie exclue), suivant ce critère purement ethnographique.
Exemple de carte où apparaissent les situations géographiques « occidentale » et « orientale », par rapport à l'Europe.
Sur cette carte du politologueSamuel Huntington (1996), l’Occident au sens strict apparaît en bleu foncé et l'Amérique latine en violet : l'auteur ne tranche pas et se demande si celle-ci peut être considérée comme occidentale ou si elle forme une civilisation à part.
Pour certains auteurs, « Occident » est un terme utilisé pour accentuer les disparités culturelles, politiques voire économiques. C’est un mot fétiche issu de l’histoire et fort utile aujourd’hui pour ordonner le monde[16]. Il s’agit actuellement d’une notion favorisant une certaine vision du monde, une espèce de catégorie pour amener et penser un ordre du système monde dirigé en premier lieu par lesÉtats-Unis (et aussi d’autres forces dites justement « occidentales » comme l’Union européenne ou l’Australie) et qui dispute sa propre vision du monde, son propre système de pensée.
Le terme « monde occidental » est également problématique, car il tend à diviser la planète en mondes distincts (Tiers monde,Monde arabe...) et donne donc l'image d'un Occident isolé du reste de la planète. Couplée à la dimension civilisationnelle du terme Occident, ainsi qu'àl'idée de sa supériorité morale, intellectuelle et à la visioneuropéocentriste de l'histoire qui prédomine dans les pays occidentaux, cette notion concentre de façon effective tout leprogrès du monde dans un ensemble isolé et restreint, un « système monde » qui aurait tout développé seul, sans aucune influence externe. Cette idée, outre le fait qu'elle soit fausse d'un point de vue historique (l'usage dechiffres arabes, le fait que des personnalités non européennes commeAvicenne,Augustin d'Hippone[pertinence contestée] ouMoïse Maïmonide aient eu une influence très forte sur le christianisme et les sciences européennes montrant que l'Europe n'a jamais été un système isolé), est surtout problématique idéologiquement, car elle constitue un terreau fertile pour lesracismes en considérant que l'homme de type européen est supérieur de façon historique et donc intrinsèque sur les autres[source secondaire nécessaire].
Georges Corm écrit :« La notion d’Occident, aujourd’hui plus qu’hier, lorsqu’elle suscitait des querelles entre Européens, n’est plus qu’un concept creux, exclusivement géopolitique, sans contenu enrichissant pour la vie de l’esprit et pour bâtir un avenir meilleur. C’est la culture politique américaine qui a repris la notion à son compte et en a fait un usage si intensif au temps de la Guerre froide qu’elle ne semble plus pouvoir l’abandonner. En Europe, les vieilles et redoutables querelles philosophiques, mystiques et nationalistes, qui s’étaient polarisées sur ce terme chargé d’émotion, désormais apaisées, c’est avec délectation que le concept est employé pour confirmer sa fonction mythologique d’une altérité unique par rapport à tout ce qui est hors d’Occident et d’un sentiment de supériorité morale à laquelle le reste du monde doit s’ajuster ». Bien que très critique et sceptique, cette idée de désuétude du terme permet de déconstruire une notion qui est constamment mobilisée. Elle permet d'aborder avec prudence et d'être conscient de ce que cache le mot « Occident ».
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L’Europe (et lesÉtats-Unis aujourd’hui[Quand ?]) se pensent en modèle et ce qui s’affiche continuellement dans les médias fait état d’un seul Occident, d’un seulmonde occidental qui incarne cette base de références culturelles, politiques, économiques. Malgré lapolysémie qui se cache derrière ce terme, c’est une notion qui dans son sens englobant oriente les recherches académiques, les réflexions politiques, les débats journalistiques. Il y aurait plusieurs Occidents si l’on accepte de remettre en question l’unité de ce monde de pays capitalistes développés d'héritage religieux chrétien et de tradition libérale[17].
Ceci souligne l'épineuse question des aires d'influence religieuse, qui participe, elle aussi, à la définition de la civilisation occidentale et de l'Occident. Il faut nuancer ces particularités trop généralisatrices du monde occidental, vu comme homogène. La situation tend à se compliquer dans le monde moderne, précisément parce que l'un des traits caractéristiques de la « civilisation occidentale » contemporaine est, surtout enEurope, l'athéisme, ou plus justement une forme croissante d'indifférence religieuse. Ainsi, en France, plus de la moitié de la population ne se réclame d'aucune religion, et seule 5 %, toutes religions confondues, a une pratique assidue[18]. À l'inverse, aux États-Unis, seuls 16 % de la population sont irréligieux, et presque la moitié ont une pratique hebdomadaire[19]. La religion peut donc difficilement être retenue comme dénominateur commun aux pays occidentaux actuels, tout au plus peut-on dire qu'il s'agit de pays où les diverses religions chrétiennes ont joué un rôle prééminent au cours du dernier millénaire.
