Le nouveau-né devait être prématuré d'au moins une vingtaine de jours car, neuf mois plus tôt, ses parents étaient séparés par plusieurs centaines de kilomètres depuis le et ne s'étaient retrouvés que le. Ce fait a entraîné de nombreuses rumeurs et hypothèses quant à la filiation du futur empereur. Neuf mois avant la naissance de ce dernier, sa mère Hortense était en voyage dans lesPyrénées, àCauterets et àGavarnie, où elle aurait pu avoir une liaison extraconjugale avecÉlie Decazes, l'amiral Ver Huell ou son écuyer, le comteCharles-Adam de Bylandt. Dans sa biographie de Napoléon III (2004),Pierre Milza a écrit qu'« aucune de ces hypothèses n'est à rejeter de manière définitive mais aucune […] n'emporte davantage la conviction » et que, pour la plupart des historiens, dontLouis Girard, « l'hypothèse la moins improbable reste celle de la paternité du roi Louis »[2].
Comme son autre frère,Napoléon-Louis Bonaparte, puis comme c'est plus tard le cas pour leroi de Rome, Louis-Napoléon reçoit à sa naissance les honneurs militaires par des salves d'artillerie tirées dans toute l'étendue de l'Empire. Son oncle l'Empereur Napoléon étant absent, on ne prénomme l'enfant que le suivant[3]. Il n'estbaptisé que deux ans plus tard, le, à la chapelle duchâteau de Fontainebleau. Sonparrain est l'Empereur et samarraine la nouvelle impératrice,Marie-Louise.
Napoléon Ier sur la terrasse deSaint-Cloud, avec ses neveux et nièces. L'empereur tient Charles-Louis-Napoléon sur ses genoux. Toile deJean-Louis Ducis, 1810.
Napoléon se conduira en véritable « grand-père » envers les enfants d'Hortense, n'hésitant pas à passer du temps avec eux dès que ses obligations le lui permettaient. Il aimait par exemple à faire rire aux éclats Louis-Napoléon en le saisissant par la tête pour le relever du sol. C'est lors de ces moments passés ensemble que Napoléon Ier et la Reine Hortense[4] surnommèrent affectueusement le futur Napoléon III,« monsieur Oui Oui »[4] car celui-ci répondait toujours à tout par « oui-oui »[5][source insuffisante].
En, à la mort de leur grand-mère maternelle, l'ex-impératrice Joséphine, Louis-Napoléon et son frère sont chargés de conduire le deuil lors du transfert de la dépouille à l'église deRueil-Malmaison[6].
Laloi du 12 janvier 1816, bannissant tous lesBonaparte du territoire français et les obligeant à céder leurs biens, contraint l'ex-reineHortense de Hollande, séparée de corps et de biens avec son mari[7], à s'exiler enSuissealémanique où elle achète, en 1817, le château d'Arenenberg, dominant lelac de Constance, dans lecanton de Thurgovie[8]. Elle s'y installe avec Louis-Napoléon tandis que son frère aîné part vivre avec son père àRome, où celui-ci tente d'obtenir l'annulation de son mariage avec Hortense[9].
Sans soucis d'ordre matériel, Louis-Napoléon est élevé par sa mère à Arenenberg en été et àAugsbourg en hiver. Son éducation est d'abord prise en charge par quelques professeurs occasionnels mais, en général, il est souvent livré à lui-même et fait de longues escapades dans la campagne suisse. Quand son père s'aperçoit du faible niveau d'éducation de son fils cadet, alors âgé de12 ans, il menace Hortense de lui retirer la garde de l'enfant si elle ne reprend pas en main son éducation. Elle fait alors appel à un nouveauprécepteur, nomméPhilippe Le Bas, fils d'unconventionneljacobin, tandis qu'un ancien officier de son oncleNapoléon Ier lui enseignel'Art de la guerre dans le culte de l'empereur et dans la certitude de son destin dans la dynastie. Soumis à une discipline stricte, ses résultats s'améliorent dans quasiment toutes les matières[10]. De cette période passée sur la rive helvétique du lac de Constance et de sa scolarité auGymnasium d'Augsbourg, Louis-Napoléon maîtrisera fort bien l'allemand[11].
À partir de 1823, c'est àRome qu'Hortense et ses fils s'installent, rejoignant Arenenberg en été. Dans cette ville, Louis-Napoléon découvre la politique aux côtés des libéraux italiens autour des thèmes deliberté et denation[12]. Mais c'est en Suisse qu'il s'engage dans la carrière militaire en[13], en devenant élève officier à l'École militaire centrale fédérale de Thoune alors dirigée par le futurgénéral Dufour[14].
À la suite desTrois Glorieuses qui renversentCharles X en France, Louis-Napoléon et son frère aîné,Napoléon-Louis, espèrent que s’ouvre pour eux une ère nouvelle mais la loi du, votée par la nouvelle assembléeorléaniste qui craint une offensive bonapartiste, impose à nouveau l'interdiction de séjour des Bonaparte dans le royaume[15].
Les fils Bonaparte sont indignés, ce qui amène la Reine Hortense à partir avec eux pour Rome afin de les éloigner de la France. Ils sont néanmoins rapidement impliqués dans les conspirations descarbonari visant à favoriser la cause de l'unité italienne et à déposséder le pape de son pouvoir séculier[16]. Les deux frères participent ainsi auxinsurrections dans lesterritoires pontificaux de l'Italie centrale, avant de devoir finalement se replier surBologne, où ils se retrouvent encerclés par l'armée autrichienne et les armées pontificales, décidées chacune à leur régler leur sort[17]. Repliés surForlì, les deux frères doivent aussi faire face à uneépidémie derougeole qui emporte de nombreux soldats, déjà affaiblis par leurs blessures. Le, Napoléon-Louis succombe à l'épidémie tandis que Louis-Napoléon subit à son tour les effets de la maladie[18]. La Reine Hortense parvient à rejoindre son fils, à l'exfiltrer vers la France et à rejoindre Paris[19], où elle obtient du roiLouis-Philippe une audience le et l'autorisation de rester à Paris plusieurs jours, le temps que Louis-Napoléon se rétablisse, avant de rejoindre l'Angleterre[20]. Ils gagnent ensuite la Suisse en, après avoir reçu de l'ambassade de France à Londres unsauf-conduit pour traverser le territoire français[21].
En 1832, Louis-Napoléon obtient lanationalité suisse dans lecanton de Thurgovie[22], ce qui fait dire à certains historiens que Louis-Napoléon Bonaparte a été« le seul Suisse à régner sur la France »[23].
Après la mort duduc de Reichstadt le, Louis-Napoléon apparaît comme l'héritier de la couronne impériale[24] d'autant plus que niJoseph Bonaparte ni son frèreLouis ne manifestent l'envie de relever le flambeau[25]. Lors d'une conférence familiale en 1832, Louis-Napoléon s'exaspère notamment de l'attitudeattentiste de son oncle Joseph, le chef de la famille depuis la mort de l'Aiglon[26]. Exalté par les climats d'intrigues, le prince organise ses réseaux, rencontre enBelgique des émissaires dumarquis de La Fayette et rédige un manuel d'artillerie pour les officiers suisses qui le fait connaître de la presse militaire française[27] et qui lui vaut d'être récompensé par la promotion au grade decapitaine dans le régiment d'artillerie deBerne[28].
Pendant ces années qu'il passe principalement en Suisse, il correspond avec les chefs français de l'opposition, écrit et publie des ouvrages ou desmanifestes et reçoit à Arenenberg de nombreuses personnalités telles le comteFrançois-René de Chateaubriand,Madame Récamier ou encoreAlexandre Dumas[29]. Il continue aussi à conspirer.
Le, Louis-Napoléon effectue ainsi une tentative desoulèvement àStrasbourg avec une poignée de partisans[31]. Il espère soulever lagarnison et, ensuite, marcher surParis et renverser lamonarchie de Juillet. Son plan est de rassembler sur son passage les troupes et les populations, sur le modèle duretour de l'île d'Elbe, en 1815. Le choix de Strasbourg s'impose car c'est une importante place militaire, qui plus est, aisément accessible depuis lepays de Bade (Confédération germanique)[32]. Par ailleurs, c'est une ville d'opposition au régime mais patriote où les sympathies bonapartistes s'expriment non seulement dans les garnisons mais aussi au sein de la population[33].
L'opération est engagée le au matin mais elle tourne court assez rapidement. Lesinsurgés sont arrêtés et incarcérés dans le corps de garde de la caserne puis transférés à la prison de la ville. Louis Bonaparte et les oncles du jeune prince condamnent aussitôt l'opération.Hortense de Beauharnais écrit àLouis-Philippe Ier pour lui suggérer de laisser son fils quitter la France. Le, Louis-Napoléon est amené sous escorte à Paris et enfermé à lapréfecture de police. Souhaitant éviter un procès public qui risquerait de lui donner une tribune pour plaider sa cause, le roi convainc son gouvernement d'exiler le prince. Conduit àLorient, Louis-Napoléon, muni d'une somme d'argent, est embarqué surL'Andromède le à destination desÉtats-Unis. Il débarque àNorfolk (Virginie) le, d'où il rejointNew York[34].
Pendant ce temps, treize de ses partisans sont jugés à Strasbourg devant lacour d'assises. Seuls sept d'entre eux comparaissent. Tous sont acquittés par le jury, sous les acclamations du public, le[35]. Si la tentative a été un échec complet et a été désavouée par la famille Bonaparte, elle a fait connaître le prince Louis-Napoléon qui écrit de sa prison àOdilon Barrot, le chef de l'opposition parlementaire, pour lui exposer ses motivations et ses revendications politiques reposant sur la restauration de l'Empire et le recours auplébiscite[36].
Louis-Napoléon Bonaparte en 1839.Louis-Napoléon Bonaparte au chevet desa mère mourante en 1837. Estampe dePhilippoteaux, gravée parE. Leguay, 1853.
Le prince ne reste pas longtemps aux États-Unis. Alors qu'il s'apprête à entreprendre un périple à travers tout le pays, il apprend la détérioration importante de l'état de santé de sa mère Hortense. Il rentre aussitôt enEurope pour être à son chevet à Arenenberg mais, interdit de séjour sur le continent par le gouvernement de Louis-Philippe, il est bloqué enAngleterre où il essaie d'obtenir, auprès des ambassades européennes, un passeport et un visa. En, c'est finalement muni d'unfaux passeport américain qu'il parvient à se rendre enSuisse auprès de sa mère mourante[37]. Maintenue en vie sousopium, elle meurt le[38].
En, l'un des conjurés de Strasbourg, l'ex-lieutenantArmand Laity, apparenté par alliance à lafamille de Beauharnais, publie à 10 000 exemplaires une brochure, financée par Louis-Napoléon[39], intituléeRelation historique des événements du. Cette publication est unbrûlot destiné à provoquer le régime en faisant l'apologie du bonapartisme, centré autour dutriptyque nation, peuple et autorité. Dans la propagande bonapartiste ainsi présentée, ladémocratie, définie comme« le gouvernement d'un seul par la volonté de tous », s'oppose à larépublique supposée être, pour Louis-Napoléon,« le gouvernement de plusieurs obéissant à un système »[40]. En réaction, la brochure est saisie par les autorités alors que Laity est arrêté, traduit devant laCour des pairs pour attentat contre lasûreté de l'État et condamné à cinq ans de détention et 10 000 francs d'amende le[41].
À la suite de cet incident, le gouvernement français demande à la Suisse, au début du mois d', l'expulsion du prince Louis-Napoléon et, sûr de l'appui de l'Autriche, menace laconfédération d'une rupture des relations diplomatiques et même d'une guerre, allant jusqu’à concentrer dans leJura une armée de 25 000 hommes. Le gouvernement suisse, indigné, invoque la qualité debourgeois deThurgovie du prince. En définitive, celui-ci annonce, le, son intention de s'installer enAngleterre[42], ce qui permet au gouvernement suisse de déclarer l'incident clos sans avoir eu à céder aux exigences françaises[43].
Ayant hérité de sa mère, Louis-Napoléon a les moyens d'imprimer à 50 000 exemplaires une brochure détaillant son programme politique,Les Idées napoléoniennes, dans laquelle il fait deNapoléon Ier le précurseur de la liberté. Au début de 1840, l'un de ses partisans les plus fidèles,Fialin, lance à son tour sesLettres de Londres, qui exaltent ce prince qui« ose seul et sans appui, entreprendre la grande mission de continuer l'œuvre de son oncle »[44].
Échec de la tentative de soulèvement de la garnison de Boulogne-sur-Mer
DepuisLondres, le prince prépare une nouvelle tentative de coup d'État. Voulant profiter du mouvement de ferveur bonapartiste suscité par la décision du cabinet d'Adolphe Thiers de rapporter deSainte-Hélène les cendres de l'Empereur, il débarque dans la nuit du au sur le site de la Pointe aux Oies, entreBoulogne-sur-Mer etWimereux, en compagnie de quelques comparses, parmi lesquels un compagnon de Napoléon Ier àSainte-Hélène, legénéral de Montholon[f], avec l'espoir de rallier le42e régiment de ligne[45].
La tentative de ralliement du42e est un échec total. Cernés par la gendarmerie, les hommes du42e régiment et laGarde nationale, plusieurs conjurés sont tués ou blessés tandis que Louis-Napoléon est lui-même touché par une balle. Arrêtés et écroués sur ordre du procureurHubert Legagneur, les conjurés sont traduits en justice. Leur procès se tient devant laChambre des pairs du au, dans une indifférence générale[g],[46]. Le prince, défendu par le célèbre avocat légitimistePierre-Antoine Berryer, prononce un discours dans lequel il déclare :« Je représente devant vous un principe, une cause, une défaite. Le principe, c'est la souveraineté du peuple, la cause celle de l'Empire, la défaiteWaterloo. Le principe, vous l'avez reconnu ; la cause, vous l'avez servie ; la défaite, vous voulez la venger. […] Représentant d'une cause politique, je ne puis accepter, comme juge de mes volontés et de mes actes, une juridiction politique. […] Je n'ai pas de justice à attendre de vous, et je ne veux pas de votre générosité »[47]. Il n'en est pas moins condamné à l'emprisonnement à perpétuité[h].
Ses conditions de détention sont assez confortables. Il bénéficie pendant son internement à laforteresse de Ham — qu'il appelle plus tard « l'université de Ham » — d’un appartement de plusieurs pièces. Il peut correspondre avec l’extérieur, reçoit des visites et des livres.Don Francisco Castellon, missionné par trois pays d'Amérique centrale, obtient la permission de lui rendre visite pour lui proposer d'étudier une jonction entre les deux océans, pour laquelle le futur empereur s'est déjà passionné, leprojet de canal du Nicaragua[49].
Il met à profit cette captivité pour se consacrer à l’étude et faire avancer sa cause dans l’opinion par l’écriture de brochures et d’articles dans les revues locales. Il écrit notammentExtinction du paupérisme (1844), ouvrage influencé par les idéessaint-simoniennes et développant un moyenpopuliste pour accéder au pouvoir :« Aujourd'hui, le règne des castes est fini, on ne peut gouverner qu'avec les masses ». Dans cet ouvrage apparaît pour la première fois sous sa plume l'expression de « classe ouvrière », écritJean Sagnes[50]. Louis-Napoléon ajoute que « pour extirper le paupérisme, l'intervention de l'État est nécessaire ».
Le, après six années de captivité, il s'évade de sa prison avec le concours d'Henri Conneau, en empruntant les vêtements et les papiers de Charles Pinguet (1826-1892), maçon à laforteresse de Ham[51],[52]. Lescaricaturistes duSecond Empire transforment plus tard le nom de celui-ci en « Badinguet », qui évoque un plaisantin, pour en affubler l’Empereur en rappelant son passé de conspirateur. Avant que sa fuite soit découverte, il est déjà enBelgique et, le lendemain, enAngleterre[53].
Il s'établit àLondres où il apprend la mort de son père àLivourne, le. C'est durant cette période, moins active politiquement, que Louis-Napoléon rencontreMiss Harriet Howard, qui partage sa vie jusqu'en 1853[54]. Larévolution française de 1848, qui met fin à la monarchie de Juillet, fournit au prince l'occasion de revenir une première fois en France à la fin du mois de février puis de voir sa candidature présentée par ses partisans aux élections de députés à l'Assemblée nationale[55].
En 1846,Don Francisco Castellon lui avait transmis les pouvoirs du gouvernement nicaraguayen pour organiser une société européenne pour leprojet de canal du Nicaragua, qui devait recevoir le nom de « Canal Napoléon du Nicaragua »[56]. Le futur empereur français y avait travaillé sérieusement, sous la forme d'un mémoire rédigé avec des ingénieurs. Il prévoyait de se rendre auNicaragua mais larévolution de 1848 modifie ses projets. Il en reparle en 1852 à l'industriel français du chocolatAntoine Brutus Menier, dont le filsÉmile-Justin Menier fait avancer lecanal du Nicaragua, sans toutefois parvenir à le concrétiser, puisqu'une concession est accordée à des Américains.
