Dans les ouvrages devulgarisation en langue française, le nom binominal est souvent remplacé ou doublé d'unnom vulgaire (traduction du nom savant), parfois unnom normalisé, appellation standardisée enlangue véhiculaire, par opposition aux diversnoms vernaculaires utilisés localement dans le langage courant et les langues régionales (catalan, provençal, picard, breton, etc.).
L'emploi denom binomial, sans le deuxièmen, a déjà été critiqué comme « impropre ». Toutefois, en français, les adjectifsbinomial etbinominal sont tous deux attestés dans l'usage et les sources normatives[5]. Par ailleurs une distinction étymologique subtile peut être effectuée entre les deux termes : d'une part,nom binomial correspond ànom composé de deuxmots, alors quenom binominal correspond de manière un peu plus spécifique ànom composé de deuxnoms.
De même, les nomsbinôme etbinom sont tous deux attestés et ont aussi fait l'objet de discussions particulières. En 1994,Aline Raynal-Roques indiquait juger préférable la formebinom (dulatin classiquebi- « deux » etnomen « nom ») à la formebinôme qui proviendrait spéculativement d'un mélange non conforme de latin (bi-) et de grec (nomos « loi »)[6]. Il apparait cependant que le termebinôme dérive bien du latin, et seulement du latin, d'une manière tout à fait régulière[1].
La quatrième édition duCode international de nomenclature zoologique, en vigueur depuis 1999, utilise l'adjectifbinominal et le nombinom[2], conformément aux recommandations normatives du chercheur Damien Aubert[1]. Le code ne se prononce cependant pas sur la valeur des formesbinomial etbinôme[2].
Avant que Linné établisse les règles du système de nommage à deux mots, les espèces étaient décrites par de courtes phrases latines de quelques mots, nommées polynômes latins, qui étaient inconsistantes et gênantes pour les scientifiques lorsqu'ils communiquaient entre eux ou même avec le public. De plus, elles étaient rédigées très différemment d'un auteur à l'autre et devenaient rapidement complexes et confuses avec les compilations encyclopédiques des auteurs de la Renaissance. Linné conserva cependant ces phrases latines, non plus comme des dénominations mais plutôt comme de brèvesdiagnoses des traits les plus saillants des espèces[7].Jean Bauhin est le premier à avoir pensé, au début de laRenaissance, à une nomenclature regroupant genre et espèce. Malgré sa brillante idée, il ne parvint pas à imposer dans le monde scientifique de l'époque ce principe encore valable chez les zoologistes actuels.
Il faut attendre plus d'un siècle pour queCarl von Linné, naturaliste suédois influent, impose cette nomenclature ditebinaire, puis binominale. C'estJoseph Pitton de Tournefort qui, dans sonInstitutiones rei herbariae (1700)[8], popularise l'usage du genre et du nom générique comme de l'espèce et du nom de celle-ci. Puis c'estKarl Niklaus Lang qui, en 1722, utilise le premier cette méthode en zoologie[9], en formalisant un ensemble de règles qui a favorisé son adoption par les communautés scientifiques.
Le principal avantage de cette terminologie est, depuis Linné, d'avoir offert un langage commun. Par delà les noms vernaculaires propres à chaque langue pour désigner l'espèce humaine ou les membres de celle-ci (Human,Mensch,Ser humano…) et parfois multiples au sein d'une même langue (l'espèce humaine, l'homme, l'humain…),Homo sapiens se présente comme un vocable de référence, certes de nature scientifique, mais qui a su par ailleurs acquérir une notoriété dépassant celle du jargon.
Ils demeurent les plus importants car touteespèce du monde vivant est désignée dans la communauté scientifique par un nom binominal. Ce nom binominal[13] spécifique se compose d'unnom de genre et d'une épithète spécifique, il est généralement suivi du nom (ou de l'abréviation) de l'auteur (ou des auteurs) ayant décrit et nommé ainsi pour la première fois l'espèce et de la date de publication de ce travail. L'ensemble constitue le nom scientifique international.
L'épithète spécifique peut être un adjectif, un nom au génitif ou un mot en apposition.
« Homo » constitue le nom de genre (au nominatif latin, avec majuscule et en italique) qui a donné le mot « Homme » en français.
« sapiens » provient d'un adjectif latin (en minuscule italique) signifiant « intelligent, sage, raisonnable, prudent », et qui qualifiant ici l'espèce humaine la distingue des autres espèces fossiles apparentées.
« Linné » identifie le nom du naturaliste qui a nommé et décrit l'espèce.
« 1758 » situe l'année de publication de ladiagnose, ou de sa validation.
Les noms binominaux sont établis selon des règles précises, fixées par lanomenclature scientifique des noms des espèces vivantes.