De ce point de vue, la confrontation actuelle entre l'Occident et lesislamistes issus duMonde musulman est moins un choc entre christianisme et islam, qu'un frottement entre un espace où la religion tend, comme l'a fait remarquer Marcel Gauchet[20][réf. incomplète], à n'être plus envisagée que sur le mode de la croyance privée, voire de la dérision, et des sociétés où les pratiques religieuses les plus extrémistes et sectaires (wahhabisme notamment) sont en pleine ascension. De plus, les causes socio-économiques et géopolitiques ne peuvent pas être négligées ; dans un monde où à l'issue de laguerre froide l'impérialisme américain peut s'exercer sans contre-pouvoir, les ressentiments des populations affectées par des interventions militaires parfois illégales aux yeux dudroit international (comme l'invasion de l'Irak en 2003) ou par la pauvreté nourrissent les seuls groupes qui prétendent s'y opposer à l'échelle internationale, c'est-à-dire lesdjihadistes.[réf. souhaitée]
La recherche d'une définition exacte du mot continue de souligner son imprécision, comme la catégorie dans laquelle doit être classé leJapon. D'un point de vue géopolitique, économique et militaire, le Japon est souvent assimilé à l'Occident ; or sa population n'est pas liée aux populations originaires d'Europe occidentale. Néanmoins, c'est aussi un pays d'Extrême-Orient qui s'est développé sur le modèle industriel occidental et en a adopté les valeurs et la vision du monde à la fin de l'occupation américaine du Japon en 1955. L'affiliation du Japon à l'Occident n'est donc que la prise en compte du fait que le Japon a été intégré à l'Occident géopolitique au moment où les États-Unis leur ont rendu leur indépendance après avoir supervisé la rédaction de la premièreConstitution japonaise.A contrario, les pays d'Europe centrale et de l'Est, qui sont désormais considérés comme des pays occidentaux au sens propre étaient, il n'y a encore qu'une vingtaine d'années, dans la phraséologie d'alors, les « pays de l'Est ». L'appartenance d'un pays à l'Occident est donc déterminée par l'appartenance à l'OTAN et à lasphère d'influence américaine, avec en outre uneéconomie de marché et ungouvernement démocratique, plus que par des critères ethnographiques ou culturels.[réf. souhaitée]
La conception d’un Occident a un caractère mythique car, reposant sur une prétendue homogénéité, elle nie les différences qui ont toujours structuré le continent européen. La notion possède également uneacception culturelle : le mythe d'Antigone opposant sa conscience individuelle à laraison d'État reste présent en Occident deSophocle jusqu'àJean Anouilh, accompagné d'autresmodèles exaltant l'individu. Celle-ci se constitue également en opposition avec un prétendudespotisme oriental, en exaltant la liberté individuelle des Occidentaux comme leur principale qualité. Il n’y a pourtant pas de continuité historique qui voit uneEurope homogène, démocratique et pacifique. Claude Prudhomme, historien, a soulevé que l’évolution du terme d’Occident va vers le triomphe d’une véritable « essentialisation » du terme géographique et géopolitique au profit de valeurs et de comportements[21]. On essaie de mettre avant un caractère mythifié d’un Occident dominant, pacifiste, homogène. S'en élèvent plusieurs risques :« Dérive ethniciste et raciste, qui attribue le succès de l’Occident à des données démographiques et biologiques ;dérive culturaliste qui affirme la supériorité du modèle par son fondement religieux (chrétien en l’occurrence) ouphilosophique (l’avènement de la raison). […] Le raisonnement tiré de l’analyse historique est alors effacé au profit de l’affirmation de vérités ontologiques qui attribuent à l’Occident le privilège d’avoir fait triompher la raison et la science et revêtu une signification et une valeur universelles. » Il faut alors se détacher de cette idéalisation de l’histoire du continent européen qui aurait toujours eu une unité culturelle, philosophique, voire politique.
Le terme de monde occidental peut prêter à confusion car il recouvre des réalités différentes selon les époques et selon des considérations politiques, culturelles, idéologiques, religieuses ou philosophiques. Il est donc intéressant de l'étudier dans une perspective historique.