Comme lors de ses deux tentatives de coup d'État en 1836 et 1840, Louis-Napoléon est toujours soutenu par desfrancs-maçons[57] p. ex. Jean-Claude Besuchet de Saunois (1790-1867) qui était franc-maçon[58]. Pendant la campagne électorale pour l'élection présidentielle en automne 1848, il soutenait Louis-Napoléon avec des affiches[59].
Campagne présidentielle de 1848 : au premier plan, deux jeunes colleurs d'affiches à l'effigie de Bonaparte et deCavaignac en viennent aux mains. Illustration publiée dans le périodiqueallemandIllustrierte Zeitung.Veille des élections : comparé désavantageusement à son oncleNapoléon Ier la veille de labataille d'Austerlitz, le candidat Bonaparte est caricaturé manifestement ivre et revêtu d'un habit napoléonien bien trop grand pour lui. Sur la table figurent des aliments aux noms évocateurs de ses tentatives malheureuses de soulèvements militaires à Strasbourg et Boulogne-sur-Mer. Illustration de Rigobert, Paris,BnF,département des estampes et de la photographie, 1848.
L'élection de Louis-Napoléon est suivie de manifestations populaires qui inquiètent la nouvelle Assemblée composée de900 élus dont500 républicains modérés,300 monarchistes (orléanistes etlégitimistes), une centaine de républicains démocrates etsocialistes ainsi qu'une poignée de bonapartistes[60]. Le 12 juin,Alphonse de Lamartine propose à ses collègues parlementaires de rendre exécutoire laloi d'exil du qui interdisait le territoire français aux membres des familles ayant régné sur la France dans le cas où Louis-Napoléon s'aviserait de rentrer. Sa proposition est finalement rejetée. Le lendemain, la validation de l'élection, soumise à accord de l'Assemblée, est acquise à une large majorité comprenant notamment les républicainsJules Favre etLouis Blanc[61]. Néanmoins, le, accusé d'appeler à la révolte, Louis-Napoléon annonce renoncer à remplir son mandat. Il a ainsi la chance de ne pas être compromis dans la répression sanglante des ouvriers parisiens révoltés lors des journées insurrectionnelles des- (journées de Juin) dont le bilan s'élève à environ 5 000 insurgés tués ou fusillés, environ 1 500 soldats tués, 25 000 arrestations et 11 000 condamnations à la prison ou à ladéportation enAlgérie[62],[63]. Ces journées de juin creusent alors un fossé temporairement infranchissable entre les autorités de la République et les ouvriers[63].
Louis-Napoléon décide alors de se présenter auxélections législatives intermédiaires des et. Candidat dans les quatre départements qui l'avaient déjà élu en juin, il est aussi candidat enMoselle. Élu dans ces cinq départements, il obtient en tout 300 000 voix provenant également des départements de l'Orne, duNord et de laGironde où il n'était pourtant pas candidat[64]. Il rentre alors en France et s'installe à Paris le. Le lendemain, son élection est validée à l'unanimité par l'Assemblée où il peut enfin siéger.« On l'avait vu assez souvent s'asseoir à la place qu'il avait choisie sur les bancs supérieurs de la gauche, dans la cinquième travée, dans cette zone communément appelée la Montagne, derrière son ancien précepteur, le représentant Vieillard »,dixitVictor Hugo[65].
Son élection profite à la fois de l'adhésion massive despaysans, de la division d'une opposition hétérogène (gauche[i], modérée[j] ou royaliste), et de la légende impériale, surtout depuis leretour des cendres deNapoléon Ier en 1840[68]. Si quatre départements ne donnent pas la majorité relative à Louis-Napoléon (Finistère,Morbihan,Var etBouches-du-Rhône), une vingtaine, essentiellement situés dans le Sud-Est et l'Ouest, ne lui accordent pas de majorité absolue alors que dans34 départements, il dépasse les 80 % des suffrages[69]. Son électorat, bien que majoritairementpaysan, se révèle hétéroclite mêlantbourgeois hostiles auxpartageux, citadins des petites villes etouvriers parisiens. D'ailleurs à Paris, il réalise un score homogène, recueillant autant de voix dans les beaux quartiers de l'Ouest que dans ceux ouvriers de l'Est[70].
Louis-Napoléon, qui s'est« toujours donné, en parole et en acte comme héritier de l'Empire » prêteserment à l'Assemblée constituante le et« jure fidélité à une Constitution formellement contraire à « son destin » »[71]. Devant les représentants qui ne savent pas s'ils assistent à uneconversion ou à unparjure et l'applaudissent donc peu[71], il devient le premier président de la République française et, par conséquent, le premier à s'installer le soir même aupalais de l'Élysée, choisi de préférence aux symboles monarchiques qu'étaient lepalais des Tuileries et lePalais-Royal[72].
L'homme qui accède alors à la présidence se pense doublementlégitime : d'une part parce qu'il est un héritier, celui de l'Empereur Napoléon Ier, et d'autre part parce qu'il est le premier élu du peuple tout entier,adoubé par lesuffrage universel masculin. Comme son oncle, le président Louis-Napoléon Bonaparte adhère aux principes juridiques et sociaux de1789 ; comme lui, il pense qu'ils doivent« être complétés par un pouvoir politique fort » et, comme lui, il est patriote et pense que la France est porteuse devaleurs. Par contre, en raison de son héritage et de son éducation maternelle, il croit auprogrès, pense que l'État a un devoir d'intervenir pour faire face aupaupérisme engendré par lamodernité industrielle et admire l'Angleterre[73]. Ces éléments, son activisme et son réformisme social le rapprochent des républicains mais le fait qu'il soit un prétendant à la restauration de lamonarchie impériale héréditaire empêche toute alliance avec eux et l'amène à pactiser avec leparti de l'Ordre, tout en étant aussi son opposant[73]. Son élection est suivie de près à laBourse de Paris, où le cours du principal titrecoté, la rente 5 %, bondit de 65 à 80 en quelques jours[74].
Daguerréotype du président Louis-Napoléon Bonaparte.La chasse aux ministres : Bonaparte offre vainement un portefeuille ministériel à diverses personnalités politiques (dontThiers etBarrot) qui s'enfuient à toutes jambes. Caricature deCharles Vernier.
Célibataire, sa compagne britannique Miss Howard ne peut prétendre au rôle dePremière dame et d'hôtesse de l'Élysée qui est finalement exercé par sa cousine, laprincesse Mathilde. Si un homme vient à prendre de l'importance dans l'entourage de Louis-Napoléon, c'est son demi-frère adultérin, l'homme d'affaires et ancien députéCharles de Morny, dont Louis-Napoléon a découvert l'existence après le décès de sa mère et qui le rencontre pour la première fois en, à l'Élysée, avant de devenir un peu plus tard l'un de ses conseillers[76].
Dans le cadre de ses pouvoirs exécutifs, Louis-Napoléon demande àAdolphe Thiers de former le premier gouvernement de la présidence mais celui-ci refuse. Aucun dirigeant orléaniste ne souhaite diriger le cabinet, ni aucun des républicains approchés par le président. C'est finalementOdilon Barrot, ancien chef de l'opposition constitutionnelle, qui accepte de diriger un gouvernement de mouvanceorléaniste (Léon Faucher,Léon de Maleville, etc.) comprenant un républicain (Jacques Alexandre Bixio) et un membre du parti catholique (lecomte de Falloux). Aucun membre de ce gouvernement n'appartient à la mouvance du président, ce qui lui donne le nom de « ministère de la captivité », selon l'appellation donnée parÉmile Ollivier au motif que Louis-Napoléon en est le captif, encerclé par les hommes duparti de l'Ordre. L'un des leurs, le généralNicolas Changarnier, prend d'ailleurs la tête de laGarde nationale et de ladivision de Paris[77].
L'Assemblée élue en 1848 tarde à se dissoudre et, à partir du, les tensions montent entre le gouvernement et les élus. L'épreuve de force est évitée de justesse à la fin du mois de janvier quand legénéral Changarnier, commandant de la Garde nationale, prend l'initiative de rassembler les troupes autour de l'Assemblée sous prétexte de la défendre contre un éventuel mouvement populaire. La pression de Changarnier, soupçonné de part et d'autre de préparer uncoup d'État militaire, incite le chef de l'État, le gouvernement et les députés à négocier. Ces derniers acceptent finalement, à une courte majorité, de se séparer[78],[79].
Expédition militaire de Rome et élections législatives
La campagne des élections est perturbée par le déclenchement de l'expédition militaire à Rome que le gouvernement Barrot a initialement engagée comme une opération de couverture de laRépublique romaine avec pour mission de s'interposer entre les volontaires républicains deGiuseppe Garibaldi et l'armée autrichienne venue secourir lepapePie IX, chassé de Rome par les républicains[80].
Lecorps expéditionnaire français de 14 000 hommes, débarqué le àCivitavecchia et dont la mission est en fait mal définie, fait alors face à la résistance des troupes républicaines sous le commandement de Garibaldi qui l'accueillent à coups de canon. Le, le généralNicolas Oudinot est obligé de battre enretraite devantRome laissant derrière lui plus de500 morts et365 prisonniers. Informé des événements, Louis-Napoléon accepte toutes les requêtes de renfort demandées par Oudinot et, sans consulter ses ministres, lui demande de rétablir lapuissance temporelle dupape. Outrés,59 députés républicains exigent la mise en accusation du président français. Conjointement avec l'Assemblée, le président envoie également enItalie un nouvelambassadeurplénipotentiaire, le baronFerdinand de Lesseps, chargé de trouver une trêve avec les républicains romains[81].
Ces décisions sont prises rapidement en raison de la proximité desélections législatives françaises organisées le, la restauration du pape étant devenue l'un des principaux thèmes du débat électoral. Ces élections doivent permettre aussi de trancher entre le président et l'Assemblée sortante à majorité républicaine. Lescrutin, marqué par un fort taux d'abstention (31 %), se traduit par l'éviction de la majorité des sortants, dontLamartine, et la victoire de l'Union libérale (59 %) dominée par le parti de l'Ordre (53 % des voix et environ450 élus dont200 légitimistes sur un total de750 députés), par l'effondrement desrépublicains modérés (environ80 élus) et la progression desdémocrates-socialistes (34 % des suffrages soit environ250 élus[82]).
Ce« crétin que l’on mènera », selon l’expression d’Adolphe Thiers qui l'avait soutenu durant la campagne présidentielle parce qu'il croyait pouvoir l'utiliser en lui procurant de l'argent et des femmes avant de le remplacer au terme de son mandat[83], s’avère finalement beaucoup plus intelligent et retors. Après les élections de mai, Louis-Napoléon reconduitOdilon Barrot à la direction de sondeuxième gouvernement comprenant notammentAlexis de Tocqueville (nommé aux Affaires étrangères) etHippolyte Passy (confirmé aux finances).
La nouvelle Assemblée refuse de ratifier la trêve et l'accord négocié par de Lesseps tandis qu'Oudinot reprend l'offensive contre les troupes deGaribaldi avec, pour mission claire, cette fois, de rétablir le pouvoir temporel du pape. Les répercussions, en France, de cette expédition militaire atteignent leur paroxysme le13 juin 1849 quand, à l'issue du vote de l'Assemblée approuvant le renforcement de crédits financiers à l'expédition militaire contre laRépublique romaine, un groupe de députésdémocrates-socialistes, sous l’égide d'Alexandre Ledru-Rollin, réclame la mise en accusation du président de la République et du ministère d'Odilon Barrot, à qui ils reprochent de violer l'article 5 du préambule de laConstitution française selon laquelle la République
« respecte les nationalités étrangères, comme elle entend faire respecter la sienne ; n'entreprend aucune guerre dans des vues de conquête, et n'emploie jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple ».
La manifestation républicaine organisée sur lesgrands boulevards de Paris ayant été dispersée par les troupes du général Changarnier, plusieurs députés républicains se retranchent alors auConservatoire national des arts et métiers où ils décident de siéger en convention et de constituer ungouvernement provisoire[84]. Au bout de trois quarts d'heure, ils sont néanmoins obligés de prendre la fuite.
L'échec de cette journée de manifestation entraîne de nouvelles mesures de répression, qui achèvent de désorganiser l’extrême gauche. Six journaux sont supprimés et, le, l'Assemblée adopte une loi sur les clubs permettant au gouvernement de suspendre laliberté d'association pour un an. Le, une loi complémentaire sur lapresse est votée, instituant de nouveauxdélits et réglementant sévèrement le colportage. Enfin, le, une autre loi autorise le gouvernement à proclamer l’état de siège avec un minimum de formalités. Les responsables républicains impliqués dans la journée du sont déférés devant laHaute Cour de justice de Versailles qui siège du au. Sur67 accusés dont16 députés, poursuivis pour« avoir participé à un complot ayant pour but 1° de détruire ou de changer la forme du gouvernement ; 2° d'exciter à la guerre civile, en armant ou portant les citoyens à s'armer les uns contre les autres », 31 seulement sont présents. Les16 députés sont déchus de leurs mandats électoraux tandis que Ledru-Rollin et35 autres accusés absents sont condamnés parcontumace à la déportation[85],[86].
Louis-Napoléon Bonaparte se tient en retrait durant tout l'été 1849, laissant les hommes duparti de l'Ordre et l'Assemblée voter toutes les lois permettant de renforcer son pouvoir. Pour se faire réellement connaître des Français et diffuser ses idées politiques, il inaugure enprovince des voyages de type présidentiel, profitant notamment du développement duchemin de fer[87]. Soucieux de conforter sa popularité, il parcourt ainsi l'Hexagone, se faisant acclamer par la foule et les soldats. Partout où il se rend (Chartres,Amiens,Angers,Tours,Nantes,Rennes,Saumur,Rouen,Le Havre), il prêche avec des formules simples et directes la concorde et l'union de tous les citoyens, inaugurant ainsi une technique langagière éloignée desharangues rhétoriques utilisées par les représentants de la classe politique traditionnelle. Il écarte, à cette époque, une proposition de Changarnier qui l'assure de son soutien dans un éventuel coup de force contre l'Assemblée. La popularité du président est à son zénith, ce qui permet à la pressebonapartiste de commencer à militer pour la prolongation dumandat présidentiel[88]. Durant ses déplacements, il est parfois accompagné discrètement de sa compagne, Miss Howard. Celle-ci fréquente peu lepalais de l'Élysée et réside dans unhôtel particulier auNo 14 de larue du Cirque (entre l'avenue Gabriel et larue du Faubourg-Saint-Honoré) où elle vit avec Louis-Napoléon et reçoit les familiers du président[89].
Politiquement, il se démarque un peu plus du parti de l'Ordre et de l'Assemblée, encore une fois à cause de la question romaine. En août, sa lettre de soutien à la« liberté italienne » contre le rétablissement de l'absolutisme du pouvoir temporel du pape lui accorde le soutien de lagauche et la désapprobation du gouvernement et de la majoritéparlementaire[90]. Le, il obtient la démission d'Odilon Barrot puis la formation d'un nouveau gouvernement formé par le généralAlphonse Henri, comte d'Hautpoul, un légitimiste vétéran desguerres napoléoniennes. C'est le « ministère des Commis », lié auduc de Morny, dans lequel on trouveFerdinand Barrot, frère d'Odilon Barrot, mais aussiEugène Rouher. La désignation deVictor Hugo à un poste ministériel est néanmoins écartée, au grand dam de ce dernier, à la suite de son discours incendiaire tenu contre le parti de l'Ordre à l'Assemblée, dix jours plus tôt. Sa désignation aurait en effet été perçue comme une provocation par la majorité conservatrice, mais l'ancienpair du royaume tire de sa récusation ministérielle des implications politiques et personnelles lourdes de conséquences pour le président[91].
Même si le gouvernement est dévoué à Louis-Napoléon, il n'en reste pas moins que c'est l'Assemblée qui vote les lois que le gouvernement doit ensuite appliquer. Profitant de sa position dominante, l'assemblée conservatrice approuve, le, par399 voix contre 237, laloi Falloux sur laliberté de l'enseignement, favorisant de fait l'influence duclergé. N'ayant aucun intérêt à heurter ce dernier ou l'électorat catholique, le président ne songe pas à émettre de réserves. C'est également le cas pour laloi du 31 mai 1850, dite« loi des Burgraves »[92], limitant lesuffrage universel masculin. En imposant une résidence de trois ans pour les électeurs et en multipliant les cas de radiation des listes (vagabondage, condamnation pour rébellion ou atteinte à l'ordre public, etc.), la nouvelle loi élimine 30 % ducorps électoral[93] dont beaucoup sont des artisans et desouvriers saisonniers. Cependant, même si les éliminés sont en grande partie des électeurs de la « tendancedémocrate-socialiste », on y trouve aussi des partisans légitimistes ou des napoléoniens[94], partisans de la« démocratie plébiscitaire »[93].
