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Nicéphore Grégoras (Νικηφόρος Γρηγορᾶς), né vers1295[1] àHéraclée du Pont, et mort en1360[2], est unhistorien, philosophe, savant et humanistebyzantin.
Orphelin très jeune, il fut confié à son oncle maternel Jean, qui était évêque d'Héraclée et lui donna lui-même les bases de l'instruction. Parti pourConstantinople à vingt ans, il put entrer en relations, sûrement grâce à son oncle, avecJean Glykys (patriarche Jean XIII à partir de1315), qui était un savant grammairien etrhéteur. Il fit ensuite la connaissance deThéodore Métochite, qui étaitGrand Logothète de l'empereurAndronic II Paléologue et qui le prit en affection.Métochite était aussi le plus grand savant byzantin de son temps et s'employait à remettre à l'honneur l'astronomie[3] ; il initia également Grégoras à la philosophie d'Aristote. Pour le remercier, Grégoras se fit le précepteur bénévole de ses enfants Irène et Nicéphore.
La réputation d'érudit de Grégoras, et d'autre part un discourspanégyrique, inséré dans sonHistoire (VIII, 9), lui valurent la protection de l'empereur, qu'il rencontra en1322 et qui voulut le nommerchartophylax (gardien des archives) du patriarcat, poste qu'il refusa en arguant de sa jeunesse et de son manque de compétence. En1324, avec l'appui d'Andronic II, Grégoras exposa devant une assemblée de savants uneMéthode pour fixer la date de Pâques (réforme du calendrier, texte inséré dans sonHistoire, en VIII, 13), mais aucune suite n'y fut donnée pour des raisons politiques et religieuses. 250 ans plus tard, en1582, c'est cette même réforme qui fut ordonnée par le papeGrégoire XIII (calendrier grégorien).
Il devint alors un membre reconnu du petit cercle des savants et humanistes byzantins. Pour démontrer ses compétences en astronomie, il effectua la prédiction de l'éclipse solaire du 16 juillet 1330, dont le calcul détaillé a été conservé[4], et d'au moins trois autres éclipses par la suite. De ces années datent aussi de nombreux autres textes (traitéSur la construction de l'astrolabe, commentaire duTraité des songes deSynésios, nombreuseshagiographies...). Il donne alors des cours de philosophie et d'astronomie dans un « petit local » (οἰκίσκος) situé dans l'enceinte du monastèreSaint-Sauveur-in-Chora queThéodore Métochite avait fait rebâtir.
En1326, il est ambassadeur d'Andronic II auprès du tsar deSerbieÉtienne Detchanski. Mais le 24 mai1328, l'empereur est forcé d'abdiquer en faveur de son petit-filsAndronic III etThéodore Métochite, destitué, est exilé àDidymotique. La même année, Jean d'Héraclée, oncle de Grégoras, meurt. Abattu par ces épreuves, ce dernier se retire plusieurs mois chez lui. Mais il est de retour dans l'arène intellectuelle dès1329, s'employant à réfuter de prétendues prophéties faisant florès à l'époque, et à lutter contre les faux savants etsophistes. Il se lie alors d'une amitié intime avecJean Cantacuzène, Grand Domestique (premier ministre) d'Andronic III.
En1330 arriva àConstantinople le moine calabraisBarlaam de Seminara[5], un ambitieux personnage expert en diverses sciences et en théologiescolastique, qui défia Grégoras en un débat public. Celui-ci tourna à la confusion du Calabrais, et Grégoras le rapporte dans un dialogue intituléFlorentios. MaisBarlaam devait refaire parler de lui[6].
