Si vous disposez d'ouvrages ou d'articles de référence ou si vous connaissez des sites web de qualité traitant du thème abordé ici, merci de compléter l'article en donnant lesréférences utiles à savérifiabilité et en les liant à la section « Notes et références ».
On distingue communément deuxNew Deals[note 1] : le premier, marqué notamment par les « Cent jours de Roosevelt » en1933[1], vise à une amélioration de la situation à court terme. On y retrouve donc des lois de réforme desbanques, des programmes d'assistance sociale d'urgence, des programmes d'aide par le travail, ou encore des programmes agricoles. Le gouvernement réalise ainsi d'importants investissements et permet l'accès à des ressources financières à travers diverses agences gouvernementales. Les résultatséconomiques sont mitigés, mais la situation s'améliore[2]. Cependant, laCour suprême juge de nombreuses réformes inconstitutionnelles, et plusieurs parties des programmes, à l'exception de laNational Recovery Administration, sont rapidement remplacées. Le « SecondNew Deal » s'étale entre1935[3] et1938, mettant en avant une redistribution des ressources et du pouvoir à une échelle plus large, avec les lois de protectionsyndicales[3], leSocial Security Act[3], ainsi que des programmes d'aide pour lesfarmers et les travailleurs itinérants[note 2]. Le secondNew Deal, plus coûteux que le premier, accepte undéficit public pour sortir de la crise. Les résultats, en1938[4], ne sont que limités : la production retrouve à peine le niveau de 1929 et malgré des programmes comme laPublic Works Administration, le chômage touche encore11 millions d'Américains en 1938. Mais leNew Deal, contrepied du « laisser-faire », permet des réformes structurelles durables, donnant un rôle économique et social important à l'État fédéral.
Au bilan, les réformes structurelles redéfinissent le rôle de l’État dans la société et le capitalisme américain. L'interventionnisme d'agences fédérales régule les marchés, soutient l’emploi et modernise les infrastructures (SEC, TVA, WPA) ; leSocial Security Act de 1935 fonde un début d'État-providence ; la reconnaissance des syndicats rééquilibre les rapports entre les travailleurs et les employeurs. Mais ni les inégalités raciales, ni celles de genre, ni celles entre ville et campagne ne sont corrigées, en partie en raison des compromis politiques nécessaires avec les démocrates du Sud. LeNew Deal, qualifié par des historiens comme William Leuchtenburg ou Alan Brinkley de révolution institutionnelle pragmatique, aurait donc adapté le capitalisme en crise sans le mettre en cause. Ce silence sur les droits civiques, ses exclusions sociales, ses compromis avec le racisme institutionnel du Sud est mis en cause par Ira Katznelson ou Howard Zinn qui insistent sur le caractère inachevé et partiel des réformes.
Le bilan mémoriel duNew Deal est cependant un enjeu et un repère majeur : modèle d’action publique en temps de crise, il symbolise la capacité de l'État à protéger ses concitoyens contre les excès du marché. La figure de Roosevelt reste associée à un leadership du « care », repris par les présidents démocrates desxxe et xxie siècles. LeNew Deal est une référence progressiste positive, alors que les conservateurs condamnent son interventionnisme étatiste. LeNew Deal apparaît aujourd’hui comme un moment fondateur et ambivalent : mythe d’origine du progressisme américain et source persistante de débats sur l'intervention de l’État.
LaGrande Dépression, considérée comme l'une des plus grandescrises économiques duXXe siècle[6], débuta le jeudi avec lekrach deWall Street qui fit d'abord plonger les cours duNew York Stock Exchange avant de toucher progressivement (sous les effets de domino et de contagion) tous les secteurs, puis par la suite tous les pays industrialisés, à l'exception de l'URSS deStaline (qui vivait en autarcie). LesÉtats-Unis, « pays d'origine » de la crise, furent logiquement les premiers touchés pendant les années qui suivirent le krach, jusqu'à un point bas atteint en1932, avec notamment un taux de chômage de 25 %[7]. Le fait est que l'économie américaine souffrait de divers déséquilibres, notamment dans la répartition des richesses et des ressources[7] : on estime que trente-six familles riches possédaient des revenus égaux à ceux de 42 % de la population. En outre, sur 27,5 millions de familles, 21,5 ne possédaient aucune épargne[7]. Le désépargne des ménages américains est une constante qui existe même en dehors de la Grande Dépression. Il s'explique moins par la concentration des revenus que par l'effet de richesse. Lorsque le patrimoine augmente, les ménages préfèrent s'endetter pour consommer encore plus plutôt que d'épargner (et réduire leur patrimoine).
La situation financière était également préoccupante : face aux nombreuses demandes des épargnants, les banques se trouvèrent désemparées. Les faillites d'établissements bancaires commencèrent alors à se multiplier. D'autre part, les fonds des banques, investis dans laspéculation, diminuèrent progressivement[7]. Par effet de contagion, et en raison des tensionsdéflationnistes portant sur les produits agricoles, lesfarmers connurent des difficultés :15 millions de paysans étaient au bord de la ruine[8]. Dans le domaine de l'industrie, la crise se manifesta par une surproduction, et des faillites d'entreprises[8].
Herbert Hoover dirige le pays lors de l'éclatement de la crise. Contrairement à sa postérité, construite par son futur rivalFranklin D. Roosevelt, Hoover n'était pas inactif face à la crise[9]. Cependant, sa politique protectionniste, incarnée par laloi Hawley-Smoot, provoqua une récession. Sa volonté d'encourager les milieux d'affaires fut également un échec patent : le pays s'enfonça dans la récession et les faillites se multiplièrent. En1932, deux candidats à la présidence organisèrent leur campagne : Hoover lerépublicain et ledémocrate Franklin D. Roosevelt, qui s'était fait une notoriété en tant quegouverneur de New York. Roosevelt, qui inspirait confiance, remporta largement l'élection avec 57,4 % des voix du vote populaire et 89 % des voix desgrands électeurs[10]. Ses promesses de relance séduisirent les Américains : quatre mois après son élection, leNew Deal débuta.
Harry Hopkins fut l'un des plus proches conseillers deRoosevelt dans l'élaboration de sonNew Deal, politique audacieuse et novatrice.
Le, Roosevelt promit dans un discours de sa campagne électorale « une nouvelle donne pour le peuple américain » : il prononça pour la première fois l’expressionNew Deal lors de son discours à la Convention démocrate deChicago en 1932[note 3],[11]. Trente ans auparavant,Theodore Roosevelt, son lointain cousin, avait initié un « Square Deal », programme national visant à soutenir la classe moyenne[note 4],[12]. Ce « Square Deal » était alors le nom donné par Roosevelt et ses associés aux politiques de son administration[12]. En cela, il aurait inspiré Franklin D. Roosevelt. En fait, Franklin Delano Roosevelt était intéressé par le contraste entreThéodore Roosevelt etWoodrow Wilson :« Théodore Roosevelt n'était pas attiré comme Woodrow Wilson par les problèmes de fond et il ne sut pas, comme ce dernier stimuler les convictions sociales et morales profondes, écrivit-il un jour. Wilson, en revanche, ne savait pas, contrairement à Théodore Roosevelt soulever l'enthousiasme à propos d'événements individuels précis même s'ils pouvaient sembler superficiels comparés aux principes fondamentaux »[13].
Roosevelt considéré comme un progressiste et un réformiste[18] fut élu à une large majorité avec l'espoir qu'il saurait faire face à lacrise économique là oùHerbert Hoover avait échoué. Cependant, il arriva au pouvoir sans avoir de plan préconçu pour sauver l’économie de son pays. Son « New Deal » n'était pas idéologique, mais plutôt pragmatique, ce qui conduisit à quelques contradictions. Il y appliqua des idées expérimentées pendant la période progressiste deWilson et se servit de ses expériences politiques acquises pendant lesannées 1920. L'idée centrale de Roosevelt est l'expérimentation[1] : il était persuadé de la nécessité de mener une politique audacieuse et novatrice.
