Trois phases sont distinguables : le néogothique deChristopher Wren en Angleterre, appliqué aux universités commeOxford, la deuxième phase en Grande-Bretagne est concomitante au développement duroman gothique en littérature, puis la maturité dans les années 1840 grâce aux progrès de la science historique.
Au milieu duXVIIIe siècle, avec la montée duromantisme, certains amateurs éclairés, commeHorace Walpole ouWilliam Thomas Beckford, contribuent fortement à l'émergence d'un engouement pour le Moyen Âge et les arts médiévaux, de l'architecture religieuse aux monuments mortuaires, en passant par l'art du vitrail et l'enluminure des derniers manuscrits médiévaux. D'autres arts gothiques continuent toutefois à être considérés comme barbares et grossiers : lestapisseries et le travail dumétal, notamment. Les raisons purement esthétiques d'un tel engouement se révèlent au moins aussi fortes que les implications idéologiques : les monuments gothiques sont sentimentalement associés aux grandes figures historiques de l'histoire nationale. Les Anglais et bientôt les Allemands commencent à apprécier le caractèrepittoresque des ruines, « pittoresque » devenant une nouvelle qualité esthétique et les effets adoucissants du temps que Horace Walpole admire, et appelle de manière ironique « la vraie rouille des guerres des Barons ».
Les détailsgothick de la villa de Horace Walpole,Strawberry Hill House àTwickenham, plaisent au goûtrococo du moment. Dès les années 1770, desarchitectes entièrement néoclassiques, tels queRobert Adam etJames Wyatt, sont prêts à fournir des détails gothiques dans les salons, bibliothèques et chapelles, pour une vision romantique d'une abbaye gothique, l'abbaye de Fonthill dans leWiltshire. Le stylegothick est une manifestation architecturale du « pittoresque » alors apprécié dans les autres arts : ces temples ornementaux etchaumières ignorent la structure logique des véritables constructions gothiques et sont en fait des constructionspalladiennes avec des arches pointues. Le paysagiste excentriqueBatty Langley tente même d'« améliorer » des formes gothiques en leur donnant des proportions classiques. Cette première phase rococo et pittoresque de l'architecture néogothique se caractérise ainsi par une réutilisation fantaisiste de l'art de la fin du Moyen Âge.
Une génération plus jeune qui prend plus au sérieux l'architecture gothique est le lectorat de la série deCathedral Antiquities de J. Britten, qui paraît en 1814. En 1817, Thomas Rickman écrit unAttempt… (Essai…) pour nommer et définir la séquence de styles gothiques dans l'architecture ecclésiastique anglaise, « untraité pour l'étudiant architecte ». Le titre complet est descriptif :« Attempt to discriminate the styles of English architecture from the Conquest to the Reformation; preceded by a sketch of the Grecian and Roman orders, with notices of nearly five hundred English buildings. » (« Essai pour différencier les styles de l'architecture anglaise de la Conquête à la Réforme ; précédé d'une esquisse sur les ordres grecs et romains, avec des observations sur près de cinq cents bâtiments anglais. ») Les catégories qu'il utilise sont laNormande, la Jeune Angleterre, la Décorée et la Perpendiculaire. Il est édité de nombreuses fois et toujours réédité en 1881.
Dessin de Viollet-le-Duc présentant la flèche de lacathédrale Notre-Dame d'Amiens et son décor deplomb ; matériau très utilisé par les architectes du « Gothic revival », qui est à l'origine d'une vague desaturnisme chez les ouvriers couvreurs et artisans d'art.Façade gothique dupalais de justice de Rouen, construit entre 1499 et 1508, style qui inspira le néogothique auXIXe siècle.
