Lamusique industrielle est un style demusique électronique aux thèmes transgressifs et provocateurs. Le terme apparaît au milieu desannées 1970, à la suite de la fondation du labelIndustrial Records par le groupeThrobbing Gristle, et l'apparition du slogan« musique industrielle pour peuple industriel. ».AllMusic définit la musique industrielle comme« une fusion abrasive et agressive de rock et de musique électronique » ;« initialement un mélange d'expérimentation électronique d'avant-garde (musique concrète, synthétiseurs, séquenceurs, etc.) et d'un style provocateur similaire aupunk[1]. »
Initialement, le terme en lui-même s'applique au groupuscule d'artistes signé au label Industrial Records dans lesannées 1970, puis s'élargit pour définir par extension une musique aux aspects« industriels[3]. » Ces musiciens élargissent le genre en repoussant les limitesbruitistes puis tirés dans l'électronique. Au fil du temps, sa popularité s'accroit et le genre musical s'étend vers des sonoritésambient et rock, actuellement attribuées à lamusique post-industrielle. L'électro-industriel est le premier sous-genre développé dans lesannées 1980. Les deux autres genres hybrides notables incluent lerock industriel et lemetal industriel, joués par des groupes tels queNine Inch Nails etMinistry, dont les albums sontcertifiés disques de platine durant lesannées 1990. Ces trois genres peuvent être simplement appelésindustriel.En France, la musique industrielle est représentée par des groupes commeDie Form,Étant donnés,Punish Yourself et Le Syndicat ou par des compositeurs tels queJean-Marc Vivenza.
La musique industrielle puise ses origines de par de nombreuses sources, dont le manifeste futuriste de Luigi Russolo "L'Art Des Bruits"(1913) & de la Musique Concrète des années 1940. Alexei Monroe note l'influence particulière deKraftwerk dans le développement de la musique industrielle car étant le« premier groupe à incorporer des sonorités de types industriels dans une musique électronique[4]. » La musique industrielle est à l'origine créée par l'utilisation de machines électriques et desynthétiseurs, puis par la suite desamplers et de percussions électroniques au fur et à mesure du temps. Monroe note également le groupeSuicide comme inspiration pour les musiciens du genre[4]. Les sources d'inspiration cités par les premiers musiciens de la musique industrielle incluentThe Velvet Underground etMartin Denny[5].Genesis P-Orridge deThrobbing Gristle détenait une collection decassettes audio orientéesMaster Musicians of Jajouka(en), Kraftwerk,Charles Manson, etWilliam S. Burroughs[6]. P-Orridge s'inspirait de la musique rock desannées 1960 commeThe Doors, Pearls Before Swine,The Fugs,Captain Beefheart, etFrank Zappa lors d'une entrevue en 1979[7].
La phrase« Musique industrielle pour peuple industriel. » (Industrial Music for Industrial People) est à l'origine crédité parMonte Cazazza[21] en tant que slogan pour le label discographiqueIndustrial Records, fondé par le groupe deperformers extrêmesbritanniquesThrobbing Gristle[22]. La première vague de la musique industrielle émerge avec Throbbing Gristle (originaire deLondres), Cabaret Voltaire (originaire deSheffield)[23], et Boyd Rice (sous le nom de NON ; originaire desÉtats-Unis[24]. Throbbing Gristle joue pour la première fois en 1976[25], et influence le groupe musical originaire deKingston-upon-Hull,COUM Transmissions[26]. COUM est à l'origine un groupe de rock psychédélique, mais les membres décrivent leurs œuvres comme de laperformance artistique dans le but d'attirer l'attention duConseil des arts de Grande-Bretagne[17]. COUM se composait de P-Orridge etCosey Fanni Tutti[17]. Le groupe se renomme Throbbing Gristle en, un argot britannique désignant une érection[26] pour se consacrer à la musique et ainsi élargir son audience[27],[28],[29]. Se posant en reporters du réel, leur musique se veut un reflet sans faille d'un monde perçu comme en pleine décadence[29].