Il remarqua également que l'une des principales priorités était de remonter le moral desAméricains, en proie au doute face à la généralisation de la crise à toute l'économie. Le, son discours d'investiture resta empreint de lieux communs, tout juste se contenta-t-il de mettre en garde les Américains contre un excès de pessimisme. Il prononça ainsi une phrase devenue célèbre :« The only thing we have to fear is fear itself » (« la seule chose que nous ayons à craindre, c’est la crainte elle-même »)[19],[20],[21],[1]. Pour mener à bien sa politique, il s'entoura de conseillers brillants et imaginatifs qui le suivirent àWashington. On peut notamment citerRaymond Moley,Adolf Berle,Cordell Hull (Affaires étrangères),Henry Wallace (Agriculture),Frances Perkins (Travail), première femme à accéder à un poste ministériel aux États-Unis.Harry Hopkins, l'un de ses plus proches conseillers, fut d'ailleurs l'un des architectes duNew Deal. Il fut même considéré par la suite comme sonéminence grise[22].
Certains historiens[23] distinguent deux ou troisNew Deals[24]. L'analyse qui privilégie deuxNew Deals considère que le premier correspond au premier mandat de Roosevelt (ce qui inclut les « Cent Jours » dans le premierNew Deal) et que le second correspond à la période1936-1938, durant le second mandat. Dans la seconde analyse qui distingue troisNew Deals, le premier correspond aux « Cent Jours » (entre le9 mars et le) et comprend un grand nombre de mesures en faveur de la monnaie et du système bancaire en général, de l'agriculture, de l'industrie et de la lutte contre lechômage[25]. Le deuxièmeNew Deal débuta en novembre1934 et correspond à la période1936-1937[24]. Le troisième, qui n'est pas toujours considéré en tant que tel (on le rattache parfois simplement au secondNew Deal) est appliqué en1937 et en1938. Cependant, la politique de Roosevelt dans lesannées 1930 se caractérisa par plus de continuités que de ruptures radicales[24].
Roosevelt remporta l'élection grâce à ses promesses de changement qui reposaient sur une politique volontariste et interventionniste. Ainsi, l'État fédéral joua un rôle essentiel dans leNew Deal en mettant à la disposition des Américains de nombreuses agences, rattachées pour la plupart à des programmes aux natures et aux fonctions variées : lesfarmers bénéficièrent d'aides et de subventions conditionnées par une diminution de leur production, les entreprises furent sommées d'adopter un « code de bonne concurrence » afin de redynamiser le tissu industriel et de réduire la « concurrence destructrice »[18]. Enfin, l'État s'attaqua également aux problèmes d'ordre social avec la question desretraites, dessyndicats et surtout duchômage qui fut tout au long desannées 1930 l'un des marqueurs les plus visibles de la crise. De nombreux programmes visant à créer des emplois furent ainsi lancés dès1933, et les réformes s'enchaînèrent très rapidement. LeNew Deal vit également l'apparition des premières formes d'État-providence auxÉtats-Unis[26].
Dans l’entourage de Roosevelt deux façons de réguler l’économie se sont en partie confrontées.
D’un côté« l’économie brandésienne »[27] en honneur chez les juristes et intellectuels de l’Est.Louis Brandeis etFelix Frankfurter, un juriste formé àHarvard, en étaient les plus éminents représentants auprès de Roosevelt. L'économie brandésienne se méfiait des« projets grandioses des planificateurs »[28] et préconisait« une stratégie rapide et souple permettant au gouvernement fédéral d’user de son autorité pour réformer les pratiques de la libre concurrence »[28].Louis Brandeis, son fondateur, avait été le conseiller deWoodrow Wilson et tous deux étaient tombés d’accord sur le fait que« laconcurrence pouvait et devait être maintenue dans toutes les branches de l’industrie privée »[29]. Pour Brandeis, les règlementations devaient viser à maintenir la concurrence en limitant la taille des entreprises[30]. D’une manière générale (selonArthur Schlesinger) Brandeis estimait que« la centralisation affaiblissait la société en étouffant l’expérience et en concentrant en un point les talents nécessaires aux communautés »[31].
Rexford Tugwell,Adolf Augustus Berle,Hugh S. Johnson etRaymond Moley se situaient à l'opposé du courant précédent. Ils inspirèrent pour partie la doctrine du premierNew Deal. Celle-ci insistait sur le fait qu’« on ne pouvait plus faire confiance à la libre concurrence pour sauvegarder les intérêts des groupes sociaux » et que« la stabilité résidait dans la fusion des entreprises et dans la coopération sous contrôle fédéral »[32]. L’accent était davantage mis sur l’administration de l’économie que sur la production[33]. Si Moley avait été influencé parThéodore Roosevelt, Tugwell avait lui subi l’influence d’un institutionnaliste,Simon Patten[34], qui avait été son professeur àWharton School. Pour lui le dirigisme gouvernemental devait être plus poussé que pourRaymond Moley[30]. Ce courant fut influent notamment à l’Agricultural Adjustment Administration (AAA) avec Rexford Tugwell et à laNRA qu’administraHugh S. Johnson[35]. Ces programmes, outre qu’ils étaient souvent en contradiction avec la vision du courant brandeisien, impliquaient également un certain repli protectionniste, ce qui amena l’opposition deCordell Hull qui avait toujours été un partisan de l’ouverture économique et dulibre-échange[36]. L’influence des membres clés de ce courant décline assez vite.Raymond Moley quitte les sphères d’influence vers la mi-1933,Hugh S. Johnson laNRA en pour rejoindre laWorks Progress Administration,Rexford Tugwell devient en 1934 chef de laResettlement Administration puis quitte en1937 la sphère gouvernementale. Il occupera par la suite divers postes dont celui degouverneur dePorto Rico de1942 à1946.
Le couple présidentiel, le jour de l'investiture deRoosevelt. Les réformes commencèrent dès le lendemain, le1933.
On fait souvent référence, pour parler de la période initiale duNew Deal, aux « Cent Jours » qui ont correspondu à l'adoption de nombreuses lois liées à divers domaines de l'économie américaine. Conformément à la méthode empirique de Roosevelt, reposant sur les 3 R : « Relief, Recovery and Reform » (Aide Sociale, Reprise et Réforme), la plupart des mesures furent prises rapidement, pour parer au plus pressé. Ainsi, le lendemain de sonInauguration Day, célébré le, Roosevelt lança sa première mesure, et décida d'une fermeture exceptionnelle de toutes lesbanques du pays : ce fut leUnited States bank holiday. Le9 mars, c'est-à-dire quatre jours plus tard, leCongrès fut appelé à siéger : la première loi proposée par son administration concernait les établissements bancaires ; rédigée dans la nuit, elle fut présentée au Congrès à midi et ratifiée le soir même, à 21 heures[1]. Le12 mars, Roosevelt s'adressa à la nation à laradio, dans le but d'expliciter sa politique et ses objectifs[1].
Partant de là, quinze autres lois furent votées au cours des « Cent Jours » qui constituèrent l'épisode le plus important du premierNew Deal. Il s'agissait avant tout de projets plus ou moins improvisés[1] visant à améliorer la situation à court terme. Les réformes concernèrent tous les secteurs, de l'agriculture à l'industrie, notamment par le biais de programmes de grands travaux. En parallèle, des projets de lutte contre lechômage virent le jour, comme laCivilian Conservation Corps qui mobilisa 250 000 jeunes. En définitive, deux millions de personnes y furent recrutées[1].
Sa victoire écrasante auxélections présidentielles de 1932 mais également celle duParti démocrate auxélections du Sénat et de laChambre des représentants de la même année ainsi que la gravité de la crise permirent à Roosevelt et à son administration d’exercer une grande influence sur leCongrès durant les premiers mois de son mandat. Cela rendit facile et rapide l’adoption d’une série de mesures destinées à rétablir l’équilibre du système bancaire, du marché financier et à aider les chômeurs.
