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Nuit des poètes assassinés

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LaNuit des poètes assassinés (enrusse :Ночь казненных поэтов) désigne l'exécution, le, d'intellectuels et d'écrivainsjuifs d'expressionyiddish par l'Union soviétique. Elle est l'aboutissement de la répression des intellectuels juifs entamée parJoseph Staline après laSeconde Guerre mondiale[1],[2].

Contexte

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Pendant laSeconde Guerre mondiale, à partir de 1942, des intellectuels juifs soviétiques, le plus souvent d'expressionyiddish, avaient formé leComité antifasciste juif, dont l'objectif était de diffuser de lapropagande prosoviétique à des audiences étrangères et de collecter des fonds pour l'URSS auprès des Juifs du continent américain. À la fin de la guerre, le Comité antifasciste juif s'implique dans la recherche de documents sur laShoah.

En 1945, la population juive de l'URSS reste numériquement importante (3 millions de personnes), malgré les pertes énormes causées par l'invasion allemande. Pensant pouvoir s'appuyer sur le futurÉtat d'Israël et désirant contrecarrer les Britanniques réticents à la fondation de l'État hébreu,Staline décide dès 1947 d'apporter son soutien à la création du nouvel État. En,Golda Meir se rend en URSS ; elle assiste aux services deRosh Hashana et deYom Kippour à lagrande synagogue de Moscou, où elle est acclamée aux cris de « Le peuple juif vivra ! ». Or, il se trouve qu'à ce moment leParti communiste soviétique a entrepris la dénonciation d'une nouvelle déviation, le « cosmopolitisme ». Pour Staline, les acclamations en l'honneur de Golda Meir, alors que l'État d'Israël vient juste de naître, sont une manifestation de nationalisme qu'il faut réprimer. Cette dénonciation prend rapidement une tournure de plus en plus ouvertementantisémite. De plus, début 1949, Israël accepte un prêt américain de 100 millions de dollars : pour Staline, c'est le signe que le jeune État est prêt à se ranger dans le camp américain. Au milieu de l'année 1949, les signes de refroidissement entre Israël et l'URSS apparaissent.

La répression des intellectuels juifs

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Au même moment, après la diffusion de l'ouvrageLe Livre noir, les autorités entreprennent une répression envers les intellectuels et locuteurs de langue yiddish (Ilya Ehrenbourg,Peretz Markish etVassili Grossman) et surtout envers leComité antifasciste juif. Il est fait grief à ce dernier de se faire le porte-parole des Juifs soviétiques et non plus de faire de la propagande auprès des Juifs à l'extérieur de l'Union soviétique[3]. Cette répression est la conséquence du durcissement du régime stalinien d'après-guerre et l'accent mis sur les contraintes idéologiques (un précédent avait déjà eu lieu avecVictor Alter). Sous la direction deJdanov se développe une vaste offensive contre toute création de l'esprit dénotant les prétendues influences de l'étranger, du « formalisme » et de la « décadence occidentale »[4].

Attaques contre le Comité antifasciste juif

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Le,Solomon Mikhoels, président duComité antifasciste juif, prend l'avion pourMinsk. Son corps est retrouvé dans une impasse de cette ville, le ; sa mort est déguisée en accident de voiture et Mikhoels reçoit des funérailles d'État. Selon des documents recueillis par l'historien Gennady Kostyrtchenko, les organisateurs de l'assassinat sont L.M. Tsanava et S. Ogoltsov, et les meurtriers « directs » sont Lebedev, Krouglov et Choubnikov.Khrouchtchev affirmera plus tard que Mikhoels a été assassiné sur l'ordre direct de Staline.Lev Cheinine, assistant du procureur lors desprocès de Moscou, est chargé de l'enquête sur l'assassinat de Mikhoels mais il est dessaisi quelques mois plus tard de l'affaire et finit par être dénoncé pour nationalisme (il est lui aussi juif) ; il sera finalement arrêté en.