Le style néogothique français a ses racines dans l'architecture gothique médiévale, née en France auXIIe siècle, avec la construction de labasilique Saint-Denis et lacathédrale Saint-Étienne de Sens. L'architecture gothique est initialement dénomméeOpus Francigenum (soit « Art français » au Moyen Âge) et exportée dans toute l'Europe depuis la France. En 1816, l'universitaire françaisAlexandre de Laborde déclare que« L'architecture gothique a ses propres beautés », marquant ainsi un renouveau d'intérêt pour ce style en France. À partir de 1828,Alexandre-Théodore Brongniart, directeur de laManufacture nationale de Sèvres, produit les premières peintures cuites d'émail sur des grands carreaux de verre pour lachapelle royale de Dreux (1816-1845) du dernier roi des FrançaisLouis-PhilippeIer. Il est difficile de trouver une commande aussi grande et importante dans le goût gothique avant celle-ci, sauf pour quelques éléments gothiques dans une poignée de jardins paysagers.
Tower Bridge, àLondres, est l'un des monuments néogothiques les plus connus.
Pendant ce temps, l'intérêt pour lacathédrale de Cologne — dont la construction commencée en 1248 est toujours inachevée à l'époque du renouveau — commence de réapparaître, marquant de manière importante le retour en Allemagne de l'architecture gothique. Le sanctuaire est achevé de 1842 à 1880 en suivant le modèle des parties existantes et les plans médiévaux de la façade. Seuls les portails du transept sont une création néogothique.
ÀFlorence, la façade de lacathédrale Santa Maria del Fiore (Duomo), démolie entre 1587 et 1588, reste dépouillée jusqu'en 1864, quand une compétition est organisée pour dessiner une nouvelle façade en accord avec la structure d'Arnolfo di Cambio et ducampanile à côté d'elle. Cette compétition est remportée parEmilio De Fabris et le travail sur son dessin polychrome et sur les panneaux demosaïque est commencé en 1876 et achevé en 1887.
Pugin, Ruskin et le gothique en tant que force morale
À la fin desannées 1820,Augustus Pugin, encore adolescent, travaille pour deux employeurs très en vue, fournissant du détail gothique pour des biens de luxe. Pour les fabricants de meubles royaux Morel et Seddon, il fournit des plans pour des décorations pourGeorgeIV auchâteau de Windsor dans un goût gothique qui va avec le décor. Pour les argentiers royaux Rundell Bridge and Co., Pugin fournit à partir de 1828 des plans pour l'argenterie, en utilisant le vocabulaire gothique anglo-français qu'il continue plus tard à favoriser dans des plans pour le nouveaupalais de Westminster.
DansContrasts (1836), Pugin exprime son admiration non seulement pour l'art médiéval, mais pour tout l'esprit médiéval, affirmant que l'architecture gothique est le produit d'une société plus pure. DansThe True Principles of Pointed or Christian Architecture (1841), il suggère que les artisans modernes cherchant à émuler le style de la fabrication médiévale doivent également reproduire ses méthodes. Pugin croit que l'architecture gothique est la véritable architecture chrétienne, affirmant hardiment que« l'arche pointée était produite par la foi catholique ». La construction de Pugin la plus célèbre est la rénovation dupalais de Westminster à Londres, qu'il conçoit en deux campagnes, en 1836 et 1837 et encore en 1844 et 1852, avec le classicisteCharles Barry et son co-architecte. Pugin fournit la décoration extérieure et les intérieurs, tandis que Barry dessine l'arrangement symétrique de la construction.
John Ruskin complète les idées de Pugin dans ses deux œuvres théoriques influentes,The Seven Lamps of Architecture (1849) etThe Stones of Venice (1853). Cherchant son idéal architectural àVenise, Ruskin suggère que les constructions gothiques excellent au-dessus des autres architectures à cause du « sacrifice » des sculpteurs de pierre qui décorent tortueusement chaque pierre. En déclarant lepalais des Doges « la construction centrale du monde », Ruskin défend la cause des bâtiments gothique pour le gouvernement tout comme le fait Pugin pour les églises, bien que seulement en théorie. Quand ses idées sont mises en pratique, Ruskin méprise le torrent de bâtiments publics construits en référence au palais ducal, parmi lesquels le musée d'histoire naturelle de l'université d'Oxford.