LeFDIC permettait d'assurer les dépôts des épargnants dans lesbanques dans la limite de 5 000 dollars.
D'emblée, Roosevelt mit en cause les pratiques des hommes d'affaires et les banquiers dans une phrase restée célèbre :« Practices of the unscrupulous money changers stand indicted »[37] :« Les pratiques des agents de change peu scrupuleux sont poursuivies en justice ». La mesure duUnited States bank holiday visait à rétablir la confiance, jusqu'à la ratification d'une nouvelle loi, l'Emergency Banking Act voté le9 mars, qui imposa que seules soient rouvertes les banques ayant passé avec succès un examen de leur solvabilité, examen placé sous le contrôle dudépartement du Trésor des États-Unis. Trois quarts des banques rouvrirent ainsi dans les trois jours qui suivirent l'adoption de la loi. Des milliards dedollars composés de monnaie et d'or tenus jusque-là cachés retournèrent alors dans les banques, permettant une stabilisation du système bancaire. Au cours de toute l'année1933, plusieurs milliers de banques fermèrent leurs portes, et fusionnèrent pour donner naissance à de plus grands établissements (les dépositaires touchèrent ainsi environ 85 cents pour chaque dollar épargné). Dans le but de prévenir les crises futures, le gouvernement mit en place laFederal Deposit Insurance Corporation au mois de juin, ce qui permit d'assurer les dépôts des déposants dans la limite de 5 000 dollars. Le premierNew Deal vit également la mise en place de laSecurities and Exchange Commission, créée par leSecurities Exchange Act, initié durant les « Cent Jours », la réforme jugée la plus importante de l'histoire boursière. Pour apaiser en partie le monde de la finance, Roosevelt nomma à la tête de la SECJoseph Kennedy, un connaisseur deWall Street[38].
Aux mois de mars et d'avril, dans une série delois et d'ordres exécutifs, Roosevelt et le Congrès firent sortir ledollar de l'étalon-or, qui imposait que laFed ne diminue pas lestaux d'intérêt, et même au contraire qu'elle les augmente afin de protéger le dollar[39]. Trois textes fondateurs participèrent à ce mouvement : l'Emergency Banking Act, l'Executive Order 6102 et leGlass-Steagall Act. Ces trois textes sont considérés par lesconservateurs comme une atteinte audroit de propriété et comme des attaques importantes contre laconstitution[40],[41] : toute personne détenant une somme importante d'or fut ainsi sommée de l'échanger contre des dollars à un taux fixé[42]. Passé un certain délai, le gouvernement put exiger la restitution de l'or sans contrepartie. En outre, l'or perdit son cours légal dans le règlement des créances et des dettes à la même époque. Les contrevenants se virent même parfois sanctionnés par des amendes[43]. Dès lors, le dollar put fluctuer librement sur lemarché des changes, sans contrepartie en or. Ce n'est qu'en1934 que l'or redevint convertible, à un prix nettement inférieur au précédent. Globalement, les marchés réagirent bien à l'abandon duGold Standard (l'étalon-or), même s'il ne devait être que provisoire au départ[44].
Le point bas économique de la crise fut atteint en mars1933 (le moment à partir duquel le PIB commence à reprendre sa tendance haussière). L'historienBroadus Mitchell(en) note ainsi que la plupart des indices indiquent une aggravation de la situation jusqu'à l'été1932 qui peut être considéré comme le point bas de la crise, sur le plan économique comme psychologique[45]. Les indicateurs économiques indiquent un point bas au cours des premiers jours de, avant que ne débute une reprise rapide.
Sur les recommandations d’Henry Wallace, l’administration Roosevelt entreprit également de protéger les agriculteurs contre les aléas du marché en distribuant des subventions fédérales et en contrôlant la production via l’AAA, dont un des architectes futRexford Tugwell. Le, l’Agricultural Adjustment Act entra en vigueur[39]. On décida ainsi de réduire la production pour faire remonter les cours agricoles selon le schéma simple de laloi de l'offre et de la demande. Pour cela une grande partie des récoltes et des réserves furent détruites ou laissées en friche, et la réduction des surfaces cultivées fut encouragée par une politique d'indemnisation, financée notamment par l'ajout de taxes appliquées au circuit de traitement de la nourriture[46]. Les premiers résultats, observés au bout de trois ans, furent encourageants, puisque le revenu des agriculteurs augmenta. Aussi, l’interventionnisme étatique dans le secteur primaire fut amorcé. Mais malgré cette mesure, les prix agricoles n'augmentèrent que très légèrement, et la hausse constatée des revenus des agriculteurs ne résulta pour une large part que des subventions accordées par le gouvernement fédéral[47]. En parallèle, Roosevelt s'attaqua au problème de l'endettement alors que15 millions d'agriculteurs américains étaient proches de la ruine[3]. Les dettes desfarmers furent ainsi rééchelonnées (en baissant les sommes payées à la fin de chaque période et en augmentant le nombre de périodes) via leFarm Credit Act,, ce qui permit de donner du pouvoir d'achat à environ 30 millions d'américains[48].
Le bien-fondé de ce type de politique, qui allait jusqu'à subventionner les agriculteurs acceptant de brûler tout ou partie de leurs récoltes, fut cependant contesté parcertains économistes libéraux[Qui ?], qui considéraient que dans le but d'atteindre un objectif en termes d'emplois, et de prix, le gouvernement effectuait une destruction effective de richesse, dont les contreparties furent, à leur sens, insuffisantes pour la justifier. Certains historiens tels Cushing Barry rapportèrent plus tard que les consommateurs ne supportèrent pas la hausse des prix, et la politique de limitation de production forcée[49]. Un sondage duWashington Post rapporta même que la majorité des Américains étaient opposés à l'AAA[49].
En matière industrielle, leNational Industrial Recovery Act (« loi de redressement industriel national ») fut approuvé par leCongrès en 1933, pour instaurer deux types de réformes. D'une part, il encouragea les industriels à signer des codes de concurrence loyale, et d'autre part, il accorda aux ouvriers la liberté de se syndiquer et de négocier desconventions collectives[48]. La loi créa en même temps un organisme de régulation, laNational Recovery Administration ou NRA, qui encouragea l'adhésion des sociétés. Les firmes qui suivirent volontairement ce code avaient la possibilité d'afficher un logo en forme d'aigle bleu (Blue Eagle), symbole de leur adhésion au programme. La NRA contribua également à créer des emplois afin de lutter contre lechômage.
Le NRA fut fortement soutenu par de nombreux hommes d'affaires de premier plan, qui participèrent même pour certains à sa rédaction.Gerard Swope(en), le patron deGeneral Electric, fut d'ailleurs l'un des premiers défenseurs de la loi, qui légalisa lescartels et encouragea le gouvernement à entreprendre de nombreux travaux publics. Ces dépenses accrues visaient au retour de la prospérité et des profits pourGE comme les autres entreprises. Harry Harriman, président de laUnited States Chamber of Commerce, fervent supporter de la mesure expliqua qu'il s'agissait de l'un des pas les plus importants vers la réhabilitation des affaires. Au contraire, l'association nationale des fabricants (National Association of Manufacturers) s'opposa vivement au projet.Henry Ford devint ainsi l'un de ses principaux détracteurs par la suite[50],[51].
LaNational Recovery Administration avait quant à elle pour mission de stabiliser les prix et les salaires en coopérant avec les entreprises et les syndicats. Elle fut administrée dans un premier temps parHugh S. Johnson. Ensuite, elle créa laPublic Works Administration (PWA), qui devait contrôler la mise en œuvre de la politique de grands travaux publics. Toutes ces dispositions furent saluées par le patronat et les syndicats ; elles furent populaires pour l'ensemble des Américains.
