
Lamusique traditionnelle géorgienne se situe entre deux mondes culturels, l'européen et l'asiatique[1]. Elle est en outre très ancienne, ses racines remontent à l'ère pré-chrétienne. Malgré les invasions successives desEmpires perse,ottoman etrusse, et lasoviétisation, elle a su conserver ses caractéristiques propres[2]. Le chantpolyphonique géorgien est déclaré chef-d'œuvre dupatrimoine culturel immatériel par l'UNESCO en2001 et inscrit sur la liste représentative en2008[3].

Les découvertes archéologiques, aussi bien que l’étude de sources écrites, attestent l'existence d'une culture musicale sur le solgéorgien depuis environ trois mille ans. Parmi ces découvertes, on mentionnera une flûte en os (salamouri) trouvée àMtskhéta (XVe – XIIe siècles av. J.-C. – fouilles de Samtavro), des représentations d'instruments anciens (bobghani, knari,tchangui) découvertes àKazbegui (XIe – Xe siècle av. J.-C.), un bol en argent deTrialeti représentant une ronde (perkhouli) dédiée à la déesse de la fertilité (milieu du IIIe millénaire av. J.-C.), une ceinture de bronze trouvée à Samtavro figurant une danse de chasseurs à la nouvelle lune (VIIIe – VIIe siècles av. J.-C.)[4],[5].
L'écho de ces rituels persiste depuis : les chants accompagnant les rondes — Adrekilaï[6] (engéorgien : ადრეკილაი),Sakmisai,Mmelia Telepiai — sont considérés comme l’une des formes les plus archaïques de la musique géorgienne. Des danses et des chants dédiés à la lune existent toujours dans plusieurs régions comme l'hymne fémininDideba enKartlie etKakhétie ou la rondesvaneChouchpari.

Les historiens disposent quant à eux de sources remontant auVIIIe siècle av. J.-C. Le roi assyrienSargon II, dans le récit de sahuitième campagne (714 av. J.-C.), mentionne le fait que les habitants du nord du royaume d'Ourartou s’encourageaient au travail par leurs« chansons joyeuses » (tablette conservée aumusée du Louvre).Xénophon, dans l’« Anabase » (IVe siècle av. J.-C.), décrit ainsi de lointains ancêtres desGéorgiens : « [...] Après la bataille, ils se mirent en rang, puis l’un d'entre eux commença à chanter, imités par tous les autres [...] Ils coupèrent les têtes des cadavres et exécutèrent des chants et des danses d’une sorte particulière »[7].
Bien que l'adoption du christianisme comme religion d'État date duIVe siècle, les sources historiques concernant la musique liturgique ne remontent qu’auxVIe et VIIe siècles. LeTypikon deSabas le Sanctifié (mort en 532) indique qu’auxVIe – VIIe siècle la messe était célébrée en géorgien, etLa Vie de Grégoire de Kandzta de Guiorgui Merchule (951 ap. J.-C.) apprend que des chants liturgiques étaient enseignés dans les églises géorgiennes auIXe siècle.