Dans un premier temps,« Louis-Napoléon laissa faire et même favorisa la manœuvre qui privait l'ennemi commun de moyen d'action légale »[94] mais, dans un second temps, il« ne tarda pas à s'en désolidariser »[93]. Cette compromission avec les membres du parti de l'Ordre ne peut pas beaucoup lui plaire d'autant plus que le suffrage populaire est l'un de ses principes et que la nouvelle loi lui retire ses électeurs[94]. Convaincu de pouvoir remporter une prochaine élection présidentielle avec une majorité considérable, laloi électorale qui vient d'être adoptée par l'Assemblée« demeurait à ses yeux temporaires et de toute circonstance » dans un contexte où les républicains ne peuvent accéder au pouvoir« ni par l'insurrection ni par l'élection »[95].
Durant sa tournée hexagonale de l'été, Louis-Napoléon constate l'effervescence qui monte dans les provinces. Au cours du voyage présidentiel qu'il effectue dans l'Est, il critique l'Assemblée nationale en déclarant« Mes amis les plus sincères, les plus dévoués ne sont pas dans les palais, ils sont sous le chaume ; ils ne sont pas sous les lambris dorés, ils sont dans les ateliers et dans les campagnes »[96]. ÀLyon, dans une ville qui ne lui est pas acquise, il déclare que« l'élu de 6 millions de suffrages exécute les volontés du peuple et ne les trahit pas »[87], manière pour lui de désavouer publiquement la nouvelle loi électorale[87]. En, enNormandie, terre acquise et conservatrice, il se pose en mainteneur de l'état des choses existant pourvu que le peuple veuille le laisser au pouvoir, multipliant les allusions à une évolution politique à venir en référence aux vœux exprimés par desconseils généraux sollicités en faveur d'unerévision constitutionnelle pour permettre la réélection du président[97].
Au début de l'automne1850, le conflit larvé entre le président et l'Assemblée est devenu une guerre ouverte. Durant l'été, l'Assemblée a adopté plusieurs autres lois liberticides (loi du sur laliberté de la presse, loi du sur lacensure des théâtres). À son retour à Paris, Louis-Napoléon s'attache à organiser ses partisans déclarés, rassemblés notamment au sein de laSociété du Dix-Décembre (mouvement constitué en 1848 sous la forme d'unesociété de secours mutuel, car lesclubs politiques étaient illégaux, le nom choisi évoquant le jour de l'élection à la Présidence) et de celle du, et à mettre l'armée de son côté, multipliant les promesses d'avancement et les augmentations desolde[98].
Nouvelle loi sur l'enseignement : - Ce sont les instituteurs qui reçoivent laférule. Vêtus en ecclésiastiques,Alfred de Falloux etCharles de Montalembert punissent un instituteur en le frappant sur la main. Caricature de la « petite loi sur l'instruction » ou loi Parieu,estampe deCharles Vernier, 1850.
La cavalerie acclamant Bonaparte lors de la revue deSatory.
Le, lors de la revue deSatory àVersailles, lacavalerie salue le chef de l'État en clamant« Vive Napoléon ! Vive l'Empereur ! » à la fureur deChangarnier, qui, depuis 1849, s'est éloigné du président et est passé dans le camp de la majorité parlementaire pour laquelle il est censé représenter le bras armé contre la restauration monarchique[100]. Changarnier commet un impair en tentant d'organiser un coup de force, proposant avec plusieurs membres de la commission de permanence de l'Assemblée de faire arrêter le président alors que Thiers propose de mettre en place unedictature pour une période de six mois[101].
De provocation en provocation, Changarnier tente de pousser Louis-Napoléon à la faute. Habilement, ce dernier isole le commandant de laGarde nationale de ses plus fidèles lieutenants et annonce son intention de le destituer le, provoquant au passage la démission de plusieurs ministres. Le, le décret dedestitution est validé tandis que le gouvernement estremanié. L'affrontement avec les députés menés par Thiers se conclut par le vote d'unemotion de défiance envers le cabinet par415 voix contre 286. Louis-Napoléon ne passe pas outre, résiste aux sollicitations deVictor de Persigny d'employer la force et accepte ladémission du gouvernement, remplacé par un« petit ministère », composé de techniciens et de fonctionnaires, entré dans l'histoire sous le nom de« ministère sans nom ».
En échange de cette preuve d'apaisement de la part du président, l'Assemblée entérine la destitution de Changarnier. Néanmoins, Louis-Napoléon ressort victorieux de cette confrontation avec l'Assemblée, cette dernière ayant perdu celui qui faisait office de bras armé. Il pense alors pouvoir pousser son avantage et obtenir une modification des règles constitutionnelles qui lui permettrait de briguer un second mandat[102].
Créé parHonoré Daumier, le personnage deRatapoil symbolise le butor partisan de la cause bonapartiste, armé d'une canne plombée et membre de lasociété du Dix-Décembre[103]. Dans cette caricature, lui et ses comparses patibulaires crient « Vive l'Empereur ! » en brandissant leurs chapeaux au bout de leurs gourdins lors d'une revue militaire[104]. Lithographie de Daumier,Le Charivari,.
Depuis qu’il a été élu au suffrage universel masculin avec 74 % des voix, avec le soutien duparti de l'Ordre, « président des Français » en 1848 contreLouis Eugène Cavaignac, Louis-Napoléon Bonaparte s'est retrouvé en confrontation politique perpétuelle avec les députés de l’Assemblée nationale. Ainsi, déjà endetté lors de sa prise de fonction, Louis-Napoléon n'avait cessé de demander l'augmentation de sontraitement. D'abord de 600 000 francs, son traitement annuel avait rapidement été doublé à 1,2 million de francs. En 1850, il demande un nouveau doublement à2,4 millions de francs, et l'Assemblée lui donne finalement2,16 millions. En 1851, il demande encore une augmentation, cette fois de1,8 million de francs supplémentaires (pour un total de3,96 millions), que l'Assemblée refuse finalement par396 voix contre 294[105].
La Constitution établissant la non-rééligibilité du président, Louis-Napoléon doit légalement quitter le pouvoir en. Comme lesélections législatives doivent avoir lieu la même année, l'Assemblée vote le principe de tenir les deux élections à la même date, le, soit sept mois avant la fin théorique du mandat présidentiel[106]. Durant l'année 1850, afin de permettre la réélection du président de la République, legouvernement Hautpoul demande aux préfets de mettre à l'ordre du jour des réunions des conseils généraux des départements l'adoption d'un vœu de révision de laConstitution de 1848. Ce faisant, il entre en conflit avec une partie des parlementaires peu favorables à une telle réforme des institutions. Au début de l'année 1851, la classe politique dans son ensemble, à l'exception des républicains, est cependant convertie à l'idée d'unerévision constitutionnelle pour supprimer la clause de non-rééligibilité du président de la République, le risque de voir Louis-Napoléon se représenter illégalement et remporter la majorité des suffrages populaires étant réel[107]. Dans sa volonté de réformer la Constitution, le président a le soutien d'Odilon Barrot, ducomte de Montalembert et d'Alexis de Tocqueville. La première moitié de l’année 1851 est ainsi passée à proposer des réformes de la Constitution afin qu’il soit rééligible et que son mandat passe de4 à 10 ans. Or, à cette demande de révision constitutionnelle, le président ajoute l'abrogation de la loi électorale du qui a supprimé lesuffrage universel. Sur ce point, les résistances sont plus nombreuses et exprimées au sein même du « parti de l'Élysée »[108].
Le, Louis-Napoléon Bonaparte remplace le « ministère sans nom » par unenouvelle équipe ouverte aux membres du parti de l'Ordre, à commencer parLéon Faucher, dans le but de rallier le vote conservateur[109] mais c'est un échec, Faucher lui-même restant hostile à l'abrogation d'un texte qu'il avait défendu un an auparavant. À la suite d'une vaste campagne depétition recueillant 1 456 577 signatures sur l'ensemble du territoire national (avec une prépondérance de signatures en provenance dubassin parisien, de l'Aquitaine et du Nord), leduc de Broglie dépose, le, à l'Assemblée, une proposition de loi soutenue par233 députés pour réviser la Constitution et ainsi rendre rééligible le président de la République. Louis-Napoléon lui-même ne reste pas inactif et se rend en province où ses discours, en forme de manifeste et d'appel au peuple, provoquent la fureur des conservateurs[110]. Ainsi s'en prend-il, àDijon, à« l'inertie de l'Assemblée législative » et se met-il« à la disposition de la France »[87]. Si les deux tiers des conseils généraux se rallient à sa cause, lesorléanistes de Thiers et légitimistes de Changarnier s’allient à la fraction ouverte de gauche « Montagne parlementaire » pour le contrer[111].
Le, au bout d'un mois de débat, l’Assemblée se prononce sur la réforme constitutionnelle. Bien qu'obtenant une majorité de446 voix en sa faveur (dont celle d'Alexis de Tocqueville) contre278 voix opposées, la révision constitutionnelle n'est pas adoptée, faute d'avoir obtenu plus de 3/4 des suffrages des députés, seuil exigé par la Constitution. Il manque aux partisans de la révision une centaine de voix, dont celles des orléanistes intransigeants commeCharles de Rémusat etAdolphe Thiers[112].
Si les rumeurs decoup d'État ont commencé à circuler au début de l'année 1851, c'est à partir de l'échec de la révision constitutionnelle que la certitude d'une épreuve de force, dont l'initiative partirait de l'Élysée, s'impose dans le grand public[112]. Celle-ci est minutieusement préparée à partir du àSaint-Cloud. Les initiés sont peu nombreux et regroupés autour deCharles de Morny. On y trouveVictor de Persigny, un fidèle de Louis-Napoléon,Eugène Rouher,Émile Fleury,Pierre Carlier, le préfet de police de Paris et legénéral de Saint-Arnaud[113].
Conseillé parMorny, Louis-Napoléon entend redemander à l’Assemblée nationale de rétablir lesuffrage universel masculin et d'abroger ainsi la loi électorale de 1850.Léon Faucher, qui refuse de soutenir l'initiative présidentielle, démissionne le, suivi des autres ministres du gouvernement. Unnouveau cabinet est formé le comprenant trois représentants de l'Assemblée et legénéral de Saint-Arnaud, nommé au ministère de la Guerre. Ce dernier rappelle aux militaires leur devoir« d’obéissance passive », le, par une circulaire qui demande de« veiller au salut de la société ». D’autres proches sont placés aux postes clés : legénéral Magnan est nommé commandant des troupes de Paris ; le préfet de la Haute-Garonne,Charlemagne de Maupas, est promu préfet de police de Paris en remplacement de Carlier[114].
Pendant ce temps, la proposition d'abrogation de la loi électorale est déposée à l'Assemblée le. Elle est rejetée le par355 voix contre 348, soit seulement par7 voix de majorité[115].
Alors que des députés demandent la mise en accusation du président de la République, Thiers et ses amis tentent de réactiver un décret de laConstituante, tombé en désuétude, qui donnait au président de l'Assemblée le droit de requérir directement l'armée sans avoir à en référer au ministre de la Guerre. Pour Louis-Napoléon, c'est une déclaration de guerre et un plan d'action est immédiatement mis au point pour mettre l'Assemblée enétat de siège au cas où une telle loi serait adoptée. La proposition est finalement repoussée par 408 voix (la majorité des républicains, les bonapartistes et de nombreux royalistes) contre 338 (la majorité des orléanistes et des légitimistes)[116].
Convaincu de la nécessité d’un coup d’État du fait des derniers refus de l’Assemblée, Louis-Napoléon le fixe lui-même pour le, jour anniversaire dusacre de Napoléon Ier en 1804 et de la victoire d’Austerlitz en 1805. L’opération est baptiséeRubicon[117].
Dans la nuit du au, les troupes de Saint-Arnaud prennent possession de la capitale, occupent les imprimeries (notamment pour empêcher les journaux républicains de paraître)[119], procèdent aux premières arrestations de78 personnes[120], parmi lesquelles figurent16 représentants du peuple dont Thiers mais aussi les chefs de la Montagne et des militaires comme Changarnier qui auraient pu mener une résistance[121],[122],[123]. Vers6 h 30, des proclamations sont placardées sur les murs de Paris. Se fondant sur la crise politique qu'à son sens subit le pays, Louis-Napoléon dénonce l'Assemblée parlementaire et lui oppose la légitimité qu'il a lui seul reçue du pays tout entier lors de l'élection présidentielle de 1848[124]. Dans son « appel au peuple » à destination des Français[125], il annonce une réforme de la Constitution sur le modèle duconsulat de son oncle de même que son intention de préserver les droits acquis en 1789 tout en faisant respecter l'ordre dans le pays[124]. Une autre des proclamations placardées est destinée à l’armée qu'il salue comme une« élite de la nation que les régimes ayant succédé à l'Empire ont traitée en vaincue »[126]. Ses décrets imposent également la dissolution de l’Assemblée nationale et le rétablissement du suffrage universel masculin.
Le siège de l'Assemblée étant occupé par la troupe,220 parlementaires, essentiellement du parti de l'Ordre, se réfugient à la mairie du10e arrondissement[k]. Se fondant sur l'article 68 de la Constitution[127], ils votent à l'unanimité la déchéance de Louis-Napoléon mais ils sont aussitôt arrêtés sans avoir appelé le peuple à se mobiliser[123]. Au soir du, Paris n'a pas bougé alors qu'une soixantaine de députésmontagnards et républicains forment un Comité de résistance et en appellent au peuple contre le coup de force. Des étudiants qui manifestent sont matraqués par la police[128].
Le, une vingtaine de parlementaires républicains, commeVictor Schœlcher ouVictor Hugo, tentent de soulever les quartiers populaires de Paris sans grand succès[129]. Quelque70 barricades sont finalement érigées dans lefaubourg Saint-Antoine et les quartiers du centre. Sur l'une d'elles, le députéAlphonse Baudin est tué par des tirs de soldats. Au soir du, le nombre d'insurgés ne dépasse guère 1 000 ou 1 500 hommes[130], pour la plupart aguerris depuis 1848 aux barricades[131].
Dans la nuit du, environ 30 000 soldats sont déployés dans les zones tenues par les insurgés parisiens, principalement l'espace compris entre les grands boulevards et la Seine ainsi qu’aujardin du Luxembourg et à lamontagne Sainte-Geneviève[130].
La journée du est marquée par la fusillade des grands boulevards[130] où les soldats de la division Canrobert se sont rassemblés et côtoient une foule où se mêlent curieux et manifestants qui pour certains prennent à partie la troupe en exclamant« Vive la Constitution ! Vive l'Assemblée nationale ! »[123],[130],[132]. Profondément« énervés par cette attitude hostile ou goguenarde »[123], les soldats de la division Canrobert,« sans en avoir reçu l'ordre et au prétexte de tirs isolés » s'affolent[130],[123], ouvrent le feu avant de faire usage d'un canon, perpétrant une effroyable fusillade duboulevard de Bonne-Nouvelle auboulevard des Italiens[l],[123] avant que des maisons ne soient« fouillées à la baïonnette. »[132]. Le carnage fait entre100 et 300 morts et des centaines de blessés[130],[133],[134].
Au soir du, la plupart des insurgés ont été écrasés[123]. Le bilan de ces journées parisiennes est de300 à 400 personnes tuées, aux 2/3 des ouvriers, auxquels s'ajoutent26 tués et184 blessés parmi les soldats[135],[132]. Le nombre de victimes reste néanmoins très éloigné des 5 000 morts des journées de[135].Le Moniteur (ancêtre duJournal officiel) reconnaît plus tard le chiffre de380 tués, la plupart sur les boulevards[132].
Dans son ensemble, le monde du travail est resté passif et ne s'est pas mêlé au combat, laissant se dérouler le« règlement de comptes entre le président et l'Assemblée »[135]. Pour Marx lui-même, la« dictature de l'Assemblée nationale était imminente »[136], sa majorité comme sa minorité n'ayant d'ailleurs montré que peu de respect de la Constitution et ne songeant qu'au coup de force et à l'insurrection[137].Paris est désormais sous contrôle militaire, en dépit de quelques mouvements sporadiques. Le,Victor Hugo s'exile àBruxelles[138].
Cavaliers dans les rues de Paris le. Leur officier confère avec des sergents de ville enbicorne tandis que deux crieurs de journaux vendent le quotidienbonapartisteLa Patrie, l'un des imprimés exceptionnellement non interdits. Gravure publiée dansThe Illustrated London News[139].
En province, la nouvelle du coup d’État se diffuse progressivement. À l'instar de Paris, les grandes villes réagissent faiblement[140]. Des manifestations sont dispersées par l'armée àMarseille,Lille,Bordeaux,Toulouse,Strasbourg ouDijon. Quelques conseils municipaux, en application de l'article 68 de laConstitution, proclament la déchéance de Louis-Napoléon Bonaparte[141].