Le chanteur de Throbbing Gristle,Genesis P-Orridge, explique que l'origine du mot « industriel », se réfère à l'industrie de la musique, à l'industrialisation de notre monde mais aussi à ce qui opère sur nous, ce qui nous contrôle. Le « blues » est né de l'esclavagisme. Mais personne ne se pose la question de savoir ce qui produit cet esclavage donc le « blues ». Il suffit de se poser la question et de relire le mot «industriel» pour en comprendre son origine. Il suffit de suivre le regard du chanteur de « blues » non pas vers la profondeur de ce qu'il ressent mais vers cette maison « Victorienne » qui contrôle sa vie[27]. Dans la continuité des performances de COUM, Throbbing Gristle se distingue par une imagerie violente et subversive (projection d'images insoutenables, de pornographie, d'uniformes nazis...) qui fait sa renommée. Le local où ils vivent et créent leur musique, une usine désaffectée située dans le lugubre secteur de l'East Endlondonien, est baptisé « Death Factory » (littéralement « Usine de mort »), un surnom duCamp d'Auschwitz ; le logo d'Industrial Records sera d'ailleurs une photo non identifiée de la cheminée de ce camp[30]. Parallèlement, dès 1977 auxÉtats-Unis, les groupesPere Ubu etDevo développent un concept similaire et participent à sa diffusion en se qualifiant respectivement de « folk industriel » et de « groupe industriel des années 1980 »[31].
Rapidement d'autres groupes se rallient à la mouvance industrielle, dont certains avaient précédé la conceptualisation du mouvement. Parmi ceux-ci, l'un des plus remarquables est sans douteCabaret Voltaire. Également d'origine anglaise, apparu en 1974 dans une mouvancepost-punk, ce groupe s'est intéressé au détournement de sons et de discours, au travail sur bandes magnétiques, dans une approchedadaïste de collage sonore. De 1978 au début des années 1980, de multiples formations rattachées au courant industriel font leur apparition, principalement au Royaume-Uni mais également dans d'autres pays. Parmi les principaux on peut citer23 Skidoo,Premature Ejaculation,SPK,Nurse With Wound,Whitehouse,Vivenza etEsplendor Geométrico. Throbbing Gristle se sépare en 1981. Poursuivant le travail entrepris dans des directions variées, ses anciens membres fonderont d'autres projets avec plus ou moins de succès sur le plan commercial mais souvent avec les hommages de lacritique musicale. Parmi ceux-ci on peut citerCoil,Psychic TV ouChris and Cosey. Une compilation nomméeThe Industrial Records Story 1976-1981, sortie sur Illuminated Record en 1984 réunit les artistes majeurs du label : Throbbing Gristle, Monte Cazazza, Leather Nun, Rental'Leer, SPK, Cabaret Voltaire, Elizabeth Welch, Clock DVA, Dorothy etWilliam Burroughs. Assez rapidement, les groupes pionniers de la scène industrielle connaissent une nette évolution au niveau des thèmes abordés, en passant d'une simple imagerie hideuse et cauchemardesque à une« fascination néopaïenne pour la magie occulte et les arcanes mystiques[32]. »
Les groupes Clock DVA[33], Nocturnal Emissions[34], Whitehouse[35],Nurse With Wound[36] etSPK[37] émergent rapidement. Whitehouse tente de jouer« la musique la plus brutale et extrême de tous les temps », un style qu'ils nommerontpower electronics[38]. Un premier collaborateur avec Whitehouse, Steve Stapleton, forme Nurse with Wound, caractérisée par des sonorités bruitistes et collages sonores[39]. 23 Skidoo, comme Clock DVA, fusionne musique industrielle à de la danse musicale africaine. Participant au WOMAD Festival en 1982, le groupe se compare auxgamelans indonésiens[40]. EnAmérique du Nord, des événements similaires prennent place. ÀSan Francisco, Monte Cazazza débute dans la composition demusique bruitiste[41]. Boyd Rice fait paraître de nombreux albums bruitistes axés cacophonies et sonorités répétitives[42]. ÀBoston,Sleep Chamber(en) et d'autres musiciens originaires d'Inner-X-Musick(en) commencent à expérimenter et mélanger musique bruitiste et premières sonorités d'EBM. EnItalie, les œuvres musicales deMaurizio Bianchi au début des années 1980 partageaient un aspect sonore similaire[43]. EnAllemagne, Einstürzende Neubauten mixe percussions metal, guitares, et des sons de typemarteau-piqueurs[44].