En1332 moururent l'ex-empereurAndronic II, devenu le moine Antoine (13 février), etThéodore Métochite (13 mars) ; Grégoras fit l'oraison funèbre des deux, et composa l'épitaphe du second. Mais il était devenu un personnage de la nouvelle cour, adressant àAndronic III, à l'occasion de la mort de sa mère Xénè, en1333, uneConsolation qui est surtout unpanégyrique de l'empereur lui-même. En1334, le papeJean XXII ayant missionné deux légats àConstantinople pour reprendre les négociations sur l'union des Églises, Grégoras fut chargé de la question et conseilla de n'ouvrir aucune discussion, avis qui prévalut.
En1340,Barlaam le Calabrais alluma àThessalonique la querelle de l'hésychasme, qui divisa l'empire pendant plus de dix ans et occupa désormais une très grande place dans l'activité de Grégoras. Souffrant, celui-ci n'assista pas ausynode de juin1341, oùBarlaam fut condamné.Andronic III mourut le 15 juin, après avoir confié la régence àJean Cantacuzène ; celui-ci se proclama empereur àDidymotique le 26 octobre, commençant une guerre civile avecAnne de Savoie, veuve d'Andronic III, représentant son filsJean V Paléologue.Grégoire Palamas et leshésychastes étaient soutenus parJean Cantacuzène. Grégoras, bien que se tenant au début à l'écart de la mêlée, était hostile à l'hésychasme ; il appuya son ami le patriarcheJean Calécas, qui convoqua un nouveausynode en1342 et renversa la décision de juin1341.Palamas fut emprisonné et excommunié.
Mais la régenteAnne de Savoie finit par se rallier à l'hésychasme et fit libérerPalamas en1346. Celui-ci s'en prit violemment au patriarcheCalécas, et la régente imposa à Grégoras de trancher ouvertement entre les deux ; dans sesPremiers Antirrhétiques, il donna raison à son amiCalécas. Mais en janvier1347, un nouveausynode déposa le patriarche et revint à la décision de juin1341. Dans la nuit du 2 au 3 février1347,Jean Cantacuzène s'empara deConstantinople et écartaAnne de Savoie.
Le nouveau maître de la capitale, soutien de l'hésychasme, fit confirmer la déposition deCalécas et élire à sa place le notoire palamiteIsidore Boucheiras. Grégoras tenta en vain de changer la position de son vieil amiCantacuzène ; il se retira dans la vie privée. Quand le patriarche Isidore mourut, au début1350,Cantacuzène lui offrit la succession s'il faisait la paix avec leshésychastes ; Grégoras refusa. Le 10 juin, un moineathonite particulièrement fruste, Callixte, fut élu, et les adversaires de l'hésychasme vinrent supplier Grégoras de prendre la tête de la résistance.
Unsynode restreint auxmétropolites se réunit le 27 mai1351 pour trancher la querelle. Il approuva à nouveau les théories dePalamas ; des violences furent exercées contre les représentants du parti adverse ; Grégoras, anathématisé, fut assigné à résidence. Comme il s'employait à organiser la résistance (rédigeant uneNouvelle Réfutation des décisions dusynode, entretenant une correspondance active avec ses amis deThessalonique et deChypre), il fut finalement enfermé dans le monastèreSaint-Sauveur-in-Chora.Jean Cantacuzène lui envoya de nombreux partisans de l'hésychasme pour le fléchir (dont Démétrios Cavasilas, ami intime de Grégoras ; également, au printemps1354,Mathieu Cantacuzène, qui venait d'être couronné coempereur, et pour qui Grégoras avait une grande affection), on usa aussi des pressions et de la menace, rien n'y fit : Grégoras ne céda pas. Il restait en contact avec l'extérieur grâce à son disciple et ami Agathangelos.
Le 22 novembre1354,Jean V Paléologue, acclamé par la foule de la capitale, mit fin au pouvoir deJean Cantacuzène, qui abdiqua et revêtit l'habit monastique le 10 décembre, àSaint-Georges-des-Manganes, sous le nom de Joasaph. Grégoras, libéré, engagea instammentJean V à dénoncer l'hésychasme, mais celui-ci, peut-être en partie sous l'influence de sa femme Hélène Cantacuzène, s'abstint de se prononcer. Un exposé des thèses en présence fut organisé devant un légat du pape, l'archevêque Paul deSmyrne :Grégoire Palamas défendit un point de vue, Grégoras l'autre.