Un mouvement de résistance se développe dans les petites villes et les campagnes du Sud-Est et de la vallée du Rhône[124],[m] ainsi que dans quelques départements du Centre. Le 4 décembre, àBéziers, une manifestation de 6 000 personnes, menée par l'ancien maire Casimir Péret, est réprimée par la troupe qui fait 70 morts et de nombreux blessés[142]. C'est dans le département desBasses-Alpes qu'a lieu la seule véritable action d'envergure où un « Comité départemental de résistance » administre la préfecture du au, avant que l'armée et les forces de l'ordre ne viennent à bout de ces résistances[143].
Exécution de deux prisonniers àSalernes (Var). Gravure extraite de l'ouvrage deTaxile Delord,Histoire illustrée du Second Empire, Paris, imprimerie G. Baillière, 1880.
Trente-deux départements sont mis enétat de siège dès le[123] : tout le pouvoir est localement donné aux autorités militaires qui, en quelques jours, maîtrisent rapidement les zones de résistance républicaine. Pendant15 jours, celles-ci sont réprimées et, ponctuellement, des insurgés sont fusillés sommairement[144],[133]. Selon l'historienLouis Girard, commence alors contre les républicains« une chasse à l'homme, avec son cortège de dénonciations et d'exécutions sommaires. Puis, jusqu'en janvier 1852, ce sont des arrestations massives non seulement dans les départements soulevés, mais sur tout le territoire »[145]. SelonMaurice Agulhon,« le caractère massif et inique de la répression vint cependant de l'assimilation qui fut officiellement faite de l'insurrection effectivement accomplie à un complot républicain préparé de longue date »[146]. Tous les républicains, même ceux n'ayant pas pris les armes, sont alors assimilés à des insurgés en puissance, des complices ou des inspirateurs à l'insurrection[146]. En conséquence, les forces de l'ordre (armée, gendarmerie et police) raflent, de la mi-décembre à janvier, des milliers de suspects, qui encombrent les prisons[146]. Les partisans de Louis-Napoléon sont aussi décidés à endiguer toute révolution sociale[147]. C'est donc« une répression massivement conservatrice tout imprégnée des rancœurs du parti de l'Ordre » qui s'abat avant que les bonapartistes de gauche, à la fois progressistes et autoritaires, et certains républicains, commeGeorge Sand, parviennent à obtenir, auprès de Louis-Napoléon, un adoucissement dans la répression et les sanctions[148].
Ainsi, dans un premier temps, 26 884 personnes sont arrêtées, essentiellement dans le Sud-Est, le Sud-Ouest et quelques départements du Centre[149], 15 000 sont condamnées dont 9 530 à la transportation enAlgérie et239 autres aubagne de Cayenne tandis que66 députés (dont Hugo,Schœlcher, Raspail,Edgar Quinet) sont frappés deproscription par un décret présidentiel. Toutefois, les mesures de répression prononcées par les82 commissions mixtes inquiètent Louis-Napoléon et lui-même est affecté par le bilan humain d'un succès payé au prix fort[150]. Dans un second temps, Louis-Napoléon délègue en mission extraordinaire deux militaires de haut rang et un conseiller d'État, afin de réviser les décisions prises et préparer des mesures de grâce[149]. Si les générauxEspinasse etCanrobert, chargés du Sud-Ouest et du Languedoc, font preuve de peu d'indulgence envers les condamnés avec un millier de grâces accordées, le conseiller d'ÉtatQuentin Bauchart, chargé du Sud-Est, accorde 3 400 grâces. Sollicité par toutes sortes d'influences, Louis-Napoléon Bonaparte use de son côté largement de son droit de grâce, souvent sur requête de tiers, à l'instar de ce que fit personnellementGeorge Sand auprès du président. Le nombre des transportations en Algérie passe ainsi de 6 151 (chiffre représentant les transportations réellement effectuées[151]) à 3 006 et, en fin de compte, le nombre des républicains remis en liberté passe de 5 857 (libérés en) à 12 632 (au)[152].
Conformément à sa proclamation au peuple, Louis-Napoléon rétablit le suffrage universel et convoque les électeurs (hommes) les-,« 10 jours seulement après l'élimination des derniers nids de résistance »[158], afin de se prononcer par plébiscite sur les réformes du « prince-président ». Face à la légalité constitutionnelle dont se prévalaient les défenseurs de la République, les bonapartistes opposent lesuffrage universel, placé au-dessus de la Constitution, et la confiance directe manifestée par le peuple comme seule source de légitimité[159]. La propagande bonapartiste ne manque pas également d'agiter la hantise du « péril rouge » et le thème de « sauveur de la Nation », appuyée par une administration zélée et une bonne partie du clergé catholique[158].
La consultation se déroule dans la terreur sur la partie du territoire encore en état de siège. Seuls les journaux favorables au plébiscite sont autorisés à paraître[160]. Le président jouit cependant d'une réelle popularité auprès des paysans et la nature de la consultation ne laisse guère de choix entre l'état de fait accompli et le néant. Du coup, les civils sont autorisés à voter à bulletin secret alors que l'armée et la marine se prononcent à registres ouverts[161]. Cependant, dans certaines régions, seuls les bulletinsOui sont imprimés, lesNon devant être écrits à la main avant que le bulletin ne soit donné au président du bureau de vote pour qu'il le glisse lui-même dans l’urne[162].
À la suite du ralliement du clergé et de bon nombre des parlementaires de la majorité qui ont été arrêtés le et ont voté sa déchéance[163], le corps électoral se prononce favorablement sur la révision par 7 439 216 « oui » contre 640 737 « non » (résultats provisoires du) ou 7 481 231 « oui » contre 647 292 « non », pour les résultats définitifs publiés par le décret du (pour environ10 millions d’inscrits et 8 165 630 votants dont 37 107 nuls)[164]. Si les principaux foyers d'opposition se trouvent dans les grandes villes, le seul canton rural à voter en majorité pour le « non » estcelui de Vernoux, dans l'Ardèche[161].
Le, lors de la présentation des résultats, Louis-Napoléon déclare :« La France a répondu à l’appel loyal que je lui avais fait. Elle a compris que je n’étais sorti de la légalité que pour rentrer dans le droit »[165].
Selon l'historienJean-Yves Mollier,« la décapitation et la terrorisation du camp démocrate furent immédiates. Il fallait tuer pour être compris, avait prévenu Morny, et l’on fit couler suffisamment de sang pour impressionner l’opinion ». En conséquence, le nombre des suffrages « non » est« remarquable tant il fallut de courage physique et mental, ce jour-là, pour oser exprimer ainsi sa réprobation du crime »[166]. Pour le président,« plus de sept millions de suffrages » venaient de« l'absoudre en justifiant un acte qui n'avait d'autre but que d'épargner à la patrie et à l'Europe peut-être des années de trouble et de malheur »[167].George Sand, d'opinion républicaine, constate qu'« il y eut terreur et calomnie avec excès, mais le peuple eût voté sans cela comme il a voté. En 1852, ce 1852 rêvé par les républicains comme le terme de leurs désirs et le signal d'une révolution terrible, la déception eût bien été autrement épouvantable. Le peuple eût résisté à la loi du suffrage restreint et voté envers et contre tout, mais pour qui ? Pour Napoléon »[168]. Le philosophe et historienHippolyte Taine témoigne de l'impopularité de l'Assemblée dissoute et du soutien des campagnes à Louis-Napoléon, estimant aussi que« Bonaparte n'est pas pire que les autres. L'Assemblée haïssait la République plus que lui et, si elle avait pu, elle aurait violé son serment pour mettre au trôneHenri V, ou les Orléans et au pouvoir M. Changarnier »[169].
Finalement, comme le note l'historienPierre Milza, une majorité des Français n'a pas désapprouvé Louis-Napoléon[158] et en est même satisfaite[160] comme le reconnaît aussi amèrementFrançois Guizot :« Le pays, il serait puéril de le dissimuler, le gros du pays s'est félicité du coup d'État du 2 décembre. Il s'est senti délivré dans le présent de l'impuissance à laquelle le président et l'Assemblée se réduisaient mutuellement. Il s'est cru délivré pour 1852 de tous les périls et de tous les maux qu'il attendait à jour fixe. Il a baissé la tête, un peu honteux du coup ; mais en baissant la tête, il a respiré, content au fond, quoique humilié ». Il ajoute cependant que le peuple« a espéré du repos et un gouvernement » mais qu'il ne les a pas[170].
Louis-Napoléon prend alors la responsabilité d'être le fossoyeur de laDeuxième République ce dont l'histoire républicaine lui tient longtemps rigueur, oubliant souvent que l'Assemblée a songé à plusieurs reprises à faire de même, en recourant à l'armée pour se débarrasser du président et pour rétablir la monarchie[136]. Le coup d'État du« 2 décembre a donné naissance à une légende noire »[171] fondée en partie sur la version donnée par Victor Hugo dans son livreHistoire d'un crime que l'historienLouis Girard caractérise cependant comme« peu crédible dans l'ensemble » mais qui apparaît, selon l'historienPierre Milza, comme« le récit le plus circonstancié » à défaut d'être le plus exact du coup d'État[172],[n].
Carte d'électeur pour le scrutin sur le plébiscite soumis au peuple français conformément aux décrets des et, délivrée à Paris à Germain Jacques-Jules Passérieu, commis tailleur (2e arrondissement).
Résultats du plébiscite des et.
Louis-Napoléon Bonaparte rétablissant le suffrage universel, le, estampe de propagande.
La Constitution française est donc modifiée. Le prince-président avait promis le« retour à la légalité républicaine » sans en donner de définition précise. La république qu'il conçoit a pour but d'œuvrer au bien commun et implique qu'elle soit dirigée d'une main ferme par un chef capable de trancher entre les intérêts divergents et d'imposer l'autorité de l'État à tous[173]. Il avait ainsi exposé sa conception de ladémocratie césarienne quelques années plus tôt dansDes Idées napoléoniennes où il écrivait que« dans un gouvernement dont la base est démocratique, le chef seul a la puissance gouvernementale ; la force morale ne dérive que de lui, tout aussi remonte directement jusqu'à lui, soit haine, soit amour »[174]. Les éléments clefs dubonapartisme, alliant autorité et souveraineté du peuple, sont ainsi clairement exposés[175] : le régime bonapartiste serait donc autoritaire tout en recherchant l'approbation des masses[176].
Une commission de 80 membres est chargée de préparer un texte constitutionnel. Celui-ci est principalement l'œuvre de Persigny, deCharles de Flahaut et des juristesJacques-André Mesnard,Eugène Rouher etRaymond Troplong. Fondée au terme de son premier article sur les grands principes proclamés en 1789, la république consulaire, qui est ainsi instituée par lanouvelle Constitution et promulguée le, confie le pouvoir exécutif à un président élu pour dix ans (article 2) seul responsable devant le peuple français auquel il a toujours droit de faire appel (article 5). Le nouveau régime politique est donc plébiscitaire et non parlementaire. Le chef de l'État a seul l'initiative des lois qu'il sanctionne et promulgue alors que les ministres ne sont responsables de leurs actes que devant lui. Le président nomme par ailleurs à tous les emplois civils et militaires et la justice se rend en son nom. Il est aussi seul apte à déclarer la guerre et à conclure les traités de paix ou de commerce. La Garde nationale est réorganisée en une armée de parade. Un serment de fidélité à sa personne ainsi qu'à la Constitution est institué pour les fonctionnaires et les élus[177],[178].
De janvier jusqu'au, Louis-Napoléon Bonaparte est le seul des trois moyens de gouvernement alors en place[179]. Il légifère durant cette période par des« décrets dictatoriaux » que l'on appellerait aujourd'hui desdécrets-lois[180]. Celui du, reprenant une proposition de loi deJules Favre déposée en 1848 et qui voulait déclarer acquis au domaine de l'État les biens de l'ancien roi des Français, interdit à lafamille d'Orléans de posséder des biens en France et annule les dotations financières attribuées autrefois à ses enfants parLouis-Philippe Ier, le produit des séquestres étant réparti entre les sociétés de secours mutuel, les logements ouvriers, la caisse des desservants ecclésiastiques et laLégion d'honneur[181],[182]. Pour les royalistes orléanistes et les bourgeois nostalgiques de lamonarchie de Juillet, ces dispositions sont démagogiques et équivalentes à une spoliation. La partie bourgeoise de l'électorat y voit notamment un coup porté au droit de propriété. Cette affaire provoque d'ailleurs des tensions au sein même du camp bonapartiste. Laprincesse Mathilde, qui tente d'obtenir la grâce des princes d'Orléans, est désavouée alors que quatre membres importants du gouvernement (Rouher,Fould,Magne et Morny[o]) démissionnent pour marquer leur désaccord. Commentant cette affaire, l'écrivainAlexandre Dumas, lui-même poursuivi par des créanciers après la faillite de son théâtre et qui doit se réfugier à Bruxelles, s'exclame« l'oncle prenait des capitales, le neveu veut prendre nos capitaux »[183].
D'autres décrets réorganisent la Garde nationale alors que« les associations ouvrières, en fait des coopératives de production, sont presque toutes dissoutes ». En revanche, les sociétés de secours mutuelles,« si elles acceptent le patronage des membres honoraires qui les subventionnent, du maire et du curé », sont favorisées[184]. Il s'agit, dans l'esprit de Louis-Napoléon, de promouvoir« le bien-être du peuple mais ne pas tolérer de sociétés de résistance sous couvert d'œuvres sociales »[184]. En même temps, c'est par un décret du prince-président que les congrégations de femmes sont autorisées[184]. Le décret du sur la presse reprend en les aggravant les conditions antérieures exigées pour la diffusion, exige pour toute création une autorisation préalable de l'administration et inaugure la procédure des avertissements pour les journaux politiques (Le journal des débats,Le Siècle)[185],[156]. Le régime électoral est précisé par un décret dictatorial du qui rend électeur tout homme de21 ans comptant6 mois de domicile. Lescrutin d'arrondissement à deux tours est adopté de préférence à celui du scrutin de liste en vigueur sous la Deuxième République. Enfin, parmi les dispositions les plus innovatrices et remarquées depuis figure celle qui établit les bureaux de vote dans chaque commune, et non plus au chef-lieu de canton, comme c'était le cas depuis 1848. L'historienMaurice Agulhon note que cette innovation,« en facilitant et familiarisant […] la pratique du vote, ne pouvait que contribuer à l'éducation civique de l'électeur, ce qui se produira en effet peu à peu au long du Second Empire »[186].
Parallèlement et concrètement, le statut du président évolue pour devenir celui d'un monarque : il signe Louis-Napoléon, se laisse appelerSon Altesse Impériale ; ses amis et partisans sont récompensés pour leur fidélité ; une cour s'installe ; lesaigles impériales sont rétablies sur les drapeaux, lecode civil est rebaptisé code Napoléon, le célèbre laSaint-Napoléon, premier modèle réussi en France de fête nationale populaire[187] alors que l'effigie du prince-président fait son apparition sur les pièces de monnaie et les timbres-poste[181].
Pourtant Louis-Napoléon hésite à rétablir l'institution impériale, aspirant toujours à une réconciliation avec la gauche modérée[181]. En février, il est procédé auxélections des membres duCorps législatif. Pour ces premières élections de lanouvelle république consulaire, les préfets ont reçu les consignes de mettre l'administration au service descandidats officiels[156], depuis les juges de paix jusqu'aux gardes-champêtres et aux cantonniers[188]. Celle-ci utilise alors tous les moyens possibles pour faciliter l'élection du candidat officiel, que ce soit par l'octroi de subventions, de faveurs, de décorations mais aussi de bourrage d'urnes, de menaces contre les candidats adverses et de pressions exercées par les notables sur leurs dépendants[188]. Au soir des résultats, les candidats officiels ont obtenu 5 200 000 voix contre 800 000 aux divers candidats d'opposition. Les authentiques bonapartistes ne représentent pourtant qu'un tiers des députés élus dont une bonne moitié issue de l'orléanisme, les autres étant d'origines et d'allégeances diverses. Ainsi, dans le premier Corps législatif de la république consulaire, on trouve aussi35 députés légitimistes (dont trois élus sur liste officielle),17 orléanistes,18 conservateurs indépendants, deux catholiques libéraux et trois républicains[188]. Les opposants qui parviennent à se faire élire doivent néanmoins prêter serment de fidélité au chef de l'État et à la Constitution s'ils veulent siéger. En conséquence, les trois députés républicains élus, qui refusent de prêter serment, ne siègent pas à l'Assemblée[189].
Afin de tester la possibilité du rétablissement éventuel de l'institution impériale, Louis-Napoléon entreprend, à compter du, un voyage dans l'Hexagone dans la pure tradition de l'idéologie bonapartiste d'appel au peuple. Il doit se rendre notamment dans les régions qui avaient connu des troubles lors du coup d'État. Le périple est en fait balisé par son ministre de l'intérieur, Persigny, qui a la particularité d'être le plus favorable de ses ministres au rétablissement de l'Empire. Partout où il passe, d'Orléans àMarseille, le prince-président ne voit que des partisans réclamer l'Empire alors que sont distribués de l'argent et des cadeaux aux hauts fonctionnaires locaux[190].