Plus tard, à la suite de la séparation de Throbbing Gristle, P-Orridge et Christopherson fondentPsychic TV et signent avec un label majeur[45].
Il s'avère difficile de donner une définition précise de la musique industrielle en tant quegenre musical ; les principaux groupes se sont évertués à traverser les grands courants musicaux : de l'« anti-musique » au rock en passant par des orchestrations symphoniques ou plus électroniques et acoustiques.Laibach,SPK etTest Dept sont de bons exemples de cette transversalité musicale.Pour beaucoup d'artistes industriels, il ne s'agit en effet pas d'être identifiable à une étiquette, mais bien d'utiliser des étiquettes existantes pour diffuser une idée ou un concept. En ce sens, on peut être amené à parler de « culture » industrielle plutôt que de « musique ».[réf. souhaitée] Le titre de l'ouvrage de référence de la scène industrielleIndustrial Culture Handbook (littéralementManuel de la culture industrielle) est une bonne illustration de cette idée. La musique industrielle des débuts se distingue surtout par ses auteurs, la recherche artistique au travers de performances extrêmes, une attitude et un message hautement provocateur. La plupart des fondateurs de l'industriel ne sont pas spécialementmusiciens, mais plutôt desintellectuels et desartistesperformers, cherchant à secouer par un discours engagé un carcan social ou politique. Ainsi, leur production, loin de se limiter à la seule création musicale, incluait également d'autres formes artistiques comme la performance artistique ou l'usage d'installations, l'art postal, entre autres.
La scène industrielle se caractérise notamment par l'absence de leader patenté ou de mentor, les artistes ou les groupes travaillant sur des thèmes proches, raison pour laquelle on parlera facilement de « culture industrielle ».Jon Savage[46] retient trois points communs à tous les acteurs de la scène, sous-tendus par les omniprésentes idées desubversion et detransgression :
Organisation autonome : Choix de créer ses propres réseaux de fabrication et de diffusion. Inutile de passer par des compagnies de disques officielles.
Accès à l'information : « Guerre de l'information » signifie que la lutte pour le contrôle n'est plus physique (conquérir un pays) mais liée à la communication. Le mouvement prête ainsi une attention toute particulière aux techniques de dissémination et de propagande de l'information.
Utilisations de sons synthétisés et de l'« anti-musique » : Recherche musicale poussée afin de recréer l'ambiance sonore de notre monde actuel par l'utilisation de sons synthétisés et non musicauxa priori.
Utilisations d'éléments extra-musicaux : Intégration d'éléments littéraires, philosophiques, spirituels, sexuels, de vidéos lors des concerts, dans les disques, livrets accompagnant les disques, etc.
Tactiques de chocs : Utilisations d'éléments oppressifs lors de concerts (infrabasses, arcs électriques, verre pilé, murs sonores) afin de montrer le conditionnement des personnes et leur capacité à supporter de telles attaques.Cabaret Voltaire,Throbbing Gristle,SPK provoquaient volontairement les spectateurs dans ce sens.
L'un des apports fondamentaux de la musique industrielle (et de la scène post-industrielle) est l'utilisation transversale des supports de diffusion, en particulier desmédias de masse, mais appliquée paradoxalement à des idées et des créations souvent plus que confidentielles. Ainsi les tirages de disques dépassent très rarement les 1000 exemplaires, ce qu'on peut justifier par le coût élevé de production pour les artistes mais aussi par la volonté délibérée des acteurs du mouvement de rester confidentiels[47], notamment dans certains cas en multipliant les pseudonymes utilisés sur les disques par les mêmes artistes ou groupes, alors même que la notoriété déjà acquise pourrait permettre d'assurer le succès des ventes ultérieures (voir par exemple le cas deCoil), une caractéristique plus tard partagée avec de nombreux acteurs de la scènetechno[48]. La scène post-industrielle sera aussi influencée par quelques personnages mythiques occultes et dangereux :Aleister Crowley (sorte de mage occulte moderne),Austin Osman Spare (sorte de chamane), le tueur en sérieCharles Manson. Les relations avec les milieux occultistes entretenues par certains artistes post-industriels ont ainsi eu un apport concret en termes musicaux, dans la mesure où ils se sont intéressés au caractère ritualiste de certaines musiques, ainsi qu'à leurs potentialités en tant que support de concentration dans une pratique occulte. Un certain nombre de groupes, dont le plus connu est sans douteCoil, revendiquent une authentique dimension magique dans leur musique (souvent des pratiques deMagie du Chaos). La scène industrielle et post-industrielle a gardé les grandes thématiques de ses prédécesseurs ; en cela, elle reste uneculture populaire mais pas au sens commercial du terme ni au sens politique mais au sens de ce qui faitfolklore dans la société moderne.