Dèsmars 1948, le Comité est dénoncé auprès du Comité central du PC. Son enthousiasmesioniste pour le jeune État d'Israël irrite. Le Comité antifasciste juif est ensuite invité à mettre en œuvre le départ des Juifs soviétiques vers leBirobidjan, la région autonome excentrée, située enSibérie, dans l'Extrême-orient russe, que Staline a dévolue comme région nationale pour les Juifs. Mais il est impossible de convaincre ceux-ci de s'installer dans cette province perdue. Au cours d'une réunion, en présence deMikhaïl Souslov (secrétaire du Comité central),Solomon Losovski a déclaré s'opposer au déplacement des juifs vers Birobidjan.Peretz Markish, quant à lui, s'y oppose également dans un refus enflammé, rappelant les souffrances endurées par les Juifs pendant la guerre et déclarant :« On ne peut déplacer un peuple, l'arracher à ses racines historiquement formées avec sa terre natale, sa patrie »[5].

Ce refus scelle le sort du Comité antifasciste, qui est dissous le. Tous les journaux en yiddish sont interdits, la maison d'édition yiddishDer Emes est fermée et son matériel est confisqué ; les intellectuels juifs attendant dans l'angoisse leur arrestation. Celles-ci ne surviennent que quelques semaines plus tard.

Les arrestations

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Ordre d'arrestation deSolomon Lozovski.

Le,Viktor Abakoumov, qui supervise la politique antijuive de Staline, se rend au Théâtre juif de Moscou pour perquisitionner les archives personnelles de Mikhoels en compagnie d'Itzik Fefer, un poète yiddish, fidèle serviteur du Parti et informateur pour leNKVD ; puis, dans la nuit du 24 au 25, Abakoumov arrête Fefer, dont il n'a plus besoin. Le lendemain le poète David Hofstein est arrêté. Le Théâtre juif est fermé avec comme motif : « non rentable ». Le,Staline fait arrêter Solomon Lozovski, membre juif influent du Comité central et du Comité antifasciste, ainsi que les membres importants du Comité, dont les poètesPeretz Markish etDavid Bergelson et la médecin et biochimisteLina Stern; dix des quinze arrêtés sont membres du Parti communiste[6],[7]. Toutes les arrestations sont clandestines : personne ne sait à l'époque ce que les détenus deviennent. Les condamnations à de longues peines se multiplient pour les raisons les plus mineures : mêmePolina Jemtchoujina, la femme juive de Molotov, est emprisonnée et perd sa place privilégiée auPolitburo. Le, laPravda commence à publier une série d'articles où elle dénonce des critiques de théâtre juifs pour leur incapacité à comprendre le caractère national russe. C'est le début d'une campagne antisémite déguisée en campagne contre le « cosmopolite sans racine ». Lalittérature yiddish est interdite le mois suivant.

La fin des poètes yiddish : procès et exécution

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Pendant leur emprisonnement, les pressions et les tortures que subissent les intellectuels juifs arrêtés les poussent à avouer tout ce dont on les accuse : espionnage au profit d'une puissance ennemie, complot pour déstabiliser le gouvernement, etc. Enmai 1952, le procès des intellectuels juifs s'ouvre enfin devant leCollège militaire de la Cour suprême de l'URSS. Ils sont accusés de« la planification d'une insurrection armée visant à établir une république sioniste et bourgeoise qui aurait servi de base américaine enCrimée, ainsi que d'activités d'espionnage au profit d'États étrangers comme lesÉtats-Unis et leJapon, et depropagande antisoviétique. » Les accusés trouvent alors le courage de rejeter en bloc les accusations portées contre eux. Le gouvernement choisit donc le huis clos et garde secrètes les délibérations. Les accusés doivent faire face aux accusations les plus absurdes. Il leur est, entre autres, reproché d'avoir transmis des informations au journaliste américain de gauche B.Z. Goldberg : ils affirment avoir reçu l'accord du Kremlin et que Goldberg n'était pas un espion américain. De fait, ce dernier était un espion soviétique.