Si, enEurope, le coup d'État a été accueilli favorablement par presque tous les gouvernements[192], les signes annonciateurs du rétablissement du régime impérial inquiètent, obligeant Louis-Napoléon à préciser ses intentions :« Certaines personnes disent : l'Empire c'est la guerre. Moi, je dis, l'Empire, c'est la paix. C'est la paix, car la France le désire, et lorsque la France est satisfaite, le monde est tranquille. La gloire se lègue bien à titre d'héritage, mais non la guerre […]. J'en conviens, cependant, j'ai, comme l'Empereur, bien des conquêtes à faire. Je veux, comme lui, conquérir à la conciliation les partis dissidents et ramener dans le courant du grand fleuve populaire les dérivations hostiles qui vont se perdre sans profit pour personne […]. Nous avons d'immenses territoires incultes à défricher, des routes à ouvrir, des ports à creuser, des rivières à rendre navigables, des canaux à terminer, notre réseau de chemin de fer à compléter. Nous avons en face de Marseille un vaste royaume à assimiler à la France. Nous avons tous nos grands ports de l'Ouest à rapprocher du continent américain par la rapidité de ces communications qui nous manquent encore. Nous avons enfin partout des ruines à relever, de faux dieux à abattre, des vérités à faire triompher. Voilà comment je comprends l'Empire, si l'Empire doit se rétablir »[193].
Le, le président est de retour à Paris où des arcs de triomphe gigantesques ont été dressés, couronnés de banderoles àNapoléon III, Empereur[194].
Le, par86 voix contre une seule, unsénatus-consulte rétablit la dignité impériale, approuvé deux semaines plus tard, lors d'un plébiscite, par 7 824 129 voix contre 253 149 et un demi-million d'abstention[195],[p]. PourJules Ferry, l'authenticité du résultat du vote ne peut être mise en doute et démontre l'expression« passionnée, sincère et libre » de la classe paysanne telle que déjà exprimée lors de l'élection présidentielle de 1848 et en, tandis que le journaliste libéralLucien-Anatole Prévost-Paradol se déclare guéri du suffrage universel[196] et dénonce le monde paysan et campagnard comme une« profonde couche d'imbécilité rurale et de bestialité provinciale »[197].
L'Empereur étant célibataire et sans postérité légitime, la question de la succession dynastique n'est pas tranchée. Plusieurs membres des différentes familles régnantes européennes sont approchés pour un éventuel mariage impérial mais sans donner de résultats, notamment en raison des mœurs du prétendant (Napoléon III est déjà au moins le père de deux enfants naturels et vit avec une ancienne courtisane)[199].En 1849, il a fait la connaissance de la jeune comtesse deTeba lors d'une réception à l'Élysée. De haut lignage espagnol, éduquée au couvent du Sacré-Cœurrue de Varenne à Paris,Eugénie de Montijo est une jeune femme instruite et cultivée de la noblesse, proche deStendhal et deProsper Mérimée. Dès leur rencontre, celui qui n'est alors que le prince-président est séduit. Le siège qu'il entreprend auprès d'Eugénie dure deux ans. Les familiers de l'Empereur sont au début assez partagés envers la comtesse espagnole, certains souhaitant que l'Empereur se lie avec une famille régnante comme autrefois Napoléon avec Marie-Louise. Le, un incident lors d'un bal aux Tuileries, où la jeune Espagnole se fait traiter d'aventurière par l'épouse d'un ministre, précipite la décision de Napoléon III de demander Eugénie en mariage alors qu'il vient de mettre un terme à sa relation avec Miss Howard[200].
Seul détenteur du pouvoir exécutif, l'Empereur prend souvent ses décisions seul. Parfois« entêté dans l'indécision », selon l'expression d'Émile Ollivier, il se montre tout au long de son règne de plus en plus souvent hésitant, maladroit ou empêtré dans ses contradictions ce qui, dans son régime de pouvoir personnel, pèse immanquablement sur l'évolution générale de la politique française. Ses contradictions sont aussi dues à la nature composite de ses idées et de son entourage. Le régime manque d'un véritable parti bonapartiste et d'une doctrine cohérente. Il repose principalement sur l'addition d'un grand nombre de ralliements dont les intérêts et motivations sont très divers, voire parfois contradictoires[213]. Il y a ceux qui se réclament d'un« bonapartisme de gauche » populaire et anticlérical et ceux qui sont d'un« bonapartisme de droite » conservateur et clérical[213]. L'Empereur en est conscient, lequel déclare un jour :« Quel gouvernement que le mien ! l'Impératrice est légitimiste,Napoléon-Jérôme républicain,Charles de Morny,orléaniste ; je suis moi-mêmesocialiste. Il n'y a debonapartiste quePersigny : mais Persigny est fou ! »[213]. En plus de Morny et Persigny, il peut aussi compter surEugène Rouher, son homme de confiance de 1863 à 1869 qui fait figure de « vice-empereur », comme le qualifia Émile Ollivier[214], c'est-à-dire un Premier ministre sans le titre[215].
Depuis sa captivité à Ham, l'état de santé de Louis-Napoléon Bonaparte est fragile[222]. Cumulantrhumatisme, poussées hémorroïdaires, troubles digestifs et crises degoutte[222], l'Empereur à partir de 1856[223], se rend annuellement en cure d'abord àPlombières puis àVichy, faisant la renommée de ces deux villes.
En 1861, les médecins décèlent chez lui un calcul vésical, responsable de nombreuses et fortes douleurs dans le bas-ventre et de gêne urinaire. C'est unelithiase dont les crises, d'abord espacées et brèves, deviennent chaque année de plus en plus nombreuses et longues.
En 1863, l'Empereur est victime d'unehématurie et son état de santé se dégrade brusquement[222]. En décembre, il est pris de malaise lors d'une réception officielle aux Tuileries et fait unecrise cardiaque en 1864 au cours d'une visite nocturne chez sa maîtresse,Marguerite Bellanger[222].
En 1865, la détérioration de l'état de santé de l'Empereur l'oblige à ajourner des déplacements et à renoncer à participer à un conseil des ministres. Les crises s'enchaînent, y compris lorsqu'il est en cure. Physiquement, l'Empereur accuse le coup. Prématurément vieilli comme l'attestent notamment ses portraits de l'époque[222], il se tasse et prend de l'embonpoint alors que ses déplacements sont rendus plus difficiles[224]. Sa déchéance physique compromet sa capacité à gouverner, une grande partie de son énergie étant consacrée à lutter contre la maladie et à cacher sa souffrance à ses interlocuteurs.
En dépit des périodes où la maladie est moins présente, durant les années 1867 et 1868, la santé de l'Empereur continue de se dégrader et fait l'objet de rumeurs dans la capitale. Devenu un souverain intermittent, Napoléon III arrive à diriger normalement la France entre deux crises ou alors souschloral, qui provoque néanmoins de fréquentes somnolences[225]. L'Impératrice, consciente de la situation et de la fragilité du régime, sait que le prince impérial est trop jeune pour succéder à son père. Aussi s'attache-t-elle à se constituer une clientèle de fidèles et à préparer une éventuellerégence alors que, à partir de 1866, l'Empereur l'appelle à siéger à ses côtés au conseil des ministres afin de l'initier aux grandes affaires de l'État[226]. Eugénie révèlera plus tard qu'ils avaient pris la décision d'abdiquer en 1874, quand leur fils aurait18 ans, pour se retirer àPau et àBiarritz[227].
Les abus de la candidature officielle. Gravure extraite de l'ouvrage deTaxile Delord,Histoire illustrée du Second Empire, Paris, imprimerie G. Baillière, 1880-1883.
Les élections pour le renouvellement du Corps législatif ont lieu le. Face aux candidats officiels, soutenus par les services du ministre de l'intérieur, l'opposition est morcelée. Les candidats officiels remportent 85 % des suffrages exprimés (5 500 000 voix). Il y a deux millions d'abstentionnistes. Dans l'opposition (665 000 suffrages), ce sont néanmoins les républicains qui engrangent des voix supplémentaires, notamment dans les grandes villes (progression de 15 000 voix à Paris) mais leurs députés refusent de prêter serment et ne peuvent en conséquence siéger. Toutefois, aux élections complémentaires d', les cinq députés républicains qui sont élus (Jules Favre,Ernest Picard,Jacques-Louis Hénon,Louis Darimon etÉmile Ollivier) acceptent de prêter serment pour pouvoir siéger au parlement[231].
L'attentat manqué deFelice Orsini contre l'Empereur et l'Impératrice en 1858, qui fait de nombreuses victimes, a pour conséquence de durcir le régime[232]. Leministre de l'Intérieur,Adolphe Billault, est démis de ses fonctions et remplacé par legénéral Espinasse qui présente, le, un projet de loi de sûreté générale, devant le Corps législatif, permettant de punir de prison toute action ou complicité d'acte accompli dans le but d'exciter à la haine ou au mépris des citoyens les uns contre les autres. Ce projet de loi donne également pouvoir au gouvernement d'interner ou de faire expulser, après l'expiration de sa peine, tout individu condamné pour des délits relatifs à la sûreté de l'État ou pour offense contre la personne de l'Empereur, mais également tout individu ayant été condamné, exilé ou transporté à la suite des événements de, de et de[233]. Une fois le projet approuvé (facilement par le Corps législatif et par le Sénat mais de justesse par le Conseil d'État[234]), Espinasse reçoit carte blanche pour agir. En un peu plus d'un mois,450 personnes sont envoyées en prison ou transportées en Algérie avant que la loi ne soit mise en sommeil dès le pour ne plus jamais être appliquée[235].
Au cours des années 1860, le Second Empire prend une tournure libérale. Il desserre ainsi progressivement lacensure, libéralise le droit de réunion et les débats parlementaires. Sous l'influence notamment du duc de Morny, il se dirige lentement vers une pratique plus parlementaire du régime. Néanmoins, cette libéralisation parlementaire a réveillé l'opposition, qu'elle soit républicaine ou monarchiste, y compris la droite cléricale qui n'a pas apprécié la politique italienne de l'Empereur[236].
Cette libéralisation parlementaire accompagnée de l'amnistie générale réveille l'opposition. Si les républicains et les libéraux ont approuvé la politique italienne de l'Empereur ainsi que sa politique commerciale, celles-ci lui ont aliéné la sympathie des catholiques et des industriels, ce qui l'oblige à rechercher de nouveaux appuis dans le pays[213].
Les élections du interviennent dans un contexte économique et social difficile[241]. Plus de300 candidats d'opposition se présentent, les plus nombreux étant les républicains. Des alliances sont contractées entre monarchistes et républicains, notamment à Paris où l'orléaniste Adolphe Thiers se présente sur une liste unique comprenant une majorité de candidats républicains[242]. Finalement, avec 5 308 000 suffrages, les candidats gouvernementaux perdent des suffrages tandis que l'opposition obtient 1 954 000 votes et32 sièges (17 républicains et15 indépendants dont Thiers) alors que le taux d'abstention recule fortement (27 %). Si par leur vote les campagnes et les villes inférieures à 40 000 habitants ont soutenu les candidats officiels, les suffrages des grandes villes sont allés majoritairement à l'opposition[243].
En, Napoléon III annonce ce qu'il appelle des« réformes utiles » et une« extension nouvelle deslibertés publiques ». Un décret du remplace le droit d'adresse par le droit d'interpellation. La loi du sur la presse abolit toutes les mesures préventives : la procédure de l'autorisation est remplacée par celle de la déclaration et celle de l'avertissement est supprimée. De nombreux journaux d'opposition apparaissent, notamment ceux favorables aux républicains qui« s'enhardissent dans leurs critiques et leurs sarcasmes contre le régime » (L'électeur libre deJules Ferry,Le Réveil deCharles Delescluze,La Lanterne d'Henri Rochefort). La loi du sur les réunions publiques supprime les autorisations préalables, sauf celles où sont traitées les questions religieuses ou politiques. Néanmoins, la liberté des réunions électorales est reconnue[247].
Toutes ces concessions, si elles divisent le camp bonapartiste, restent insuffisantes pour les opposants au Second Empire.
Les élections législatives de donnent lieu à des combats de rue, ce qui ne s'était pas vu depuis plus de15 ans. Si les candidats favorables à l'Empire l'emportent avec 4 600 000 voix, l'opposition, majoritairement républicaine, rafle 3 300 000 voix et la majorité dans les grandes villes. Au Corps législatif, ces élections marquent le recul important des bonapartistes autoritaires (97 sièges) face au grand vainqueur, le Tiers Parti (125 sièges), et face aux orléanistes de Thiers (41 sièges) et aux républicains (30 sièges)[250].
En, Napoléon III nommeÉmile Ollivier, issu des bancs de l'opposition républicaine et l'un des chefs du Tiers Parti, pour diriger de fait son gouvernement. C'est la reconnaissance du principe parlementaire. Ollivier constitue alors un gouvernement d'hommes nouveaux en associantbonapartistes libéraux (centre droit) etorléanistes ralliés à l'Empire libéral (centre gauche), mais en excluant les bonapartistes autoritaires (droite) et les républicains (gauche). Il prend lui-même leministère de la Justice et desCultes, le premier dans l'ordre protocolaire, et apparaît comme le véritable chef du ministère sans en avoir le titre[250].
Cherchant à concilier ordre et liberté, Ollivier convainc l'Empereur de procéder à une révision constitutionnelle d'ensemble pour mettre sur pied unsystème semi-parlementaire. Les procédés de candidature officielle sont abandonnés. Unsénatus-consulte proposant un régime plus libéral est soumis à l'approbation du peuple lors d'un plébiscite (le troisième depuis 1851) : le, les réformes sont approuvées avec plus de sept millions de « oui » en dépit de l'opposition des monarchisteslégitimistes et des républicains qui ont appelé à voter « non » ou à s'abstenir[252]. C'est ainsi que se met en place la Constitution du. Napoléon III se serait exclamé à cette occasion :« J'ai mon chiffre ! »[253]. Émile Ollivier croit pouvoir dire de l'Empereur :« Nous lui ferons une vieillesse heureuse »[254].
Sous l'Empire, la France connaît des années de progrès économiques (création d'un système bancaire, développement duchemin de fer, transformation des grandes villes).
LeSecond Empire coïncide quasi exactement, entre deux dépressions économiques (celle de 1817-1847 et celle de 1873-1896) au quart de siècle deprospérité économique internationale qu'a connu la France auXIXe siècle[255]. Napoléon III fait appel au saint-simonienMichel Chevalier comme conseiller économique[256]. Sa politique économique, qui s'inspire dusaint-simonisme, est fortement étatiste dès le lendemain du coup d'État. Elle a pour objectif la relance de la croissance et la modernisation du pays[257]. En vingt ans, le pays a rattrapé une partie de son retard sur leRoyaume-Uni en matière d'infrastructures et de système financier bancaire, aidé par la politique volontariste de l'Empereur et son choix dulibre-échange[258].
Les campagnes et vignobles connaissent une belle prospérité, notamment du fait de leurs ventes croissantes vers les villes (grâce auchemin de fer) et l'exportation (vins, blé, céréales). La production industrielle, et en particulier le bâtiment (villes, stations touristiques, chemins de fer, canaux), le bois (charpentes, tonnellerie), la mécanique, l'acier et letextile, connaît une très forte croissance, de plus de 10 % certaines années. Cette production est dopée par les investissements dans des machines textiles plus rapides et le fort développement desmachines à vapeur. Lesexportations augmentent de 160 % de 1853 à 1869. Le taux moyen de croissance annuelle dépasse 2 % par an et souvent 5 % par an. Sur la décennie 1851-1860, les économistes divergent entre +30 % de croissance (Mayer) et +60 % (Froment). Lesfrères Pereire illustrent à eux seuls une partie de cette croissance, avec la création du trainParis-Saint-Germain, de la Compagnie du Midi, de laCompagnie Générale Transatlantique (paquebots), d'Arcachon, des grands hôtels et la construction des immeubles de la plaine Monceau ainsi que d'une rue de Marseille (République).
L'influence des saint-simoniens sur la politique économique se manifeste enfin par la politique mise en œuvre par l'Empereur pour mettre fin auprotectionnisme économique face à la concurrence étrangère, et ce en dépit de l'opposition des industriels français. Ainsi, le, la conclusion d'untraité de commerce avec le Royaume-Uni, négocié secrètement entreMichel Chevalier etRichard Cobden, fait alors figure de « coup d'État douanier ». Ce traité, abolissant non seulement lesdroits de douane sur les matières premières et la majorité des produits alimentaires entre les deux pays mais supprimant également la plupart des prohibitions sur les textiles étrangers et sur divers produits métallurgiques, est suivi par une série d'accords commerciaux négociés avec d'autres nations européennes (laBelgique, leZollverein, l’Italie, et l’Autriche). Cette ouverture économique des frontières stimule alors la modernisation du tissu industriel français et de ses modes de production[257].
