Nicholas Ray[1],[2],[3],[4],[5],[6],[7],[8] est le plus jeune d'une fratrie de quatre enfants dont trois sœurs : Alice, Ruth et Helen[9]. Sa mère[10], Olene Kienzle (née Toppen), est artiste. Son père, Raymond Nicholas Kienzle, Sr., allemandcatholique devenuluthérien, a déjà deux filles d'un mariage précédent, il est alcoolique et violent avec ses enfants.
Nicholas Ray étudie d'abord à l'Université de Chicago, qu'il quitte en1932 ; il déménage ensuite àNew York et change de nom. Puis il retourne au Wisconsin, invité parFrank Lloyd Wright, avec qui il étudie à laVilla Taliesin[11], une école d'architecture. Il quitte à nouveau cette école pour revenir à New York.
Nicholas Ray s'est aussi impliqué dans le folklore[12] dans les années 1930 et 1940[13].
Avec à peine cent dollars en poche, il rejoint le groupe du Théâtre d'Improvisation de New York. Il y rencontre le producteurElia Kazan, surtout connu pour sa façon peu commune de pousser ses étudiants jusqu'à leurs limites ; cette façon d'enseigner marque Nicholas Ray pour le reste de sa vie. D'ailleurs, lorsque Kazan produit son premier film à HollywoodLe Lys de Brooklyn, il est engagé comme assistant.
En 1936, Ray épouse Jean Evans (née Jean Abrams), une journaliste dont il divorce en 1940 mais qui lui donne un fils, Anthony Ray, dit Tony (1937-2018)[14]. Il commence alors à réaliser ses propres films : le premier,Les Amants de la nuit, puis en 1948,Secret de femme, avecGloria Grahame, qu'il épouse à la suite du tournage en 1948 et dont il aura un fils, Timothy[15]. Il s'en sépare en 1950, après avoir surpris Gloria couchant avec Tony (qui n'avait que13 ans à l'époque) ; le divorce est prononcé en 1952. Tony épouse par la suite Gloria Grahame.
Après cette réussite, Nicholas Ray est contacté par laWarner Bros.. La Warner, qui a acheté les droits deRebel Without a Cause, un livre écrit par le psychiatre Robert M. Lindner en 1944 sur les adolescents violents, lui demande d'en réaliser l'adaptation cinématographique et envisage pour les rôles principaux de faire appel àMarlon Brando etSidney Lumet. Mais ceux-ci refusent le projet.
Le sujet de ladélinquance juvénile, omniprésent depuis longtemps dans les médias américains, incite Ray à s'engager dans le projet : « Ce n'était ni le psychopathe ni le fils d'une famille mal famée qui m'intéressait ». Ray commence cependant à écrire sa propre histoire,The Blind Run, une histoire crue faite d'une suite de scènes choquantes et brutales, d'actes criminels, en 17 pages. Avec le producteur David Weisbart, il refond l'histoire pour la rendre plus acceptable. Ray réalise toute l'absurdité des théories de Lindner dontRebel Without a Cause (La Fureur de vivre[16]) doit faire état : les méchants viennent de petites familles pauvres, les riches sont les gentils « C'est totalement faux, dit Ray. C'est nous tous ».
Pour peaufiner le scénario deRebel, Ray fait appel à un dynamique auteur de 32 ans, Stewart Stern. Et sur les conseils de Kazan, Ray choisitJames Dean pour jouer le personnage principal[17]. LaWarner Bros doute du choix de l'acteur principal, elle aurait plutôt aimé de plus jeunes acteurs, des étoiles montantes, commeRobert Wagner,Tab Hunter ouJohn Kerr. Le rôle principal féminin revient àNatalie Wood, alors âgée de16 ans, avec qui Ray aurait eu une liaison durant le tournage. La bande sonore du film bénéficie du concours deLeonard Rosenman, qui a composé la musique pourÀ l'est d'Éden.
James Dean meurt peu après, une semaine avant la première deLa Fureur de vivre. Alors que par son destin tragique Dean entre dans la légende, Ray est anéanti par sa mort. Il épouse en 1958 une danseuse,Betty Utley, dont il divorce en 1964, après la naissance de deux filles : Nica et Julie.
Ray réaliseLe Roi des rois[18] etLes 55 Jours de Pékin. Le malaise cardiaque qui le terrasse sur le plateau des55 jours brise sa carrière, il devient alcoolique et joueur compulsif, il perd sa fortune. De plus en plus exalté au sujet de James Dean, il affirme que ce dernier lui a légué des biens matériels[19]. Restaurateur un moment, il fait faillite. Il se perd dans ses soucis financiers, sa santé est de plus en plus déficiente, il perd l'usage de son œil droit, et porte un bandeau noir. Il enseigne[20] le cinéma[21] de façon incongrue[22] auLee Strasberg Theater and Film Institute et au Harpur College of Arts and Sciences[23] de laBinghamton University, succursale de l'Université d'État de New York, et réalise avec ses étudiants de New YorkWe can't go home again, un autoportrait filmé en partie en vidéo, en 1973[24], avec pour actriceSusan Schwartz, sa quatrième et dernière épouse[25], une étudiante âgée de18 ans rencontrée en 1969, à l'université de Chicago.