En Angleterre, l'anglicanisme voit un renouveau de l'idéologieanglo-catholique etritualiste sous la forme dumouvement d'Oxford et on se met à projeter de construire un grand nombre de nouvelles églises pour pourvoir à la population croissante. Des exposants sont tout prêts dans les universités, dans lesquelles lemouvement ecclésiologique est en train de se former. Ses partisans croient que le gothique est le seul style approprié pour une église paroissiale et favorisent une ère particulière de l'architecture gothique, la Décorée.The Ecclesiologist, la publication de la Cambridge Camden Society, est si férocement critique envers les nouvelles constructions d'églises qui se trouvent en dehors de ses standards qu'un style nommé « gothique archéologique » émerge, produisant des constructions médiévales parmi les plus convaincantes du néogothique. Toutefois, tous les architectes et les clients ne sont par emportés par ce courant. Bien que le néogothique réussit à devenir un style de plus en plus familier de l'architecture, la tentative de l'associer à la supériorité de la haute église promue par Pugin et le mouvement ecclésiologique en éloigne ceux qui possèdent des principes œcuméniques ou non-conformistes. Ceux-ci cherchent alors à l'adopter uniquement pour ses qualités esthétiques romantiques, pour le combiner avec d'autres styles ou recherchent enEurope du Nord un gothique d'apparence plus simple et pour consciemment choisir un style assez différent. Dans d'autres cas, ces trois motifs se mêlent, comme l'œcuménique cimetière d'Abney Park pour lequel l'architecte William Hosking est engagé.
La France apparaît assez tard sur la scène du néogothique en raison des guerres napoléoniennes, mobilisant toutes les forces de la nation française, ainsi que du goût prononcé de l'empereurNapoléon Ier pour lenéoclassicisme dustyle Empire. La Restauration permet à de jeunes architectes de renouer avec le style gothique français duXIIe siècle.Jean-Baptiste Antoine Lassus est l'un des précurseurs de ce renouveau architectural.Eugène Viollet-le-Duc travaille avec Lassus sur différents chantiers —cathédrale Notre-Dame de Paris et laSainte-Chapelle àParis notamment — et lui doit beaucoup sur un grand nombre de points.
Viollet-le-Duc est un architecte qui est à son époque au premier plan : son génie réside en effet dans ses qualités d'observations minutieuses du bâti médiéval dignes des meilleurs travaux archéologiques[réf. nécessaire]. Ses mérites sont célébrés au cours d'une grande rétrospective en 1979, à l'occasion des cent ans de sa disparition. Il restaure complètement certaines constructions, outrepassant souvent leur stade original d'avancement (c'est sur ce point qu'il est longtemps et toujours attaqué : il lui est reproché d'inventer le plan des parties manquantes et donc de dénaturer), théorie qu'il applique à ses restaurations de la ville fortifiée deCarcassonne, auchâteau de Roquetaillade, ainsi qu'à Notre-Dame de Paris et à la Sainte-Chapelle à Paris et de manière encore plus caractéristique à travers l'exemple « pédagogique » duchâteau de Pierrefonds et duchâteau de Pupetières. Il diffère de son homologue anglaisJohn Ruskin étant donné qu'il remplace souvent le travail des tailleurs de pierres médiévaux. Son approche rationnelle du gothique contraste complètement avec les origines romantiques du renouveau et est considérée par certains comme un prélude à l'honnêteté structurelle exigée par lemodernisme.