Après une période de relatif déclin mais aussi d'expansion durant leHaut Moyen Âge[22], l'occident fut associé après leGrand Schisme à l'aire d'influence ducatholicisme face à l'église orthodoxe de l'Empire byzantin. Avec laRenaissance, sesgrandes découvertes, et les premiers empires coloniaux espagnols et portugais, l'Occident s'est plus fortement étendu vers le reste du monde[23]. Jusqu'à larévolution industrielle cependant, l'Empire moghol, la Chine desQing et l'Empire ottoman restent des rivaux commerciaux, militaires et économiques crédibles pour l'Occident pris dans son ensemble. Puis l'ascension des empires britanniques, néerlandais, et français a permis d'augmenter la domination du monde occidental autour du monde. Ces empires et cette colonisation, induisent une conquête missionnaire, commerciale, militaire ou institutionnelle par les Européens du monde qui façonne alors dans les esprits l'idée d'une supériorité de la civilisation occidentale. Ces conquêtes coloniales s'accompagnent par la diffusion duchristianisme[13], ainsi que d'un développement commercial qui fait la richesse et la puissance de nombreux pays européens.
Lastatue de la Liberté, offerte par laFrance auxÉtats-Unis et construite sur le modèle descolosses antiques. Cette statue est à l'effigie de la déesseLibertas dupanthéon romain, une divinité personnifiant la liberté.« Exportation » de l'Occident outre-mer : une reconstitution grandeur nature du Parthénon àNashville (États-Unis).
Situation de l'alignement des pays dans les deux « blocs ». Les guérillas liées à la guerre froide sont aussi mentionnées. Visuellement, la démarcation Occident-Orient est relativement claire.
Depuis la chute de l'Union soviétique, la délimitation des « pays occidentaux » en tant qu'espace de culture commune s'est élargie, mais elle reste mouvante selon les circonstances et les points de vue. Les pays ou les régions qui constituent à l'heure actuelle l'Occident ne peuvent pas être identifiés de manière arrêtée et fixe : ceci en raison du fait que la notion même d'Occident renvoie à des dimensions culturelles, idéologiques, politiques, économiques et sociales diverses et difficiles à définir. Cependant certains pays sont fréquemment associés à la notion d'Occident : l'Europe de l'Ouest et l'Europe centrale, mais aussi les anciennes colonies d'Outre-mer majoritairement peuplées d'Européens (Amérique du Nord,Australie etNouvelle-Zélande).
Certains autres pays révèlent certaines tensions ou hésitations quant à leur inclusion ou exclusion au monde occidental/oriental, comme c'est le cas de laTurquie ou de laRussie, qui ont depuis longtemps eu des relations culturelles et politiques étroites (par exemple,HenriIer de France épousaAnne de Kiev en 1051, ou encore l'Alliance franco-ottomane qui dura du XVIe au XIXe siècle) avec l'Europe de l'Ouest. LeJapon est lui aussi un exemple de nation difficilement assimilable exclusivement à l'une ou l'autre de ces deux catégories. L'Occident peut aussi inclure l'Amérique latine, où l'on pratique lechristianisme et où l'on parle des langues européennes (espagnol etportugais surtout) ; certains de ces pays, notamment ceux duCône sud, sont même essentiellement peuplés de descendants d'Européens (Argentine,Uruguay,Brésil,Chili...).
À l'heure actuelle donc, les limites géographiques de l'Occident sont très floues et dépendent de ce que la personne qui l'emploie lui donne comme signification. Cette dernière varie donc grandement d'un auteur à l'autre, d'un journaliste à l'autre, d'un politicien à l'autre. Il faut également être conscient de la tendance actuelle à calquer la vision contemporaine de l'Occident sur des périodes plus anciennes, ce qui est une erreur. Claude Prudhomme[25] cite notamment l'exemple deCharlemagne, à qui certains auteurs donnent le titre d'Empereur d'Occident au lieu du titre utilisé à son époque, qui était empereur des Romains. De même, on parle dans les années 1960 de civilisation occidentale ou d'Occident médiéval à propos duMoyen Âge en Europe de l'Ouest, ce qui a le net avantage de faire référence à un territoire doté de traits sociaux et politiques relativement homogènes à l'époque car regroupant les territoires récemment contrôlés par l'Empire carolingien. Cependant, il est nécessaire de remettre en question ce postulat d'un Occident dont on pourrait suivre l'histoire qui serait continuelle et harmonieuse à travers les âges. Les délimitations actuelles de l'Occident ne sont donc pas claires et dépendent de l'usage commun, des débats et enjeux politiques et idéologiques liés à ce terme.
