Taxons concernés
Dans la famille desSoricidae :
Dans la famille desTenrecidae :
Dans la famille desTalpidae :
Musaraigne est unnom vernaculaire ambigu enfrançais, pouvant désigner plusieursespèces différentes de petitsmammifèresinsectivores, généralement gris-brun à museau pointu.
La masse d'une musaraigne varie de six à quatorze grammes environ. Elle mesure moins de dix centimètres (hors queue, d'au moins 4 cm)[1].
EnFrance, les naturalistes n'ont décrit qu'une seule espèce de musaraigne jusqu'au milieu duXVIIIe siècle. Historiquement, on appelait « musaraigne » la seule Musaraigne carrelet (Sorex araneus). En 1756, est identifiée une Musaraigne d'eau (Neomys fodiens). Puis le nom s'est étendu aux représentants dugenreSorex, qui regroupe les musaraignes « vraies ». De nos jours, ce mot désigne de nombreuses espèces la plupartexotiques[pas clair].
Globalement, les musaraignes sont classées dans lasous-famille desSoricinae, ou du moins dans lafamille desSoricidés, mais certains membres de ce dernier groupe sont appelés aussimusettes,crocidures,nectogales ou encorecrossopes. En revanche, quelques musaraignesmalgaches font partie du genreMicrogale, genre classé dans la famille desTenrecidés et lesMusaraignes-taupes font partie de la famille desTalpidés. LesMusaraignes à trompe sont classées dans unordre à part : lesMacroscelidés.
Outre leur mauvaise réputation, globalement infondée, les musaraignes ont fait l'objet de cultes antiques et sont présentes culturellement sous différents aspects.
Le terme provient demusaraneus, enlatin (mus-araneus, signifiant littéralement "souris-araignée"). Cet animal ressemblant à une souris doit, semble-t-il, son surnom à la croyance longtemps répandue que sa morsure étaitvenimeuse, comme celle de l'araignée[2],[3].
Le mot « musaraigne » remonte à 1552[4]. Auparavant on trouve mention des nomsmerisengne[5] oumesiraigne[6],[3].
En 1606,Jean Nicot dans leThresor de la langue françoyse tant ancienne que moderne associe clairement musaraigne à la seule espèceMus araneus (syn. actuelSorex araneus)[7].
Les naturalistes n'ont décrit qu'une seule espèce de musaraigne jusqu'en 1756, date à laquelleDaubenton identifie une musaraigne d'eau et en fait la description à L'Académie Royale de Sciences[8].
En 1762, leDictionnaire de L'Académie française,4e édition, associe le mot à deux espèces, celle des écuries et des basses-cours et « une autre espèce de musaraigne » amphibie. Un début de distinction entre les musaraignes terrestres et les musaraignes aquatiques. En 1832-1835, la6e édition ne fait plus de lien avec une espèce précise mais plutôt avec l'aspect extérieur de l'animal : son museau pointu distingue la musaraigne de la souris, mais la8e édition de 1932-1935 fait la distinction par ses mœurs de « mammifère carnassier, insectivore »[7].
D'aprèsÉmile Littré, auteur duDictionnaire de la Langue Française, laMusaraigne est définie ainsi[9]:
« Nom d'un genre de mammifères carnassiers insectivores, où l'on distingue la musaraigne commune, dite vulgairement musaraigne, musette, et au masculin, muset, sorex araneus, Linné ; musaraigne d'eau, sorex fodiens, Gmelin.
Étymologie, Lat. musaraneus, de mus, rat (comparez l'all. Maus, souris, et le sanscr. mush, dérober), et aranea, araignée ; wallon, miserette ; norm. mesirette ou miserette. »
À la fin duXXe siècle, leTrésor de la Langue Française (1971-1994) n'associe également plus aucuntaxon au mot musaraigne mais il ajoute à tous les caractères précédents « odeur forte», « mœurs nocturnes », « presque aveugle » et « habitant des trous... »[3].
Enanglais, la musaraigne se ditshrew mais ce terme ne recouvre pas exactement les mêmestaxons que ceux nommés ainsi en français.