Tout au long de sa carrière, il est en proie à la question de savoir si lefer et lamaçonnerie doivent être combinés dans une construction. Il connaît l'emploi des tirants de fer et des agrafes utilisées dans la construction des cathédrales dès l'origine pour en avoir vérifié la présence, mais connaît les problèmes que cela peut engendrer, dans le temps, sur l'évolution des structures. Le fer est en réalité utilisédans les constructions depuis les premiers jours du néogothique[évasif]. Avec Ruskin et l'exigence du gothique architectural pour la « vérité structurelle », le fer, qu'il soit visible ou pas, est considéré comme inapproprié pour une construction gothique. Cet argument commence à s'abîmer au milieu duXIXe siècle quand des grandes structures préfabriquées telles que leCrystal Palace de verre et de fer et la cour vitrée dumusée d'histoire naturelle de l'université d'Oxford sont érigées, semblant incarner les principes du gothique à travers le fer. Entre 1863 et 1872, Viollet-le-Duc publie sesEntretiens sur l'architecture, ensemble de plans audacieux et avant-gardistes pour des constructions qui combinent le fer et la maçonnerie. Bien que ces projets ne sont jamais réalisés, ils influencent plusieurs générations de dessinateurs et architectes, notammentAntoni Gaudí ou encore les architectesHippolyte etWalter-André Destailleur, à qui l'on doit entre autres, lechâteau de Trévarez.
Principales églises néogothiques en France et Suisse romande
Labasilique Saint-Sébastien de Manille, qui combine un style néogothique et les avantages d'une construction intégralement en fer, estl'un des uniques exemples de style néogothique dans ce pays[réf. nécessaire] sujet aux tremblements de terre.
Il y a aussi la cathédrale dePuerto Princesa, la cathédrale de San Carlos Borromeo dans la ville deSan Carlos (Negros occidental) et la Central United Methodist church à Ermita (Manille).
Au tournant duXXe siècle, les avancées technologiques telles que l'ampoule électrique, l'ascenseur et l'acier contribuent à donner une réputation d'obsolescence à l'architecture basée sur la maçonnerie manuelle. L'acier supplante des fonctions non ornementales desvoûtes et desarcs-boutants. Certains architectes utilisent latracerie néogothique comme un ornement appliqué sur un squelette de fer, notamment dans le gratte-cielWoolworth Building de 1907 deCass Gilbert àNew York et laTribune Tower de 1922 deRaymond Hood àChicago. Cependant, durant la première partie du siècle, le néogothique est supplanté par lemodernisme. Certains voient dans le « Modern Movement » la tradition gothique de la forme architecturale entièrement en termes d'« expression honnête » de la technique de l'époque et se voient comme les héritiers en droit de cette tradition, avec leurs fenêtres rectangulaires et leurs poutres de fer visibles.[pas clair]
En dépit de cela, le néogothique continue à exercer son influence, simplement parce que nombre de ses projets les plus massifs sont encore en construction durant la seconde moitié duXXe siècle, telle que lacathédrale de Liverpool deGiles Gilbert Scott. AuxÉtats-Unis, les premières constructions de Charles Donagh Maginnis auBoston College aident à établir la prévalence de l'architecture gothique collégiale sur les campus de l'université. Le gratte-ciel néogothique du campus de l'université de Pittsburgh, laCathedral of Learning, utilise un style très gothique à la fois à l'intérieur et à l'extérieur, tout en employant des techniques modernes pour rendre la construction plus haute. Ralph Adams Cram devient une force de premier plan dans le gothique américain, avec son projet le plus ambitieux, lacathédrale Saint-Jean le Théologien de New York (dite la plus grande cathédrale du monde), ainsi qu'avec des constructions gothiques collégiales à l'université de Princeton. Cram dit : « le style taillé et perfectionné par nos ancêtres est devenu le nôtre par un héritage incontesté ».
Bien que le nombre de nouveaux bâtiments néogothiques décline fortement après les années 1930, ils continuent à être construits. Lacathédrale Saint-Edmundsbury dans leSuffolk (Angleterre) est construite entre la fin des années 1950 et 2005[2], sur les plans de Stephen Dykes Bower. En 2002, Demetri Porphyrios est accrédité pour concevoir un collège résidentiel néogothique à l'université de Princeton, connu sous le nom de Whitman College.