Nadia Boulanger est née le dans une famille comptant quatre générations de musiciens. Elle est la fille du compositeur et pianiste françaisErnest Boulanger (1815-1900) et de son épouse, la princesse russe Raïssa Ivanovna Mychetsky (1856-1935), une jeune cantatrice.
À seize ans, en juillet 1904, elle obtient les premiers prix d’orgue, d’accompagnement, de fugue et de composition[6].
En 1908, après avoir échoué en 1906 et 1907, Nadia Boulanger obtient un Deuxième GrandPrix de Rome avec sa cantateLa Sirène, bien qu'elle ait transgressé les règles aux éliminatoires en composant un quatuor à cordes au lieu d'une œuvre vocale. Certains membres du jury, dontCamille Saint-Saëns, voulaient la disqualifier d'autant qu'elle était une femme. Mais l'Académie des Beaux-Arts lui permit de concourir pour la finale. Elle ne se représenta pas en 1909[8].
Sa sœur cadetteLili Boulanger, dont elle s'occupa beaucoup, fut la première femme à remporter le Premier GrandPrix de Rome en 1913.
En1918, sa sœurLili Boulanger meurt prématurément à l’âge de vingt-quatre ans[3]. Nadia Boulanger déclare qu’elle ne composera plus et se consacrera à la direction musicale, la diffusion de l’œuvre de sa sœur[3], et, surtout, à lapédagogie. Elle mène son impressionnante carrière de professeur jusqu’à sa mort en 1979, à l'âge de quatre-vingt-douze ans.
Igor Stravinsky et Nadia Boulanger sur un paquebot transatlantique en 1937.
Nadia Boulanger est professeure duConservatoire américain de Fontainebleau dès la création de celui-ci en1921, et directrice de 1948 jusqu'à sa mort en1979. Dès la première session, elle établit sa réputation de remarquable professeur tant elle semble tout connaître de l’harmonie et de latonalité occidentales. Au cours de sa longue carrière, les milliers d’étudiants qui viennent de l’étranger pour assister à ses cours sont captivés par son talent, ses connaissances et sa philosophie : « Je suis votre degré de tension le plus élevé, disait-elle. Écoutez-le en vous-même ».
Restée toute sa vie célibataire, « Mademoiselle » (c'est ainsi qu'on l'appelait) était très croyante etcatholique pratiquante tout en étant le pilier dusalon musical etmondain des épouxDujarric. Elle repose, ainsi quesa sœur, aucimetière de Montmartre (division 33, angle de l’avenue Saint-Charles et du chemin Billaud). Ses traits nous restent fixés par le buste en terre cuite, œuvre du sculpteurLouis-Aimé Lejeune, que conserventLes Maisonnettes àGargenville[11].
En 1907, Nadia Boulanger est nommée professeure de piano et d'accompagnement au Conservatoire Femina-Musica nouvellement créé. L'année suivante, elle forme avecRaoul Pugno un duo de pianos qui se produit à de nombreuses reprises.
En 1924, lors d'un séjour àNew York, elle interprète des œuvres pour orgue solo de sa sœur Lili, et elle crée une nouvelle symphonie d'Aaron Copland pour orgue et orchestre, qui lui est dédiée.
En 1936, Nadia Boulanger remplaceAlfred Cortot dans certains de ses cours magistraux de piano et d'accompagnement dans des œuvres pour clavier deMozart.
De retour d'Amérique, elle revient en France en. Elle accepte un poste de professeure d'accompagnement au piano auConservatoire de Paris.
C'est en que Nadia Boulanger fait ses débuts comme chef d'orchestre, dirigeant l'orchestre de la Société des Matinées musicales, qui interprète sacantate La Sirène, deux de ses chants, et leConcertstück deRaoul Pugno pour piano et orchestre. Le compositeur joue en tant que soliste. En 1919, elle se produit dans plus d'une vingtaine de concerts, jouant souvent sa propre musique et celle de sa sœur.
En 1956, elle organise la musique pour le mariage du princeRainier III deMonaco et de l'actrice américaineGrace Kelly. En 1962, elle se rend enTurquie, où elle dirige des concerts avec sa jeune protégéeIdil Biret.
Nadia Boulanger affirmait apprécier toute « bonne musique ». SelonLennox Berkeley, Nadia considérait qu'une bonnevalse a tout autant de valeur qu'une bonnefugue, et cela est parce qu'elle juge une œuvre uniquement sur son contenu esthétique. Elle avait des goûts très éclectiques. Admiratrice deDebussy et disciple deRavel, elle n'appréciait pasSchoenberg et lesdodécaphonistes viennois. En revanche, elle était une ardente défenseuse deStravinsky.
Nadia Boulanger acceptait les élèves de tous les milieux. Son seul critère était qu'ils aient envie d'apprendre. Elle traitait les étudiants différemment selon leurs capacités. Ses étudiants les plus doués devaient répondre aux questions les plus rigoureuses et bien jouer en situation de stress. Les élèves moins doués, qui n'avaient pas l'intention de suivre une carrière musicale, étaient traités avec plus d'indulgence. Elle avait pour chaque élève une approche différente et essayait de comprendre le don naturel de chacun. Elle utilisait une variété de méthodes d'enseignement, y compris l'harmonie traditionnelle, la lecture departitions au piano, lecontrepoint, l'analyse musicale et lesolfège.
Elle a toujours affirmé qu'elle ne pouvait pas donner la créativité à ses élèves. Elle estimait que le désir d'apprendre, de devenir meilleur, était tout ce qui était nécessaire pour atteindre l'excellence. Elle citait les exemples deRameau (qui a écrit son premieropéra à cinquante ans), Wojtowicz (qui est devenu pianiste de concert à trente et un ans) etRoussel (qui a commencé son apprentissage de la musique à vingt-cinq ans), à contre-courant de l'idée selon laquelle les grands artistes doivent toujours être desenfants surdoués.
Sa mémoire était prodigieuse : à douze ans, elle jouait l'ensemble duClavier bien tempéré deBach par cœur. Elle connaissait la musique la plus ancienne et celle de son temps, avant Bach et après Stravinsky. Elle pratiquait la transposition harmonique, la réalisation debasse chiffrée, la lecture à vue de partitions, lesregistrations d'orgue, connaissait les différentes techniques instrumentales, pratiquait l'analyse structurelle, ainsi que lafugue d'école et la fugue libre, lesmodes grecs et lechant grégorien.
Nadia Boulanger et Lili Boulanger : témoignages et études, sous la dir. d'Alexandra Laederich, Lyon, Éd. Symétrie, 2007 [actes du colloque de musicologie « Nadia et Lili Boulanger », organisé en par l'Académie musicale deVillecroze].