Liste alphabétique denoms vernaculaires attestés[10] en français.
Note : certaines espèces ont plusieurs noms et, les classifications évoluant encore, certains noms scientifiques ont peut-être un autre synonyme valide. En gras, l'espèce la plus connue des francophones.
Comme nom d'un groupe d'espèces :
| Nom vernaculaire | Dénomination scientifique |
|---|---|
| Musaraigne | Soricidae sp. (le plus souvent)[11] |
| Musaraignes | Sorex etSuncus sp.[12] ouSoricidae sp.[13] |
| Musaraignes d'Amérique | Blarina sp.[12] |
| Musaraignes à dents blanches | Crocidura sp.[12] et tous lesCrocidurinae |
| Musaraignes à dents rouges | Soricinae sp.[13] et les espèces africaines :Myosoricinae sp. |
| Musaraignes du désert | Notiosorex sp.[12] |
| Musaraignes pygmées | |
| Musaraignes-taupes | Uropsilus sp.[12] |
| Musaraignes à trompe | Macroscelididae sp.[13] |
| Petites musaraignes à queue courte | Cryptotis sp.[12] |
Le nom de « Musaraignes arboricoles » a été donné autrefois, sans doute à la suite d'une observation un peu rapide, aux espèces du genreTupaia qui ne sont pourtant pas des insectivores et présentent une longue queue touffue[16].
EnFrance on peut rencontrer les espèces suivantes (présentées sous forme de tableau triable)[4] :
| Nom vernaculaire | Dénomination scientifique |
|---|---|
| Musaraigne alpine | Sorex alpinus |
| Musaraigne aquatique | Neomys fodiens |
| Musaraigne bicolore | Crocidura leucodon |
| Musaraigne carrelet | Sorex araneus |
| Musaraigne couronnée | Sorex coronatus |
| Musaraigne étrusque | Suncus etruscus |
| Musaraigne des jardins | Crocidura suaveolens |
| Musaraigne de Miller | Neomys anomalus |
| Musaraigne musette | Crocidura russula |
| Musaraigne pygmée | Sorex minutus |
| Musaraigne du Valais | Sorex antinorii |

Les caractéristiques générales des musaraignes sont celles des petitsmammifèresinsectivores, avec des nuances pour chaque espèce : voir les articles détaillés pour plus d'informations sur leur comportement ou leur physiologie respective.
Les musaraignes ont un aspect assez proche dessouris avec leur pelage court, leurs pattes et leur queue presque nues. Elles se distinguent des souris par des yeux et des oreilles plus petits mais aussi et surtout par leur museau beaucoup plus pointu, mobile et doté de multiplesvibrisses. Il leur sert à fouiller le sol ou la vase à la recherche des proies vivantes dont elles se nourrissent, qu'elles dénichent en se fiant surtout à leurodorat. Certaines sont capables de repérer ainsi unver de terre à 12 cm de profondeur ou unacarien minuscule. Contrairement auxrongeurs, leur denture est définitive et s'use avec l'âge[17].
Les mœurs des musaraignes sont également différentes. Elles chassent et s'activent en permanence, plus intensément encore la nuit. En cas de pénurie de nourriture ou de froid elles entrent en état de torpeur, un stade proche de l'hibernation mais alterné avec des périodes d'activité. Ce sont des proies faciles qui ont un cycle de vie très court et peu d'espèces atteignent plus de deux ans. Ces animaux perpétuellementstressés peuvent périr de peur : un excès d'hormones les empoisonne[17].
Mais il existe de grandes différences entre les espèces appelées musaraignes : certaines sont aquatiques, d'autres terrestres. Certaines ont les dents rouges, imprégnées defer, d'autres les ont blanches. Certaines sont minuscules :Suncus etruscus est le mammifère terrestre le plus léger au monde et pèse 2,5 grammes,Neomys anomalus est le plus petit des mammifères d’eau douce, mais d'autres sont beaucoup plus grandes :Blarina brevicauda pèse jusqu'à 28 g, soit environ dix fois plus.