Grégoras se retira alors à nouveau chez lui et se consacra à l'étude et à la rédaction d'ouvrages. Il était en butte à de nombreuses attaques, loyales ou déloyales : lesQuatre traités contre Grégoras, rédigés parPalamas entre1356 et1358 ; mais aussi des libelles plus ou moins diffamatoires qui circulaient et qui venaient en partie de l'entourage deJean Cantacuzène. Grégoras fut vivement affecté par ces attaques. Il mourut en 1359 ou au début de1360.
Grégoras fut unpolygraphe presque universel : grammaire,rhétorique, philosophie, histoire, poésie, musicologie, physique, mathématique, astronomie, théologie,hagiographie... toutes les disciplines pratiquées à l'époque sont représentées dans son œuvre. Mais en bon humaniste, il est avant tout un rhéteur.
De son œuvre proprement rhétorique, on a conservé principalement des opuscules de jeunesse, notamment un ensemble d'exercices scolaires (des προγυμνάσματα), dans les genres de la déclamation (Discours des députés de Platées devant les Lacédémoniens et les Thébains), de l'éloge (l'Éloge de l'amandier), de la réfutation (Réfutation de ceux qui prétendent qu'il n'y a pas d'humilité chez l'homme), de la supplique, etc. ; ou des dialogues philosophiques comme lePhilomathès (Φιλομαθής ή περί υβριστών διάλογοι)[7], leFlorentios (Φλωρέντιος ή περί σοφίας) ; ou des discours de circonstances, relevant des genres dupanégyrique, de laconsolation, de l'oraison funèbre (dont celles deThéodore Métochite, d'Andronic II et d'Andronic III)... Il faut également mentionner ses ouvrageshagiographiques (Vie de Cauléas,Vie de Michel le Syncelle,Éloge de saint Démétrius,Martyre de Codrat d'Antioche,Panégyrique de Constantin...), et particulièrement saVie de Jean d'Héraclée, son oncle. La plus grande partie de ces textes sont inédits.
De son activité de professeur, on conserve aussi un traité de grammaire et des commentaires de l'Odyssée et duTraité des songes deSynésios.
Mais ce qui reste principalement de lui, ce sont ses ouvrages scientifiques (dont leTraité sur l'astrolabe), théologiques (liés notamment à la querelle de l'hésychasme), sonHistoire romaine, et saCorrespondance.
Son œuvre la plus importante est l'Histoire Romaine (Ῥωμαικαὶ Ἱστορίαι)[8], dont les trente-sept livres couvrent les années 1204 à 1359. La rédaction en fut entreprise en1347 et continuée presque jusqu'à sa mort. La période couverte est celle desAnnales deGeorges Acropolite de1204 à1261, et de l'Histoire deGeorges Pachymère de1261 à1308. Pour les événements duXIVe siècle, l'œuvre est à mettre en regard avec lesMémoires deJean Cantacuzène, dont le point de vue est évidemment tout différent. Une très grande place est accordée aux controverses religieuses, notamment à la querelle de l'hésychasme. Le style est très pompeux.
LaCorrespondance restante comprend 161 lettres, dont certaines adressées à des contemporains connus (Théodore Métochite,Andronic II,Jean Cantacuzène...). Elles datent en grande majorité des années de jeunesse, et leur style est très imagé, voire surchargé.
Il est un des premiers depuis l'Antiquité, à calculer et à prévoir avec exactitude l’éclipse solaire totale du 16 juillet 1330[9]. Pour cela, il utilisa lesTables faciles (Πρόχειροι κανόνες, Prócheiroi kanónes) et l'Almageste de l'astronome alexandrinClaude Ptolémée[10].