Lamusique contemporaine représente les différents courants demusique savante apparus après la fin de laSeconde Guerre mondiale. À partir desannées 1950, l’émergence de mutations dans l'écriture musicale laisse entrevoir une nouvelle tendance de la composition. Ces mutations sont en fait des caractéristiques du siècle de l'ordinateur, de l'enregistrement sonore et du synthétiseur : un langage musical en crise (indétermination d’un côté,sérialisme généralisé de l’autre), et des recherches qui développent de nouvelles formes d’expression (musique électronique, mixte), pour aboutir à de nouveaux concepts (notions fondamentales d’acoustique, notions d’objets sonores et musicaux). Certains de ces courants ont emprunté des voies nouvelles en dehors dusystème tonal.
Un autre apport, des instrumentistes eux-mêmes, est celui desmodes de jeu qui sur la base de la lutherie traditionnelle développe également l'espace dutimbre instrumental.
Parvenus aux confins de l’exploration harmonique et stylistique de lamusique romantique, les compositeurs du début duXXe siècle ont essayé de se délier des systèmes classiques. Pour ce faire, ils ont tenté de purifier l’écoute de la musique de ses éternels couplages entre tensions et détentes que latonalité lui avait inculqués. L’« extra-tonalité » s’est employée à explorer, parfois en les combinant, tantôt lamodalité (Debussy,Moussorgski), tantôt l’espace harmonique dans son entier (dodécaphonisme), tantôt l’espace rythmique (Stravinsky).
Le dodécaphonisme utilise des séries pour régir les hauteurs. Le sérialisme généralise les séries à d'autres paramètres du son (rythmes, durées, timbres, etc.). Ceci conduit, après la Seconde Guerre mondiale, à un sérialisme intégral où tous les paramètres sont structurés par des séries.
Les principaux compositeurs sontRené Leibowitz (pour son rôle d'initiateur en France),Pierre Boulez,Jean Barraqué,Luigi Nono,Bruno Maderna,Luciano Berio,Karlheinz Stockhausen,Milton Babbitt etIgor Stravinsky (dans sa dernière période).
Œuvres emblématiques et représentatives : premier livre desStructures pour deux pianos de Pierre Boulez et laSonate pour piano de Barraqué.
Dès 1917, Varèse écrivait[1] :
« Je rêve d’instruments obéissant à la pensée et qui, avec l’apport d’une floraison de timbres insoupçonnés, se prêtent aux combinaisons qu’il me plaira de leur imposer. »
Mais c'est seulement à la fin des années 1940, avec l'enregistrement sur un support audio comme le disque (1948) puis la bande magnétique (après 1950), que de nouvelles formes de composition directes sur le matériau sonore ont pu s'opérer.
Edgard Varèse fut, comme par la suitePierre Schaeffer etPierre Henry, l'un des précurseurs de cette musique. Ils intégrèrent tous très tôt des instruments électroniques à leurs œuvres, mêlèrent instruments et sons enregistrés (Orphée 51 ou toute la lyre de Pierre Schaeffer et Pierre Henry,1951 ;Déserts d'Edgard Varèse,1954) et créèrent des œuvres demusique électronique pure (Symphonie pour un homme seul de Schaeffer et Henry,1950,Poème électronique de Varèse,1958).
Au cours desannées 1950 et1960,Karlheinz Stockhausen,Luciano Berio,Pierre Boulez,Luigi Nono etGyörgy Ligeti essaieront également soit de créer des œuvres avec des sons électroniques (enregistrés sur bande), soit de mêler sons enregistrés et exécution instrumentale ; mais la technologie étant assez rudimentaire à l'époque, la plupart d'entre eux y renonceront temporairement. György Ligeti (Glissandi,1957), Luciano Berio (Thema (Omaggio a Joyce),1958), Pierre Henry (Haut Voltage,1956) ou Karlheinz Stockhausen (Gesang der Jünglinge,1956 etKontakte,1959) créèrent dès la fin desannées 1950 les premières œuvres de la musique électronique ou électroacoustique. Ces techniques évoluèrent considérablement, en particulier avec l’apparition de l’informatique et des différentes méthodes de traitement et desynthèse sonore.
