Cet article est uneébauche concernant laphilosophie.


LeNakaz (en alphabet cyrillique russe :Наказ, abréviation deНаказ комиссии о составлении проекта нового уложения[1]), en françaisInstructions (Instructions adressées par Sa Majesté l'impératrice de toutes les Russies à la commission établie pour travailler à l'exécution du projet d'un nouveau code de lois), est untraité dephilosophie politique rédigé par l'impératrice de RussieCatherine II et publié en1767.
Princesse allemande née àStettin enPoméranie (alors dans leroyaume de Prusse), sous le nom deSophie Frédérique Augusta d’Anhalt-Zerbst, rebaptisée dans la religion orthodoxe en 1744 Catherine Alexeievna, elle épouse en 1745 àMoscou son cousin,Peter Ulrich de Holstein-Gottorp, né àKiel.
Prince allemand par son père, Peter Ulrich est aussi le petit-fils du tsarPierre le Grand par sa mèreAnna Petrovna, et le neveu de l'impératriceÉlisabethIre, qui règne de 1741 à 1762. Le 5 janvier 1762[2], il devient l'empereur de RussiePierre III.
Le 7 juillet de la même année, Catherine, avec l'appui de hauts dirigeants de l'empire, renverse son époux, qui est incarcéré, puis assassiné quelques jours plus tard. Catherine se fait reconnaître comme l'impératrice Catherine II.
Ce traité, rédigé par Catherine II, est conçu dans le cadre d’une réorganisation du droit et des institutions de l’Empire russe.
Il a en effet pour but de guider les délibérations d’une commission chargée de remplacer lecode promulgué en 1649 par Alexis Ier (1629-1676)[3], la « Grande Commission législative »[4].
D'abord rédigé en français, il est ensuite traduit en russe et en allemand[réf. nécessaire].
La version russe, la seule officielle dans l'empire est publiée à partir d'un manuscrit signé et scellé par l’impératrice, aujourd'hui conservé aux Archives des actes anciens deMoscou.
L'édition en français faite à Yverdon en 1769 (photo et bibliographie) comporte 286 pages. Le texte des Instructions est réparti en 506 points (1 à 506) regroupés en une introduction (points 1 à 5), vingt « articles » (I à XX) et une « conclusion » (points 503 à 506). Le point 6 (Article I) se trouve en page 7, le point 503 (Conclusion) en page 227.
À partir de la page 233, on trouve une annexe en trente points (I à XXX) : « Règlement sur la forme et la manière de procéder de la commission établie etc. ». Le premier prévoit que les députés devront se présenter à Moscou six mois après la publication du « manifeste » (leNakaz).
Deux autres annexes concernant la police et l’économie seront publiés séparément en 1768[5].
Référence : édition d'Yverdon (en français), 1769. Les phrases entre guillemets (titres d'articles) sont des citations du texte français. Intertitres en majuscules ajoutés.
LA RUSSIE
LES LOIS ET LE SYSTEME JUDICIAIRE
ORGANISATION DE LA SOCIETE (HIERARCHIE SOCIALE) ET ECONOMIE POLITIQUE
PRECISIONS SUR DES POINTS TECHNIQUES
Par son traité, Catherine II souhaite promouvoir des valeurs d’ordre public, de progrès matériel et d’éducation afin d'attacher son pays plus fortement à l’Europe. Elle évoque au début (point 6) « les suites heureuses qu'on eu [sic] les changements que Pierre le Grand entreprit de faire dans les mœurs de la Russie... [il] introduisit les mœurs et coutumes Européennes... »).
Catherine II subit différentes influences, notamment celles du courant desLumières (Montesquieu,Beccaria) et du courantphysiocratique (Quesnay,Turgot) qui viennent d'Europe occidentale.
Sur 506 alinéas, 294 reprennent textuellementDe l'esprit des lois de Montesquieu et 108l’ouvrage de Beccaria[Lequel ?][7]. Catherine II reconnaît d’ailleurs dans une lettre adressée àd'Alembert avoir « pillé le président de Montesquieu sans le nommer […]. Son livre est mon bréviaire. »[8].
Sur le plan juridique, leNakaz rassemble des éléments issus de nombreux modèles juridiques tels que le droit hébreu, le droit romain, le droit français et le droit anglais[9].