Couverture du dossier de l'enquête.

Le, treize des quinze accusés, dont d'importants poètes et écrivains yiddish et tous membres du Comité juif antifasciste, sont fusillés sur ordre deLavrenti Beria dans la prison de laLoubianka. Parmi eux :Benjamin Zuskin,Boris Shimeliovich,David Bergelson,David Hofstein,Itzik Fefer,Leib Kvitko,Peretz Markish,Solomon Losovski[8],[9].Lina Stern sera la seule survivante des quinze accusés ; Solomon Bregman mourra en prison. Tous étaient des communistes fidèles qui voulaient mettre l'héritage juif au service de l'idéologie communiste. Ce crime est longtemps caché et activement nié par les autorités. Ainsi, dans un article deNew-York Times,Howard Fast raconte comment en 1955 à New-York, lors d'une visite officielle de quelques écrivains soviétiques, tous démentent la rumeur de la mort de leur collègues juifs.Boris Polevoy interrogé sur le sort deLeib Kvitko soutient même savoir parfaitement que ce dernier se porte bien étant son voiisin d'immeuble[10]. Leurs morts ne seront révélées qu'enmars 1956 lors de ladéstalinisation.

Postérité de la Nuit des poètes assassinés

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L'histoire des poètes assassinés a été l'objet des plusieurs œuvres artistiques.

  • En 1978 a été créée lacantateThe Night of the Murdered Poets for Narrator and Chamber Ensemble, deMorris Moshe Cotel, avec l'acteurRichard Dreyfuss comme récitant et le compositeur lui-même comme chef d'orchestre.
  • En 1980,Elie Wiesel remporte leprix du Livre Inter — et le Prix des Bibliothécaires l'année suivante — pour son romanLe Testament d'un poète juif assassiné, publié au Seuil.
  • En 2006, Arkadi etGueorgui Vaïner publient en FranceLa Corde et la Pierre aux éditionsGallimard. Il s'agit d'un roman sur la persécution des écrivains yiddish par Staline; si l'ensemble du roman relate une enquête sur le meurtre de Mikhoels, chacun des poètes assassinés lors de cette nuit tragique y est évoqué comme dans un mausolée littéraire.

Notes et références

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  1. Pierre Vallaud,Russie, Révolutions et stalinisme, Archipel,, 288 p.(ISBN 9782809808063,lire en ligne)
  2. Pascal Ory,De la haine du Juif, Groupe Robert Laffont,, 97 p.(ISBN 9782382920596,lire en ligne)
  3. RachelErtel, « L’anéantissement dans la poésie yiddish soviétique »,Fabula Colloques,‎(lire en ligne, consulté le)
  4. « L'antisémitisme en U.R.S.S. du temps de Staline. Un journaliste israélien a mis en cause Ilya Ehrenbourg »,Le Monde,‎(lire en ligne)
  5. Jean-Jacques Marie,1953, les derniers complots de Staline : l'affaire des Blouses blanches, éditions Complexe,, 253 p.(lire en ligne),p. 55.
  6. (en) Joseph Sherman,A Captive of the Dawn : The Life and Work of Peretz Markish (1895-1952), Taylor & Francis,, 250 p.(ISBN 9781351578165,lire en ligne)
  7. (en) Joshua Rubenstein,Stalin's Secret Pogrom, Yale University Press,, 527 p.(ISBN 9780300129397,lire en ligne),p. 148
  8. (en) Carol R. Saivetz, Sheila Levin Woods,August 12, 1952, the Night of the Murdered Poets, National Conference on Soviet Jewry,, 34 p.(lire en ligne),p. 10
  9. Bari Weiss,Que faire face à l'antisémitisme ?, Robert Laffont,, 161 p.(ISBN 9782221260197,lire en ligne)
  10. (en) Gennadiĭ Ėstraĭkh,Yiddish in the Cold War, Taylor & Francis Group,, 178 p.(ISBN 9781906540050,lire en ligne),p. 30

Annexes

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Bibliographie

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Liens internes

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