Durant la période soviétique, des ensembles vocaux ont continué à se constituer en Géorgie et se sont produits dans les autres pays de l'URSS, et enEurope. Ainsi l'ensemble masculinRoustavi est fondé en1968 par Anzor Erkomaichvili[8] : il puise son répertoire dans les différentes régions géorgiennes et contribue à les faire connaître au-delà des frontières[1]. L'ensemble féminin Mzetame, fondé en 1986 — à l'initiative d'Edisher Garaqanidze — donne un large aperçu du répertoire féminin.
LeConservatoire d'État de Tbilissi a joué et joue un rôle important pour le renouveau de la polyphonie. Il permet la consolidation d'un pôle de recherche historique et musical sur la polyphonie géorgienne avec d'autres centres folkloriques privés, la formation des musicologues et des musiciens (comme les six participants à l'ensemble Mzetamze[9]), mais l'organisation une année sur deux d'un symposium sur la polyphonie dans le monde, avec conférences et concerts d'ensembles vocaux venus de tous les continents, en 2016. Le8e symposium voit la participation de 22 musicologues et d'une centaine d'ensembles vocaux venus de 21 pays[10].
Les flux migratoires géorgiens desXXe et XXIe siècles conduisent à la constitution d'ensembles de polyphonie géorgienne à l'étranger — chœurs communautaires et non-communautaires — et à la diffusion de cette pratique par des concerts, mais aussi par des stages de formation destinés aux chanteurs de toutes nationalités.
Le chant polyphonique géorgien * | |
Chanteurssvanes,Tbilissi, 2006. | |
| Pays * | |
|---|---|
| Liste | Liste représentative |
| Année d’inscription | 2008 |
| Année de proclamation | 2001 |
| *Descriptif officiel UNESCO | |
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Les polyphonies géorgiennes se composent généralement de trois voix, les parties supérieures étant chantées par des solistes, la partie de basse par un groupe. Les échelles musicales sontheptatoniques, avec toutefois une division de l'octave différente de celle pratiquée en Occident, basée sur laquinte parfaite et une consonance accentuée de latierce. On parle parfois à ce propos de « quintave » plutôt que d'octave, si bien que même dans des accords chromatiques ou diatoniques occidentaux, on assiste à un glissement de l'intonation qui semble alors sonner faux[8].
Les chants ont souvent survécu à la disparition de leur contexte originel grâce à la tradition toujours vivante des banquets ritualisés (soupra[11]), à l'occasion desquels des toasts sont portés et des chants sont ensuite entonnés. Parmi les familles de chants (certains donnant lieu à de nombreuses variantes) les plus populaires, peuvent être cités[Note 1] : lesmravaljamieri (engéorgien : მრავალჟამიერი, longue vie), lesmakrouli (engéorgien : მაყრული, chants de mariage), et lesnadouri (engéorgien : ნადური) oumamitadi (engéorgien : მამითადი, chants de travail agraire),orovela (engéorgien : ოროველა, chants de labour) ou encoreourmouli (engéorgien : ურმული, chants de charretier).
Bien que le répertoire masculin soit le plus abondant, le chant polyphonique est pratiqué aussi bien par les femmes que par les hommes. Le répertoire plus spécifiquement féminin comporte notamment de nombreuses berceuses,iavnana (engéorgien : იავნანა), et des chants de guérison adressés aux esprits,batonebi (engéorgien : ბატონები ) dont la croyance voulait qu'ils possèdent les enfants souffrant de « boutons rouges » (variole, rougeole, scarlatine).
Lerépertoire sacré, très vaste, rassemble des chants liturgiques orthodoxes issus de très anciennes académies, (Gelati,Ikalto, Chemokmedi,Svétitskhovéli), situées dans différentes provinces et qui donnent naissance à des styles caractéristiques ; il comporte aussi des hymnes païens ou encore des chants de quête tels lesalilo (chants de Noël)[12].
Lesdifférentes province deGéorgie ont conservé une certaine identité culturelle, parfois séparées par unrelief montagneux, souvent enclins à maintenir des principautés locales : les styles musicaux s'y différencient[13].
Une premièrecommunauté géorgienne — issue d'une émigration politique — s'y établit au début du XXe siècle; une seconde communauté géorgienne — issue d'une émigration économique — s'y établit à partir des dernières années du XXe siècle. Un certain nombre de ces exilés politiques importent en Île-de-France leurs chants et leurs danses traditionnels : leurs descendants constituent durant les années 1960 des groupes folkloriques, dont lesAmitiés géorgiennes (Ramine Naskidachvili et Othar Amilakhvari) etMerani (Othar Pataridze pour le chant et Alexis Kobakhidzé pour la danse)[15],[16]. De la même manière se constituent à partir des années 1990 des ensembles polyphoniques géorgiens à Paris, Marani (Frank Kane[17], Bertrand Lambolez, puis Tariel Vachadze), Harmonie géorgienne (Nana Peradze[18]), Tamarionni (Paroisse Sainte Thamar) et le chœur du Centre culturel Lazi. Les chants polyphoniques géorgiens pratiqués constituent un élément du patrimoine culturel francilien[19].
Il se produit àParis, notamment pour une représentation historique auThéâtre des Champs-Élysées en, et à l'étranger (Londres)[20].
Fondé durant lesannées 1990 par Frank Kane, d'origine américaine, ce chœur masculin accueille d'abord des chanteurs français et se renforce ensuite de chanteurs d'origine géorgienne : il produit des concerts publics depuis plus d'une vingtaine d'années, notamment dans le cadre des manifestations de l'Ambassade de Géorgie en France. En constant échange avec la Géorgie, il organise des formations animées par des maitres de chant venus de Tbilissi[21]. Un chœur féminin,Madrikali (Sophie Bilong), lui est adjoint[22].
Constitué pour l'essentiel de chanteuses et de chanteurs géorgiens, il a pour répertoire les chants profanes et les chants sacrés géorgiens et se produit fréquemment dans les églises[23].
Il est issu du chœur de laParoisse orthodoxe géorgienne Sainte-Tamar de Villeneuve-Saint-Georges et s'est professionnalisé avec des formations au chant et à la danse[24].
Basé dans le18e arrondissement de Paris et composé d'adultes et d'enfants de l'immigration géorgienne, le centre est créé en2009 et forme depuis les nouvelles générations à la culture géorgienne[25]. Son chœur a pour répertoire les chants ruraux et les chants urbains géorgiens et se produit lors des fêtes communautaires[26].
Hors les chœurs communautaires formés dans les régions par les immigrés géorgiens duXXIe siècle, des chœurs composés de chanteurs d'origine non-géorgienne ont pris naissance, parmi lesquels on peut citer :


| Vents | Cordes | Percussions |
|---|---|---|
| Bouki | Abkhartsa | Daïra |
| Bouzika | Tchangui | Diplipito |
| Tchiboni | Tchianouri | Doli |
| Doudouki | Tchongouri | Nagara |
| Garmoni | Tchouniri | Tsintsila |
| Gudastviri | Pandouri | |
| Larchemi-soinari | ||
| Pilili | ||
| Salamouri | ||
| Sankeri | ||
| Stviri | ||
| Tsiko-tsiko | ||
| Zurna |
| Liste représentative | ||
|---|---|---|
Listes du patrimoine culturel immatériel de l'humanité : | ||