Le terme même de musique industrielle pose aujourd'hui un vrai problème de terminologie, tant le champ d'expérimentation s'est élargi, faisant se côtoyer des expérimentateurs acharnés ne cédant en rien à la facilité, aussi bien que des artistes beaucoup plus accessibles, constituant une branche presquemainstream de ce mouvement. Malgré tout, on peut reconnaître une parenté entre ces différentes branches, que ce soit par le recours à une symbolique forte, une politisation assumée du message, le recours au bruitisme, la recherche de l'extrême, la mise en valeur du rythme, ou encore une utilisation particulière de l'électronique.
Bruitisme : sans doute le terme le plus chargé d'histoire, puisque lié aux thèses développés dans le manifesteL'Art des bruits (1913) dufuturiste italienLuigi Russolo (1885-1947). Il fut remis au premier plan de la scène musicale industrielle et popularisé au début des années1980 parVivenza qui en fit réémerger les fondements théoriques et pratiques ou encore le projet français Brume. Le terme a été largement réutilisé ensuite jusqu'à devenir un genre à part entière (souvent simplement qualifié denoise, soit « bruit », enanglais) par de nombreux groupes, formations ou critiques musicaux.
EBM : cette musique dansante et minimaliste inaugurée parFront 242 au début desannées 1980 constitue un chaînon manquant entre les pionniers de l'industriel et les débuts de latechno. Par la suite, le son de l'EBM évolue pour se rapprocher selon les groupes de latechno minimaliste et de l'IDM, se rapprocher de l'électro-industriel et de lamusique gothique avec ladark wave, ou bien tendre vers lanew wave.
Électro-industriel : au cours desannées 1980, le son industriel se structure et s'adoucit pour donner naissance à ce courant, une musique plus dansante qui n'hypothèque pas pour autant ses idéaux et sait préserver une démarche radicale.Front Line Assembly,Skinny Puppy etAbortive Gasp en sont les groupes emblématiques.
Harsh noise : ce courant s'intéresse au bruit en tant que tel, cherchant à prendre à contre-pied la conception esthétique commune de la musique commeagréable à l'oreille. Hautement expérimentaux, des projets d'avant-garde commeDissecting Table,Whitehouse ouMerzbow ont eu une influence dépassant les limites de ce genre.
Dark ambient : Ce proche parent de l'indus de la première époque et de lanoise est une musique proche de l'ambient de par son absence de rythme, son recours à des nappes, des sons d'ambience d'origine naturelle.
Death industriel : ce genre proche parent tant dupower electronics que dudeath metal se caractérise par une musique pesante, proche du bruitisme, aux ambiances apocalyptiques et aux thématiques similaires à celles dudeath metal.
Power noise,techno-indus ourhythmic noise : ces appellations désignent une hybridationbruitiste de latechno hardcore apparue au cours desannées 1990. Il s'agit d'une variante purement rythmique de l'industriel, parfois très dansante, toujours puissante, représentée par des groupes tels queSavak,P°A°L,Noisex ouWinterkälte.
Hip-hop industriel : apparu dans les années 1980, genre de hip hop expérimental, très dissonant avec des voix plus agressives que la normale des autres styles de hip hop, et souvent crié en plus du rappé.
↑Voir par exemple à ce sujet la présentation deCoil dans Duboys, p. 357 ; voir aussi par exempleDiscographie de Throbbing Gristle, où la majorité des enregistrements sont de fait desbootlegs en éditions très limitées.