Lamusique de film est lamusique utilisée pour unfilm, voulue par leréalisateur ou leproducteur. Il peut s'agir de musique préexistante ou de musique composée spécialement pour le film, ditemusique originale. On parle aussi de « bande originale » (BO), ou en anglais d'« original soundtrack » (OST), ces expressions désignant normalement la musique originale mais étant parfois utilisées pour désigner l'ensemble de la musique d'un film, d'une série ou d'un jeu vidéo, notamment dans le cadre de leur exploitation commerciale (ex. : album).
En 1891, l'inventeur et industriel américainThomas Edison, présentait au public les premiers films ducinéma. Le grand rêve d’Edison, était de coupler l’image et le son correspondant :« On pourrait ainsi assister à un concert du Metropolitan Opera cinquante ans plus tard, alors que tous les interprètes auraient disparu depuis longtemps[1]. »
Un an plus tard, en 1892,Émile Reynaud avait inventé ledessin animé avec sonThéâtre optique. L'inventeur et dessinateur français avait en outre compris que la dramaturgie d’images animées demandait un support aux vertus rythmiques et lyriques : la musique. Ainsi, il chargea un certain Gaston Paulin d'écrire pour chaque représentation une musique originale afin de soutenir l’action des personnages dessinés[2]. C'était les premières musiques de film, bien qu'elles ne furent jamais enregistrées mais seulement transcrites sur partitions puisque Gaston Paulin les interprétait lui-même au piano et qu'il adaptait le cours de sa musique aux improvisations dont Émile Reynaud enrichissait les projections (arrêt sur image,marche arrière, etc.).
Dans les jours qui suivirent la première représentation des frères Lumière, en, le pianiste Émile Malaval vint improviser pour tenter de couvrir le bruit désagréable decrécelle métallique de l'appareil de projection[3]. Cette tradition defête foraine sera reprise depuis dans la majorité des salles de cinéma et dans les foires. Un piano ou un violon faisaient l'affaire mais, dans les salles des quartiers riches, un orchestre de quelques instrumentistes améliorait l’accompagnement musical.
En 1909, la société de productionEdison Studios éditaSuggestion for Music, un catalogue dans lequel chaque action ou émotion est associée à une ou plusieurs mélodies extraites du répertoire classique. De même,Playing to Picture (W.T. George, 1912),Sam Fox Moving Picture Music Volumes (J.S. Zamacki, 1913),Motion Pictures Moods for Pianists and Organists : A Rapid-Reference Collection of Selected Pieces (Ernö Rapee, 1924) sont des ouvrages musicaux qui classent minutieusement les pièces classiques et les compositions originales pour une utilisation lors d’une projection de film[5].
Les premières partitions écrites spécifiquement pour le cinéma jouent généralement le même rôle que les morceaux du répertoire classique qu'elles remplacent : elles ne font que soutenir le discours cinématographique, souvent avec emphase et redondance. Cette réduction de la musique à une fonction de redoublement amènera le compositeurIgor Stravinsky à la comparer à du « papier peint »[6].
Finalement, c'est à partir desannées 1930 que la musique originale de film se démocratise et, petit à petit, elle brise le cocon de simple accompagnement sonore pour apporter une dimension supplémentaire chargée de sens. Ainsi, au-delà de son apport esthétique, elle devient utile et participe aurécit.
La partition deJohn Williams pour le filmLes Dents de la mer deSteven Spielberg en est un exemple révélateur. Le thème musical devient unleitmotiv induisant l'appréhension à lui seul à plusieurs reprises dans le film et transforme l'attente du spectateur en véritable angoisse.
La fonction expressive de la musique (dramatique, lyrique, esthétique ou symbolique) vient en appui de la narration, que ce soit pour caractériser ou illustrer musicalement la scène, lui conférer un pouvoir émotionnel sur le spectateur, voire devenir un protagoniste à part entière comme l'estimeAlexandre Tylski en se référant au propos deSteven Spielberg sur la musique d'Indiana Jones[7].
La musique peut ainsi être utilisée de plusieurs manières dans un film :
Musique d'accompagnement et de soulignage sonore des actions (technique appeléemickeymousing) ;
Musiquethématique, qui permet une certaine unité ou qui peut être associée à un personnage ;
Musique non émotionnelle, qui a par exemple pour fonction de donner un rythme.
La musique devient parfois indissociable de l'image et nombreux sont lesréalisateurs qui lui accordent une place de choix. Lesthèmes musicaux de certains films sont devenus de grands succès populaires.
Des collaborations durables peuvent s'installer entre réalisateur etcompositeur, dont voici les principales :
Au moment de la sortie en salles, souvent avant pour les très grosses productions et plus rarement après pour d'autres, la musique d'un film peut être vendu au public et devenir unproduit dérivé.
Il peut y avoir deux types de produits :
Original Motion Picture Soundtrack, où sont regroupés généralement des titres « sur catalogue » fournis par les majors et apparaissant plus ou moins dans le film, ou des morceaux « inspirés par le film ». Suivant la production, il s'agit essentiellement dechansons, demusique classique ou de morceaux dejazz ;
Original Motion Picture Score, où figure la véritable musique composée pour le film.
2019 :Les Génies de la musique de film (Great Film Composers: The Music of the Movies), série documentaire britannique de 12 épisodes réalisée parLyndy Saville et produite par3DD Productions(en).
Mario d'Angelo,La Musique dans le flux télévisuel, Paris, OMF-Paris Sorbonne, série Activités et institutions musicales, 9, 82 pages,(ISBN2-84591-203-X).
Philippe Gonin,Aux sources de la musique de film : Le Film d’Art, L’Assassinat du duc de Guiseet Camille Saint-Saëns, revue Tempus Perfectum n° 5, Lyon : Symétrie, 2009, 28 pages.(ISBN978-2-36485-004-0)
Alexandre Tylski (dir),John Williams, un alchimiste musical à Hollywood, Paris, Harmattan, coll. Univers musical, 2011, 218 p.(ISBN978-2296548077).
Jérôme Rossi,La Musique de film en France : courants, spécificités, évolutions, collection Symétrie Recherche, série 20-21, Lyon : Symétrie, 2016, 470 pages.(ISBN978-2-914373-98-2)
Jérôme Rossi,L’Analyse de la musique de film : histoire, concepts et méthodes, collection Symétrie Recherche, série 20-21, Lyon : Symétrie, 2022, 732 pages.(ISBN978-2-36485-100-9)