SelonBill Wyman, le premier bassiste desRolling Stones, leur albumAftermath a été initialement conçu comme la bande sonore d'un long métrage intituléBack, Behind and Front qui devait être dirigé par Nicholas Ray. Doté d'un budget de 1 250 000 dollars, le film ne verra cependant jamais le jour carMick Jagger — le leader desStones — et Nicholas Ray ne réussirent pas à s'entendre[26].
Nicholas Ray s'est marié quatre fois. En1936, avec Jean Evans, ils divorcent en1940, ils ont un fils Anthony[27],[28]
En1948, avec l'actriceGloria Grahame, ils divorcent en1952, à la suite d'une affaire d'inceste, où Gloria aurait été surprise au lit avec Antony, le fils de Nicholas Ray[29],[28].
En1958, avec ladanseuse Betty Utley, ils divorcent en1964, le couple donne naissance à deux filles Nica et Julie[30].
Nicholas Ray[38],[39],[40] est l'un des initiateurs de l'évolution du cinéma hollywoodien dans l'après-deuxième guerre mondiale, avec entre autresElia Kazan. Les traits marquants de ce nouveau cinéma est la figure de l'anti-héros : loin des canons d'avant-guerre, les personnages principaux de ces films sont des «perdants», des marginaux, des héros vieillissants ou fatigués, en décalage avec leur milieu ou leur époque. Cela est particulièrement vrai dans l'œuvre de Nicholas Ray où, le plus souvent, le héros ou un des personnages principaux connaît une fin tragique.
Même quand il s'attaqua à un genre hollywoodien par excellence, lasuperproduction biblique, avecLe Roi des rois (d'ailleurs inspiré par le maître du genre,Cecil B. De Mille, qui réalisa un film du même titre et sur le même thèmeen 1927), le traitement de son sujet resta dans la tonalité du reste de sa filmographie, puisque contrairement à la pratique antérieure, qui choisissait en général ses thèmes dans l'Ancien Testament et en tout cas dans une approche laudative, exultante et pieuse, il choisit de traiter ce qui fait le cœur duNouveau Testament et desÉvangiles, la vie deJésus, mais en s'attachant moins tant à l'aspect religieux du thème qu'au parcours terrestre de l'individu dans un mode de narration proche de celui dupeplum, parcours qui, d'un point de vue objectif, est celle d'unloser, rejeté par les institutions religieuses hébraïques et condamné à mort par l'occupant romain, hors toute considération sur le devenir de son message ou sa nature divine.
La spécificité de Nicholas Ray dans le cinéma américain et plus spécialement hollywoodien est que, contrairement à beaucoup de ses contemporains (Elia Kazan et Joseph Losey, déjà cités, mais aussiJules Dassin et bien d'autres cinéastes du début desannées 1950), sa filmographie reste inscrite dans le « cinéma de genre » (western,film noir, superproduction « antique »,peplum...) mais aussi que, contrairement à ses autres contemporains « classiques », dans chaque genre où il s'illustre il dynamite les canons : le personnage central est donc souvent un « anti-héros », les personnages masculins apparaissent souvent faibles ou emplis de doute, dans nombre de ses films le personnage fort est une figure féminine, enfin il introduit souvent un élément qui fera le cœur des films de genre dans les décennies suivantes, celui de la violence sans but. L'œuvre deSam Peckinpah ou deDon Siegel (pourtant son contemporain), de même que celle de bien des réalisateurs italiens dewestern spaghetti, au premier rang desquelsSergio Leone, sont très redevables des thématiques et de l'esthétique de Nicholas Ray.
Un trait paradoxal de ce réalisateur est l'absence réelle desuspense dans ses films dont c'est pourtant un ressort essentiel (films noirs, westerns, thrillers). On peut le considérer comme un auteurtragique[41] en ce sens que la trajectoire de ses personnages est le plus souvent prévisible dès le début du film, d'une manière assez similaire aux procédés de la tragédie grecque.
Comme dans la tragédie, Nicholas Ray fait reposer la tension du récit non sur l'indétermination, mais sur cette prévisibilité, le spectateur étant alors captivé par une attente contradictoire entre l'anticipation d'une fin inéluctable et le désir de voir les héros échapper à cette fin.
Curtis Hanson apparaît dans un documentaire pour le DVD deLe Violent, exprimant son analyse du film qui était l'une des nombreuses influences pour la réalisation de sonL.A. Confidential (1997)[44].
Wim Wenders est un autre de ses admirateurs européens, lui rendant hommage dans de nombreux films. Il donne un petit rôle au cinéaste dans son filmL'Ami américain. Puis ils co-signentNick's Movie, semi-documentaire qui montre les deux cinéastes collaborant à la conception d'un nouveau film quelques semaines avant la mort de Ray.
Alors enseignant à laNew York University, Ray eutJim Jarmusch[46] comme élève, le jeune cinéaste indépendant devint son assistant. En retour, Jarmusch lui demanda conseil pour ses scénarios.
Quentin Tarantino[47] est également un grand admirateur de Ray dont il cite souvent l'influence dans de nombreuses interviews (Les Amants de la Nuit est d'ailleurs un de ses films préférés). On trouve en effet, aussi bien dans ses films (Reservoir Dogs) que dans ses scénarios tournés par d'autres (True Romance), la même dimension tragique de ces personnages prédestinés.