Deux autres initiatives législatives majeures furent prises par Roosevelt au cours des « Cent Jours ». La première fut une loi, l’Economy Act, conçue par ledirecteur du Bureau du budget,Lewis Douglas. Elle fut approuvée le[24]. La loi, qui considérait deux budgets différents, le budget régulier, et le budget d'urgence imposait d'équilibrer le budget régulier, en réduisant notamment le salaire desfonctionnaires, et en diminuant les retraites des vétérans de 40 %. La seconde initiative fut quant à elle une révision constitutionnelle, relative à laProhibition, imposée auxÉtats-Unis par le dix-huitième amendement en1919. Le, la loi Volstead (Volstead Act) sur la prohibition de l'alcool fut ainsi abrogée : le21eamendement de laConstitution, approuvé au Congrès annula donc laprohibition de l’alcool.
Les premiers programmes de lutte contre le chômage
La lutte contre le chômage mobilisa également l'administration Roosevelt dès les mois qui suivirent son entrée en fonction. Roosevelt s'intéressa dans un premier temps à la question des chômeurs les plus nécessiteux : il créa ainsi laFederal Emergency Relief Administration (FERA) qui permit de soutenir financièrement les programmes d'aide aux chômeurs des divers États[52]. Mais Roosevelt pensait que pour redonner confiance aux Américains, il ne fallait pas se contenter de simples aides sans contreparties mais les remettre au travail[3].
Plusieurs programmes virent ainsi rapidement le jour. Conscient du fait que les jeunes représentaient potentiellement de futurs propriétaires et que leur propension à tomber dans la délinquance ou la pauvreté était plus élevée[53], Roosevelt créa laCivilian Conservation Corps (« Corps Civil de Protection de l'environnement »), financée par desbons du Trésor, le[24],[54]. Elle permit, grâce à des travaux de reboisement, de lutte contre l'érosion et lesinondations, l'embauche de milliers de jeunes chômeurs dans tout le pays : 250 000 emplois furent créés pour les 18-25 ans, et en huit ans, le CCC garantit un salaire mensuel de 30 dollars à près de deux millions de jeunes hommes[55].
De même, les premiers programmes de grands travaux virent également le jour en1933. Le plus célèbre, laTennessee Valley Authority (TVA), s'employa à la construction debarrages en vue d’aménager le territoire de lavallée du Tennessee, à limiter les inondations, à augmenter la production hydroélectrique tout en fournissant des emplois aux chômeurs. Il visait également à rendre plus attractive cette zone desÉtats-Unis en pleine déprise. Ce programme concerna finalement sept États[56].
Les « Cent Jours » furent caractérisés par d'importantes dépenses budgétaires engagées dans les divers programmes gouvernementaux. Dès1931, lebudget fédéral était déficitaire du fait des réformes deHerbert Hoover. Cependant, il ne retrouva pas l'équilibre pendant toute la durée duNew Deal. En1933, le budget afficha ainsi un déficit de 1,3 milliard de dollars[57]. Au demeurant, le premierNew Deal ne fut pas le plus coûteux : en1936, le déficit atteignit 3,5 milliards de dollars.
Les Cent Jours ont essentiellement reposé sur des mesures d'urgence, visant à réaliser deux objectifs ambitieux : la reprise économique d'une part et un retour à la confiance de la populationaméricaine d'autre part. L'objectif de reprise économique n'a été que très sommairement atteint. En effet, du fait de résistances nombreuses de la part d'une partie du patronat ainsi que de certains fermiers en dépit des mesures qui leur ont été accordées, la reprise fut très lente. D'autre part, le chômage se maintient à un niveau très élevé et concernait toujours 24,9 % de la population en1933[58]. En revanche, ce premierNew Deal fut une réussite sur le plan populaire et pour le retour de la confiance : l'assainissement de la situation bancaire permit aux Américains de déposer à nouveau leur épargne dans les banques. D'autre part Roosevelt bénéficia d'un véritable « état de grâce », au Congrès d'une part, mais également auprès de la presse qui soutint son action[59].
Ce bilan en demi-teinte provoqua malgré tout des mécontentements, surtout quelques mois après la fin du premier bloc de réformes, début1934[1]. La contestation toucha même le camp démocrate, où les partisans originels duNew Deal montrèrent des signes d'impatience. Ainsi, le sénateurdémocrate deLouisianeHuey Long regroupa les mécontents duSud et duMidwest et lance le mouvementShare our Wealth pour contrer Roosevelt. Dans la banlieue deDétroit,Charles Coughlin, prêtrecatholique, connu pour son influence à laradio avec 40 millions d'auditeurs[1] utilisa un discours démagogique et fonda son propre mouvement politique, profondément anti-New Deal etxénophobe[1]. Ce furent ensuite les milieux d'affaires, composés d'industrielscapitalistes comme de démocrates parmi les plus conservateurs qui accusèrent Roosevelt de défendre un programmesocialiste[1].
Le président ne désarma pas pour autant. Les élections législatives de1934 renforcèrent au contraire la majorité démocrate, et le confortèrent dans ses options[1]. L'accent fut cette fois-ci plus mis sur la satisfaction des mécontents, mais la volonté de rechercher des solutions demeura. Le secondNew Deal mit en conséquence davantage l'accent sur l'aspect social.
De la politique économique à la politique sociale : d'unNew Deal à l'autre
Alors que les cent premiers jours virent la mise en place de mesures visant à la stabilisation de l'économie américaine qui toucha son point bas en1932, les diverses mesures mises en place au cours de la fin du premierNew Deal (fin, 1934) puis au cours du secondNew Deal correspondirent davantage à la volonté de redonner confiance au peuple américain, frappé notamment par le chômage. C'est donc à partir de ce moment qu'apparurent les premiers programmes nationaux de lutte contre le chômage, et que se mirent progressivement en place les bases de l'interventionnisme de l'État notamment en matière deretraites, de conditions de travail avec en particulier l'élargissement des prérogativessyndicales, et enfin en matière d'aide sociale pour venir en aide aux plus démunis. L'aspect économique duNew Deal céda ainsi progressivement sa place à la question sociale[60].
Cependant, cette nouvelle priorité donnée à la population américaine victime de la crise s'accompagna d'une volonté de stabiliser et de consolider les systèmes bancaires (dépôts etcrédits) et monétaires dans le prolongement des réformes profondes qui marquèrent les « Cent Jours »[60]. Les moyens qui furent mis en place pour accomplir cet objectif jouèrent un rôle essentiel dans la fin de laGrande Dépression[61].
Les cent premiers jours virent déjà la mise en place des premiers programmes en faveur de l'emploi, et visant à réduire les taux de chômage. Ainsi, laFederal Emergency Relief Administration issue de laRFC ou laCivilian Conservation Corps permirent la création d'emplois, mais dans des proportions limitées du fait du nombre limité de personnes auxquels elles s'adressaient, comme les 18-25 ans dans le cadre de la CCC.
Mais dès la mise en place de cette politique de lutte contre le chômage, des problèmes apparurent. Le premier tenait au budget accordé aux différentes instances gouvernementales consacrées à l'emploi, comme celui de laFERA, dirigée parHarry Hopkins[62]. En effet, alors que le budget de laPublic Works Administration deHarold Ickes, destinée au renouveau industriel s'élevait à 3,3 milliards de dollars (soit 5,9 % duPIB américain de l'époque[62]), celui de l'agence de Hopkins était beaucoup plus faible, malgré des objectifs d'importance similaire. Hopkins incita alors Roosevelt à créer une agence lui permettant d'engager directement des chômeurs. C'est dans ce contexte que naquit laCivil Works Administration le[62], avec pour objectif de fournir des emplois à quatre millions d'Américains. L'objectif fut atteint dès janvier1934. Hopkins réalisa ainsi son souhait de redonner de la valeur à l'aide sociale par le travail[62].