Les représentants de ces techniques enFrance sont entre autres Pierre Henry et Pierre Schaeffer, inventeur du termemusique concrète en 1948 et fondateur duGroupe de recherches musicales (GRM) en 1958. Ils tentèrent, avec l'aide du tourne-disque puis dumagnétophone, de mettre en œuvre une musique nouvelle. Cette musique sur bande, née des recherches sur la nature du sonore et du musical, est désignée comme « concrète » pour l'inversion du processus de composition qui la caractérise. Au lieu de partir de ces valeurs abstraites que sont les notes pour aller vers le concret d'un résultat sonore, cette musique prend pour départ des données sonores enregistrées, d'origine acoustique ou électronique, organisées par montage et mixage, où la composition est fondée sur l'écoute directe du résultat en un constant aller-retour du faire à l'entendre, pour aboutir enfin à cette abstraction qu'est la musique. C'est la « démarche concrète ».
Il n'y a pas qu'une formule demusique électronique, mais de nombreuses variantes :
Dans le cas de la musique « pour bande » (appelée selon les époques, les lieux et les écolesmusique concrète,musique expérimentale,musique électroacoustique,tape music, Elektronische Musik,musique acousmatique (ou encore art acousmatique[2]), le son enregistré lui-même peut être produit de différentes manières :
Depuis l'arrivée de l'ordinateur personnel, le traitement numérique duson permet de créer de nouvelles formes d'instrumentalisation de la musique, aussi bien grâce à lasynthèse sonore que sur le plan du formalisme de la composition (cf.musique assistée par ordinateur).
De plus en plus de musiques s'orientent vers une démarche incluant, en partie, la théâtralisation des objets liés aux processus créateurs (voix, instrument notamment chez Berio avec lesSequenze, interprète). Encore aujourd'hui, dans la musique duXXIe siècle, certains compositeurs s'orientent vers des démarches hybrides mêlant musique et arts de la scène (François Sarhan, Colin Roche). Une possibilité est de considérer le théâtre musical comme un héritier des pratiques de John Cage etLa Monte Young, liées auxhappenings.

L'indétermination est un courant américain qui s'est créé en réaction à la complexité de la musique européenne. Son représentant le plus emblématique estJohn Cage autour duquel se forme ce que l'on appelle parfois l'École de New York, composée notamment parMorton Feldman etEarle Brown. Ils sont très liés aux artistes plasticiens de leur temps :Mark Rothko,Jackson Pollock,Alexander Calder.
Une œuvre ouverte est une œuvre mobile, dont chaque exécution est différente. Cette notion d'œuvre ouverte a été développée parUmberto Eco[3]. Dans la pratique, le compositeur délègue à l'interprète certains choix, plus ou moins encadrés : parcours (ordre des sections laissé libre dans la partition), paramètres du son (attaques, dynamiques, hauteur, etc.), combinaisons... Dans certaines pièces, l'ouverture est assurée en recourant à des signes visuels[4] ou sonores[5],[6].
À partir des années 1950, on voit apparaître un ensemble totalement hétérogène de partitions utilisant des signes nouveaux, sans rapport avec les standards existants. Ces pièces, dont certaines sont visuellement aussi belles que des œuvres d'art, sont des partitions graphiques.
Lamusique minimaliste est un courant apparu dans lesannées 1960 auxÉtats-Unis. Ses représentants les plus connus sontSteve Reich,Michael Nyman,John Adams,Philip Glass,Terry Riley,La Monte Young,Arvo Pärt,Henryk Górecki. Le terme de minimaliste est généralement considéré comme étant peu adapté à cette musique, que l'on appelle également « répétitive », car en partie basée sur un principe de répétition. Elle comporte des influences diverses :Erik Satie, lesérialisme, l'avant-garde musicale américaine autour de John Cage, ainsi que lejazz, et lesmusiques extra-occidentales.
Les premières œuvres minimalistes utilisent un matériau assez dépouillé, avec l'utilisation debourdons chez La Monte Young, ou de techniques de répétition, pardécalage de phase chez Steve Reich, ou par addition/soustraction de motifs chez Philip Glass. Les œuvres postérieures s'écartent en revanche de plus en plus d'une utilisation « minimale » du matériau musical, en particulier chez John Adams.
György Ligeti a écrit certaines œuvres (Kammerkonzert,2e quatuor à cordes) utilisant épisodiquement des techniques similaires. D'autres compositeurs les ont utilisées de façon moins systématique :Harrison Birtwistle, Luciano Berio (Points on the curve to find).
