L'expression « nom j'té » désigne encore aujourd'hui enpicard un sobriquet[1]. Il s’agit de l’appellation régionale de ce qu’on appelle ailleurs leblason populaire. Cette appellation est également donnée aux personnes nées dans la ville/village, pour les différencier des habitants (notamment pourDouai).
Dans laFlandre lilloise, on parvient toutefois à dater l'un de ces surnoms avec assez de précision : il s'agit d'une déformation d'un mot émanant du roiLouis XI lui-même. Très surpris, il lâcha en effet les mots« Dieu que vous avez debielles loques » (beaux habits envieux français) lors de sa toute première visite en la ville deSeclin, cité qui dépendait alors de son principal ennemiCharles le Téméraire. Par dérision, les habitants du village voisin deGondecourt appelèrent aussitôt « loques beaux » tous les Seclinois, appellation plutôt amicale que méchante ; ce cas précis permet ici de dater l'époque peu avant 1477, date de la mort deCharles le Téméraire.
La plupart des autres surnoms datent de larévolte des gueux (1566). Durant cette période, la plupart des églises, couvents, abbayes de la région furent pillés, et les rites sacrés tournés en dérision. Ainsi, àEstaires, un âne fut promené dans la ville sous ledais de procession, donnant ainsi le nom de baudet aux habitants de la ville. ÀMerville, un chat fut enfermé dans letabernacle de l'église[2],[3].
Chesgrosses tiêtes d'Allennes (« les grosses têtes d'Allennes-les-Marais »).
Chescolpotreux d'Annœullin (ils transportaient les matières entre Provin et Sainghin).
Chespéteux d'Arleux : ville connue pour sa foire à l'ail. (Variantes : "Pouilleux d'Arleux" insulte présente notamment dans leCambrésis)
Chescastroleux éd La Bassée (« les casseroles deLa Bassée ») : censées sonner faux comme instrument, d'un mauvaiscalembour pour avoir dû se rendre plusieurs fois devant de nombreuses et différentes armées, las qu'ils étaient de leurs trop nombreux sièges.
Chesz'endormis d'Bazio (« les endormis deBazuel »)
Chescomte d'Bouvignies : désigne les descendants de Baptiste du Comte dont la légende rapporte qu'il égara ses titres héraldiques au cours d'une bataille.
Cheszonneblusschers d'Hondschoote (« les éteigneurs de soleil d'Hondschoote ») : un guetteur, chargé de veiller aux incendies du haut du clocher, et sûrement ivre, a sonné le tocsin en voyant l'horizon s'allumer à l'est, au lever du soleil.
Chespourchots d'Orchies (« les cochons d'Orchies ») : après qu'un incendie eut ravagé la ville, des collectes dans les villages voisins furent organisées « pour cheux d'Orchies », expression qui a donné par déformation « pourchots d'Orchies ».
Chesfauchés édPont-à-Marcq : les jeunes de la ville mettaient des clous rouillés dans leurs poches pour les faire passer pour des pièces de monnaie.
Chesmingeux d'parmint Provin ouchés minges parmint (« les mangeurs de parement ») :le parement est un mélange de farine et d'eau qui est un apprêt servant à la bonne tenue des pièces de tissus - pour plus de détails voirProvin).
Chessossots d'Quérénaing (« les idiots deQuérénaing »).
Chesloquebeaux édS'clin : le plus ancien, vient de la surprise de Louis XI en visite àSeclin, disant« Dieu que vous avez debielles loques » (beaux habits), expression que reprirent leurs voisins Gondecourtois pour les faire gentiment enrager.
Chesbrouteux éd Tourcoing (« les brouetteurs deTourcoing ») : depuis le Moyen Âge, les paysans tourquennois allaient une fois par mois vendre leur laine au marché de Lille et la transportaient en brouette.
Chescopés in deux d'Wattrelos (« les coupés en deux deWattrelos ») : comme « Marie cop'un deux », se disait quand le vent était très froid.