Malgré les résultats très positifs de ces programmes, le président Roosevelt s'inquiéta des dépenses croissantes desÉtats et des gouvernements locaux, et il décida de démanteler progressivement la CWA[63]. Mais il ne renonça pas pour autant au rôle du travail dans la distribution de l'aide sociale, surtout face aux critiques de la population selon lesquelles une aide sociale limitée dans le temps était encore pire que pas d'aide du tout[64]. Voyant fin1934 que le spectre de la dépression était encore présent, Roosevelt demanda à son administration de concevoir un nouveau plan d'aide sociale par le travail[63]. Au printemps1935,Emergency Relief Appropriation Act(en) accorda 5 milliards de dollars au gouvernement pour mettre en œuvre de nouveaux projets. C'est ainsi que naquit le laWorks Progress Administration, qui prit le relai de laFERA, et succéda avec succès à laCivil Works Administration, devenant ainsi l'une des agences clés duNew Deal[63].
Deux nouveautés : les libertés syndicales et la reconnaissance du consommateur
Robert Wagner fut un artisan de la mise en place des libertés syndicales. Il donna son nom au célèbreWagner Act, signé en juillet1935.
La mise en place dessyndicats se heurta à la réticence des milieux d'affaires, et des dirigeants desentreprises. Pour cette raison, en1934, des grèves éclatèrent dans de nombreuses entreprises pour protester contre le refus des patrons de reconnaître les syndicats, ralentissant ainsi l'activité dans les villes. Les entreprises utilisèrent divers moyens pour intimider leurs employés, comme l'espionnage ou les menaces sur leur emploi[65]. Pour régler les litiges à ce propos, Roosevelt décida en1934 de la création duNational Labor Relations Board à la suite de l'adoption duNational Labor Relations Act[65].
Dès 1934, des représentants syndicaux de premier plan tels queJohn Lewis, président de l'United Mine Workers of America n'hésitèrent pas à annoncer : « Le président veut que vous rejoigniez un syndicat »[66]. Cependant, Roosevelt n'apprécia pas d'être placé en opposition aux chefs d'entreprise, qui devaient permettre la reconstruction du pays[65]. Le sénateurRobert Wagner se manifesta ensuite comme un pionnier des libertés syndicales auxÉtats-Unis, lors de la rédaction d'une loi prônant unNational Labor Relations Board permanent, censé empêcher les intimidations d'une part, et les syndicats d'entreprise d'autre part[65]. C'est ainsi qu'en juillet1935, peu de temps après l'abrogation par lacour suprême des États-Unis duNational Industrial Recovery Act, leWagner Act fut approuvé, reprenant une partie du texte du NRA, tout en réalisant l'objectif de l'administration Roosevelt de contrebalancer les pouvoirs entre les employés et leurs employeurs[65].
Dès lors, Roosevelt souhaita que les employés rejoignent un syndicat. Rapidement, les taux de syndicalisation augmentèrent : ils passèrent de 9 % en1930 à plus de 33 % en1940 dans l'industrie manufacturière, et de 51 % en1930 à plus de 75 % en1940 dans lesindustries minières. Dans les autres secteurs, les chiffres furent similaires[67]. Cette expérience fut suivie de près en France parCélestin Bouglé alors sous-directeur de l'École normale supérieure qui demanda àRobert Marjolin, futur commissaire au Plan, un rapport sur l'évolution du syndicalisme aux États-Unis.
Les politiques fédérales se penchèrent également sur la situation duconsommateur, avec la création d'unConsumer's Advisory Board, chargé de recueillir les plaintes des consommateurs, contre les prix élevés et les produits de mauvaise qualité. Un « Guide du consommateur » (Consumer's Guide) vit rapidement le jour, pour fixer un prix théorique des biens de consommation de base, et permettre aux acheteurs de signaler les écarts de prix entre les prix théoriques et les prix appliqués dans la réalité[65]. Le mouvement des consommateurs contribua ainsi également dans une moindre mesure à contrebalancer l'influence dupatronat[26].Rexford Tugwell poussa à l'adoption de normes sanitaires et à la lutte contre les produits dangereux.
La redistribution des richesses figurait parmi l'une des priorités de Roosevelt[68]. Cependant, il n'utilisa pas l'État comme moyen principal pour réaliser cette redistribution. À la même époque, dans d'autres pays que lesÉtats-Unis, de tradition plus interventionniste, l'impôt sur les plus grosses fortunes constituait l'un des moyens les plus directs de partage des richesses[68]. Mais malgré le caractère direct de l'intervention, Roosevelt refusa de l'utiliser, au profit d'un impôt créé par Hoover en1932, qui ajoutait des taxes de fonctionnement de l'AAA payées par les producteurs aux impôts régressifs sur l'alcool et les autres biens considérés comme conduisant à laluxure ou au vice. Malheureusement, cette mesure devint un fardeau pour les Américains les plus démunis[68]. Par la suite, l'administration Roosevelt chercha un moyen de redistribuer les richesses sans passer par la politique fiscale.
En marge de la formation des associations de consommateurs, le gouvernement souhaitait garantir à la population américaine une certaine indépendance, et des moyens de se prémunir contre des diminutions brutales des revenus, soit à court terme du fait duchômage cyclique, ou permanentes, du fait d'un handicap ou de la vieillesse[26]. Dans un premier temps, Roosevelt décida de créer une « Commission de Sécurité Économique » (Committee on Economic Security) chargée d'esquisser les plans d'unesécurité sociale. Le CES prônait dans un rapport envoyé à Roosevelt[26] un système de retraite payé dans un premier temps par les futurs retraités, puis progressivement par les revenus duTrésor américain. Mais Roosevelt était opposé à ce principe qui ne constituait selon ses propos qu'une variante de ladole[note 6]britannique. Il souhaitait au contraire un système que les employeurs et les employés financeraient par un prélèvement sur leurfeuille de paie, et où l'État n'interviendrait donc pas. Mais face aux nombreuses critiques qui s'élevèrent contre le projet, notamment du fait de la situation instable de l'emploi qui rendait illusoire un prélèvement stable sur l'ensemble de la masse salariale, Roosevelt et son administration opérèrent quelques changements, en s'inspirant des systèmes déjà expérimentés dans d'autres pays, avec notamment comme priorité de couvrir un nombre plus élevé d'Américains[26](comme le système de retraite par répartition qui permet plus de justice sociale que le système par capitalisation).
Le texte clé de cette période fut leSocial Security Act approuvé le[69]. Il établit un système de protection sociale au niveau fédéral : retraite pour les plus de 65 ans, assurance-chômage et aides diverses pour les handicapés, la maladie et l'invalidité n'étant pas couvertes. Les aveugles et les enfants handicapés reçurent des aides financées par des subventions fédérales accordées aux États[69]. LeNew Deal posa ainsi les bases de l’État-providence (Welfare State en anglais). Progressivement, le système deWelfare State couvrit une part plus large de la population, notamment grâce aux amendements de1939 puis1950, mais au départ, il resta cantonné aux limites initialement imposées par Roosevelt[26].
AuxÉtats-Unis, le système des retraites par répartition (enanglaisSocial Security) fut ainsi initié pendant leNew Deal des années 1930, dans le but de protéger les personnes âgées contre la misère. En2005, ce système donnait toujours plus de la moitié de leurs revenus aux deux tiers des retraités du pays[70].
Dès1934, les premières contestations émergèrent. Contre Roosevelt en premier lieu, accusé d'une part de faire preuve deconservatisme notamment en matière fiscale, en dépit de sa propension à expérimenter, et de vouloir trouver un contrepoids au pouvoir des milieux d'affaires et dupatronat d'autre part[71]. Roosevelt fut aussi critiqué lorsqu'il promit de faire la guerre « Aux princes privilégiés de ces nouvelles dynasties économiques »[72]. Il se vit ainsi accusé de trahir « sa classe », et bien qu'il ait toujours défendu lecapitalisme américain comme la base de la reprise, il n'obtint qu'un soutien partiel et limité du milieu d'affaires, dont il était pourtant lui-même issu[71].