Ils sont réputéslatins, quelle que soit leur origine : un des deux noms, voire les deux, pouvant être transcrits d'un autre alphabet ou d'une autre langue,grec ancien commeAbramis,chinois commeAgrocybe chaxingu,japonais commeLentinula shiitake, polonais commeCapsaspora owczarzaki…. En effet, ils sont impérativement écrits en alphabet latin (sansdiacritiques ou accents, lesligatures Æ, æ, Œ, œ, ß sont écrites sans ligature : Ae, ae, Oe, oe, ss) et reçoivent unedésinence latine ou se déclinent en latin chaque fois qu'il est morphologiquement possible. Le trait d'union est autorisé en botanique mais son usage est codifié[12].
À partir d'une certaine date de publication, variable selon les disciplines, les noms binominaux doivent être accompagnés d'unediagnoselatine, avec description ettypification, dans la même publication (ou ultérieurement, voir plus bas « : » ou « ex »).
Il est également recommandé, depuis 2012, d'en préciser l'étymologie (cf. Article 60, recommandation 60 H.1., du Code international de nomenclature de Melbourne) particulièrement lorsqu'elle n'apparaît pas évidente. Par exemple, la désignation « Clitocybe acromelalga Ichimura » comporte un mot savant composé du grecacro- « extrémité », -mel- « articulation ou membre » etalga « douleur », ce champignon provoquant des douleurs atroces des extrémités (doigts et orteils). Il est toutefois mal décliné (acromelalges eût été correct), mais la correction, qui doit faire l'objet d'une demande, relève d'une décision officielle.
Quelques exemples de noms binominaux, suivis du nom de leurs auteurs :
Il faut respecter certaines règles de composition (orthographe et grammaire latine) et detypographie.
Le nom de genre s'écrit avec lamajuscule. La recommandation 60 F.1. précise :« La lettre initiale de toute épithète spécifique ou infra-spécifique devrait être une minuscule ; cependant, les auteurs qui désirent utiliser une majuscule peuvent le faire pour des épithètes directement dérivées de noms de personnes, réelles ou mythiques, de noms vernaculaires (ou non latins) ou d'anciens noms de genres ».Comme le binôme est écrit enlatin, il est enitalique dans uneécriture romaine, et inversement, ce qui le distingue visuellement du reste du texte. En écriturecursive, l'usage typographique veut qu'il soit souligné.
Le nom desous-genre ou d'autresrangs intercalaires, est parfois inséré entre parenthèses entre le nom de genre et l'épithète spécifique. Par exempleHylobius (Callirus) abietis (Linnaeus,1758). Ils sont tolérés pour indiquer unephylogénie, mais ce nom de sous-genre ne fait en aucun cas partie du binôme.
Quand le nom du genre ne peut faire aucun doute pour le lecteur ou l'auditeur[b], le nom complet de l'espèce peut être remplacé par son abréviation, dans laquelle le nom du genre est remplacé par son initiale suivie d'un point (exemple :D. melanogaster pourDrosophila melanogaster).
On rencontre parfois l'abréviation sans que le nom du genre ait été explicité précédemment, quand il s'agit d'une espèce particulièrement emblématique dans le contexte. C'est notamment le cas deH. sapiens (pourHomo sapiens),E. coli (pourEscherichia coli) etC. elegans (pourCaenorhabditis elegans).
Laforme ou larace en zoologie, et laforme ou lecultivar en botanique, ne reçoivent pas de nom trinominal international, mais l'usage est d'en préciser le nom en troisième position :
Une fois adopté officiellement, le nom binominal d'une espèce ne change plus, même s'il fait référence à une particularité qui se révèle fausse (exemples :Arvicola amphibius désigne le Campagnol terrestre et non leCampagnol amphibie ;Carex diandra a troisétamines (andra) et non deux). La seule exception concerne le reversement d'une espèce dans un autregenre biologique :
on remplace le nom de l'ancien genre par celui du nouveau ;
Autre cas : le nom binomial de l'Homme de Néandertal demeureHomo neanderthalensis avec unh (muet) tandis que le toponyme dont il est tiré (Neandertal, lavallée de Neander), s'écrit sansh depuis une réforme de l'orthographe allemande de 1901.
Chaque fois que la rigueur devient nécessaire, on doit faire suivre le nom binominal de la « citation d'auteurs » et de la date de publication (l'année suffit) — en zoologie, c'est la date de la description originale, en botanique, la date de la nouvelle combinaison — éventuellement complétée de sa référence bibliographique.
Par exemple :
en zoologie :
Sitta europaeaLinnaeus,1758 : sans parenthèses, le nom scientifique est resté celui d'origine choisi par le descripteur en 1758,
Acinonyx jubatus (Schreber,1775) : entre parenthèses, le nom scientifique choisi à l'origine par Schreber en 1775 a été recombiné par la suite dans un genre différent ;
en botanique :
Senecio adenotrichiusDC.,1838 : sans parenthèses, le nom scientifique est resté celui choisi par de Candolle en 1838,
Arbutus arizonica (A.Gray)Sarg.,1891 : premier descripteur entre parenthèses, l'épithète spécifique a été recombinée dans un genre différent en 1891 par Sargent,
Miscanthus floridulus (Labill.)Warb. exK. Schum. &Lauterb.,1901 : premier descripteur entre parenthèses, l'épithète spécifique a été recombinée dans un genre différent en 1901 par K. Schumann et K. Lauterbach, à la suite des travaux de Warburg.
l'auteur d'une nouvelle combinaison à partir de ce basionyme (changement de genre ou changement de rang taxinomique). Chaque recombinaison créant autant desynonymes ;
l'auteur sanctionnant un basionyme invalide ;
l'auteur sanctionnant une recombinaison invalide.