Saint-simonien convaincu, inspiré notamment par son proche conseillerMichel Chevalier, Louis-Napoléon rêve d'une ville organisée et saine, avec de larges boulevards et avenues reliant facilement les pôles d'attraction, où le commerce et l'industrie puissent se développer et les plus démunis vivre dans des conditions décentes[274]. LeParis transformé par le Baron Haussmann est ainsi d'abord le Paris saint-simonien imaginé par le prince-président[275] dont beaucoup d'aspects figurent dans lesphalanstères deCharles Fourier et dans l'Icarie d'Étienne Cabet[276]. Suivant ces principes fouriéristes, Louis-Napoléon est à l'origine de la construction des 86 premierslogements sociaux deParis à lacité Rochechouart en 1851[277],[278] qu'il fait financer par le sous-comptoir du commerce et de l'industrie pour le bâtiment afin de pallier la défaillance duconseil municipal de Paris[279]. Il fait lui-même un don de 50 000 francs pour aider à la construction de cités ouvrières destinées au remplacement des logements insalubres de la capitale et fait traduire et publierDes habitations des classes ouvrières, de l'architecte britannique,Henry Roberts[280]. Par décrets présidentiels, en 1852, il affecte 10 000 000 francs, issus de la confiscation des biens des Orléans, à l'amélioration des logements ouvriers dans toutes les villes de France[181],[182].
Quand le,Georges Eugène Haussmann est nommé préfet de la Seine par Napoléon III, il est chargé de réaliser le Paris rêvé de l’Empereur dont la mission peut se résumer à« aérer, unifier et embellir la ville »[281]. La capitale, pour la première fois considérée dans son ensemble, est ainsi transformée en profondeur et modernisée avec la création d’un tissu cohérent de voies de communication. De nouvelles voies et axes reliant notamment les grandes gares entre elles sont percées, des perspectives et des places sont ouvertes tandis que de nombreux squares, espaces verts et jardins sont créés (Montsouris,Buttes-Chaumont,bois de Vincennes et deBoulogne,Boucicaut…). Plusieurs îlots misérables comme celui dit de lapetite Pologne sont rasés. L’Empereur lui-même veille de près sur les travaux et dessine le plan d’un ensemble de 41 pavillons destinés à l’usage des classes ouvrières situés avenue Daumesnil et qui sont présentés à l’Exposition universelle de 1867[282],[283].
La loi du repousse les limites de la capitale aux fortifications de Thiers. La ville absorbe onze communes en totalité (Belleville,Grenelle,Vaugirard,La Villette) ou en partie (Auteuil,Passy,Batignolles-Monceau,Bercy,La Chapelle,Charonne,Montmartre), ainsi que treize portions de communes[284]. La superficie de Paris passe ainsi de3 300 à7 100 hectares tandis que sa population gagne 400 000 habitants pour s'établir à 1 600 000 Parisiens. Paris est désormais réorganisé en vingt arrondissements[284] et80 quartiers[285]. En 1870 ville atteint 2 000 000 d'habitants.
Ces travaux du Second Empire modèlent le visage du Paris duXXe siècle. Ils ont cependant un coût non négligeable. Les opposants aux travaux conduits par Haussmann dénoncent notamment leur coût financier (les travaux coûtent 2,5 milliards de francs en dix-sept ans pour un budget initial de 1,1 milliard de francs, obligeant Haussmann à recourir à des bons de délégation émis par la Caisse des travaux de Paris, à creuser la dette de la ville et à se justifier par la théorie des dépenses productives[293]). À ces critiques financières s'ajoutent celles sur la vague despéculation immobilière (les loyers augmentent de 300 % sur toute la période) et leur coût social (refoulement des plus pauvres hors du centre de Paris). Enfin, une autre vague de critiques porte sur le coût culturel de ces travaux (comme la destruction de nombreux vestiges du passé, notamment sur l'île de la Cité[294]).
Si nombre de ces critiques peuvent être justifiées, il s'avère qu'il n'y a finalement pas d'accroissement du déséquilibre social dans la capitale par rapport à la période antérieure[295] et qu'en 1865, 42 % des Parisiens restent classés dans la catégorie des plus défavorisés car non imposables et qu'à la fin de l'administration haussmannienne en 1870, 65 % des logements parisiens sont occupés par des indigents, des ouvriers et par les représentants les plus modestes de la petite bourgeoisie[296]. Enfin, l'état d'insalubrité, le délabrement des édifices et les difficultés de circulation exigeaient quoi qu'il en fût une intervention publique.
Les opposants aux travaux dénoncent également les grands boulevards (très larges et rectilignes) permettant de mieux contrecarrer les éventuelles révoltes en empêchant la formation debarricades. Haussmann n'a jamais nié ce rôle quasi militaire de la percée de certaines des voies parisiennes, formant des brèches au milieu de quartiers constituant de véritables citadelles d'insurrections tels que ceux de l'hôtel de ville, dufaubourg Saint-Antoine et des deux versants de lamontagne Sainte-Geneviève. Cependant, il a répondu que la majorité de grandes artères percées permettaient surtout d'améliorer la circulation entre les gares, entre celles-ci et le centre-ville et aussi à aérer la ville pour éviter les foyers infectieux[297].
À partir de 1862, sa politique sociale se montre plus audacieuse et novatrice que durant la décennie écoulée[300]. En, il fonde laSociété du prince impérial, destinée à prêter de l'argent aux ouvriers et à aider les familles temporairement dans le besoin. Son projet de loi visant à créer une inspection générale du travail, pour faire respecter la loi de 1841 sur le travail des enfants, est cependant révoqué par le Conseil d'État[301]. La même année, sous les encouragements des parlementaires réformistes et de l'élite ouvrière, il subventionne l'envoi d'une délégation ouvrière conduite parHenri Tolain à l'Exposition universelle de Londres. Pour l'économiste et homme politique socialisteAlbert Thomas,« si la classe ouvrière se ralliait à lui [Napoléon III], c'était la réalisation du socialisme césarien, la voie barrée à la République. Jamais le danger ne fut aussi grand qu'en 1862. » De retour de Londres, la délégation ouvrière demande l'application en France d'une loi permettant auxtravailleurs de se coaliser sur le modèle de ce qui se faisait en Grande-Bretagne et, dans le contexte des élections de 1863 et de celles complémentaires de 1864, Tolain et les militants ouvriers rédigent lemanifeste des Soixante, un programme de revendications sociales qui affirme son indépendance vis-à-vis des partis politiques, notamment les républicains, et présente des candidats (qui sont finalement battus)[302]. L'Empereur appuie néanmoins leur vœu sur le droit de coalition. Malgré les réticences du Conseil d'État, un projet de loi préparé parÉmile Ollivier est adopté par le Corps législatif et par le Sénat. Ratifiée et promulguée par Napoléon III, la loi du reconnaît pour la première fois ledroit de grève en France[303] du moment qu'il ne porte pas atteinte à la liberté du travail et s'exerce paisiblement[304]. De nombreux ouvriers sont alors séduits par la politique sociale de l'Empereur mais leur ralliement au régime n'est cependant pas massif[305]. Les contacts pris à Londres avec les représentants ouvriers de divers pays ont abouti à la création, en 1864, de l'Association internationale des travailleurs (AIT)[306] qui ouvre un bureau en France en 1865, dirigé parHenri Tolain[307].
En dépit de la reconnaissance de ce droit de grève, les syndicats proprement dit demeurent prohibés. Une circulaire impériale du demande d'abord aux préfets de laisser se tenir les rassemblements ayant des revendications purement économiques. Puis, le droit d'organisation dessalariés dans des associations à caractèresyndical est reconnu dans une lettre du et par un décret du portant création d'une caisse impériale des associations coopératives.
En, lors du congrès de Lausanne[308], l'AIT proclame que« l'émancipation sociale des travailleurs devait s'accompagner d'une émancipation politique »[308] et ce« en complète rupture avec l'esprit du mutuellisme proudhonien et avec lemanifeste des Soixante »[309]. Deux jours plus tard, lors ducongrès de la paix et de la liberté àGenève,« l'Internationale s'en prend vivement aux armées permanentes et aux gouvernements autoritaires »[306], visant notamment Napoléon III[309]. La section parisienne est finalement dissoute pour avoir participé à des manifestations à caractère politique comme des protestations contre l'envoi à Rome de troupes françaises[310],[311]. Le, les chambres syndicales sont officiellement tolérées par le gouvernement[312]. Mais si le gouvernement envisage la légalisation des syndicats avec, pour corollaire, leur ralliement au socialisme césarien, il ne peut tolérer un ralliement au socialisme international marxiste qui semble se profiler au travers de l'AIT[306]. Le ralliement, pour la première fois, de la majorité des ouvriers aux candidats républicains lors des élections législatives de 1869 confirme alors l'échec de la politique d'ouverture sociale de Napoléon III.
En dépit de toutes ses déconvenues pour se rapprocher des ouvriers, Napoléon III décide de maintenir ce qu'il considère être son œuvre sociale[306]. Des soupes populaires sont organisées pour les pauvres alors que se mettent en place les premiers systèmes deretraites et qu'une loi fonde une caisse d’assurance décès et une caisse d’assurance contre lesaccidents du travail (1868)[312]. Le, une loi abroge un article ducode civil qui donnait primauté, en cas de contentieux, à la parole du maître sur celle de l’ouvrier[312]. Le, le Conseil d’État refuse de valider le projet de suppression dulivret d'ouvrier, une demande récurrente de Napoléon III[313].
Sur la période, si la grande misère recule et si le niveau de vie des ouvriers reste précaire, leur pouvoir d'achat a cependant réellement augmenté alors que les périodes de sous-emploi se font plus brèves[257].
Dans le même temps,Victor Duruy, le ministre de l'Instruction publique, met l'accent sur l'enseignement populaire alors que les premières années de la décennie ont été marquées en ce domaine par quelques avancées : en 1861,Julie-Victoire Daubié est ainsi la première femme reçue aubaccalauréat, sans avoir à faire de demande exceptionnelle[314].
Membre du gouvernement impérial de 1863 à 1869, Duruy ouvre l'enseignement secondaire aux jeunes filles et s'efforce, à partir de 1865, de développer l'enseignement primaire, en dépit de l'hostilité de l'Église catholique romaine qui craint une perte de son influence.
Ayant plaidé la constitution d'un grand service public de l'enseignement primaire, gratuit et obligatoire — auprès de l'Empereur avec succès, puis auprès du Corps législatif sans succès —[315], il impose, en 1866 et 1867, l'obligation pour chaque commune de plus de500 habitants d'ouvrir une école pour filles, l'extension de la gratuité de l'enseignement public du premier degré à 8 000 communes, l'institution d'uncertificat d'études primaires sanctionnant la fin du cycle élémentaire, et il développe les bibliothèques scolaires[316],[317].
Il rend obligatoire dans lesprogrammes scolaires du primaire l'enseignement de l'histoire et de la géographie, restitue laphilosophie dans le secondaire et y introduit l'étude de l'histoire contemporaine, les langues vivantes, le dessin, la gymnastique et la musique[317].
L'appui de Napoléon III au projet deFerdinand de Lesseps, par ailleurs cousin de l'Impératrice, de percer lecanal de Suez est déterminant à plusieurs occasions. Après plusieurs hésitations, l'Empereur accepte de patronner l'entreprise et de faire pression diplomatiquement sur l'Empire ottoman, hostile au projet. Il sauvera encore à plusieurs reprises les travaux en les soutenant face au vice-roi d'Égypte (1863-1864), une nouvelle fois face au Sultan (1865-1866) et encore en 1868 en consentant un emprunt pour renflouer la compagnie de Lesseps au bord de la faillite. Cependant, le contexte politique et social ainsi que sa santé précaire ne lui permettent pas de se rendre enÉgypte pour voir l'achèvement des travaux, laissant son épouse assister seule à l'inauguration du canal de Suez le[320].
Désireux de faire apparaître son règne comme celui du« progrès scientifique et social, de l’industrie et des arts, de la grandeur retrouvée de la France », Napoléon III trouve en laphotographie (son invention est traditionnellement datée de 1839) un instrument moderne permettant de réaliser cette ambition politique pour diffuser largement son image et les événements de son règne au côté des techniques plus traditionnelles qu'étaient notamment la peinture et la sculpture[321].
Cette période est cependant caractérisée par la richesse de sa littérature, deFlaubert àGeorge Sand ou aux frèresEdmond etJules de Goncourt. La construction de l'opéra Garnier illustre l'importance accordée au monde du spectacle, élément de la « fête impériale ». Les spectacles en ville se développent notamment l'opéra-bouffe, un genre dans lequel triomphe le compositeurJacques Offenbach, mais aussi les pièces de théâtre comme celles d'Eugène Labiche qui remportent un franc succès. Bien que ces deux personnalités assument leur bonapartisme[r], leurs œuvres se livrent à une« critique corrosive mais souriante de la société impériale »[322].
Doté d'une forte pension officielle et d'une très confortable liste civile, les fêtes et les réceptions grandioses de l'Empereur et de l'Impératrice auxTuileries, àSaint-Cloud ou àCompiègne confèrent aussi à la « fête impériale » un rôle depropagande. De nombreux artistes telsEugène Delacroix,Gustave Flaubert,Prosper Mérimée mais aussi des personnalités du monde scientifique commeLouis Pasteur participent notamment auxséries, des fêtes données pendant toute une semaine aupalais de Compiègne par le couple impérial[323].
En 1851, préparant la restauration impériale, Louis-Napoléon Bonaparte cherche à rassurer l'opinion française et européenne en déclarant à Bordeaux :« L'Empire, c'est la paix ! » (). L'ordre européen alors en place est pourtant celui issu ducongrès de Vienne de 1815 qu'il récuse, non seulement parce qu'il a été établi par les vainqueurs de Napoléon Ier afin de contenir les ambitions territoriales et politiques de la France mais aussi parce qu'il méconnaît le principe des nationalités dont Louis-Napoléon est un ardent défenseur[333]. Le Royaume-Uni se tient sur ses gardes. De fait, en octobre, le Premier Ministre — Lord Derby — communique au Secrétaire duForeign Office, l’information obtenue de source sûre, selon laquelle le Prince-Président nourrit le projet d’envahir la Grande-Bretagne, et s’y verra même bientôt« contraint par les aspirations du peuple français, la ferveur de l’armée et la nécessité impérieuse dans laquelle il se trouve. Il lui faudra alors un nouveaucoup de théâtre (en français dans le texte) »[334].
L'Empereur connaît des réussites dans un premier temps, alors même qu'il doit composer avec une haute administration et des diplomates majoritairement monarchistes et opposés au césarisme de Napoléon III[337].
Coïncidant avec la naissance de son héritier le, letraité de Paris est un triomphe personnel pour l'Empereur qui replace la France aux côtés des grands royaumes européens, efface des esprits le congrès de Vienne de 1815 et se pose en arbitre du continent. Les Anglais et les Français non seulement obligent la Russie à reconnaître l’indépendance de l’Empire ottoman mais ils obtiennent aussi la neutralisation de lamer Noire et l’autonomie des deux principautés ottomanes deMoldavie et deValachie. Le Piémont-Sardaigne, allié des vainqueurs, profite de l'occasion pour dénoncer l'occupation de l'Italie par l'Autriche des Habsbourg et de prendre ainsi date auprès de l'Empereur des Français. La signature de ce traité marque également l'apogée de la bonne entente de Napoléon III avec laGrande-Bretagne de la reineVictoria[333],[339],[340].
La politique italienne de l'Empereur — en faveur de l'unification et au détriment de l'Autriche — permet à la France d'annexer, après unplébiscite, lecomté de Nice et laSavoie (1860), l'Empereur ayant pris le commandement de l'armée lors des batailles deMagenta etSolférino pendant la campagne d'Italie[342]. Au nom du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, Napoléon III veut s'engager contre l'Autriche et mettre un terme à sa domination sur l'Italie, alors morcelée en divers duchés, principautés et royaumes, pour construire une Italie unie. Mais les militaires français refusent régulièrement une guerre ouverte, trop risquée. Par ailleurs, l'unification italienne pourrait menacer le pouvoir temporel du pape, tandis que les banquiers craignent les coûts et répercussions économiques possibles d'une telle aventure[343].
C'est l'attentat manqué d’Orsini qui convainc pourtant l’Empereur de s'impliquer. Il contacte secrètementCamillo Cavour, président du Conseil des ministres du royaume dePiémont-Sardaigne à qui il propose son aide pour la création d'un royaume de Haute-Italie, lors desaccords de Plombières (), en échange duduché de Savoie et ducomté de Nice ainsi que du maintien du pouvoir temporel du pape à Rome. Il n'est pas question pour l'Empereur de faire l'unité de la péninsule mais plutôt d'aider les populations d'Italie du Nord (Piémont,Sardaigne,Lombardie,Vénétie,Parme etModène) à s'affranchir de la puissance autrichienne tandis que le reste de la péninsule se partagerait entre un royaume d'Italie centrale (Toscane,Marches,Ombrie,Rome etLatium) et leroyaume de Naples[344]. Untraité d'alliance avec le Piémont-Sardaigne est signé en bonne et due forme le.