Roosevelt se trouva également dès1934 confronté à la « question raciale » étant donné que lesdémocrates ne pouvaient se passer du vote dességrégationnistes blancs desÉtats du Sud dans l'optique d'une réélection. Pourtant, certains collaborateurs duNew Deal se préoccupèrent dans le même temps de la situation des minorités, soutenues entre autres par la femme du président,Eleanor Roosevelt, qui défendait les intérêts d'associations de défense des droits des Noirs telles que laNAACP. Une contestation se développa ainsi, dans les États du Sud qui se sentirent lésés, notamment au travers de l’American Liberty League, créée dans le but d'« éduquer le peuple au caractère gratifiant d'encourager les gens à travailler »[73].
En1935, Roosevelt dut faire face à un autre opposant, laCour suprême, qui invalida plusieurs mesures, plaçant ainsi le gouvernement dans une situation difficile[71]. C'est ainsi que la NRA fut condamnée à l'unanimité des neuf juges, qui estimèrent que les codes de concurrence loyale allaient à l'encontre des dispositions commerciales de laConstitution. En janvier1936, ce fut au tour de l'AAA d'être invalidée pour avoir créé une taxe illégale en faveur des fermiers[71]. Malgré ces difficultés, l'administration Roosevelt continua de faire approuver des lois comme leWagner Act qui compensèrent une partie du NRA. Roosevelt, témoin d'une situation de plus en plus tendue entre le Congrès et les États qui réclamaient davantage d'autorité, décida de ne plus annoncer publiquement son action politique[74]. Alors que les républicains firent campagne en soutenant le Congrès, Roosevelt fit appel, lors d'un discours prononcé le31 octobre auMadison Square Garden à ceux qui l'avaient soutenu en1932, et qui continuaient de le soutenir[74]. Lors de l'élection présidentielle, la victoire de Roosevelt fut écrasante puisqu'il remporta le vote de 46États sur 48[75], avec un écart de11 millions de voix[76], contredisant tous lessondages et les prévisions de la presse. Cela indiqua un fort soutien populaire à la politique deNew Deal, ce qui se traduisit par une majorité démocrate dans les deux Chambres duCongrès. Grâce à une réforme de laCour suprême, Roosevelt parvint à obtenir davantage de soutien, la Cour réaffirmant son appui pour leWagner Act puis leSocial Security Act.
John T. Flynn critiqua vivement l'administration Roosevelt et sonNew Deal dans son livreThe Roosevelt Myth.
Les historiens de gauche et de droite ont en général été déçus par le deuxième mandat de Roosevelt. De nombreux journalistes, provenant d'horizons politiques divers, ont ainsi pris position contre les réformes duNew Deal. Parmi ces auteurs, on peut dans un premier temps citer ceux de droite, commeJohn T. Flynn. En effet, en1948, Flynn rédigea un livre,The Roosevelt Myth (« Le Mythe Roosevelt ») relatant les mandats présidentiels de Roosevelt, de1932 à sa mort en1945. Flynn était vivement opposé auNew Deal, qu'il qualifia même en1943 de « forme dégénérée de socialisme, et de forme biaisée du capitalisme »[77]. D'autre part, il considérait que Roosevelt et son administration bénéficiaient d'une image héroïque trompeuse, véhiculée par la presse, laradio et la télévision[78]. Son œuvre, qui fut révisée en1956, visait donc selon ses propres dires à présenter Franklin Delano Roosevelt tel qu'il fut vraiment de 1932 à 1945. Flynn dénonça ainsi une tendance « dictatoriale » et « socialiste » de Roosevelt.
D’autres journalistes comme Homer Simpson ont au contraire trouvé leNew Deal trop conservateur. Ainsi, dans lesannées 1960, la nouvelle gauche américaine se révéla très critique envers la politique de Roosevelt : Barton J. Bernstein, en1968, fit la liste des occasions manquées et des solutions inadéquates aux problèmes économiques et sociaux desannées 1930. Paul K. Conkin dansThe New Deal (1967) dénonça une politique favorable aux patrons.Howard Zinn, dans un essai de1966, reprocha auNew Deal d’avoir préservé lecapitalisme aux États-Unis[79].
Dans un autre registre, lesjournalisteslibertariensGaret Garrett etHenry Hazlitt comptèrent parmi les principaux critiques duNew Deal. En effet, Garrett, dans la lignée dulibertarianisme, considérait que toute personne était responsable de sa propre existence, et qu'aucun humain ne pouvait espérer déléguer sa liberté aux autres, au travers par exemple de systèmes contraints de distribution de richesse tels que lesocialisme ou lecommunisme[80]. Il considérait ainsi qu'en échangeant leur autonomie et leur responsabilité contre des programmes socialistes, les Américains renonçaient à leur droit inaliénable à laliberté[80]. Pour cette raison, il publia de1933 à1940 dans les colonnes duSaturday Evening Post des articles remettant en cause les choix du président[81]. L'ensemble de ces articles fut par la suite rassemblé dans un recueil nomméSalvos against the New Deal: Selections from the Saturday Evening Post: 1933-1940.
Malgré la réforme de laCour Suprême, le campdémocrate se divisa au cours de l'année1937, alors que le pays connaissait sa première récession depuis le point bas de1932, ce qui mit en péril la crédibilité duNew Deal[82]. Plusieurs positions se confrontèrent alors : les milieux d'affaires accusèrent l'administration Roosevelt de les empêcher de réaliser desinvestissements productifs, et de pénaliser l'activité du fait des taxes desécurité sociale, effectives à partir de1937. Inversement, les partisans duNew Deal dénoncèrent une « grève du capital »[83] menée par les milieux d'affaires pour discréditer leNew Deal, et s'en prirent également à Roosevelt, qui du fait de son conservatisme fiscal, prit la décision de réduire certaines dépenses de travaux publics, pour équilibrer le budget, provoquant ainsi une recrudescence duchômage[82].
Dans une lettre privée adressée au président le, soit deux ans après la parution de laThéorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie,John Maynard Keynes suggéra à Roosevelt de considérer toutes les critiques qu'il reçut comme valables. Keynes expliqua ainsi que la diminution des dépenses publiques était une erreur, et qu'il était nécessaire de stimuler les entreprises du secteur privé afin de faciliter la reprise. Conformément à ces principes, Roosevelt réclama donc une reprise des dépenses publiques dès le printemps1938. Trois milliards de dollars de fonds furent débloqués à cette fin[84]. Mais Roosevelt fut affaibli par larécession, et le litige avec la Cour Suprême. La dernière grande loi duNew Deal, leFair Labor Standards Act, interdisant le travail des enfants et instituant un salaire minimal fut votée cette même année[82]. Par la suite, aucun autre texte de loi majeur ne fut ratifié au Congrès, et leNew Deal céda progressivement la place à un autre objectif : laguerre.
L'évolution de ladette publique traduit le passage vers une économie de guerre dès1941, et de façon plus marquée à partir de1943. Pendant leNew Deal (1933-1938), la dette est restée stable.
En novembre1938, c'est-à-dire quelques mois après la signature duFair Labor Standards Act, Roosevelt expliqua lors d'un entretien privé avec sonsecrétaire au Trésor,Henry Morgenthau, que la guerre qui se profilait enEurope pouvait être bénéfique auxÉtats-Unis en général, et auxdémocrates politiquement parlant. À cette même époque, Roosevelt commença à envisager les moyens de construire la puissance militaire américaine pour dissuader les autres pays, tout en évitant d'avoir à négocier avecHitler[85]. Malgré des élections difficiles pour son parti, Roosevelt fut réélu pour un troisième mandat en1940, et déclara devant la presse qu'il n'appréciait plus le terme deNew Deal, ni son surnom de « DocteurNew Deal », étant donné que bien qu'il ait soigné son pays de nombreux maux, lesÉtats-Unis encouraient de nouveaux risques[86]. Il déclara ainsi que son partenaire « Docteur Gagne-La-Guerre »[87] allait prendre la relève.
La fin duNew Deal fut manifeste dans l'évolution des dépenses budgétaires, qui traduisirent clairement la transition vers une économie de guerre. En1943, laCivilian Conservation Corps, laWork Projects Administration et d'autres agences duNew Deal furent supprimées[88]. Dans le même temps, les dépenses budgétaires passèrent de 8 % en1938 à 40 % en1943. Finalement, il fallut attendre1943 pour que lechômage tombe sous son niveau de1929, à un moment où leNew Deal n'était plus la priorité[86].