Œuvres emblématiques et représentatives :In C de Terry Riley ;Come Out etMusic for 18 Musicians de Steve Reich ;Violin Concerto de Philip Glass ;Nixon in China de John Adams.
Le terme de minimalisme englobe un spectre assez large de styles, et se confond parfois avec lamusique postmoderne.
Le terme fut inventé par le compositeurHugues Dufourt dans un article de1979. Il sert généralement à désigner des techniques de composition développées principalement par les compositeurs françaisTristan Murail etGérard Grisey, même si ce dernier s'identifiait peu dans ce terme et aurait préféré le terme de « musique liminale », qui résumait mieux sa pensée du temps musical. Mais les premiers compositeurs que l'on peut qualifier de spectraux sont les RoumainsIancu Dumitrescu (1944) etHorațiu Rădulescu (1942-2008), dont le mode de composition résulte plus de l'héritage de la musique populaire roumaine qui englobe elle-même des aspects spectraux, ainsi que de la musique byzantine, que de l'exploration scientifique des composantes harmoniques du son, comme procède l'école spectrale française. De ces deux compositeurs on peut citer comme œuvres représentatives, pour Rădulescu,Iubiri pour 16 instruments et sound icons (un instrument créé par le compositeur) ou les sonates pour piano, et pour DumitrescuMedium II pour contrebasse etCogito/Trompe-l'œil pour piano préparé, 2 contrebasses, gong javanais, cristaux et objets métalliques. On peut considérer également le compositeur japonaisToshirō Mayuzumi (1929-1997), qui a analysé acoustiquement les sons des cloches bouddhistes et reproduit leur qualité sonore par orchestre dans saNirvana Symphony pour chœur et orchestre (1958).
Lamusique spectrale, dans un sens restrictif, est principalement basée sur la découverte de la nature dutimbre musical et ladécomposition spectrale duson musical, à l'origine de laperception de ce timbre. Certaines œuvres commeAtmosphères deGyörgy Ligeti,Stimmung deKarlheinz Stockhausen,Metastasis deIannis Xenakis,Mutations deJean-Claude Risset etStria deJohn Chowning ont directement influencé ce mouvement, par leur ambivalence harmonie-timbre. Il en est de même pour les œuvres deGiacinto Scelsi, dePer Nørgård (Iris,Luna ouVoyage into the golden screen) ou encore deFriedrich Cerha (Cycle des Spiegel).
La musique « spectrale » tente de synthétiser à l'orchestre ou avec un ensemble instrumental des évolutions temporelles de sons plus ou moinsbruités. Elle utilise pour cela des techniques microtonales d'orchestration favorisant une perception fusionnée, qui est celle du timbre, et des processus continus de transformation du matériau dans le temps[7].Tristan Murail,Gérard Grisey,Hugues Dufourt etMichaël Levinas développeront cette recherche, en y incorporant des techniques dérivées de l'analyse-synthèse par ordinateur, qui a permis de rentrer dans les détails de la représentation du timbre. Ils appliqueront ainsi à l'écriture pour instruments traditionnels des techniques précédemment découvertes en électroacoustiques comme la modulation de fréquence, la boucle de réinjection, la compression de spectres, ou la dilatation d'un son dans le temps. Esthétiquement, cette école s'opposait à la musique sérielle et plus généralement à une musique combinatoire, préférant penser le son complexe comme un continuum, parallèle microscopique du continu formel macroscopique qu'est une œuvre de musique. Horațiu Rădulescu a mis au point une autre écriture spectrale basée sur lascordatura spectrale comportant des intervalles inégaux, peu nombreux dans le grave et de plus en plus nombreux en montant vers l'aigu.
Il s'agit d'une école esthétique dans le sens où elle a influencé de nombreux compositeurs plus jeunes :Philippe Hurel,Philippe Leroux,Marc-André Dalbavie,Jean-Luc Hervé,Régis Campo,Bruno Letort,Thierry Alla,Fabien Lévy,Xu Yi,Éric Tanguy ouThierry Blondeau enFrance,Claude Ledoux enBelgique,Kaija Saariaho ouMagnus Lindberg enFinlande,George Benjamin ouJulian Anderson au Royaume-Uni,Joshua Fineberg aux États-Unis,Georg Friedrich Haas enAutriche,Ana-Maria Avram enRoumanie pour n'en citer que quelques-uns.
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