Chesniafs ouches gniafs d'Aigny (« les cordonniers d'Agny »).
Chesarniflards d'Arny (« les renifleurs d'Erny ») ouches gauloés d'Arny (« les Gaulois d'Erny »).
Chesboïaux rouches d'Arro (« les boyaux rouges d'Arras ») : vient de la ceinture de flanelle rouge qui faisait plusieurs fois le tour de leur ventre (dans le Nord elle était blanche, en Catalogne noire ou bleue selon qu'ils sont espagnols ou français), appellation étendue à tous les habitants du Pas-de-Calais. Toute connotation politique n'a aucun bien-fondé historique.
Chescarcahutes d'Auderselle (les habitants d'Audresselles vivaient dans des cahutes faites avec des carcasses de bateaux retournées) ouches dos d'cayelles (« les dos de chaises »).
Chesch'mieux'd'trippes edMetz-en-Couture : il y avait beaucoup de bûcherons qui aimaient manger des produits consistants, et, en particulier, des tripes.
Chéspéqueus d'équerviches éd Conty (les pécheurs d'écrevisses deConty[6]; car la rivière était abondante d'écrevisses)
Chésserpeux d'Cotinchy (référence au métier de bûcheron, àCottenchy)[5].
Chéscapieux fins éd Démuin ou Chéspondeus éd Démuin ou Chéssoyeux de bon diu éd Démuin. (les habitants se paraissaient beaucoup de chapeaux haut-de-forme[6]) (Démuin)
Chésquater langue éd Domart ou Chésmoi-ci, moi-la de Domart ou Chésenblayeus éd Domart (les habitants étaient réputés grands parleurs, vantards[6].) (Domart-sur-la-Luce)
Chésmetteux d'fu d'Freuchéneville ou Chésbruleux d'catieu (les metteurs de feu deFressenneville ; à la suite de l'incendie du château du patron de l'usine du village en 1906 lors d'une émeute).
Chésglorieux paillartsd'Saleu ou Chéspinchus d'Saleu s'es conme des leus (les pansus; c'est-à-dire voraces, ventrus; deSaleux, c'est comme des loups[11])
Chésbiséd Teinne ou Chésbisetéd Teinne (les bistrés deThennes; en référence à leur teint bistré[11]) ou Chésbarburiers édTeinne (les barbiers deThennes)
Chésmal poyeus de Tuloy-l'Abie, (les mauvais payeurs deThieulloy-l'Abbaye; les habitants étaient connus pour ne pas payer leurs dettes) ouChés poua de Tuloy-l'Abie, (lespoua; prononciation locale du motpoint;deThieulloy-l'Abbaye[11])
Chéscontrebandiers d’Vinacourt (contrebande de tabac deVignacourt)[5].
Chéscots éd Vilèr (les chats deVillers-Bocage) ou Chésbeudelés éd Vilèr (les boueux, c'est-à-dire couverts de boue, deVillers-Bocage).
Chésgannes de Vyincourt (les jaunes deWiencourt-l'Équipée, en référence à la boue jaunâtre dû au sol argileux[11]).
Émile Lambert,Blason populaire dans l'Oise, inBull Soc Archéologique de Creil, numéro 52-53 (1966).
Ylliatud,Dictons et sobriquets populaires des départements de l'Aisne, Oise et Somme, Tugaut imp., Noyon (1887).
François Beauvy,Dictionnaire picard des parlers et traditions du Beauvaisis, coll. Éklitra - numéro LXIII, Imp. Mutualité agricole de l'Oise,(1990),(ISBN2-85706-020-3).
André Accart,Les sobriquets des habitants du Pas-de-Calais, Les éditions Nord Avril , 456 pages , (2006)(ISBN2-915800-05-7).
Urchon Pico,Blasons et sobriquets des villages de l'Oise, Les Lapins d'Èches-Saint-Pierre (no 361)
Alcius Ledieu,Blasons populaires de Picardie, 1905-1910