Il obtient néanmoins l'annexion du comté de Nice à la France ainsi quecelui de la Savoie. Letraité de Turin, en, entérine ce changement de souveraineté tout comme l'annexion au Piémont-Sardaigne des duchés de Toscane, de Parme et de Modène. La limite géographique des territoires cédés n'est cependant pas clairement fixée[s] et l'exécution du traité est subordonnée à son approbation par les populations concernées. Ainsi, la population niçoise semble tout d'abord assez réticente à ce changement de souveraineté. Lors des élections législatives de, les deux députés élus par les Niçois au parlement deTurin sontGiuseppe Garibaldi etCharles Laurenti Robaudi, tous deux farouchement opposés à l'annexion. Cependant, à l'appel du roi Victor-Emmanuel, la population finit par accepter son changement de souveraineté lors du plébiscite des et où le « oui » remporte officiellement 83 % des inscrits dans l'ensemble du comté de Nice et 86 % dans la ville même de Nice. En Savoie, les mêmes réticences s'expriment. Certains veulent être indépendants et d'autres réclament leur réunion à laSuisse. Le résultat du plébiscite organisé dans les mêmes conditions qu'à Nice donne une victoire très large aux partisans de la réunion à la France. Le, la réunion de la Savoie à la France devient effective sous la forme de deux départements : laSavoie et laHaute-Savoie. L'année suivante, ce sontMenton etRoquebrune, deux villes libres placées sous la protection de lamaison de Savoie et également consultées lors du plébiscite d'avril 1860, qui rejoignent le département français desAlpes-Maritimes après dédommagement duprince Charles III de Monaco[348].
Dans l'Ouest africain, la présence française se renforce auSénégal grâce au colonelLouis Faidherbe, gouverneur de 1854 à 1865[364]. La construction du poste deMédine en 1865 assure alors le contrôle de toute la vallée du fleuve Sénégal[364],[365].
Après lapremière guerre de l'opium, close par la signature dutraité de Nankin — l’un destraités inégaux —, la Grande-Bretagne demande une révision du texte afin d’étendre ses privilèges en Chine[367]. À la suite de la torture[368] et du massacre du missionnaire catholiqueAuguste Chapdelaine enChine[369] — il aurait subi lesupplice du lingchi —, ainsi que de la saisie contestée d’un navire battant pavillon britannique (Incident de l'Arrow)[369],[370], la France intervient militairement aux côtés de la Grande-Bretagne. En, les forces anglo-françaises déclenchent laseconde guerre de l'opium. Après la prise et le bombardement deCanton en[371], la flotte franco-britannique remonte vers le nord jusqu’aux forts de Dagu (Taku), aux abords dePékin, où de lourdes pertes sont infligées à l’escadre européenne lors d’une tentative en[369]. Un nouveau corps expéditionnaire, comptant environ 8 000 Français et 12 000 Britanniques, est envoyé en[372]. Après avoir dispersé des forces chinoises supérieures en nombre, les troupes investissent lepalais d’Été puis entrent dansPékin. Le conflit se conclut par la reddition chinoise et la signature desConventions de Pékin ()[373]. L’épisode est terni par la mise à sac et la destruction du palais d’Été[374], dont de nombreuses œuvres rejoignent notamment les collections duchâteau de Fontainebleau[375],[376].
Le, le baron Gros, envoyé par Napoléon III, débarque àShinagawa. Il entame aussitôt des négociations qui aboutissent, le, à l’élaboration dutraité de paix, d'amitié et de commerce auprès des plénipotentiaires du taikun ou shôgunat, empire du Mikado, et de l'empereur de l'Empire de France. Consuls et agents consulaires peuvent résider dans les ports ouverts au commerce français ; les agents diplomatiques et consulaires français ont la possibilité de voyager librement dans toutes les parties de l'empire, et sont ouverts au commerce et aux sujets français à compter du, les ports de Hakodate, de Kanagawa et deNagasaki, puis les ports de Niigata et deHyôgo[378].
À ce moment, les Français sont au nombre de cinquante-six, dont dix-sept occupés par le commerce de la soie, sur un total de deux cent quatre-vingt-trois étrangers. Le transport, d'abord confié aux intermédiaires britanniques, ne s'établit directement avec Marseille qu'après la mise en service d'une ligne régulière de paquebot-poste par laCompagnie des Messageries maritimes, en. Malgré de fortes réticences, le shôgunat accepte, en, de laisser partir 15 000 cartons de graines de vers à soie à bord du navire de guerre Dupleix à destination de la France. L'année suivante,Yoshinobu Tokugawa offre 15 000 cartons à Napoléon III, en échange de dix juments et dix étalons de race algérienne, d'un costume et d'unbicorne. En 1868, Léon de Rosny publie, pour le compte du ministère de l'Agriculture et du Commerce français, une traduction des manuels techniques japonais. Quand survient le changement de régime, en cette année 1868, la France est le premier pays importateur de soie japonaise ; elle achète plus de la moitié de la production : soie grège, bourre, déchets de soie, tissus, cocons et graines forment d'ailleurs la totalité des importations françaises en provenance du Japon. Il s’agit d’une réussite commerciale industrielle et financière cruciale et déterminante durant le règne de Napoléon III. En 1868, celui-ci rappelle l’ambassadeur Léon Roches en France, après la chute du Shôgunat[260].
Une fois l'ordre rétabli, le progrès serait au rendez-vous permettant à cet hypothétique nouveau centre de commerce et d'exploitation que serait un Mexique sous influence française de devenir le premier pays industrialisé d’Amérique latine, détournant des États-Unis des milliers de colonsitaliens,irlandais,grecs ou de ressortissants en provenance de tout autre pays en difficulté[384]. Si, pour son conseiller économiqueMichel Chevalier, l'ambition mexicaine constitue ainsi une« œuvre visionnaire et moderne », dans l'entourage d'Eugénie, l'enjeu politique et religieux prédomine avec la perspective de l'émergence d'une grandemonarchie catholique, modèle régional capable de contrer les États-Unis, république où l'État est séparé de l'Église, et, pareffet de dominos, de procurer des trônes pour les princes européens[384].
Afin officiellement de protéger les intérêts économiques français auMexique, Napoléon III s’allie, le, avec leRoyaume-Uni et l’Espagne pour lancer une expédition militaire. Des négociations ont lieu entre Mexicains et Européens, après que ces derniers ont signé laConvention de Soledad mais elles n'aboutissent qu'à une impasse. En, il ne reste plus au Mexique que la seule armée française à la suite du retrait du conflit des Britanniques et des Espagnols, peu enclins à suivre les initiatives de la France[384]. Après labataille de Las Cumbres suivie notamment dusiège de Puebla, la ville deMexico, capitale du pays, est prise le. La couronne du Mexique est proposée àMaximilien de Habsbourg, frère deFrançois-Joseph Ier d'Autriche, afin de compenser diplomatiquement l'engagement français en Italie et de resserrer l'alliance franco-autrichienne. Après avoir tergiversé une année, Maximilien l'accepte et entre, le, dans Mexico, accompagné de son épouse, l'Archiduchesse Charlotte[384].
En, laguerre de Sécession dans laquelle Napoléon III penche clairement en faveur du Sud[385],[386] [voirLa France et la guerre de Sécession] prend fin aux États-Unis. Cette issue permet au gouvernement américain d'apporter son soutien aux troupes du gouvernement républicain menées parBenito Juárez[384]. L'ampleur de la résistance mexicaine et l'appui des États-Unis à celle-ci obligent Napoléon III à ordonner le l'abandon de Mexico,Puebla etVeracruz. En, le dernier navire français quitte les rives du Mexique, laissant derrière lui l'Empereur Maximilien qui a refusé d'abdiquer. Fait prisonnier àSantiago de Querétaro, il est exécuté le[384]. En conséquence de cet abandon, le rapprochement avec l'Empereur François-Joseph est définitivement compromis[333]. L'ImpératriceCharlotte sombrera dans la folie. Réfugiée en Autriche au château de Miramar puis auprès de son frère en Belgique, elle mourra en 1927 sans avoir retrouvé la raison.
Le déroulement de la crise luxembourgeoise montre le poids des opinions publiques et la prégnance croissante dunationalisme. L'antagonisme entre la France et la Prusse en sort d'autant plus attisé que Napoléon III réalise désormais à quel point il a été joué par Bismarck depuis 1864[t], n'ayant obtenu aucune des compensations secrètement convenues avec le Prussien. En conséquence de l'expédition militaire au Mexique, du soutien à larévolte polonaise contre le Tsar et de la crise luxembourgeoise, la France se retrouve isolée en Europe, y compris de l'Angleterre, désormais méfiante envers les ambitions territoriales de son voisin[391],[392],[389].
Les tensions avec laPrusse sont avivées quand le princeLéopold de Hohenzollern se porte candidat le à lasuccession d'Espagne, vacante depuis deux ans[393], ce qui provoque des inquiétudes dans plusieurs chancelleries européennes : unHohenzollern sur le trône espagnol placerait la France dans une situation d'encerclement proche de celle de l'époque deCharles Quint.
Le prince retire sa candidature le[394], mais le gouvernement de Napoléon III subit lapression des belliqueux : une partie de la presse de Paris et de la Cour, ainsi que des opposants de droite ou de gauche[395]. Il exige un engagement écrit de renonciation définitive et une garantie de bonne conduite de la part deGuillaume Ier. Le Roi de Prusse confirme la renonciation de son cousin sans se soumettre à l'exigence française.
Même s'il se dit de nature pacifique[396], Napoléon III est affaibli par ses échecs internationaux antérieurs et a besoin d'un succès de prestige[396] avant de laisser le trône à son fils. Il n'ose pas contrarier l'opinion majoritairement belliciste, exprimée au sein du gouvernement et au parlement, y compris chez lesrépublicains[398], décidés à en découdre avec la Prusse, alors que quelques semaines plus tôt il avait hésité à s'opposer à la décision d'Ollivier de réduire le contingent militaire, et ce malgré les avertissements lucides deThiers[393].
La guerre est déclarée le. L'armée prussienne a d'ores et déjà l'avantage en hommes (plus du double par rapport à l'armée française), en matériels (lecanonKrupp) et même en stratégie, celle-ci ayant été élaborée dès 1866[333].
Désormais captif, il assiste avec le roiGuillaume de Prusse à l'acte de reddition de l'armée française au château de Bellevue situé près deFrénois, au sud de Sedan. Pendant leur discussion, il assure qu'il n'a pas voulu la guerre mais qu'il y a été contraint par l'opinion publique[401], ce à quoi le roi Guillaume lui réplique que ladite opinion avait été forgée par le ministère[402].
Autorisé à choisir son itinéraire, il choisit de passer par la Belgique, trajet plus court et plus facile. Il se rend d'abord àBouillon pour y loger la nuit du 3 au à l’hôtel de la Poste[404]. Le, il se rend à la gare deLibramont (alors la gare la plus proche pour se rendre en Allemagne), où un train spécial l’attend. Durant le trajet de Bouillon à Libramont, l'Empereur visite une batterie d'artillerie pourvue de canonsWahrendorff, qui se chargent par la culasse, et dont l'armée belge a été dotée à l'instar de l'armée prussienne. Napoléon se fait longuement expliquer le mécanisme. Puis, avec un soupir, il se tourne vers sa suite :« Voilà donc, Messieurs, ce canon qui nous a vaincus… »[405]. ÀJemelle, le train s'arrête en gare, et Napoléon rencontre son cousin le princePierre-Napoléon Bonaparte[w],[406]. Le convoi passe ensuite parLiège et s'arrête àVerviers où il loge la nuit du au à l’hôtel du Chemin de Fer[407]. Finalement, le, il reprend le train pour se rendre àCassel. Durant tout le trajet du château de Bellevue près de Sedan au château de Wilhelmshöhe près de Cassel, l'Empereur est accompagné par le général prussien de Boyen, aide de camp du roiGuillaume Ier de Prusse, et entre autres, legénéral Castelnau, son premier aide de camp. Durant la traversée de la Belgique, il est aussi accompagné par le généralChazal, commandant l’armée belge d’Observation mobilisée dès le début de la guerre.
Le, à Paris, la foule envahit lepalais Bourbon tandis que l'Impératrice Eugénie se réfugie chez le docteurThomas W. Evans, son dentiste américain, qui organise sa fuite vers l'Angleterre[408]. Legouverneur de Paris,Louis Jules Trochu, reste passif et le régime impérial ne trouve guère de défenseurs, les soutiens traditionnels qu'étaient l'armée et la paysannerie étant trop loin, le traumatisme lié à la capitulation et à la captivité de l'Empereur trop important et la pression populaire à Paris et dans les grandes villes trop forte[409]. Des députés (dontLéon Gambetta etJules Simon) se rendent à l'hôtel de ville de Paris et y proclament laRépublique. Un gouvernement provisoire qui prend le nom deGouvernement de la Défense nationale est alors formé[410].
Médaille satirique monétiforme, frappée après la défaite de Sedan par les opposants et Appel à la mise à mort de Napoléon III
télégramme anonyme du 9 juillet 1870 mettant la tête de Napoléon III à prix.
Affiche placardée dans les départements français après le.
Dans la plupart des départements français, le nouveau régime républicain est souvent accueilli dans l'indifférence. Dans un premier temps, peu nombreux sont ceux qui prennent la défense de l'Empire, discrédité par la défaite. En captivité, l'Empereur veut assumer sa part de responsabilité dans le déclenchement du conflit qui lui a coûté le trône impérial mais pas en endosser l'entière responsabilité. Dès le, il signe un premier récit intituléConduite de l'Empereur depuis le commencement de la guerre puis donne des entretiens à la presse écrite, correspond avec Émile Ollivier et publieNote sur l'organisation militaire de la Confédération d'Allemagne du Nord[411] dans laquelle il tente de se justifier et d'expliquer l'enchaînement des faits depuis Sadowa, rappelant notamment son projet militaire (laloi Niel) refusé par leCorps législatif.
Le,Bismarck met fin à sa captivité. L'empereur déchu décide alors de rejoindre ses proches en Angleterre où il retrouve son épouse et son fils, installés à Camden Place[x], une gentilhommière destyle georgien[416], àChislehurst, à une vingtaine de kilomètres au sud-est de Londres. Il y reçoit de nombreuses visites à commencer par lareine Victoria, leprince de Galles et le Premier ministre britanniqueGladstone. Durant ce nouvel exil britannique, l'ex-empereur écrit beaucoup, notamment un ouvrage intituléLa France et la campagne de 1870 (publié après sa mort dans son intégralité). Il y prépare également de nouveaux plans pour revenir au pouvoir, rêvant de rééditer à son profit leretour de l'île d'Elbe de son oncleNapoléon Ier.
Une troisième opération est prévue plus tard, mais son état s'aggrave. Le, à10 h 45, Napoléon III meurt à l'âge de64 ans, dans sa résidence de Camden Place[416], probablement d'unesepticémie. Son corps estautopsié le lendemain. Une polémique naît alors dans les milieux scientifiques sur la cause de la mort de Napoléon III. Les Français, regrettant que les opérations subies n'aient pas respecté les protocoles expérimentés en France depuis de longues années, attribuent la mort aux suites des opérations. L'Anglais Thompson prétend au contraire que l'état de la vessie en était la cause[420],[223].
Près de 60 000 personnes, dont un dixième de Français comprenant une délégation d'ouvriers conduite parJules Amigues, viennent se recueillir devant le corps et participer à l'inhumation le àChislehurst (aujourd'hui dans leborough londonien de Bromley)[421].
Militaire de formation, Louis-Napoléon Bonaparte se spécialise rapidement dans l'artillerie, comme son oncleNapoléon Ier. Alors que ses tentatives decoup d'État échouent, il est emprisonné et rédige alors une série d'ouvrages militaires.
Devenu empereur, il se lance dans plusieurs guerres et va mettre en place lecamp de Châlons sur le modèle ducamp de Boulogne napoléonien. Il ne participe pas à laguerre de Crimée et le regrettera. C'est notamment pourquoi, rattrapé par la réputation justifiée de génie militaire de son oncle, il se lance lui-même dans lacampagne d'Italie, qui se solde par une victoire franco-italienne àMagenta et, surtout, àSolférino.
Toutefois, malgré ses succès et toute sa volonté de conduire une armée en personne, il n'est pas un génie militaire, manquant d'expérience sur lechamp de bataille, étant jugé timoré, sans autorité et pas assez énergique par ses contemporains. Ces caractéristiques expliqueraient la défaite de 1870, lorsqu'il est battu par les Prussiens à Sedan[424].
Encensé par le clergé, la magistrature et l'armée, Louis-Napoléon Bonaparte célèbre sa « victoire » en se hissant jusqu'au trône impérial juché sur une pile de cadavres, victimes ducoup d'État du. Illustration d'Ernest Yan' Dargent pourHistoire d'un crime deVictor Hugo.