Malgré tout, les idées duNew Deal ne disparurent pas totalement avec laSeconde Guerre mondiale, et dès1944, Roosevelt réaffirma que la liberté individuelle ne pouvait exister sans une certaine sécurité économique. Il conçut même unsecondBill of Rights[86] garantissant des bases nouvelles de prospérité et de sécurité pour tous, quelles que soient leur condition, leur race ou leurs croyances[86]. Parmi ces droits, où figuraient la sécurité contre les aléas de la conjoncture économique, le droit à l'emploi, des prix de produits agricoles corrects, ou encore le droit à un salaire décent, la plupart étaient des priorités duNew Deal.
Il n’y a aucune preuve que leNew Deal ait eu une quelconque efficacité dans la lutte contre la crise, qui perdura jusqu’à ce que l’Amérique mobilise son économie pour laSeconde Guerre mondiale[89]. Son succès est en revanche indéniable sur le plan social. La politique menée par le président Franklin Roosevelt a changé le pays par desréformes et non par larévolution[90]. D'autre part, les programmes duNew Deal étaient ouvertement expérimentaux, manifestement perfectibles[91], et étant donné les coûts de ce processus, un programme de changement plus complet aurait pu y être préféré, cependant, le caractère imparfait duNew Deal a permis une critique constructive et une réflexion plus poussée qui a ouvert la voie à une amélioration de ladémocratie américaine, dans les années qui ont suivi, et qui perdure de nos jours[91]. En matière syndicale, l'adoption duWagner Act a permis de faire des syndicats de groupes puissants.
Sur le plan politique, lepouvoir exécutif et lecabinet présidentiel ont renforcé leur influence, sans pour autant faire basculer le pays dans ladictature. Roosevelt a su instaurer un lien direct avec le peuple, par les nombreuses conférences de presse qu'il a tenues, mais aussi par l'utilisation de laradio dans ses célèbres « Causeries au coin du feu », et ses nombreux déplacements[92]. LeNew Deal a permis une démocratisation (généralisation) de la culture et la réconciliation des artistes avec la société. L'esprit duNew Deal a imprégné le pays : le cinéma et la littérature s'intéressent davantage aux pauvres et aux problèmes sociaux[93]. LaWorks Projects Administration (1935) est parvenue à mettre en route de nombreux projets dans le domaine des arts et de la littérature, en particulier avec les cinq programmes du fameuxFederal One, en faveur desartistes. La WPA a ainsi permis la réalisation de 1 566 peintures nouvelles, 17 744 sculptures, 108 099 peintures à l’huile et de développer l'enseignement artistique[94]. Mais même dans ce domaine, le bilan est à nuancer : si les artistes américains ont été soutenus par des fonds publics et ont acquis une reconnaissance nationale[95], cette politique culturelle a été interrompue par laSeconde Guerre mondiale puis la mort de Roosevelt en 1945. Du point de vue des agences duNew Deal, on peut aussi citer laPublic Works Administration, qui a dépensé 13 milliards de dollars en1942, et employé jusqu'à 3,5 millions de chômeurs en1938[96] En ce qui concerne les travaux publics réalisés, on peut citer entre autres 285aéroports, 1 million de kilomètres de routes, 77 000 ponts, 122 000 bâtiments publics en l'espace de sept ans[96].
LeDust Bowl est l'une des images les plus connues de la situation difficile desfarmers pendant lesannées 1930. L'aggravation de la condition des paysans constitua l'un des principaux échecs duNew Deal.
Sur le plan économique, la situation était meilleure à l'orée de laSeconde Guerre mondiale qu'en1933 : la production industrielle retrouva son niveau de 1929[90]. En prenant comme base 100 la situation de1929, lePNB en prix constants était de 103 en 1939, 96 pour le PNB/hab[90]. Cependant, le chômage était toujours massif : 17 % de la population active américaine pointait au chômage en1939 soit 9,5 millions de personnes[90]. Néanmoins ils recevaient une allocation chômage, ce qui représente une nouveauté par rapport à l'avantNew Deal. Notons enfin que la population active augmenta de 3,7 millions de personnes entre 1933 et 1939[90]. LeNew Deal inaugura en outre une période d'interventionnisme étatique dans de nombreux secteurs de l'économie américaine : bien qu'il n'y ait pas eu de nationalisations comme dans laFrance duFront populaire, les agences fédérales développèrent leurs activités, et employèrent davantage de fonctionnaires issus de l'université[97]. Les mesures duNew Deal posèrent ainsi les bases de la future superpuissance américaine[98].
Malgré tout, leNew Deal n'est pas parvenu à faire revenir la prospérité desannées 1920, et en1941, six millions d'Américains attendaient toujours un emploi[96]. Le plein emploi ne fut pas rétabli avant la guerre. Du point de vue de l'investissement, les résultats furent également en demi-teinte : l'opposition des milieux d'affaires à l'action de Roosevelt provoquèrent une chute de l'investissement privé, que le public ne put pas compenser[96]. Malgré tout, les mesures de Roosevelt permirent de soutenir la demande globale, en freinant sa chute. La récession de1937 joua également en la défaveur de Roosevelt, en se traduisant notamment par une baisse de 50 % de la valeur des actions, et par une hausse du chômage qui toucha11 millions d'Américains cette même année[96].
Dans le domaine agricole, Roosevelt ne parvint pas à offrir une parité entre les prix agricoles et industriels, du fait notamment de la réticence duCongrès à octroyer des crédits en1938 pour enrayer la chute des prix agricoles[96]. Dans un contexte de nouvelle hausse de la production, les prix chutèrent de nouveau. Le problème de paupérisation agraire s'aggrava donc encore, comme le montreJohn Steinbeck dans son romanLes Raisins de la colère.
En matière commerciale enfin, les résultats furent nettement inférieurs à ceux enregistrés avant lacrise[96]. La situation de la balance des comptes (ou balance des paiements) se dégrada progressivement, et la balance commerciale ne put retrouver l'équilibre que grâce à une contraction nette des importations, qui passèrent de 4,4 milliards de dollars en1929 à 2,1 milliards en1939[96]. Malgré tout, lesÉtats-Unis bénéficièrent de rentrées d'or de telle sorte qu'ils détenaient 70 % (soit plus des deux-tiers) du stock d'or mondial en1939[96].
Lyndon Johnson lors de la signature duCivil Rights Act en1964. Il s'est beaucoup inspiré deRoosevelt et de sonNew Deal.
Du point de vue politique, leNew Deal a laissé une empreinte forte, en créant une large gamme d'agences gouvernementales, protégeant des groupes divers de citoyens (ouvriers,fermiers entre autres) qui ont souffert de lacrise, en leur permettant de faire contrepoids au pouvoir dupatronat et du milieu d'affaires. L'administration Roosevelt a ainsi généré de nombreuses idées politiques, connues pour les générations suivantes sous le nom de « Réforme libérale duNew Deal »[note 7],[99] qui sont restées des sources d'admiration comme de critiques pour les générations qui ont suivi, et qui ont contribué à façonner la grande vague de réforme libérale qui a suivi, avec la « Grande Société » deLyndon B. Johnson dans la seconde moitié desannées 1960. Suivant le modèle de sonmentor, Franklin D. Roosevelt, Johnson chercha en effet à étendre le programme duNew Deal au-delà de la simple sécurité économique, en prenant en compte lesdroits civiques, l'éducation, le logement, et le système de couverture médicale[99], c'est-à-dire les sujets déjà abordés par Roosevelt dans sonBill of Rights.