Terme fort mobilisé pour penser lamondialisation, le terme « Occident » dans son utilisation courante est souvent marqué d'une majuscule. Avec la minuscule, il indique une situation géographique, le positionnement à l'ouest par rapport à une autre région, un autre emplacement. L'exemple de l'Empire romain d'Occident, bien que ce nom ne fût jamais utilisé par ses contemporains qui utilisaient Empire des Romains, illustre non seulement un positionnement géographique, mais déjà une notion politique. Cette dimension politique est celle qui prévaut aujourd'hui dans le langage courant. L'usage du mot continue à s'imposer dans certains discours de politique, de sciences politiques, d'histoire ou de géographie.
L'utilisation de « Occident » avec majuscule renvoie notamment à l'Europe et à tout ou partie de l'Amérique du Nord, ou parfois, et plus spécifiquement, aux membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN). C'est donc un point de vue politique et dans une moindre mesure culturel. Occident est, comme Orient, ce que Georges Corm, un économiste et historien duProche-Orient, appelle une méga-identité[28]. Souvent utilisée dans les médias et les discours politiques pour l'opposer par exemple aux pays en voie de développement, à l'Islam ou aux pays duMoyen-Orient, la notion d'Occident décrit donc l'Europe de l'Union européenne, leCanada et lesÉtats-Unis, l'Australie et laNouvelle-Zélande, et le Royaume-Uni et l'espace économique européen, présentés dans ce cas comme un monde occidental plutôt homogène, usuellement démocratique, généralement développé et majoritairement chrétien. C'est une construction géopolitique et culturelle.
L'entrée « Occident » est absente de plusieurs ouvrages de référence historiques ou géographiques tels que leDictionnaire de géographie et de l'espace des sociétés[29], l'ouvrageLes Concepts de la géographie humaine[30] ou leDictionnaire de l'histoire, le Petit Mourre[31]. Est-ce par souci de clarté à propos d'un terme qui ne détient pas qu'une seule signification ? Peut-être est-ce parce qu'il s'agit d'une notion galvaudée ? Quoi qu'il en soit, il paraît intéressant de relever cette lacune à propos d'un terme qui est sans cesse mobilisé dans les médias. Au niveau des cultures, des valeurs et de l'histoire, les situations particulières des pays sont difficiles à concilier avec la notion d'un Occident unifié au sens géographique, religieux ou culturel.
« Aucun groupe de pays ne porte ce nom dans les fichiers des organisations internationales, qui ne connaissent pas non plus l'appellation de Sud pour qualifier le reste du globe. »
La persistance du terme « Occident » est un point de clivage important, qui empêche souvent l'abandon total des ressentiments et idées préconçues issues de la colonisation, d'un côté comme de l'autre. Les intellectuels occidentaux en particulier jouent de ce concept, à une époque où la bulle historique créée par laRévolution industrielle qui a permis à l'Europe (ne représentant que 6 % des terres émergées) de prendre le contrôle du reste du monde tend à se résorber, pour tenter de justifier une domination persistante de l'Occident et une place essentielle dans la culture, la philosophie et l'histoire de l'humanité. Dans ce sens,Edward Saïd affirme que l'Orient est lui-même une pure construction issue du monde occidental[36].
Selon Claude Prudhomme, lorsque l'Occident prétend ne plus savoir ce qu'il est, les autres viennent lui rappeler ce qu'il représente pour eux[37]. L'idée d'Occident à l'heure actuelle entretient donc le clivage entre pays développés (et anciennes puissances coloniales) etpays dits « émergents », en entretenant les premiers dans une vision mythifiée et héroïque de leur passé et de leur civilisation, en confinant les seconds à un rôle subalterne dans l'héritage culturel, religieux et philosophique de l'humanité et en leur refusant une place dans la grande histoire du monde (le terme émergent donnant l'impression, comme le terme « Nouveau Monde », que les pays n'existaient pas avant leur « découverte » par les Européens).
L'Occident conserve une influence considérable dans le monde actuel, sur le plan politique, économique et culturel[39]. Sur les dix premières puissances économiques mondiales en 2010, six sont des pays occidentaux[40]. À eux deux, l'Union européenne et lesÉtats-Unis représentaient la moitié duproduit intérieur brut (PIB) mondial à cette date. Cependant, son poids dans l'économie mondiale ne cesse de s'amenuiser depuis lepremier choc pétrolier et l'émergence économique de rivaux à son hégémonie tels que laChine, l'Inde ou l'Indonésie. Ainsi, en 2018, l'Inde est passée devant leRoyaume-Uni et laFrance par son PIB nominal, et la Chine se rapprochait des États-Unis[41]. En ce qui concerne le PIB àparité de pouvoir d'achat, un indice duFonds monétaire international tenant compte ducoût de la vie dans les pays respectifs, l'écart est encore plus grand. La Chine est en 2016 la plus grande puissance économique mondiale (en PIB à PPA), l'Inde la troisième, et les pays « occidentaux », ne représentent plus que quatre des dix plus grandes économies[42]. En 2025, l'Occident représente plus de la moitié du PIB mondial nominal[38].