« Napoléon III a longtemps été victime d'unelégende noire, d'une caricature forgée par ses nombreux ennemis politiques, les républicains, les royalistes, les libéraux… » pour reprendre les mots du professeur d'histoire contemporaineGuy Antonetti[425]. Selon les détracteurs et opposants du dernier empereur des Français, il est à la fois un« crétin » (Thiers),« Napoléon le petit » ou« Césarion » (Victor Hugo),Badinguet, du nom du peintre sous le déguisement duquel il s'échappa de laforteresse de Ham et la représentation symbolique d'« une espèce d'aventurier sans scrupules, et d'arriéré mental ridicule, un mélange de satrape débauché et de démagogue fumeux, bref un pantin insignifiant »[425] quand il n'est pas surnommé« L'homme du 2 décembre » ouBoustrapa (de ses trois coups d’État : Boulogne, Strasbourg et Paris)[426],[427].
Si la« légende noire » est si souvent évoquée pour parler de Napoléon III et de son règne, et que le Second Empire a eu« longtemps mauvaise presse »[428], il le doit à son caractère autoritaire et répressif et à sa fin sans gloire dans la désastreuse guerre franco-prussienne. Apparemment peu doué pour la prophétie,Louis Pasteur, fervent bonapartiste[y] affligé par la chute de l'Empire, déclarait alors confiant que« malgré les vaines et stupides clameurs de la rue et toutes les lâches défaillances de ces derniers temps, l'Empereur peut attendre avec confiance le jugement de la postérité. Son règne restera comme l'un des plus glorieux de notre histoire »[429].
Souvent mentionnée par les historiens dans leurs biographies de l'Empereur[171], la légende noire est notamment analysée en profondeur, par les historiensPierre Milza etÉric Anceau dans leurs ouvrages respectifs consacrés à Napoléon III.
Pour Éric Anceau,« le a permis aux républicains de s’ériger en défenseurs du droit et de faire du coup d’État le mal absolu. Depuis le, qui se dit républicain en France ne peut prêter la main à un coup d’État, ni s’en faire l’apologiste »[433]. Cette« référence négative désormais pour tout républicain authentique » selon les mots de l'historienRaymond Huard pour désigner le,« jour néfaste parce qu’il mit fin à l’existence de la Seconde République »[434], fut l'argument des républicains pour combattre tout retour en force du césarisme plébiscitaire, que ce fût lors duboulangisme puis plus tard lors de la montée dugaullisme[435]. Le précédent d'un président devenu empereur ainsi rendra impensable, jusqu'en 1962, toute élection du chef de l'État au suffrage universel direct,François Mitterrand comparant avec virulence legénéral de Gaulle à Napoléon III afin d'instruire le procès des institutions de laCinquième République[436].
Pour Pierre Milza,« l'année terrible [1870] a fortement traumatisé les contemporains, peut-être autant que le fera la débâcle de 1940 » ce qui explique également, en sus du, le« long discrédit » dont souffre longtemps l'image de Napoléon III[437].
Si l'Empereur est, selonPierre Milza, l'objet d'un« déferlement de haines »[440] au travers depamphlets, caricatures et chansons qui le présentent comme un despote vénal et immoral[441], l'historien confirme que ces invectives ont lieu surtout au moment où le régime républicain n'est pas encore installé, et doit encore se construire et s'enraciner. Non seulement tout nom relatif à la toponymie impériale est éliminé de la voie publique, à l'exception des batailles remportées durant le régime[438], mais la nouvelle légitimité républicaine exige alors que tous les mythes sur lesquels reposaient le précédent pouvoir, telle l'image idéalisée du « sauveur de la nation », soient abattus et discrédités[442].
Précisant être un« républicain qui ne nourrit aucune nostalgie à l'égard de l'Empire »[437], Pierre Milza note cependant, au travers de plusieurs commémorations concrètes officielles intervenues depuis les années 1980, les prologues de ce qu'il considère, comme« l'ultime étape d'une réhabilitation tardive et inachevée » : le rapatriement des cendres de Napoléon III, de son épouse et de leur fils, à l'instar de ceux de Napoléon Ier[443].
Durant l'Empire autoritaire, la censure du régime empêche l'expression des avis critiques. Si cela change avec la libéralisation de 1863 puis des lois sur la presse et sur les réunions publiques de 1868[aa], l'historienLouis Girard note en 1986 que l'historiographie du Second Empire« fut souvent dominée par les opposants »[447].
Avant même d'accéder au pouvoir, Louis-Napoléon avait fait l'objet de biographies sous lamonarchie de Juillet, tantôt favorables et tantôt hostiles[448]. Durant son règne, il est l'objet d'ouvrages uniquement panégyriques ou d'hagiographies[448]. Néanmoins, les journalistes républicains Eugène Ténot et Taxile Delord (du quotidienLe Siècle) peuvent à la fin des années 1860 publier deux ouvrages[449],[450] tentant de présenter objectivement les événements liés au coup d'État du[448].
Dans les années 1890, des personnalités commencent à produire des ouvrages dépassionnés des enjeux politiques, à une époque où le mouvement bonapartiste est en voie d'extinction. Ainsi,Pierre de La Gorce écrit uneHistoire du Second Empire en sept volumes[453] dont la première version, rédigée sur fond duscandale de Panama, reste néanmoins hostile au souverain. Cependant, avec cet auteur,« on sort du journalisme pour entrer dans l'histoire générale »[447] tandis qu'Émile Ollivier publie ses mémoires consacrés àL'Empire libéral[454].
Si la politique intérieure et la diplomatie ne font l'objet d'aucun consensus, son œuvre économique et sociale est déjà analysée de façon plus nuancée, notamment parAlbert Thomas à quiJean Jaurès avait confié la rédaction duvolumeX deHistoire socialiste[452]. Néanmoins,« l'instrumentalisation de l'ancien souverain persistait malgré l'affirmation d'une histoire positiviste et scientifique »[452].
Visant notammentCharles Seignobos[455], Pierre Milza considère que« l'historiographie républicaine — en position dominante dans l'université française — conserve au moins jusqu'en 1914 une position critique […]. Le Second Empire reste fondamentalement lié au 2 décembre et à la capitulation de Sedan. [Les manuels scolaires] sont les véhicules d'une histoire officielle destinée à former des citoyens et des patriotes attachés aux valeurs républicaines »[456]. C'est également l'avis de l'historien Louis Girard qui note dans la tonalité critique de l'œuvre de Seignobos« l'écho des passions républicaines »[457]. Néanmoins, ces mêmes ouvrages scolaires et universitaires commencent eux aussi à aborder son œuvre économique et sociale, s'écartant définitivement du« déchaînement de haine et de mauvaise foi » des premières années ayant suivi la chute de l'Empire, et commencent à présenter des portraits plus nuancés de la personnalité de l'Empereur[456],[458].
Lesannées 1990, commencées avec la parution deLouis Napoléon le Grand par l'ancien ministrePhilippe Séguin[474] et lesannées 2000 poursuivent ce renouveau historiographique du Second Empire[475],[476], qui va globalement dans le sens d'une réhabilitation de Napoléon III et de son règne[117],[477],[478]. Si pour l'historien Pierre Milza, reprenant la suite de Louis Girard, le Second Empire est une« étape » plus progressiste que régressive[479] dans la démocratisation de la France[468], une période qui« a familiarisé les Français avec le vote »[479] et que« la dénonciation du césarisme, réel ou supposé, appartient à la culture de la République parlementaire »[480], il estime aussi que le régime politique de Napoléon III« appartient à la galaxie démocratique »[471] et qu'il a su évoluer dans le sens de la libéralisation[468]. Il note par ailleurs que« les historiens, les politistes, les spécialistes de l'histoire des idées et de la philosophie de l'histoire ont entrepris de réexaminer le bonapartisme et de replacer celui-ci dans la longue durée, ce qui a permis de considérer sous un jour nouveau le bilan de l'Empire »[481],[ac].
Charles Blanc ouCharles Lebœuf ( –), fils de Napoléon III et de Julie Lebœuf (1840-1886), de son nom de scèneMarguerite Bellanger, avec qui l'empereur a une liaison en 1862-1864. Des doutes existent cependant sur l'identité réelle, moins du père que de la mère. Julie Lebœuf aurait fait une fausse couche mais aurait simulé un accouchement sur ordre de l'empereur pour permettre aubaron Haussmann de placer le fils de sa fille cadette,Valentine Haussmann (1843-1901), elle aussi enceinte de l'empereur[484]. Cependant, la paternité de Jules Hadot (1865-1937), fils de Valentine Haussmann, fut aussi attribuée à Napoléon III ;
Jules Hadot (1865-1939), fils de Valentine Haussmann marié à Anne Claveau (d'où postérité)[485] :
Napoleon Hadot marié à Henriette Dupont de l'Eure,
Jeanne Hadot marié à Ange Luiggi, marquis de Luiggi-Giafferi,
Bonaventur Karrer (1839-1921)[486], fils de Maria Anna Schiess (1812-1880), Allensbach (lac de Constance, enAllemagne) ;
Benoni Depuille, fils d'Armance Depuille (1830-1913), épouse légitime de François Isidore Depuille[réf. nécessaire] ;
Christian Corbière, fils de Pascalie Corbière (née en 1828), nourrice des enfants adultérins de l'empereur et épouse légitime d'Auguste Corbière, deuxième cocher de l'empereur ;
Y. Rayer, né en 1861, fils de la marquise d'Escayrac de Lauture née Marie Rayer, fille de Pierre Rayer, médecin de l'empereur.
– :Son Altesse Impériale le prince Charles-Louis Napoléon, prince français
– :Son Altesse Impériale le prince Charles-Louis Napoléon, « prince français »
– :Son Altesse Impériale le prince Charles-Louis Napoléon, prince français
– :Son Altesse Impériale le prince Charles-Louis Napoléon, « prince français »
– :Son Excellence le prince Louis-Napoléon Bonaparte,président de la République française, ouSon Altesse Impériale Louis-Napoléon Bonaparte, le prince-président
Liste chronologique des ordres et décorations étrangers reçus par Louis-Napoléon Bonaparte, prince-président (1848-1852), puis empereur des Français (1852-1870)
Victor Hugo,Histoire d'un crime, écrit en 1852 mais publié en 1877(lire en ligne) (le récit du coup d'État du 2 décembre, vu par l'écrivain et élu de la République[172]).
Philippe Pichot-Bravard,Le pape ou l'empereur : Les catholiques et Napoléon III (1848-1870), Paris, Artège, 2008.
Annie Rey-Goldzeiguer,Le Royaume arabe. La politique algérienne de Napoléon III, 1861-1870, Alger, SNED, 1977.
Jean Sagnes,Les racines du socialisme de Louis-Napoléon Bonaparte : le paupérisme des années 1840, Toulouse, Éditions Privat,, 246 p.(ISBN2-7089-6861-0).
↑Personnage pour le moins douteux, fils adoptif du non moins douteuxmarquis de Sémonville,Charles-Tristan de Montholon est un agent double que le gouvernement français a employé, àLondres, pour surveiller le prince Louis-Napoléon. Mais Montholon a trompé Thiers en lui faisant croire que l'opération aurait lieu àMetz.
↑L'opinion publique se passionne bien davantage pour le procès, devant lacour d'assises deTulle, deMme Lafarge, accusée d'avoir empoisonné son mari, et condamnée aux travaux forcés à perpétuité le 19 septembre.
↑Sur 312 pairs, 160 s'abstiennent et 152 votent l'emprisonnement perpétuel.« On ne tue pas les fous, soit ! mais on les enferme », affirme leJournal des débats (cité parAntonetti 1994,p. 818).
↑« Y a-t-il eu des balles perdues ou le tir d'un provocateur ? […] en tout cas, ce fut le signal d'une fusillade panique, sans ordres ».Girard 1986,p. 153.
↑Zola prend l'insurrection duVar comme point de départ de sa grande sagaLes Rougon-Macquart.
↑L'historien considère notamment que« tout est affabulation et volonté de diabolisation » dans le récit que fait Victor Hugo de la fusillade des grands boulevards à Paris.
↑Morny ne revient en grâce auprès de Louis-Napoléon qu'à la veille du rétablissement de l'Empire.
↑L'abstention a atteint plus de 40 % des suffrages en Vendée, dans le Maine-et-Loire, dans le Morbihan et dans les Bouches-du-Rhône.
↑Pierre-Napoléon Bonaparte avait assassiné, le, le journaliste Victor Noir. Il se réfugia à Rochefort en Belgique où il avait une maison depuis de longues années.
↑Le nom de Camdem Place vient de son premier occupant,William Camden (1551–1623), un historien, antiquaire et topographe anglais.
↑Présenté à l'Empereur en 1863, Louis Pasteur avait publié sesÉtudes sur le vin (1866) en les dédiant à Napoléon III.
↑Par exemple, les ouvrages d'Alexander William Kinglake, connu pour son aversion pour l'ex-empereur :Histoire du 2 décembre 1851 etPortrait historique de Napoléon III, Londres/Bruxelles/New York, J. Chapman, 1867, parus en France en 1873.
↑Œuvre collective dont la préface et les deux premiers volumes sont principalement rédigés par Napoléon III.
↑Philippe Séguin est historien de formation mais non de profession ; son livre a cependant, en son temps, marqué le début d'un intérêt nouveau des historiens pour le sujet.
↑Il y aura notamment pour camarade le futur colonel d'artillerie suisse Edouard Burnand (père du peintre Eugène Burnand), qui fut chef de l'artillerie fédérale au grand état-major du général Herzog pendant la guerre franco-prussienne de 1870 (cf.Le livre du recteur de l'Académie de Genève (1559-1878), publié sous la direction de Sven Stelling-Michaud (Professeur à la Faculté des Lettres), tome II:Notices biographiques des étudiants (volume 1: A - C) rédigées par Suzanne Stelling-Michaud, Librairie Droz, 1959(ISBN2600031936), 9782600031936, sous l'entrée « Burnand [Alexandre-David-Charles]-Edouard, de Moudon (Vd) », p. 382).
↑En fait, il reçoit la bourgeoisie d'honneur de la commune de Salenstein (commune sur laquelle se trouve le château d'Arenenberg, dans le district de Kreuzlingen, canton de Thurgovie), sans toutefois renoncer à sa nationalité française (cf. Dominic Pedrazzini, "Napoléon III" inDictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 02.11.2010, en ligne: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/023316/2010-11-02/, consulté le 11.09.2021).
↑Victor Hugo,Œuvres complètesX Napoléon le petit - choses vues, Paris, J. Girard & cie éditeurs, librairie du Victor Hugo illustré 13 rue Thérèse Paris, édition illustrée par MM. Laurens, é. Bayard, e. Morin, d. Vierge, Lix, Chifflart, Garcia, h. Scott, Brun, g. Bellenger, entre 1877 et 1890, 284 p., page 6.
↑Louis Désiré Véron dans sesMémoires d'un bourgeois de Paris, tome 6, 1855, p.86, donne 5 334 226 suffrages pour Louis-Napoléon et 1 448 107 pour Cavaignac.
↑GérardPouchain, « Honoré Daumier et Victor Hugo : divergences et sympathies d'un artiste et d'un poète »,Cahiers Daumier,no 6,,p. 39,n. 39(lire en ligne).
↑RogerBellet,« « L'Empire, c'est la paix » », dans Raimund Rütten, Ruth Jung et Gerhard Schneider (dir.),La caricature entre République et censure : l'imagerie satirique en France de 1830 à 1880, un discours de résistance ?, Lyon, Presses universitaires de Lyon,coll. « Littérature et idéologies »,, 448 p.(ISBN2-7297-0584-8,lire en ligne),p. 280-283.
↑a etb« La résistance des républicains au coup d'état du 2 décembre 1851 -150e anniversaire », dans Claude Latta,Les résistances au coup d'État du 2 décembre 1851, Montbrison, village de Forez,(lire en ligne).
↑Marcel Morabito et Daniel Bourmaud,Histoire constitutionnelle et politique de la France (1789-1958), Montchrestien, Domat Droit Public, Paris, 1998,p. 245.
↑Giuseppe Galzerano,Giovanni Passannante. La vita, l'attentato, il processo, la condanna a morte, la grazia ‘regale' e gli anni di galera del cuoco lucano che nel 1878 ruppe l'incantesimo monarchico, Galzerano, 2004,p. 305.
↑Marie-Jeanne Dumont,Le logement social à Paris : 1850-1930, Bureau de la recherche architecturale du Ministère de l’équipement et du logement, Éd. Pierre Mardaga, 1991,p. 14-15.
↑Alain Cornaille,Le Premier traité franco-japonais : son application au vu des dépêches diplomatiques de Duchesne de Bellecourt, Presses orientalistes de France,.
↑Paul Akamatsu,Meiji 1868 : révolution et contre-révolution au Japon, Calmann-Levy,.
Les membres de la famille impériale ayant régné sur la France sont soulignés Les membres de la famille impériale l'ayant intégrée par mariage sont en italiques « Les surnoms sont entre guillemets »
La version du 6 janvier 2011 de cet article a été reconnue comme « article de qualité », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.