En ce qui concerne lesdroits civiques, lesordres exécutifs tels que leFair Employment Practice Committee(en), adopté le par Roosevelt, et interdisant la discrimination à l'embauche à l'encontre desAfro-Américains, des femmes, et des minorités ont constitué un progrès, qui a apporté de meilleurs emplois et salaires à des millions de personnes appartenant à des minorités. Globalement, leNew Deal a donc correspondu à une phase de reconnaissance des populations minoritaires, dix ans avant le début duMouvement des droits civiques. L'influence d'Eleanor Roosevelt, considérée comme la première femme de président à avoir rendu le rôle dePremière dame actif notamment auprès d'organismes comme laNAACP, a ainsi été crucial dès1933[100]. Cependant, ce constat doit être relativisé, car leNew Deal n'a pas été le déclencheur dumouvement des Droits civiques. En effet, la plupart des grandes associations de défense des minorités telles que laNAACP, ou l’Universal Negro Improvement Association and African Communities League ont été créées au début duXXe siècle. D'autre part, le fait qu'une proportion croissante d'Afro-Américains ait été employée à la fin desannées 1930 tient également au fait que l'économie de guerre impliquait de faire appel au plus de personnes possible.
Même si la notion d'État-providence est amenée par leNew Deal, l'influence deKeynes sur celui-ci est quasiment inexistante. En effet, laThéorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie n'a été publiée qu'en1936, autrement dit près de trois ans après le début duNew Deal. D'ailleurs, à l'issue d'une entrevue entre Keynes et Roosevelt, ce dernier aurait déclaré n'avoir rien compris au discours tenu par Keynes[69]. Enfin, des auteurs américains ont conduit dès la fin des années vingt leur propre recherche.Foster(en) etCatchings(en)[101], par exemple, dans leurs ouvragesBusiness Without a Buyer (1927) et surtoutThe Road to Plenty (1928), ont mis l’accent sur l’importance de la consommation et remis en cause laloi de Say qui veut que l’offre crée sa propre demande et qui considère donc que la crise est impossible.Marriner Eccles, président de laFederal Reserve Bank (la Fed) de 1934 à 1948, fut pourArthur Schlesinger[102] le plus marquant des disciples de Foster. Toutefois, le secondNew Deal, dont les mesures ont été mises au point par l'école dite des conjoncturistes (Alvin Hansen et Foster en particulier), a été fortement influencé par les travaux de Keynes, avec notamment le principe de lapump primiry (le « réamorçage de la pompe »), indispensable à la reprise économique et au soutien de la demande globale.
En revanche, Keynes a contribué à la mise en place dusystème monétaire international au lendemain de laSeconde Guerre mondiale, et à la suite de laconférence de Bretton Woods[91]. En effet, alors que le programme national et ambitieux duNew Deal commençait à s'essouffler, Roosevelt a pris conscience de l'importance de la politique extérieure en réalisant, notamment d'après les théories de son secrétaire d'ÉtatCordell Hull et deKeynes, qu'un commerce sans entrave pouvait être vecteur de paix et de prospérité[103]. Cependant, au lendemain de la conférence, ce n'est pas le plan de Keynes qui fut choisi, mais celui de son homologue américainHarry White, car il proposait, à l'instar du modèle de Sécurité sociale duNew Deal, la mise en place d'un fonds auquel chaque pays apporterait sa contribution. C'est ainsi que les bases duFonds monétaire international (FMI) et de laBanque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) ont pu être posées[note 8]. Ces deux institutions s'inspiraient donc des agences duNew Deal, d'une part par leur caractère expérimental, et d'autre part par leur incapacité à s'adapter aux besoins de l'économie, en étendant leurs prérogatives. Ainsi, l'impossibilité pour leFMI de fournir des fonds pour endiguer la montée ducommunisme conduit par exemple à l'élaboration duplan Marshall[91].
Milton Friedman, chef de file de l'école de Chicago, fut sur le moment favorable auNew Deal. Alors qu'il était porte-parole du Trésor, il défendit unepolitique keynésienne[104]. En revanche, en1962, dans son ouvrageCapitalisme et liberté, il se livra à une défense ducapitalisme, et à une critique duNew Deal et de l'État-providence. Lui etAnna Schwartz, critiquèrent alors leNew Deal en expliquant que « le remède avait bien failli être pire que la maladie »[105]. Pour Friedman, en effet, laGrande Dépression venait principalement d'une mauvaise gestion de lamonnaie, dont l'offre aurait dû être augmentée et non réduite[106]. Dans sonHistoire monétaire des États-Unis parue en 1963, il développa cette thèse en expliquant cette grave crise économique par les politiques de contraction monétaire menées[107]. Ainsi, Friedman expliqua que : « La Fed était largement responsable de l'ampleur de la crise de 1929. Au lieu d'user de son pouvoir pour compenser la crise, elle réduisit d'un tiers la masse monétaire entre 1929 et 1933… Loin d'être un échec du système de libre entreprise, la crise a été un échec tragique de l'État. »[108]. Friedman y dénonça en cela le rôle néfaste de l'intervention de l'État dans l'économie, et en particulier dans la politique monétaire (en réduisant les liquidités), comme ce fut le cas pendant leNew Deal.
Friedrich Hayek, critiqua vivement l'interventionnisme étatique, en rejetant l'intervention économique dans les économiescapitalistes. Hayek critiqua également lekeynésianisme, jugeant queJohn Maynard Keynes ne possédait que des connaissances limitées en théorie économique[109]. Il montra ainsi que les politiques keynésiennes derelance économique, fondées sur l'utilisation dubudget public, conduisaient à terme à la fois à l'inflation, à la stagnation économique et auchômage.
Mais au-delà de ces critiques générales, ce qui va plus spécifiquement gêner Hayek, c’est que les principaux conseillers de Roosevelt aient été classés parmi les libéraux (de nos jours ils seraient plutôt considérés comme dessociaux libéraux). Hayek n’est d’accord avecJohn Dewey, un de leurs principaux inspirateurs[14], ni sur la conception de la liberté[110], ni sur le lien entre liberté et contrainte[111], ni sur ce qu’il appelle leur« pragmatisme constructiviste »[112]. De même, dans cette optique,Friedrich Hayek critique les quatre libertés deFranklin Delano Roosevelt dans son livreDroit, législation et liberté[113].
↑Généralement d'un État à un autre, c'est-à-dire en fonction des loisInterstate.
↑Le discours officiel de Roosevelt était :« I pledge you, I pledge myself, to a new deal for the American people », c'est-à-dire « Je vous promets et je m'engage à une Nouvelle Donne pour le peuple américain. ». (Source :http://www.u-s-history.com).
↑Il s'agissait d'une politique de lutte contre la ploutocratie et les trusts, et en même temps d'un programme de protection des entreprises face aux exigences extrêmes des syndicats non organisés.
↑concernant le libéralisme américain de ces années-là, Schlesinger note :« L'instrumentalisme deDewey donna à la synthèse libérale sa philosophie, l'institutionnalise deVeblen sa doctrine économique et l'analyse historique de Beard sa compréhension du passé et ses certitudes d'avenir ».
↑Ladole, officiellement appeléeJobseeker's Allowance était une allocation chômage octroyée par le gouvernement britannique.
↑En anglais, le termeLiberal s'emploie pour parler d'une chose qui rend possible la réforme, et offre de nouvelles pistes pour le progrès.
↑La BIRD était en premier lieu destinée aux régions les plus pauvres du monde, de même que les programmes du New Deal comme la TVA, la PWA, ou la WPA se destinaient en premier lieu aux régions des États-Unis les moins développées : le sud et l'ouest.
↑« Dans l’un de ses discours, Roosevelt avait introduit l’idée d’Adolf Augustus Berle selon laquelle l’Amérique n’avait plus besoin de constructeurs et de pionniers : dans l’avenir, l’économie se soucierait moins de produire que d’administrer ce qui était » (Schlesinger, 1971b,p. 205).
« lorsqu’un John Dewey définit la liberté comme le « pouvoir effectif de faire des choses déterminées » cela peut être considéré comme un procédé déshonnête pour tromper des innocents »
La version du 4 octobre 2008 de cet article a été reconnue comme « article de qualité », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.