↑Dictionnaire Hachette, édition 2006, entrée « occident » :« (avec une majuscule) Ensemble des pays d'Europe occidentale et d'Amérique du Nord ».
↑Dictionnaire Petit Robert, édition 1993, entrée « occident » :« 3POLIT L’Europe de l'Ouest, les États-Unis et, plus généralement, les membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN).La défense de l'Occident (autrefois opposé àEst, pays de l'Est) ».
↑Cette étymologie est utilisée par le philosopheOswald Spengler dans son œuvre de synthèse historiqueLe Déclin de l'Occident qui contribue à assimiler occident et civilisation.
↑Hakim Karki et Edgar Radelet,Et Dieu créa l'occident : la place de la religion dans la conceptualisation de la notion d'Occident,L'Harmattan,(lire en ligne),p. 182.
↑Claude Prudhomme, « Occident »,in Christin, Olivier (dir),Dictionnaire des concepts nomades en sciences humaines, Éditions Métailié, Paris, 2010,p. 360.
↑Ambroise Queffélec,Le français en Algérie : lexique et dynamique des langues, De Boeck Supérieur,(lire en ligne),p. 491.
↑Pierre Bayle (préface),Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois, tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts, Rotterdam, 1690, (posthume).
↑Laurent Testot, « Comprendre l'hégémonie occidentale »,in « L'ascension de l'Occident. Un débat historique »,Sciences humaines, coll. « Les Grands Dossiers »,no 12, 2008.
↑Georges Corm,L’Europe et le mythe de l’Occident – la construction d’une histoire, La Découverte, Paris, 2008,p. 17.
↑Dans le cas de la guerre froide, il est plus courant d'utiliser l'oppositionEst-Ouest plutôt qu'Orient-Occident. Est-ce dû aux limites linguistiques du français par rapport aux langues germaniques ou est-ce du fait que le bloc communiste ne correspond pas à la définition stéréotypée d'Orient ?
↑Prudhomme, Claude, « Occident »,in Christin, Olivier (dir),Dictionnaire des concepts nomades en sciences humaines, Éditions Métailié, Paris, 2010,p. 353
« […] l'OTAN serait le fil militaire du réseau des organisations internationales qui tentent de régler les conflits et les crises. Le bras armé de l'Alliance occidentale, l'appareil coercitif le plus puissant au monde […] »
↑Saïd, Edward,L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident, Éditions du Seuil, Paris, 1978.
↑Claude Prudhomme, « Occident »,in Olivier Christin (dir.),Dictionnaire des concepts nomades en sciences humaines, Éditions Métailié, Paris, 2010.
↑a etb(en)IMF - GDP, current prices Les pays sélectionnés ici (Australie, Canada, Union européenne (UE27), Royaume-Uni et États-Unis) représentent 51 % du PIB mondial (nominal) en 2025.
↑Sophie Bessis,L'Occident et les autres. Histoire d'une suprématie, La Découverte, 2003.
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.Par ordre chronologique :
Pierre Bayle, (préface),Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois, tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts, Rotterdam, 1690 (posthume)
François De Dainville,Le Langage des géographes, Éditions A&J Picard, Paris, 1964
R. Brunet, R. Ferras, H, Théry,Les Mots de la géographie – dictionnaire critique, Reclus –La Documentation française, Paris, 1993
Michel Mourre,Dictionnaire de l'histoire. Le Petit Mourre, Larousse, Paris, 2001
Victor Davis Hanson,Carnage et culture : les grandes batailles qui ont fait l'Occident (trad. de l'anglais), Paris, Flammarion, 2002, 600 p.(ISBN2-08-212544-0)
Ian Morris,Pourquoi l'Occident domine le monde...pour l'instant [« Why the West Rules - For Now:The Patterns of History, and What they Reveal About the Future »] (trad. de l'anglais), Paris, L'Arche, 2011, 768 p.(ISBN978-2-85181-748-8)
Bernard Jolibert,La pensée occidentale, Ellipses, Paris, 2012(ISBN9782729875992)
(en)Joseph Henrich,The WEIRDest People in the World: How the West Became Psychologically Peculiar and Particularly Prosperous, Farrar, Straus and Giroux, 2020(ISBN9780374173227).
Emmanuel Todd,La défaite de l'Occident, Gallimard, 11 juin 2024, 384 p.