Lorsque le taxon est publié pour la première fois, la citation est toujours simple : le nom est suivi du nom de l'auteur qui le publie. Ce nom de personne peut être donné au long, mais on utilise très souvent une abréviation plus ou moins acceptée par l'usage. L'auteur peut se substituer à un collectif d'auteurs (l'ensemble des auteurs publiant conjointement le nom et qui en assument la responsabilité).
Lorsqu'un systématicien estime que le genre choisi n'est pas le meilleur pour cette espèce, notamment à la suite de la création d'un nouveau genre, il peut décider detransférer l'espèce dans un autre genre. Dans ce cas, le nom de l'auteur de la combinaison princeps demeure, mais il est placé entre parenthèses.
Chaque fois qu'une espèce est transférée dans un autre genre, on doit obligatoirement mentionner à la suite de la parenthèse fermante, le nom de celui qui, le premier, a publié cette nouvelle combinaison (abrégée « comb. nov. »).
Autrement dit, chaque fois que letaxon auquel le nom (supposé publié de manière valide) s'applique initialement a été changé de genre et que l'épithète est conservée (ce qui n'est pas toujours possible), on procède comme suit :
le nom de l'auteur initial (ou son abréviation) est cité entre parenthèses et l'on fait suivre cette parenthèse du nom de l'auteur du transfert au genre d'accueil ;
ceci s'applique aussi s'il y a changement de rang (transfert entre les rangs d'espèce, de sous-espèce, de variété, etc.).
La règle s'applique même si au lieu d'un seul auteur, le transfert est le fait de plusieurs auteurs conjointement dans la même publication (publications signées par plusieurs auteurs).
Cette date situe l'année de publication effective du livre ou de la revue dans lequel l'espèce a été décrite la première fois sous ce binôme. Cette date est indispensable pour retrouver, notamment quand on consulte des ouvrages anciens (plus de cinq ans suffisent dans certaines disciplines), une espèce citée même si elle a changé de genre. La mention de l'année est cependant facultative, de même que la citation bibliographique complète.
Les noms binominaux latinisés instaurés par Linné ont remplacé les « noms vulgaires » (ou « vernaculaires »), dont certains demeurent cependant utilisés par les scientifiques, quand ils ne prêtent pas à confusion et sont très connus (lion,ours blanc...) ou sont normalisés par une institution scientifique (on parle alors de « nom normalisé »), ce qui est par exemple le cas en français pour les oiseaux avec laCommission internationale des noms français des oiseaux.
Dans certains pays, des traditions de dénomination relativement précises étaient en cours avant même leSystema Naturae, par exemple auJapon, et sont demeurées plus riches et précises que la classification scientifique pendant plusieurs siècles, certaines espèces y ayant été décrites bien avant d'être intégrées à la classification « officielle »[15].
↑Parce que le texte ou le propos porte sur ce genre, ou que le nom du genre a été mentionné précédemment (et qu'aucun autre genre considéré n'a la même initiale).
↑ab etcD. Aubert (2016). Doit-on parler de « nomenclature binomiale » ou bien de « nomenclature binominale » ?La Banque des mots91, 7-14.
↑ab etc(fr + en)4e édition (1999, p. 131) du CINZ, sur le site de l’American Association for Zoological Nomenclature : « Le nom scientifique d'une espèce, mais non celui d'un taxon de tout autre rang, est la combinaison de deux mots (un binom), le premier étant appelé le nom générique et le second l'épithète spécifique (ou nom spécifique). Le nom générique doit prendre une majuscule ; l'épithète spécifique doit commencer par une minuscule. »
↑Valéry Malécot et Romieg Soca,Code international de nomenclature pour les algues, les champignons et les plantes "de Saint Louis",(lire en ligne).
↑Thierry Gontier,Animal et animalité dans la philosophie de la Renaissance et de l'Âge Classique, Éditions de l'Institut supérieur de philosophie,,p. 22.
↑Antonii Goüan ... Hortus regius Monspeliensis, sistens plantas tum indigenas tum exoticas n°. mm. cc. ad genera relatas, cum nominibus specificis, synonymis selectis, nominibus trivialibus, habitationibus indigenarum, hospitiis exoticarum, secundum sexualem methodum digestas ...., Lugduni, Sumptibus Fratrum de Tournes, 1762.
↑Guy Redeuilh. 2003 [2002]. — Introduction au vocabulaire nomenclatural. Bulletin de la Société mycologique de France, 118 (4), p. 299-326.
Sciences naturelles : Antoine Jacques Louis JourdanDictionnaire raisonné, etymologique, synonymique et polyglotte, des termes usités dans les sciences naturelles, Volume 1. Éditeur J.-B. Baillière, 1834. 628 pages.Consulter en ligne.