Une des priorités de Catherine II est la réorganisation de la justice et du droit. Ce sujet est abordé dans les articles VI à X (alinéas 35 à 239, pages 18 à 119), qui occupent un peu plus d'un tiers de l'ouvrage (100 pages).
Elle parle d'abord deslois, qu'elle présente comme des garanties de la liberté et de la sûreté de tous les citoyens : « L'égalité parmi les citoyens consiste en ce qu'ils soient tous tenus d'observer les mêmes loix »[10].
Sa réflexion sur la justice se poursuit à travers laclassification des délits en quatre types, empruntée à Montesquieu, qui l’expose dansDe l’Esprit des lois[11] :
Catherine II insiste également sur l’importance durapport entre le délit commis et la peine prononcée : « C'est le triomphe de la liberté civile , lorsque les loix infligent à ceux qui les violent, des punitions qui découlent de la nature même du délit. Car la punition n'a rien alors d'arbitraire , puisqu'elle ne dépend point du caprice du législateur, mais qu'elle est une suite de la nature même de l'action ; ce n'est donc pas l'homme qui fait violence à l'homme quand on le punit, ce sont ses propres actions »[13]. À travers ce principe, Catherine II veut écarter la notion d’arbitraire : la justice ne doit plus être un instrumentdans les mains du législateur[pas clair]. Elle reprend ici Montesquieu qui évoque ce sujet dans le chapitre « De la juste proportion des peines avec le crime »[14] del’Esprit des lois.
Elle désapprouve même la peine de mort et rejette la torture[15], sujetsabordés ultérieurement par laConstitution des États-Unis d'Amérique (1787) et laconstitution polonaise du 3 mai 1791[réf. nécessaire].Catherine II rejoint pour l'essentiel la pensée de Beccaria dans sonTraité des délits et des peines (1764), publié trois ans avant le traité de Catherine II. La peine de mort est jugée inutile par Beccaria et à sa suite par l’impératrice, car, selon eux, ce ne serait pas l’intensité d’une peine qui marquerait le plus durablement les esprits, mais plutôt le caractère modéré mais néanmoins répétitif de celle-ci[16].
À travers sonInstruction, Catherine II tente une réelle réorganisation de la justice au sein de son Empire, elle se positionne en faveur d’une justice plus humaine conformément aux principes de quelques esprits éclairés tels que Montesquieu et Beccaria.
Malgré cette volonté d’enraciner en Russie certaines idées des Lumières et bien qu'elle ait des idées plus progressistes que la plupart de ses sujets, Catherine II veut aussi, en améliorant les lois, légitimer son usurpation de pouvoir et préserver (à son profit) le systèmeautocratique russe (en théorie, pouvoir absolu et quasi arbitraire du prince sur tous ses sujets[17]), qui est présenté comme utile voire nécessaire[18].
Elle laisse de côté des notions clés, telles que leservage.
L'ouvrage est publié en Russie en 1767.
Il est aussi publié à l'étranger :
Une fois la rédaction duNakaz terminée, la Grande Commission législative, composée de députés du Sénat, des différents collèges et des chancelleries, ainsi que de représentants des gouvernements, districts et villes, se rassemble afin de l’étudier et de le compléter dans le but d’élaborer un texte de lois durable et valable pour tous[22].
La commission fonctionne pendant 18 mois après sa première réunion[23]. Mais elle n'obtient pas de résultats : il parait impossible d’appliquer de nombreux principes philosophiques français à l’Empire russe.
Au bout de 203 séances de travail, l’impératrice décide de la dissoudre, profitant en 1768 de l'entrée en guerre contre laTurquie.
Le traité connaît un succès mitigé en Europe. Il est applaudi par plusieurs esprits éclairés, mais par tous. Il est interdit dans plusieurs pays.
Au moment de la publication duNakaz, les contemporains de l’impératrice attendent beaucoup de la Russie et des perspectives de développement que semble annoncer Catherine II[24]. Mais l'échec de la Commission législative montre que ces espoirs sont peu fondés.
La déception est grande pour Diderot qui déplore le fait que l’impératrice ne renonce pas au despotisme[25]. En 1774, il commente l'ouvrage dans sesObservations sur le Nakaz, à la suite de ses nombreux entretiens avec l'impératrice. Il trouve les propositions de Catherine II trop frileuses, pas assez abouties.