Elle se répartissent un peu partout : montagnes, déserts, cours d'eau et jusque dans les jardins et les dépendances où elles éliminent un grand nombre d'insectes, vermisseaux, larves et autres petites proies vivantes[17].
Des adaptations parfois uniques chez les mammifères ont été découvertes chez les musaraignes : certaines modifications physiologiques permettent à certaines espèces de survivre à des conditions de vie difficiles et d'occuper des niches écologiques particulières.
Les musaraignes ont eu très longtemps mauvaise réputation.
Comme l'indique l'étymologie de leur nom qui remonte au moins auMoyen Âge, on accuse depuis fort longtemps les musaraignes d'avoir une morsure venimeuse comme celle de l'araignée[3]. On trouve cela chezAristote, dans sonHistoire des animaux, livre VIII, chapitre 24 :
« La morsure de la musaraigne est dangereuse pour tous les animaux d'attelage, car il se produit des pustules ; mais la morsure est encore plus dangereuse si la musaraigne qui mord est en état de gestation. Car les pustules coulent, sinon elles ne coulent pas[21]. »
En réalité seules quelques très rares espèces ont unesalive toxique : laGrande musaraigne (Blarina brevicauda) que l'on rencontre surtout auCanada et plus localement auxÉtats-Unis et deuxmusaraignes aquatiques (Neomys)[17]. En principe elles sont toxiques pour d'autres petits animaux mais trop petites pour être vraiment dangereuses pour l'homme ou du bétail. On peut dire qu'enEurope, il n'y a aucun danger si l'on croise une musaraigne qui vit loin d'un cours d'eau. Toutefois, comme tous les animaux sauvages, la morsure de n'importe quelle musaraigne peut être un vecteur de germes si elle est négligée.
LaMusaraigne carrelet (Sorex araneus) a beaucoup souffert de ces préjugés. On l'accusait d'avoir du venin. Pour preuve : les chats la tuent mais ne la consomment pas. On pensait que sa morsure était dangereuse pour le bétail et les chevaux en particulier. Cette réputation la poursuit et on a longtemps cherché à éliminer cette musaraigne commune, malgré des démentis officiels, dès leXVIIIe siècle[7]. Dans leur encyclopédie,Diderot etd'Alembert expliquent bien que les chevaux souffrent d'une sorte d'« enthrax » (sans doute unanthrax) et non d'une piqûre de musaraigne[8].
Des remèdes traditionnels conseillent l'application demiel ou d'ail contre la « piqûre » de ces animaux.Pline l'Ancien cite unantidote traditionnel à la morsure de musaraigne : « l'application de la terre de l'ornière où elle a été écrasée »[22].
LesÉgyptiens vénéraient déjà la musaraigne et en ont enterré àBouto. Ils l'associaient, avec lefaucon, au dieuHorus Khenty-irty mais les anciens en font aussi l’animal deOuadjet. Elle était adorée par les habitants d'Athribis. On vouait un culte à cet animal comme symbole du chaos d'où tout est né, parce qu'elle passe pour être aveugle à cause de ses yeux minuscules. Elle désigne pour lesmétaphysiciens l'incompréhensibilité du premier principe[23],[24],[25],[26].
Dans la vallée deKatmandou, une variation iconographique deGanesha donne pour monture à ce dieu une musaraigne et non unrat. Cette distinction est antérieure auXVIIIe siècle, début de l’occupation de la vallée de Katmandou par la dynastieShah. Elle sert de marqueur ethnique subtil, de test de tradition, permettant auxNewars de se reconnaître entre eux malgré l'intégration dans la culture dominante delangue népalaise[27].
On dit de quelqu'un qui a un nez pointu qu'il a un « nez de musaraigne »[3].
La musaraigne est aussi associée à la femme ou à la jeune fille, soit commemétaphore de leur charme menu, soit pour leur prêter des principes étroits, une petitesse de sentiments et d'économie[3]. Les Anglais associent la musaraigne à une femme acariâtre.William Shakespeare a d'ailleurs immortalisé cette métaphore dans sa célèbre pièceThe Taming of the Shrew, littéralementl'apprivoisement de la musaraigne (titre en français :La Mégère apprivoisée)[17].